C. LA PROBLÉMATIQUE DE NOUVELLES RESSOURCES PROPRES CONSTITUE DÉSORMAIS UN SERPENT DE MER DU BUDGET EUROPÉEN

Dans le contexte de la crise sanitaire et économique, le Conseil de l'Union européenne a approuvé le 17 décembre 2020 la mise en oeuvre d'un plan de relance de 750 milliards d'euros regroupant :

- un abondement de dispositifs déjà existants dans le cadre du CFP 2021-2027 (pour environ 15 milliards d'euros) ;

- la création de nouveaux instruments dans le cadre du CFP (pour environ 60 milliards d'euros) ;

- la mise en oeuvre d'une Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) entièrement financée par le recours à l'emprunt et composée d'une enveloppe de subventions (à hauteur de 312,5 milliards d'euros) ainsi que de prêts aux États-membres (360 milliards d'euros).

Au titre du volet subvention de la FRR, la France - qui n'a pas demandé à bénéficier d'un prêt - devrait recevoir près de 40 milliards d'euros dont le versement est étalé entre 2021 et 2026.

Le rapporteur spécial rappelle que le remboursement des emprunts contractés par la Commission européenne pour le financement de la FRR est appelé à reposer sur la création de nouvelles ressources propres, tel que cela ressort de la décision du Conseil du 14 décembre 2020.

À cet égard, la Commission européenne a identifié trois nouvelles potentielles ressources qu'elle a présentées le 22 décembre 2021 :

une recette tirée du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) ;

- une ressource tirée d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ;

- une recette tirée des bénéfices résiduels des entreprises multinationales, en application du « Pilier I » de l'accord multilatéral de l'OCDE/G20 sur la fiscalité internationale.

Compte tenu des besoins de financement croissant du budget européen, la Commission a présenté le 20 juin 2023 une proposition relative à une nouvelle génération de ressources propres, qui prévoit :

- de conserver la ressource tirée du système d'échange de quotas d'émission (SEQE) en affectant davantage de recette au budget européen à compter de 2028 ;

- d'adapter la ressource fondée sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) ;

- de conserver le projet d'une ressource fondée sur le « Pilier I » de l'accord multilatéral de l'OCDE/G20 sur la fiscalité internationale ;

- d'adopter une nouvelle ressource propre statistique qui serait temporaire et fondée sur l'excédent brut des entreprises.

À ce jour, les discussions autour de ces propositions suivent toujours leur cours. L'introduction de ces nouvelles ressources propres nécessite en effet d'une part un accord sur la législation propre à chacune des ressources envisagées et d'autre part la révision de la décision « ressources propres », qui doit être approuvée à l'unanimité et ratifiée dans tous les États membres selon leur procédure nationale. Seules deux propositions législatives (respectivement pour le MACF et le système ETS-EU) ont donné lieu à un accord entre le Conseil et le Parlement au mois de décembre 2022. Les discussions sur la proposition de révision de la décision ressources propres et de ses règlements d'application ont débuté au premier semestre 2022 sous la présidence française, sans aboutir à ce stade.

Le rapporteur spécial rappelle l'importance de voir ces projets se concrétiser puisqu'en cas contraire, le financement de la FRR devrait reposer sur un relèvement de la contribution des États-membres et, par suite, du PSR-UE. Cette potentielle sur-contribution est évaluée à environ 2,5 milliards d'euros par an à compter de 2028. Ce risque financier est inscrit depuis 2021 dans le compte général de l'État à raison d'un plafond d'engagement de l'État pour un montant maximal théorique de 75 milliards d'euros.

Deux points d'attention méritent néanmoins d'être soulignés.

En premier lieu, il est probable que les recettes tirées de ces nouvelles ressources ne permettront pas de couvrir les besoins de financement du remboursement du plan de relance et de ses intérêts, d'une part, et du Fond social pour le climat, d'autre part. La Commission évalue les recettes potentielles de ces nouvelles ressources à environ 24 milliards d'euros par an sur la période 2024-2027 et à 36,5 milliards à partir de 2028. Or, selon les estimations de la Cour des comptes européenne5(*), le seul remboursement du principal de Next Generation EU devrait représenter 15 milliards d'euros par an sur 2028-2056, sans compter le paiement des intérêts dont la Commission n'a jamais fourni d'estimation chiffrée. À cela s'ajoute les 10 milliards d'euros de remboursement annuel du Fonds social pour le climat.

En second lieu, force est de constater que la mise en oeuvre des premières propositions de ressources propres ne s'est pas illustrée par sa célérité. Le rapporteur spécial demeure par conséquent prudent quant aux délais d'entrée en vigueur des nouvelles ressources avancées par la Commission européenne.


* 5 Opinion 04/2023 concerning the Commission's amended proposal for a Council Regulation on the methods and procedure for making available own resources based on the Emission Trading System, the Carbon Border Adjustment Mechanism, reallocated profits and the statistical own resource based on company profits and on the measures to meet cash requirements COM/2023/333, 2022/0071 (NLE).

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