II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le niveau de recours au Pass'sport s'améliore, mais reste nettement en-deçà des objectifs

Le Pass'sport a été mis en place par le décret n° 2021-1171 du 10 septembre 2021, et il se traduit par une aide à la prise d'une licence sportive de 50 euros. Contrairement au Pass culture, le Pass'sport est un dispositif ciblé : il s'adresse aux enfants entre 6 à 17 ans, qui bénéficient alternativement de l'allocation de rentrée scolaire ou de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ainsi qu'aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés jusqu'à 30 ans2(*). Le décret du 2 août 2022 relatif au « Pass'sport » l'a étendu aux étudiants boursiers.

Un nouvel élargissement a été mis en oeuvre par un décret du 8 août 2023 : les structures relevant des loisirs sportifs marchands, les associations bénéficiant d'un agrément de jeunesse et d'éducation populaire, ainsi que l'ensemble des associations sportives agréées par le ministre en charge des sports sont désormais éligibles au Pass'sport.

En 2023, le recours au Pass'sport a progressé par rapport à l'année précédente : 1,32 million de jeunes en ont bénéficié, contre 1,2 millions en 2022. Cette amélioration se traduit dans les chiffres de l'exécution : 70,4 millions d'euros ont été consommés en 2023 contre 60,4 millions d'euros en 2022. Ces résultats demeurent cependant inférieurs à la cible de 1,8 millions qui a été retenue, et le taux d'exécution du Pass'sport (45,3 % en 2022, et 58,3 % en 2023) est encore loin d'être satisfaisant.

Consommation des crédits du Pass'sport entre 2021 et 2023

 

Loi de finances initiale

Reports de crédits

Exécution

Taux d'exécution

(Ensemble des crédits ouverts)

2021

100

-

45,8

45,8 %

2022

100

33,4

60,4

45,3 %

2023

100

27

70,4

58,3 %

Source : commission des finances

Les étudiants boursiers sont peu nombreux à avoir eu recours au dispositif (on compte 33 000 bénéficiaires en 2023, alors que leur nombre total est estimé à 800 000), et le nombre d'associations partenaires n'a augmenté que de 6,28 % par rapport à 2022, ce qui est inférieur au rythme attendu.

Pour identifier les causes du non-recours3(*), une évaluation du dispositif a été menée, associant la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) et le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS). Il ressort de cette évaluation qu'un tiers des non-recours sont motivés par des difficultés financières. Il est également précisé que les étudiants boursiers ont peu bénéficié du dispositif en raison de l'envoi tardif de leur code.

Le reste à charge des familles est encore relativement élevé. Pour les trois quarts des familles, il est supérieur à 50 euros par an. Il pourrait ainsi être engagé une réflexion sur un recentrage du dispositif sur les ménages aux revenus les plus modestes, afin d'améliorer le taux de subvention.

2. Le budget de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques a été maîtrisé

La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) avait affirmé à plusieurs reprises que la crise sanitaire, puis la crise énergétique n'avaient pas causé de retard significatif dans la préparation des infrastructures prévues pour l'accueil des Olympiades de 2024. Les ouvrages olympiques ont bien été livrés dans les temps.

La contrainte budgétaire a également été respectée. La Cour des comptes relève qu'en euros constants de 2016, le budget de la Solidéo n'a progressé que de 1,8 % depuis la maquette originelle : le budget était de 1,378 milliard d'euros, et il est désormais à 1,407 milliard d'euros. De plus, cette progression s'explique principalement par l'intégration de nouveaux ouvrages dans la maquette de la Solidéo4(*). Le rapporteur salue la qualité de la gestion de la Solidéo, qui a été fondamentale pour la bonne préparation des Jeux olympiques et paralympiques.

Le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) a quant à lui bénéficié d'une ouverture de crédits de 44,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, qui explique quasi-intégralement la différence entre la prévision et l'exécution du programme 350 sur l'exercice 2023.

Cette hausse de la contribution de l'État a pour fonction d'intégrer la révision du budget du COJOP votée en 2022. Celui-ci avait en effet été révisé à la hausse de 3,98 milliards à 4,38 milliards d'euros5(*). Cette révision avait vocation à prendre en compte pour moitié l'inflation, et pour une l'autre moitié la hausse prévisionnelle de certaines dépenses, dont celles relatives à la cérémonie d'ouverture et à la sécurisation des Jeux.

3. Le service civique doit faire l'objet d'un soutien durable, à l'opposé d'une politique de « stop and go »

L'objectif pour 2023 est que 150 000 jeunes réalisent un service civique. Cette cible devrait être quasiment atteinte : il est prévu que d'ici la fin de l'année, 149 000 jeunes aient accompli un service civique. Le nombre de volontaires est proche de celui constaté les années précédente (144 000 en 2022, et 145 000 en 2021), ce qui montre un maintien du dynamisme du service civique, mais qui interroge sur les objectifs retenus les années précédentes.

Nombre de jeunes réalisant un service civique

 

2019

2020

2021

2022

2023

Cible initiale du nombre de volontaires

150 000

145 000

245 000

220 000

150 000

Cible ajustée

-

165 000

200 000

159 000

-

Réalisation

140 000

140 000

145 000

144 000

149 000

Taux de réalisation (cible initiale)

93 %

90 %

59 %

65 %

99 %

Source : commission des finances, d'après la note exécution budgétaire de la Cour des comptes de l'exercice 2023 sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative »

En effet, les objectifs du service civique en 2021 et en 2022 étaient ambitieux : il s'agissait de permettre à 245 000 jeunes la première année, puis à 220 000 jeunes la seconde année, d'effectuer une mission de service civique. Pour l'atteindre, 363 millions d'euros ont été inscrits en loi de finances initiale au titre du plan de relance (programme 364 « Cohésion »), et 498,8 millions ont été ouverts dans le programme 163 « Jeunesse et vie associative », pour un total de 861,8 millions d'euros.

Cependant, malgré ces moyens supplémentaires, le nombre de jeunes ayant effectué des missions de service civique n'a pas fondamentalement évolué entre 2019 et 2023. Dans le rapport rattaché au projet de loi de règlement de 2022, le rapporteur spécial soulignait que l'absence d'atteinte des objectifs ne pouvait pas s'expliquer entièrement par la crise sanitaire, mais que le service civique avait peut-être « atteint un plafond » en l'état de l'organisation actuelle du dispositif.

La proximité des chiffres du nombre de jeunes ayant réalisé un service civique sur la période considérée, ainsi que l'augmentation importante de la trésorerie de l'Agence du service civique6(*) confirment ce constat.

En effet, le développement du service civique suppose la création de nouvelles missions par les organismes d'accueil, ce qui ne peut se faire que si ceux-ci ont la garantie que le service civique continuera à faire l'objet d'un soutien. Son financement par le plan de relance, qui a été conçu pour ne durer que deux ans, ne pouvaient donc pas donner une visibilité suffisante aux acteurs de cette politique. Pour cette raison, la création de missions nouvelles n'a pas été à la hauteur des moyens qui y ont été placés.

Le fonctionnement du service civique n'est donc pas adapté à une politique de « stop and go », mais doit faire l'objet d'un soutien durable. Une réflexion devrait être également menée sur le montant de l'indemnité des volontaires du service civique, qui est aujourd'hui trop faible pour que celui-ci soit vraiment attractif, notamment pour les jeunes issus de milieux modestes.

Ce soutien ne doit d'ailleurs pas être seulement financier, mais également politique.

En termes de communication, le service national universel a en effet tendance à éclipser le service civique, alors que le Président de la République avait pris l'engagement de « poursuivre la généralisation du Service Civique qui permet à nos jeunes de compléter leur formation par un engagement citoyen reconnu, l'acquisition de compétences, ce qui là aussi vient compléter et renforcer la résilience de la Nation »7(*). Une trajectoire de montée en puissance du service civique gagnerait ainsi à être définie.

4. Le service national universel : une formule de généralisation qui n'a pas été trouvée

En 2023, sur une cible de 64 000 jeunes, 40 135 ont effectivement participé au séjour de cohésion, ce qui représente seulement 62,7 % de l'objectif. En conséquence, l'action du programme 163 consacrée au service national universel a connu une sous-exécution de 43,8 millions d'euros par rapport à une prévision de 140 millions d'euros, ce qui correspond à un taux d'exécution de 69 %. Le taux d'exécution est similaire à celui constaté en 2022 (68,3 %), qui était lui-même proche de celui de 2021 (64,1 %).

Déroulement de l'expérimentation du service national universel

Année

Loi de finances initiale

Exécution

Taux d'exécution / taux de réalisation

Exécution des crédits par rapport aux prévisions (en millions d'euros et en %)

2020

30,0

0

-

2021

62,2

39,9

64,1 %

2022

110,1

75,2

68,3 %

2023

140

96,3

69 %

Nombre de jeunes ayant réalisés le séjour de cohésion par rapport aux objectifs
(en nombre de jeunes et en %)

2020

20 000

88

-

2021

25 000

14 653

58,6 %

2022

50 000

32 212

64,4 %

2023

64 000

40 135

62,7 %

Note : en 2020, la crise sanitaire a conduit à l'annulation du séjour de cohésion sur le territoire métropolitain. 88 volontaires ont pu en revanche faire leur séjour de cohésion en Nouvelle-Calédonie.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En 2023, le coût du SNU par jeune s'est élevé à 2 400 euros, ce qui représente une augmentation à la fois par rapport aux prévisions de la loi de finances (2 187,5 euros par jeune) et par rapport au résultat de l'exercice précédent (2 333,5 euros par jeune). Dans l'hypothèse d'une généralisation à l'ensemble d'une classe d'âge (850 000 jeunes, selon le nombre retenu par le Gouvernement), le coût du SNU atteindrait ainsi 2,04 milliards d'euros.

Or, ce dernier chiffre est possiblement sous-estimé. Comme l'a souligné le rapporteur spécial dans son rapport sur le service national universel, les chiffres de l'expérimentation du SNU durant la phase expérimentale ne sont pas représentatifs de son coût une fois généralisé. Il existe un gouffre financier, logique et en termes d'encadrement entre un service national universel qui réunit environ 32 000 jeunes sur un an, et le même dispositif qui en réunit 850 000.

La généralisation du service national universel à l'ensemble d'une classe d'âge peut, certes, amener à des économies d'échelle, mais par d'autres aspects elle peut conduire à un renchérissement des coûts.

En effet, par exemple, la logistique requise pour acheminer l'ensemble d'une classe d'âge dans des centres de cohésion tout au long de l'année est sans commune mesure avec celle qui est actuellement mise en oeuvre dans la phase expérimentale du service national universel.

De plus, les centres d'hébergement disponibles risquent de devenir de plus en plus chers à mesure qu'il devient difficile de trouver des centres d'une taille suffisante pour accueillir un séjour de cohésion. Or, les grands centres sont déjà en nombre limité, et l'hébergement et la restauration sont déjà le premier poste de dépenses du séjour de cohésion.

Enfin, ces chiffrages ne prennent en compte que les coûts de fonctionnement à l'année du service national universel, et non pas les dépenses d'investissement nécessaires pour aboutir à sa généralisation. Or, si le séjour de cohésion devait être généralisé, la rénovation de centres d'hébergement sera indispensable.

Pour ces raisons, le rapporteur spécial a affirmé dans son rapport d'information8(*) que l'estimation réalisée par le rapport des inspections générales remis au Premier ministre au printemps 2018, qui chiffrait le coût par an du SNU généralisé à l'ensemble d'une classe de 2,4 à 3,1 milliards d'euros par an, semblent proche du coût réel du dispositif9(*).

Ainsi, au regard des incertitudes pesant sur ces coûts, et des difficultés matérielles rencontrées lors de l'expérimentation, à la fois en termes de recrutement d'encadrants et d'hébergements disponibles, le rapporteur spécial avait recommandé de surseoir à la généralisation du service national universel.

Le jeudi 15 juin 2023, la Secrétaire d'État chargée du service national universel, Sarah El Haïry, a annoncé que le service national universel se tiendra sur le temps scolaire, à partir de la rentrée 2024, et qu'il sera encore organisé sur la base du volontariat. L'organisation du SNU sur le temps scolaire, et non plus seulement durant la période des vacances, est susceptible d'avoir une influence importante sur les paramètres du dispositif. Le rapporteur spécial sera donc attentif, lors de l'examen de l'exécution des crédits en 2024, aux conséquences de cette nouvelle organisation sur le service national universel.


* 2 Extension par décret n° 2021-1808 du 23 décembre 2021.

* 3 D'autant que la Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire de l'exercice 2022 « Sport, jeunesse et vie associative », publiée en avril 2023, relève que des améliorations du dispositif ont été mises en place après son déploiement en 2021 : « un mail a remplacé le courrier pour le premier contact des bénéficiaires ; un portail usagers a été mis en place pour la récupération du code ; des améliorations techniques ont été apportées à l'interface de la plateforme pour les demandes de remboursement des clubs et l'ASP a été désignée pour le processus de paiement permettant une simplification du dispositif et une accélération des délais de paiement. Des actions de communication ciblées ont également été réalisées afin de convaincre les primo-pratiquants, et plus particulièrement les jeunes filles et les personnes en situation de handicap. »

* 4 En juillet 2023, le budget de la Solidéo a connu une progression mineure de 5 millions d'euros, pour le financement des voies, itinéraires et parcours olympiques et paralympiques.

* 5 Pour rappel, 97 % des financements du COJOP proviennent d'acteurs privés, ce qui explique pourquoi l'augmentation de l'État est comparativement plus faible.

* 6 Elle est passée de 69,4 millions d'euros à la fin de l'année 2020 à 243,1 millions d'euros à la fin de l'année 2021.

* 7 Conférence de presse du 17 mars 2022.

* 8 « Le service national universel : la généralisation introuvable », Éric Jeansannetas, mars 2023 : Le service national universel : la généralisation introuvable - Sénat (senat.fr).

* 9 Rapport et chiffres cité dans le rapport de la Cour des comptes sur « La formation à la citoyenneté » d'octobre 2021, page 71.

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