C. L'AMPLEUR ET LE NOMBRE DE CONTENTIEUX MÉDICAUX FONT PESER UN RISQUE SUR LES DÉPENSES DU PROGRAMME 204

Le programme 204 sert également à l'indemnisation des victimes de contentieux médicaux. Les dépenses en ce sens se sont élevées à 35,51 millions d'euros en AE et en CP, dont 22,76 millions d'euros pour les indemnisations liées au contentieux « Dépakine ». Ces dépenses sont en baisse de 73 % par rapport à 2022, quand elles s'élevaient à 83,2 millions d'euros, dont 56,7 millions d'euros des victimes de l'affaire dite du « Médiator ».

L'indemnisation des victimes de contentieux médicaux est source de risques budgétaires sur le programme 204. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel a ainsi relevé le risque budgétaire induit par la dynamique des dépenses d'indemnisation des victimes de la Dépakine, l'impact financier des contentieux opposant l'État à Sanofi demeurant une source d'incertitude. Par ailleurs, une nouvelle mission d'indemnisation des conséquences dommageables d'une vaccination contre la Covid- 19 a été confiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Alors qu'aucune demande ne lui était parvenue en 2022, un dossier estimé à plus d'1 million d'euros lui a été présenté en 2023.

D. LES PROGRAMMES DE LA MISSION « SANTÉ » NE PERMETTENT PAS DE RÉPONDRE AUX ATTENTES DU SÉNAT SUR CETTE MISSION

Le programme 378 a été créé à l'initiative du Sénat pour lancer, dès l'automne 2022, le chantier de la mise en place d'une carte vitale biométrique afin de lutter plus efficacement contre la fraude aux prestations sociales, les 20 millions d'euros en AE et en CP qui y ont été alloués s'ajoutant au financement déjà existant par la Sécurité sociale. Toutefois, les crédits ouverts en LFR pour 2022 n'ont été exécutés qu'à hauteur de 4,3 millions d'euros.

Lors de l'examen du PLF 2023, le texte initial ne comprenait plus le programme 378. Réintroduit par le Sénat13(*) contre l'avis du Gouvernement, qui s'y était opposé en indiquant qu'une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) était en cours et qu'il serait possible, le cas échéant, d'« utiliser les crédits ouverts en 2022 », il n'a pas été retenu lors de l'engagement de la responsabilité de la Première ministre en vertu de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution en lecture définitive.

Depuis, un rapport des inspections générales des finances et des affaires sociales a recommandé de ne pas développer la Carte Vitale biométrique, jugée trop onéreuse et difficile à mettre en oeuvre. Pour autant, il apparaît nécessaire de poursuivre les efforts de lutte contre la fraude, le cas échéant en soutenant des alternatives. Il est regrettable qu'aucun programme de la mission « Santé » ne tienne véritablement compte de cette ambition.

Concernant l'aide médicale d'État, comme mentionné plus haut, la transformation en une aide médicale d'urgence (AMU), comparable aux autres dispositifs existant en Europe, est souhaitable notamment pour éviter toute fraude. Plusieurs amendements ont été adoptés par le Sénat en ce sens, souvent à l'initiative de sa commission des finances. Il comporte en outre une disposition prévoyant le rétablissement d'un « droit d'entrée » afin de bénéficier de l'AME, qui avait été adopté dans la loi de finances pour 2011 et abrogé en 2012. Ce dispositif pourrait engendrer jusqu'à 410 millions d'euros d'économies, et a été proposé par amendement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 202414(*). Le rapporteur sera particulièrement attentif à une éventuelle réforme de l'AME, et préférerait que cette réforme soit conduite par la voie législative.

Enfin, le rapporteur spécial s'interroge sur l'opportunité d'avoir intégré le programme 379 à la mission « Santé ». Ce programme visait la compensation à la Sécurité sociale des dons de vaccins à des pays tiers, ainsi que le financement du « Ségur investissement ». Le financement par des crédits budgétaires apparaît plus pertinent que l'affectation à la Sécurité sociale d'une fraction de TVA - option qui avait été précédemment retenue. Néanmoins, il aurait été plus adéquat d'intégrer les crédits du programme 379 à la mission « Plan de relance » pour les crédits « Ségur », et à la mission « Aide publique au développement » pour les dons de vaccins aux pays tiers, plutôt qu'à la mission « Santé ». En l'état, le programme 379, qui ne concourt pas directement à la politique de santé publique, nuit à la lisibilité de la loi de finances.


* 13 Amendement n° II-212 rect., adopté par le Sénat lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022.

* 14 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

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