II. LES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (MME VANINA PAOLI-GAGIN, RAPPORTEUR SPÉCIAL)

Le périmètre « Enseignement supérieur » de la mission regroupe les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante ».

Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » ont poursuivi en 2023 la trajectoire haussière exécutée au cours des années précédentes, conformément à la LPR.

Ces deux programmes représentaient au total, en 2023, 18,06 milliards d'euros en AE et 18,1 milliards d'euros de CP, soit une progression de 4,3 % (+ 940 millions d'euros) par rapport à 2022, année où les crédits avaient déjà augmenté de 2,3 %. En quatre ans, entre 2020 et 2023, les crédits exécutés des programmes « Enseignement supérieur » ont augmenté d'1,42 milliard d'euros.

Évolution des crédits des programmes relatifs à l'enseignement supérieur

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cette hausse est quasiment intégralement concentrée sur le programme 150, dont les crédits ont augmenté de 5 % en AE et de 5,7 % en CP par rapport à 2022, pour atteindre 15 milliards d'euros en AE et en CP.

Il est à noter que cette hausse devrait en outre se prolonger en 2024. Selon les crédits votés en loi de finances initiale, ces deux programmes représenteraient en 2024 au total 18,5 milliards d'euros de CP, soit une progression de 2,6 % (+ 469 millions d'euros) par rapport à 20232(*).

Les crédits ont peu évolué par rapport aux crédits ouverts lors de l'exécution budgétaire. Ainsi, si les programmes 150 et 231 ont fait l'objet d'ouvertures de crédits en loi de finances rectificative3(*) à hauteur de 116 millions d'euros, en complément de 238 millions d'euros de crédits reportés sur 2023, le montant total exécuté en 2023 n'est supérieur que de 100 millions d'euros aux crédits ouverts en LFI du fait notamment d'un report de crédits de 2023 sur 2024 à hauteur de 100 millions d'euros.

Mouvements de crédits de paiement lors de l'exécution en 2023 des crédits
des programmes 150 et 231 en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

A. LE PROGRAMME 150 : UN RENFORCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PAR LA LPR

1. Des moyens conséquents au titre de la loi de programmation

La trajectoire adoptée dans le cadre de la loi de programmation pour la recherche prévoyait, pour 2023, une hausse de 143 millions d'euros du budget du programme 150 par rapport à l'année 2022. La LFI 2023 respectait cet engagement.

Au total, sur la période 2021-2023, 425 millions d'euros auront été ouverts sur le programme 150 au titre de la LPR. Une part de ces moyens nouveaux est fléchée sur les revalorisations des chercheurs et le recrutement d'emplois supplémentaires (chaires de professeurs juniors notamment).

Somme des crédits accordés au programme 150 au titre de la LPR
sur la période 2021-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

2. Une nécessaire prudence face au mouvement continu de renforcement de l'autonomie des universités du fait de la faiblesse des montants contractualisés avec l'État

En LFI pour 2023, 35 millions d'euros étaient prévus pour la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP) avec certaines universités. Ces contrats devraient à terme être généralisés en trois vagues en se substituant au dialogue stratégique et de gestion, pour un financement total de 300 millions d'euros environ lorsque tous les établissements seront concernés.

La première vague des COMP a concerné 17 contrats pour 34 établissements, pour une allocation prévisionnelle de plus de 110 millions d'euros sur trois ans. Ce montant correspond à une augmentation de la subvention pour charge de service public comprise entre 0,72 % et 1 % selon les établissements. Les COMP visent quatre objectifs de politiques publiques (adaptation de l'offre de formation, recherche, transition écologique pour un développement soutenable et bien-être et réussite des étudiants) ainsi que le renforcement des fonctions de pilotage.

L'idée semble être intéressante et va dans le sens d'une meilleure prise en compte de la performance des universités tout en reconnaissant leur autonomie. Les universités en accueillent favorablement le principe. Cependant, il souligne d'ores et déjà deux potentielles limites du dispositif.

D'une part, il faut souligner que, si les COMP engagent des montants supérieurs à ceux des derniers dialogues stratégiques de gestion, les sommes concernées demeurent loin d'être substantielles à l'échelle du programme 150.

Il est en outre nécessaire de définir en amont des indicateurs efficaces. Sans amélioration du suivi et du pilotage et sans système d'information à la hauteur, il est à craindre que ce dispositif ne puisse réellement être utile et ne reproduise les lacunes des années passées.

Les COMP sont en outre appelés à prendre une nouvelle ampleur avec « l'acte II de l'autonomie » annoncé par le Président de la République lors de son discours du 7 décembre 2023 sur l'avenir de la recherche. La ministre de l'enseignement supérieur a indiqué avoir choisi de lancer une expérimentation au sein de neuf établissements. Ces établissements pilotes devront signer un avenant à leur COMP.

Le rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur mène actuellement des travaux de contrôle sur la performance de la commande publique dans les universités. Alors que la commande publique représente plus de 10 milliards d'euros annuels de dépenses publiques pour les seules universités, il faut revoir en profondeur le rôle de l'État dans le contrôle de la performance de l'usage des crédits publics alloués aux universités. Si l'autonomie est plus que jamais souhaitable en matière pédagogique, ces travaux récents ont pu démontrer, faute notamment d'outils informatiques adéquats, la faiblesse du pilotage effectué par le ministère. Il est à craindre que le renforcement de l'autonomie, autre que pédagogique, des universités, face à un État n'ayant pas les moyens de contrôler l'utilisation des crédits qu'il alloue, n'accroisse les lacunes constatées.

Un autre récent rapport de contrôle de la commission des finances sur le bilan de la loi ORE4(*), a mis en avant le besoin d'un déploiement d'un système informatique interopérable entre les rectorats, l'administration centrale et les établissements, qui fait encore défaut. Ce grand chantier informatique, toujours repoussé et qui sera de grande ampleur, tant financière que par sa durée et les changements que cela impliquera pour l'ensemble des établissements, devient néanmoins incontournable. En l'absence d'avancée sur ce plan, il est nécessaire d'inciter à la prudence et au renforcement des moyens de contrôle de l'État.

3. Un niveau de trésorerie des universités qui continue d'augmenter

Au cours de l'année 2023, le résultat des universités est positif de 42 millions d'euros. Celles-ci disposent d'une capacité d'autofinancement de 363 millions d'euros, soit une nette amélioration par rapport aux prévisions pouvant être qualifiées de pessimistes du budget initial 2023 qui présentait une perte de 316 millions d'euros.

L'ensemble de la trésorerie des universités atteint ainsi 4,2 milliards d'euros en 2023, soit une hausse d'environ 10 % et de 380 millions d'euros en deux ans.

Évolution de la trésorerie globale des universités

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Il convient cependant d'analyser plus en détail les capacités des établissements à mobiliser cette trésorerie. Plus des deux-tiers du fonds de roulement brut des universités est en effet préempté par les opérations pluriannuelles d'investissement (1 039 millions d'euros en 2023), les provisions pour risques et charges (y compris dépréciations, 278 millions d'euros), les fonds de roulement des structures autonomes (243 millions d'euros), les emprunts et dettes assimilées (140 millions d'euros), les excédents relatifs à la formation continue (79 millions d'euros) et les créances non provisionnées supérieures à deux ans (38 millions d'euros).

D'après la Cour des comptes5(*), la part de la trésorerie fléchée pour l'ensemble des opérateurs du programme 150 a nettement augmenté sur les années 2020-2023 : la part des ressources non immédiatement mobilisables a augmenté de 30 % en quatre ans. Conséquence également d'une augmentation des charges, en particulier les hausses successives du point d'indice partiellement compensées, la croissance des fonds de roulement (+ 22 % entre 2020 et 2023) ne va pas de pair avec une croissance de la capacité d'autofinancement des établissements d'enseignement supérieur. Au contraire, celle-ci a diminué sur la période de 25 %. Les dettes financières atteignent ainsi un niveau très élevé de 866 millions d'euros pour l'ensemble des opérateurs du programme 150. Il n'en reste pas moins que le fonds de roulement des universités a augmenté de 22 % sur la même période. D'après les documents budgétaires, les charges ont diminué de 460 millions d'euros en exécution par rapport aux prévisions des budgets initiaux 2023.


* 2 Le décret d'annulation du 2 février 2024 a annulé 80 millions d'euros sur le programme 150 et 110 millions d'euros sur le programme 231.

* 3 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 4 Orientation et réussite des étudiants : ouvrir la boîte noire des financements, rapport n° 790 déposé au nom de la commission des finances, juin 2023.

* 5 Analyse de l'exécution budgétaire 2023 sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », Cour des comptes, avril 2024.

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