B. LA REPROGRAMMATION DES CRÉDITS DU PLAN FRANCE 2030 INTERVENUE EN 2023 ILLUSTRE L'INFORMATION INSUFFISANTE DU PARLEMENT SUR L'EXÉCUTION DU PLAN

1. Le Gouvernement a procédé à une reprogrammation à hauteur de 7,4 milliards d'euros des crédits du plan sans associer ni informer le Parlement

Depuis le lancement du plan France 2030, le Gouvernement et le Président de la République ont annoncé une enveloppe de financement totale de 54 milliards d'euros pour le plan France 2030, qui intègre les financements du quatrième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 4). Ces aides sont financées à hauteur de 50 520 millions d'euros par la mission « Investir pour la France de 2030 » et à hauteur de 3 200 millions d'euros par des crédits hors mission, correspondant aux intérêts des dotations non consommables (iDNC) et aux intérêts du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) avant sa budgétisation à partir de l'exercice 2023.

Pour autant, la maquette initiale de répartition des aides entre les 17 objectifs et leviers du plan France 2030 faisait apparaître un montant total de 57 milliards d'euros. Les rapporteurs relèvent que le choix fait de rendre publiques des enveloppes d'aides dont les sommes cumulées dépassaient le montant de financement du plan est discutable dès lors qu'elle ne permettait pas de fournir une information claire et fiable aux porteurs de projets et qu'elle ne permettait pas au Parlement d'adopter les crédits du plan en connaissant précisément la répartition entre les différents objectifs et leviers soutenus.

En octobre 2023, le Gouvernement a organisé une réunion interministérielle sous la présidence de collaborateurs du Président de la République et du Premier ministre pour « résorber la sur-programmation à date de France 2030 ». La nécessité d'organiser cette réunion témoigne des défauts de la méthode. Cette réunion a abouti à une maquette mise à jour comportant de nouveaux montants pour les enveloppes d'aides associées à chaque objectif et levier du plan, dont la somme atteint désormais 53 232 millions d'euros. Pour atteindre ce résultat, la reprogrammation a effectué une réduction de 3 768 millions d'euros répartie entre différents objectifs et leviers.

Reprogrammation des aides du plan France 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Comme ils l'ont rappelé dans leur rapport d'information relatif aux aides à la décarbonation de l'industrie du plan France 20302(*), les rapporteurs spéciaux soulignent qu'il est incompréhensible que la reprogrammation, qui portait sur plus de 3 milliards d'euros, n'ait fait l'objet d'aucune association ni même d'information du Parlement alors même qu'elle a été réalisée parallèlement au débat parlementaire sur le budget pour 2024.

L'absence d'association du Parlement à l'exercice de reprogrammation est à ce titre symptomatique du défaut d'information dont dispose les parlementaires pour suivre et contrôler l'utilisation faite des crédits du plan qui sont exécutés selon une procédure extra-budgétaire.

2. L'information transmise au Parlement sur l'exécution du plan peut être améliorée

Pour tenir compte du cadre extrabudgétaire mis en place depuis le lancement du premier volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 1) en 2010, la loi du 9 mars 20103(*) prévoit une information renforcée du Parlement et en particulier des commissions des finances des deux chambres pour compenser l'importante marge de manoeuvre des opérateurs du programme et la limitation du pouvoir d'intervention du Parlement pour modifier la répartition des crédits.

Si le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) transmet bien un bilan financier à la commission des finances du Sénat, les rapporteurs spéciaux relèvent que le contenu de ces bilans ne permet qu'une information imparfaite sur le déploiement du plan.

En particulier, les informations précises sur la trésorerie fléchée des opérateurs du plan, pourtant prévue par la loi4(*), ne sont pas présentes dans les bilans trimestriels transmis. Les rapporteurs spéciaux relèvent également que ces bilans financiers ont pour objet la remontée d'informations actualisées au Parlement et qu'à ce titre, une transmission quatre mois après la fin du semestre concernée ne permet pas d'atteindre l'objectif poursuivi par le législateur.

Les rapporteurs spéciaux réitèrent à ce titre leur recommandation en application de laquelle la documentation budgétaire relative au plan France 2030 devrait être enrichie, notamment en intégrant chaque année une maquette actualisée des aides prévues par objectifs et leviers accompagnée d'une justification de l'évolution de chaque enveloppe5(*).


* 2 Sénat, commission des finances, 29 mai 2024, n° 640 (2023-2024), Rapport d'information sur les aides à la décarbonation du l'industrie du plan France 2030, au rapport de MM. Laurent Somon et Thomas Dossus.

* 3 Art. 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 4 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, premier alinéa du III.

* 5 Sénat, commission des finances, 29 mai 2024, n° 640 (2023-2024), Rapport d'information sur les aides à la décarbonation du l'industrie du plan France 2030, au rapport de MM. Laurent Somon et Thomas Dossus, recommandation n° 5.

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