B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Face à la hausse des coûts des construction, le programme 348 doit concentrer ses efforts sur les actions les plus efficientes, notamment au plan énergétique

Six ans après le début du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » (anciennement appelé « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants »), l'exercice 2023 a connu l'achèvement, attendu, des premiers chantiers de rénovation de cités administratives.

Alors qu'il a fallu attendre fin 2022 pour que l'ensemble des chantiers puisse débuter à l'exception du projet de rénovation de la cité de Bourges dont le périmètre des travaux a évolué, pour un total de 36 cités administratives concernées20(*) (contre 39 chantiers prévus initialement), 9 sites ont été livrés en 2023 : Albi, Amiens, Aurillac, Besançon, Charleville-Mézières, Clermont-Ferrand, Lille, Limoges et Mulhouse.

Avancement du programme de rénovation des cités administratives

État d'avancement

Au 31 décembre 2022

Au 31 décembre 2023

Marché global de performance ou marché de travaux notifié ou acquisition réalisée

874 millions d'euros
pour 33 projets

956 millions d'euros
pour 35 projets

Travaux en cours

24 projets

22 projets

Opérations de réception en cours ou réception partielle

-

4 projets

Opérations réceptionnées

-

9 projets

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme a accueilli de nouvelles mesures à compter de 2023 :

- en premier lieu, 150 millions d'euros de crédits ont été ouverts en LFI 2023 afin de financer des travaux à gains énergétiques rapides dans le cadre de l'appel à projet « Résilience II », ainsi que des prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'une convention avec l'agence pour la gestion immobilière de l'État (AGILE) ;

- en second lieu, une contribution, à hauteur de 37,5 % du montant total, à la prise en charge des opérations d'adaptation des locaux aux nouveaux modes de travail (télétravail, mode projet, mode hybride, etc.) sélectionnées dans le cadre de l'appel à projet « Nouveaux Espaces de Travail »21(*).

Alors que l'inflation et, en particulier, la hausse des prix des matériaux affectent le coût des chantiers, le rapporteur spécial souligne la nécessité pour la direction de l'immobilier de l'État de veiller à l'atteinte des objectifs d'efficacité énergétique du programme. Trois indicateurs de performance ciblent en effet l'économie d'énergie, la réduction des surfaces occupées et le coût d'énergie économisée. Or la Cour des comptes relève que, dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024, les prévisions d'économie d'énergie et de coût d'énergie économisée ont été révisées à la baisse.

Afin d'assurer la soutenabilité du programme sans abaisser ses ambitions énergétiques, la Cour recommande de réduire la liste des projets financés et d'exposer dans les documents budgétaires les tendances inflationnistes et les réallocations effectuées ainsi que leur impact direct sur la performance du programme.

Le rapporteur spécial partage cette recommandation de rationalisation des efforts : en effet, les crédits du programme doivent être concentrés sur les travaux présentant les meilleurs rendements en termes d'efficacité énergétique.

2. Le Fonds pour la transformation de l'action publique doit poursuivre l'amélioration de sa gestion

Le Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) présente en 2023 une performance contrastée :

- certes, la cible de 90 % fixée pour le pourcentage de lauréats signant leur contrat dans les six mois suivant leur sélection a été atteinte et même dépassée, avec un taux de 100 % en 202322(*). Cette progression est particulièrement significative, alors que ce taux s'élevait à seulement 30 % en 2021 et 60 % en 2022 ;

- à l'inverse, l'absence de renseignement du sous-indicateur relatif au délai d'instruction moyen des projets à compter de l'accusé de réception des dossiers complets par le comité de sélection soulève une inquiétude. En effet, alors que la cible est fixée à 45 jours d'instruction (correspondant à l'exécution en 2021), l'exécution en 2022 avait marqué un écart très important, avec un délai de 90 jours.

Le rapporteur spécial se félicite de la progression du
sous-indicateur relatif au pourcentage de contrats signés dans les six mois suivant la sélection des projets
. En effet, les pourcentages inférieurs observés les années précédentes, qui pouvaient se justifier à la création du programme (en 2018 et en 2019), lors de l'organisation des premiers appels à projets et du début de la contractualisation, ne sont désormais plus admissibles,
en particulier compte tenu des critères de sélection des projets qui valorisent leur état d'avancement et leur portée opérationnelle. De tels progrès devront être confirmés pour les exercices futurs.

Cependant, l'accumulation des retards d'engagements sur les projets financés par le FTAP depuis 2018 aboutit à la persistance de taux d'exécution faibles : 52 % en AE et 86 % en CP23(*).

Plus fondamentalement, la réalisation des économies attendues du déploiement des projets sélectionnés par le FTAP reste entourée d'incertitudes importantes : si 35 % des projets sont terminés fin 2023, contre une cible fixée à 60 %, la Cour des comptes relève qu'il est « difficile de savoir si les objectifs d'économies seront atteints »24(*).

En effet, les indicateurs renseignés dans le rapport annuel de performances (RAP) de la mission présentent une double limitation :

- d'une part, l'indicateur de retour sur investissement constaté des projets financés, calculé sur la base des économies prévisionnelles déclarées par les porteurs de projets, ne porte pas, par construction, sur les économies effectivement réalisées et comprend également des économies dites « indirectes » peu objectivées. Ainsi, la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) indique qu'à ce jour elle « ne dispose pas d'éléments pour être plus ferme à l'égard des estimations des porteurs, faute de pouvoir contre-estimer ou d'évaluer les économies avérées »25(*) ;

- d'autre part, la documentation budgétaire de la mission ne comporte aucun indicateur d'impact autre que financier, par exemple numérique (tel qu'un indicateur de satisfaction des usagers au regard de la dématérialisation des démarches) ou environnemental (tel qu'un indicateur d'efficacité énergétique).

Ainsi, l'atteinte de la cible de 1,4 euro économisé pour un euro investi (soit un niveau globalement équivalent à celui exécuté les années antérieures, avec 1,4 en 2021 et 1,5 en 2022) ne permet pas véritablement d'apprécier les avancées concrètes pour les usagers et les agents apportées par les projets soutenus par le FTAP.

Le calcul de l'indicateur de retour sur investissement du FTAP

L'indicateur mesurant le retour sur investissement constaté des projets financés par le FTAP est calculé par la direction interministérielle de la transformation publique sur la base des contrats conclus avec les porteurs de projets ou, lorsque le contrat n'est pas encore signé, sur la base des dossiers de candidature des projets lauréats.

Cet indicateur résulte du quotient entre, d'une part, les économies annuelles pérennes (en millions d'euros), et, d'autre part, l'investissement total du FTAP (en millions d'euros).

Cette méthode de calcul du rendement permet d'évaluer l'atteinte de la cible d'un euro d'économie annuelle pérenne pour chaque euro investi par le FTAP, fixée par le rapport du Grand plan d'investissement remis au Premier ministre en septembre 2017.

Les économies prises en compte pour ce calcul comprennent :

- d'une part, des économies dites « directes », résultant de la réduction des coûts de fonctionnement et des emplois supprimés ou redéployés ;

- d'autre part, des économies dites « indirectes », qui peuvent être liées soit à l'« évitement » de dépenses certaines ou très probables en l'absence de la réalisation du projet (réduction de coûts de contentieux et d'investissement, etc.), soit à une plus grande efficacité de politiques publiques grâce aux projets menés (par exemple, une politique de prévention accrue qui réduit la mobilisation de dispositifs publics pris en charge).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En conséquence, le rapporteur spécial réitère sa recommandation de fiabiliser les économies attendues des projets financés par le FTAP. Certes, le recrutement de trois directeurs d'investissement chargés du suivi du FTAP à la DITP permet une première analyse de la régularité et de la précision des économies anticipées. Pour autant, les données du bilan standard élaboré par la DITP afin de suivre l'atteinte des objectifs d'économies, revus et ajustés tout au long des projets, pourraient faire l'objet d'une présentation agrégée dans le cadre de la documentation budgétaire26(*).

De même, le rapporteur spécial renouvelle sa recommandation en faveur d'indicateurs d'impact, permettant d'apprécier précisément et concrètement les améliorations apportées à la qualité de service aux usagers ou à la qualité de travail des agents.

3. Le positionnement interministériel des actions portées par la DINUM justifie un rattachement budgétaire aux services du Premier ministre

Conformément aux préconisations exprimées dans ses précédents rapports, le rapporteur spécial recommande de rattacher les crédits du programme 352 « Innovation et transformation numériques » portés par la DINUM aux services du Premier ministre, à travers l'action 16 du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

En effet, l'action 16 du programme 129 couvre la coordination de la politique numérique. Ainsi, le positionnement interministériel de cette politique serait conforté. De même, un tel rattachement pourrait garantir des processus de sélection plus transparents, en particulier pour le recours aux prestataires extérieurs.

Comme le relève la Cour des comptes, le programme 129 est le programme support de la DINUM et portait jusqu'en 2019 la plupart des dépenses, désormais mises en oeuvre par le programme 352. Selon les termes mêmes de la Cour, « la valeur ajoutée du portage de ces crédits par un programme spécifique et distinct du programme 129 semble (...) limitée »27(*).


* 20 35 cités en exceptant celle de Bourges.

* 21 La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) finance les opérations concernées à la même hauteur de 37,5 %. Les programmes support des porteurs de projet prennent en charge les 25 % restants.

* 22 Indicateur de performance 1.1 du programme 349 « Transformation publique ».

* 23 Note d'exécution budgétaire 2023 de la Cour des comptes, mission « Transformation et fonction publiques », avril 2024.

* 24 Note d'exécution budgétaire 2023 de la Cour des comptes, mission « Transformation et fonction publiques », avril 2024.

* 25 Rapport annuel de performances - Annexe au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, mission « Transformation et fonction publiques ».

* 26 La Cour des comptes indique que ce bilan devrait être intégré à l'outil numérique du FTAP en 2024. Voir la note d'exécution budgétaire 2023 de la Cour des comptes, mission « Transformation et fonction publiques », avril 2024.

* 27 Note d'exécution budgétaire 2023 de la Cour des comptes, mission « Transformation et fonction publiques », avril 2024.

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