EXAMEN EN COMMISSION
M. François-Noël Buffet, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen, selon la procédure de législation en commission, du rapport sur la proposition de loi visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, présentée par Annick Billon, Bruno Retailleau, Françoise Gatel et plusieurs collègues.
Mme Annick Billon, co-auteure de la proposition de loi. - Nous nous félicitons, Bruno Retailleau, Françoise Gatel et moi-même, de voir cette proposition de loi inscrite rapidement à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée.
En avril dernier, je suis allée à la rencontre des nouveaux maires des communes nouvelles de Vendée, et notamment à Rives-du-Fougerais, issue de la fusion de trois communes de moins de 1 000 habitants. Le préfet a signé l'arrêté prononçant la création de cette commune nouvelle le 1er janvier 2024. Entre le 1er et le 5 janvier, date de l'élection du maire, il y a eu une démission d'un conseiller municipal. Une autre démission avait déjà été notifiée fin 2023. La commune nouvelle a élu un maire lors de la première réunion de son conseil municipal ; les services de l'État n'avaient pas alors procédé au contrôle de légalité. Or, ce maire est décédé deux mois et demi plus tard. Le préfet a indiqué au conseil municipal de la commune nouvelle que la loi l'obligeait à procéder à une élection partielle intégrale avant la fin du mois de juin pour élire un nouveau maire, réduisant de fait l'effectif du conseil municipal de 35 à 23 sièges. Les élus de Rives-du-Fougerais en ont été très affectés, car certains d'entre eux avaient travaillé durant des années à la création de cette commune nouvelle. Ces élus avaient également probablement l'intention de briguer, à terme, d'autres mandats.
Dans les communes nouvelles, il n'est pas possible de faire appel au suivant de liste pour compléter le conseil municipal afin de procéder à l'élection du maire. La commune nouvelle est de ce fait dans l'incapacité de remplacer un membre du conseil municipal qui démissionne ou qui décède. Des difficultés subsistent donc en cas de vacance pour cause de démission ou de décès du maire sitôt après la première réunion du conseil municipal.
Selon les services de l'État, 28 communes nouvelles pourraient être concernées par la proposition de loi que nous examinons ce jour. Le dispositif que nous proposons est utile, simple et efficace, pour combler ce « trou dans la raquette ».
Mme Nadine Bellurot, rapporteure. - Merci de nous avoir exposé le cas précis que vous avez rencontré dans la commune de Rives-du-Fougerais, sachant que d'autres communes peuvent être confrontées à ce même problème. Il revient effectivement au législateur de combler les « trous dans la raquette ».
S'agissant de la composition des conseils municipaux des communes nouvelles, les modifications législatives intervenues en 2015 et 2019 visent à faciliter la transition de l'ancienne commune à la commune nouvelle, en s'appuyant sur un modèle de retour progressif au droit commun. Il s'agit, premièrement, d'éviter d'écarter trop rapidement les élus des anciennes communes qui ont initié le projet de fusion ; deuxièmement, de faciliter la représentation de toutes les communes historiques ayant fusionné au sein du conseil municipal ; et enfin, troisièmement, de manière plus prospective, de faciliter l'adhésion au projet de fusion et l'adaptation des anciens projets communaux au nouveau cadre encore en gestation.
Une période transitoire se déroulant en deux phases est ainsi prévue.
Dans un premier temps, les communes nouvelles récemment créées peuvent maintenir en fonction l'ensemble des conseillers municipaux des communes historiques ayant fusionné. Dans un second temps, à l'issue du premier renouvellement du conseil municipal de la commune nouvelle, son effectif est fixé au nombre de membres prévu pour une commune appartenant à la strate démographique immédiatement supérieure. Ce n'est qu'à partir du second renouvellement général que l'effectif du conseil municipal se conforme au droit commun, déterminé en fonction de sa strate démographique réelle.
La commune nouvelle n'est pas un état d'exception permanent. Sa réussite se mesure à sa capacité à devenir une commune à part entière, respectant les règles de droit commun et fonctionnant sans les adaptations prévues, durant le régime transitoire, par le législateur.
La présente proposition de loi se limite à garantir, pendant la période transitoire suivant la création de la commune nouvelle, la stabilité de l'organe délibératif de la jeune collectivité territoriale, dans l'hypothèse spécifique de la démission ou du décès du maire.
L'élection du maire et des adjoints au maire d'une commune n'est possible qu'avec un conseil municipal complet. En cas de vacances de sièges de conseillers municipaux, ce principe général implique l'organisation d'une élection partielle intégrale ou complémentaire, afin de pouvoir élire un nouveau maire ou ses adjoints. Ce principe n'est pas absolu et connaît déjà des exceptions.
Dans les communes de moins de 500 habitants, le conseil municipal est « réputé complet » même si deux sièges sont vacants. Plus généralement, dans toute commune, quelle que soit sa strate démographique, un conseil municipal incomplet peut procéder à l'élection de l'exécutif sans renouvellement si des vacances se produisent juste après la tenue d'élections municipales.
Au-delà de ce cadre, des procédures allégées permettent de compléter le conseil municipal sans procéder à son renouvellement intégral. Citons par exemple le recours aux suivants de liste dans les communes de 1 000 habitants ou plus.
Toutefois, pour une commune nouvelle en période transitoire, il est impossible de recourir à de telles procédures allégées. Or, un renouvellement intégral du conseil municipal pose des difficultés importantes puisqu'il implique, par hypothèse, la réduction brutale de l'effectif du conseil municipal. Ce renouvellement anticipé accélère alors le retour à sa composition de droit commun. À titre d'exemple, si deux communes comptant respectivement 1 000 et 300 habitants décidaient de fusionner, elles passeraient d'un effectif de 26 conseillers municipaux au moment de leur création à 19 conseillers municipaux après le premier renouvellement, lequel peut intervenir parfois très rapidement après sa création.
Cette situation contredit l'intention du législateur d'aménager, par un cadre transitoire suffisamment long, une transition graduelle vers le régime général.
Face à ces difficultés, une première exception au principe de complétude du conseil municipal a été introduite par la loi du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires : l'exécutif d'une commune nouvelle récemment créée peut être élu par un conseil municipal incomplet en cas de vacance de siège intervenant avant la première réunion du conseil municipal.
Le champ de cette exception est, malgré tout, limité. Seuls quelques jours s'écoulent entre la création d'une commune nouvelle et la première réunion du conseil municipal. Ainsi, si cette dérogation permet d'éviter de procéder à un renouvellement immédiat du conseil municipal pour élire le premier maire de la commune nouvelle, des difficultés subsistent dans le cas où une vacance surviendrait peu de temps après la première réunion du conseil municipal. Dans une telle éventualité, un renouvellement intégral du conseil s'impose si un nouveau maire devait être élu.
Les auteurs de la proposition de loi souhaitent, par conséquent, que les règles de droit commun relatives à l'obligation de renouvellement du conseil municipal incomplet pour l'élection du maire et de ses adjoints ne s'appliquent pas aux communes nouvelles, et ce jusqu'au premier renouvellement général, plutôt que jusqu'à la seule première réunion du conseil municipal. Le renouvellement anticipé du conseil municipal y serait seulement obligatoire dans l'hypothèse où il aurait perdu le tiers de ses membres.
Cette mesure pragmatique garantit, à mon sens, une continuité dans la gouvernance des communes nouvelles. Elle contribue à renforcer la nécessaire cohérence du cadre applicable aux communes nouvelles, sans pour autant instaurer un cadre dérogatoire disproportionné. J'insiste, en effet, sur ce point : les communes nouvelles sont issues de la volonté du législateur de conforter l'entité communale et non de la fragiliser par des exceptions. L'objectif est simplement d'assurer l'efficacité du cadre transitoire prévu par la loi.
Il s'agit là d'une situation, je le concède, très spécifique, mais qui pourrait néanmoins avoir des répercussions significatives sur le fonctionnement d'une jeune commune nouvelle et avoir un effet désincitatif sur les élus municipaux qui envisagent potentiellement de créer une commune nouvelle.
Comme le soulignait Françoise Gatel, co-auteur du texte, le dispositif cartésien applicable aux communes nouvelles ne prévoit tout simplement pas une hypothèse pourtant simple concernant le maire premièrement élu d'une commune nouvelle : il s'agit d'un homme mortel, qui peut aussi bien mourir que démissionner.
Afin d'éviter la tenue trop prématurée d'un renouvellement intégral et en vue de garantir l'attractivité du modèle des communes nouvelles, je vous invite à approuver l'adoption de cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption d'un amendement de clarification rédactionnelle que je vous proposerai.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. - La vie démocratique locale est précieuse. Elle mérite d'être promue, protégée et simplifiée ; d'où son encadrement par le code général des collectivités territoriales. Pour autant, la richesse et la diversité des circonstances locales imposent parfois la modification de règles dont les effets non anticipés peuvent apparaître incohérents.
Cette proposition de loi a pour objet de modifier le code général des collectivités territoriales en étendant l'exception d'incomplétude pour l'élection du maire et des adjoints jusqu'au premier renouvellement général des conseils municipaux qui suit la création de la commune nouvelle, et non plus jusqu'à la première réunion du conseil municipal.
Il faut que les règles promeuvent la démocratie locale, plutôt que de l'entraver ou de la complexifier. La création d'une commune nouvelle est un choix souvent rationnel, mais toujours courageux, qui exige un véritable dialogue, un projet de territoire établi et partagé.
Je veux vous dire mon attachement aux communes nouvelles, dont la création traduit souvent des synergies locales très fortes. Ces synergies ne doivent jamais être imposées, elles doivent être encouragées.
C'est dans cette optique que j'ai eu l'occasion de mener des travaux dès 2023 avec plusieurs d'entre vous, dont Françoise Gatel, travaux qui ont trouvé leur aboutissement dans la loi de finances de 2024. En effet, nous avons considérablement bonifié la dotation d'amorçage lorsqu'une commune nouvelle est créée : initialement fixée à 6 euros par habitant, elle s'établit désormais à 15 euros. Dans le cadre de cette loi de finances, nous avons également garanti le montant la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes nouvelles, afin qu'il ne baisse pas et ne soit jamais inférieur à la somme qu'auraient touchée les communes composant la commune nouvelle si elles étaient restées indépendantes.
Le Gouvernement fait donc le nécessaire pour encourager et accompagner les projets de communes nouvelles. Dès lors, il convient que les communes ne soient pas dissuadées d'engager un tel projet ou soient pénalisées par des dispositions générales dont on ne distingue pas la pertinence. Permettre aux équipes d'élus ayant porté ces projets d'union de poursuivre leur travail est une évidence. Cette proposition de loi permet de remédier à ce qui apparaît localement comme une aberration. Elle est précise et pondérée, ne prévoyant pas de rétroactivité. Ainsi, sans remettre en cause des situations acquises, elle permettra d'apporter sérénité et lisibilité aux communes qui souhaitent porter un tel projet. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable à cette proposition de loi.
M. Éric Kerrouche. - Il peut arriver que la législation ait des effets indésirés. Certes, il n'est pas fréquent qu'une commune nouvelle doive procéder à l'élection d'un maire ou d'un adjoint au maire entre la réunion du premier conseil municipal et le premier renouvellement général des conseils municipaux, mais cette situation d'incomplétude n'est pas sans conséquence.
Non seulement il est difficile d'organiser des élections complémentaires dans un contexte qui n'y est pas propice - dans la période de post-fusion, il convient avant tout de stabiliser le projet mis en place -, mais la réduction brutale du nombre de conseillers municipaux est source de problèmes.
D'une certaine façon, ce texte revient à l'esprit initial de la proposition de loi de Françoise Gatel, en 2019, en palliant les effets pervers. Nous le voterons.
M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à la composition du conseil municipal requise pour procéder à l'élection du maire et des adjoints au maire d'une commune nouvelle.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION
Article unique
L'amendement rédactionnel COM-2, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. Alain Marc. - Par l'amendement COM-1, je souhaitais que les communes nouvelles disposent d'une dérogation supplémentaire après le deuxième renouvellement général des conseils municipaux suivant leur création. J'ai compris que cet amendement n'était pas le bienvenu. C'est pourquoi je le retire.
L'amendement COM-1 est retiré.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
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Mme BELLUROT, rapporteure |
2 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après l'article unique |
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M. Alain MARC |
1 |
Hausse pérenne du nombre de conseillers municipaux dans les communes nouvelles |
Retiré |