C. LES OMBRES AU TABLEAU : LA MISE AU PAS DE L'OPPOSITION ET DES ATTEINTES RÉPÉTÉES À LA DÉMOCRATIE

Le régime cambodgien est actuellement caractérisé par un profond décalage entre le droit affiché et la pratique : la constitution cambodgienne (dont la rédaction, en 1993, avait fait l'objet d'un soutien rédactionnel actif de la part de la France) comme sa loi pénale garantissent en effet la prohibition de la peine capitale2(*), l'indépendance des juges3(*), la séparation des pouvoirs4(*), le respect des droits de l'homme5(*), la liberté d'opinion et d'expression6(*), le respect des droits de la défense et la présomption d'innocence7(*)... La garde à vue et la détention provisoire sont strictement encadrées par le code de procédure pénale.

Force est cependant de constater qu'en dépit de ces garanties, leur mise en oeuvre n'est pas à la hauteur des principes affichés, et on assiste, depuis 2017, à une détérioration notable de la démocratie cambodgienne, qui a privé les dernières élections de toute opposition crédible. Les élections législatives de juillet 2023 ont ainsi été précédées par une vague de répression envers l'opposition au parti gouvernemental : condamnation à 27 ans de prison de l'opposant KEM Sokha et dissolution de son parti ; condamnation par contumace de SAM Rainsy et de 70 autres opposants à des peines allant de 20 ans de prison à la perpétuité ; l'avocate américano-cambodgienne SENG Thary demeure emprisonnée malgré plusieurs grèves de la faim ; diverses mesures sont venues entraver le droit de vote et la liberté de la presse, avec notamment la fermeture de Voice of Democracy (VOD), l'un des derniers médias cambodgiens indépendants. Les syndicalistes, les défenseurs des droits fonciers, les militants écologistes font également l'objet d'intimidations et d'arrestations, que les ONG dénoncent régulièrement.

Le pays connaît par ailleurs une corruption endémique considérable, avec un classement à la 157eme place sur 180 pays dans l'Index de Transparency International (le plus mauvais score de l'ASEAN).

Dans ce contexte très répressif, ne permettant pas à l'opposition, aux médias et à la société civile de fonctionner librement, le Parti du Peuple Cambodgien (PPC), au pouvoir depuis 1991, a remporté une victoire écrasante (120 des 125 sièges) lors des élections législatives de juillet 2023.

Tout récemment, le 25 février dernier, 55 des 58 sièges en jeu pour les élections sénatoriales ont été remportés par le PPC, sans que l'opposition ait pu davantage s'exprimer ; l'ancien premier ministre HUN Sen - père de l'actuel chef du Gouvernement HUN Manet -, dorénavant président de la Chambre Haute, devient par là-même chef d'état par intérim lorsque le roi n'est pas présent sur le territoire national.

Cette situation interne a valu au Royaume de Cambodge, dès 2020, de se voir retirer par l'Union européenne une partie des préférences commerciales qui lui avaient été accordées au titre du régime « Tout sauf les armes » dont il bénéficiait depuis 2001. Le rapport de la Freedom House « Freedom in the world 2023 » définit le Cambodge comme un pays « non libre » avec un score de 24/100.


* 2 Article 32 de la Constitution cambodgienne.

* 3 Article 132 de la Constitution cambodgienne.

* 4 Article 51 de la Constitution cambodgienne.

* 5 Article 31 de la Constitution cambodgienne.

* 6 Article 41 de la Constitution cambodgienne.

* 7 Article 38 de la Constitution cambodgienne.

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