EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 13 décembre 2023, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Marc Vayssouze-Faure sur le projet de loi n° 937 (2022-2023) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, l'Association internationale de développement, la Société financière internationale, l'Agence multilatérale de garantie des investissements et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements.
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, rapporteur. - La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en 1944 par les accords de Bretton Woods, dans l'objectif de soutenir la reconstruction et le développement d'après-guerre. La BIRD est la principale composante du groupe de la Banque mondiale qui compte cinq organismes.
La BIRD se consacre plus particulièrement au développement et aux infrastructures. La Société financière internationale (SFI), créée en 1956, propose quant à elle des financements aux entreprises privées et aux établissements financiers des pays en développement. La création de l'Association internationale de développement (AID) en 1960 marque la volonté d'accroître l'aide accordée aux pays les plus pauvres ; l'élimination de la pauvreté est d'ailleurs l'objectif prioritaire du groupe de la Banque mondiale. Avec la création du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) en 1965, et de l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) en 1988, le groupe de la Banque mondiale s'est doté de l'ensemble des instruments lui permettant de mobiliser les ressources financières mondiales au bénéfice des pays en développement.
Le siège de la Banque mondiale est situé à Washington, mais le groupe possède une centaine de bureaux répartis dans les pays membres, dont la France. Le groupe dispose ainsi d'un bureau à Paris, chargé des relations extérieures et institutionnelles avec les bailleurs européens pour l'ensemble des organismes du groupe. Situés dans le XVIe arrondissement, ses locaux sont actuellement sous-occupés : sur une capacité totale de 300 postes de travail, seuls 130 agents exerçaient leur activité en mars dernier.
Dans le cadre de sa stratégie de décentralisation, le groupe de la Banque mondiale envisage de relocaliser une partie de ses activités dans notre capitale pour en faire son siège principal en Europe. Cette relocalisation devrait porter ses effectifs parisiens à 275 personnes, avec des postes ciblés géographiquement sur l'Afrique subsaharienne, l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l'Europe de l'Est et l'Asie centrale. Les principaux pôles d'expertise seront la résilience, l'éducation et la mobilisation des financements pour le développement. En outre, le centre de conférence existant accueillera davantage d'activités opérationnelles, ainsi que des événements publics.
Les conditions d'établissement de la Banque mondiale en France sont actuellement régies par les dispositions de la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des Nations unies de 1947, par celles de l'acte constitutif des organisations qui le composent, ainsi que par un accord de sécurité sociale signé avec la BIRD en 1971. Le groupe estimait néanmoins que la signature d'un nouvel accord apporterait davantage de sécurité juridique.
La conclusion de l'accord soumis à notre examen constituait une étape importante pour, d'une part, faciliter la décentralisation d'effectifs de la Banque mondiale à Paris en leur offrant les meilleures conditions d'accueil - notamment en matière fiscale et sociale -, et d'autre part, clarifier l'ensemble des règles résultant des statuts du groupe en y intégrant des droits supplémentaires - à savoir les privilèges et immunités conférés aux autres institutions spécialisées des Nations unies.
Le présent accord est de facture classique et conforme aux accords de même nature récemment conclus par la France. Il prévoit les privilèges habituels tels que l'inviolabilité des locaux, des communications et des archives des organismes, et consacre l'immunité de juridiction conférée au groupe de la Banque mondiale et à son personnel dans l'exercice de ses missions officielles. Enfin, sur le plan fiscal, les organisations sont exonérées d'impôts directs et indirects, et de droits de douane sur les biens destinés à son usage officiel.
S'agissant du régime de protection sociale, l'accord de 1971 précité prévoit une exemption d'affiliation des membres du personnel statutaire de la Banque mondiale à notre régime obligatoire de sécurité sociale. Ces stipulations sont, pour l'essentiel, reprises dans le présent accord et étendues à l'ensemble des organismes de la Banque mondiale qui proposent à leurs agents une couverture complète en matière d'assurance maladie, d'accident du travail, de maladie professionnelle, de prestations familiales et de régime vieillesse.
Pour conclure, ce texte contribue au rayonnement de notre pays qui démontre, une fois encore, son attractivité et sa capacité à accueillir des organisations internationales en leur offrant les meilleures conditions. L'examen de ce projet de loi est aussi l'occasion de marquer le soutien de la France aux projets portés par la Banque mondiale dans les domaines de la lutte contre le changement climatique, de la sécurité alimentaire et du numérique ; autant de défis majeurs qui seront au coeur des activités du bureau parisien.
En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 27 septembre 2023. Son examen en séance publique au Sénat est prévu le mercredi 20 décembre, selon la procédure d'examen simplifié, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.
M. Patrice Joly. - Ce transfert d'activités de la Banque mondiale vers son bureau parisien est positif pour notre pays puisqu'il permettra de renforcer notre rôle dans le domaine du développement, et favorisera les échanges avec l'Agence française de développement et Expertise France.
Toutefois, on ne peut pas occulter la philosophie néolibérale qui inspire la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) depuis de nombreuses années ; les programmes d'ajustement structurel mis en place par ces institutions ont fragilisé plusieurs pays. Cette approche a notamment été critiquée par Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie et ancien vice-président de la Banque mondiale, qui a dénoncé les injonctions faites à certains États candidats à des prêts. Les mesures de politique monétaire prises par le nouveau président argentin et applaudies par le FMI, montrent que cette philosophie est encore présente.
À l'heure où le monde doit affronter plusieurs crises, notamment climatique, les interventions publiques et la planification seront indispensables, alors que le marché montrera ses insuffisances voire son inefficacité.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je me félicite de cet accord qui concrétise les efforts considérables de notre pays pour renforcer son attractivité à l'égard des institutions internationales. Il s'agit d'un levier d'influence majeur puisque le bureau parisien de la Banque mondiale constituera un « hub » vers le continent africain.
La Banque mondiale et le FMI ont beaucoup évolué ces dernières années ; à titre d'exemple, les pays du G20 se sont engagés à réallouer l'équivalent de 100 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS) aux pays les plus pauvres. La Banque mondiale joue également un rôle important dans le financement d'infrastructures ; la nomination de son ancienne présidente à la tête du FMI est d'ailleurs un bon signal.
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, rapporteur. - La présence de la Banque mondiale à Paris devrait renforcer notre rôle au sein de cette institution. La nomination en juin dernier d'un nouveau président, Ajay Banga, pourrait être l'occasion de réfléchir à une réforme de la gouvernance.
Le projet de loi est adopté, à l'unanimité, sans modification.
Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.