AVANT-PROPOS
Le présent rapport porte sur deux des six programmes de la mission « Cohésion des territoires » : le programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et le programme 162 « interventions territoriales de l'État ».
Ces deux programmes mobilisent, en 2024, un total de 468 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 371 millions d'euros en crédits de paiement (CP).
Ils ne connaîtront pas, en 2024, la même évolution puisque les crédits prévus pour le programme 112 évoluent à la hausse de 28,9 % en AE et 17,8 % en CP, tandis que les crédits du programme 162 diminuent de 6,03 % en AE et de 46,15 % en CP.
Bien que de faible ampleur en termes de crédits budgétaires, ces deux programmes ont un effet levier important sur les crédits affectés à d'autres missions. Ils traduisent l'implication de l'État pour maintenir la compétitivité et l'attractivité des territoires, en particulier des territoires ruraux.
Ils contribuent également, en particulier via le programme 162, à mettre l'accent sur quelques politiques sectorielles territorialisées, souvent cruciales pour les collectivités concernées.
I. LE PROGRAMME 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » : UN PETIT PROGRAMME BUDGÉTAIRE, UN GRAND PAS POUR LA RURALITÉ
Représentant seulement 1,7 % des crédits, en autorisations d'engagement, de l'ensemble de la mission Cohésion des territoires, le programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » porte paradoxalement des actions particulièrement suivies par les territoires concernés, en raison de leur effet levier sur le développement local.
Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit d'affecter au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » 387,9 millions d'euros en AE et 338,5 millions d'euros en CP, ce qui correspond à une hausse de 17,8 % en AE et 29 % en CP.
Évolution des crédits par action du programme 112
(en euros et en %)
LFI 2023 |
PLF 2024 |
Variation 2024/2023 |
Variation 2024/2023 en % |
|||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Action 11 - Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) - section locale |
202 025 726 |
118 818 189 |
190 525 726 |
130 812 235 |
- 11 500 000 |
11 994 046 |
- 5,7 % |
10,1 % |
Action 12 - Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) -section générale |
59 434 299 |
63 370 841 |
107 344 299 |
110 349 540 |
47 910 000 |
46 978 699 |
+ 80,6 % |
74,1 % |
Action 13 - Soutien aux opérateurs |
67 961 442 |
67 961 442 |
90 061 442 |
90 061 442 |
22 100 000 |
22 100 000 |
+ 32,5 % |
32,5 % |
Action 14 - Prime d'aménagement du territoire (PAT) - contrats de ruralité - pacte États-métropoles |
12 297 672 |
7 297 312 |
0 |
- 5 000 360 |
- 40,7 % |
|||
Total |
329 421 467 |
262 448 144 |
387 931 467 |
338 520 529 |
58 510 000 |
76 072 385 |
17,8 % |
29,0 % |
Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Dans la lignée des années précédentes où la contribution au plan de relance avait expliqué une part importante de la hausse des crédits, cette nouvelle augmentation s'inscrit dans une trajectoire prévisible de la programmation pluriannuelle, pour des motifs tenant davantage au lancement de nouveaux dispositifs. Les crédits du programme 112 devraient continuer à augmenter, de 5,3 % entre 2024 et 2025, avant de se stabiliser en 2026 puis de diminuer de 4,5 % en 2027, en raison de l'extinction de certains programmes1(*). Pour 2024, cette hausse se manifeste principalement par un engagement plus avéré de l'État dans les différentes formes de contractualisation qu'il opère avec d'autres acteurs.
A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA POLITIQUE CONTRACTUELLE DE L'ÉTAT DANS LES TERRITOIRES
Le partenariat contractuel entre l'État et les territoires se traduit par les contrats de plan État-régions (CPER), les contrats de plan interrégionaux de fleuves et de massifs pour la génération 2021-2027 (CPIER), ainsi que les contrats territoriaux locaux, au premier rang desquels les contrats de réussite et de transition écologiques (CRTE).
1. Des crédits CPER et CPIER qui représentent plus des deux tiers du programme 112
Les CPER 2015-2020 ont été signés entre l'État et les Régions et ont fait l'objet depuis de plusieurs ajustements pour tenir compte :
- en 2016, du nouveau découpage régional ;
- du remplacement des CPER ultramarins par les Contrats de convergence et de transformation (CCT) 2019-2022, en application de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ;
- de la prolongation des volets « mobilité multimodale » des CPER 2015-2020 jusqu'en 2022 ;
- de l'intégration dans le dispositif des crédits du plan France relance afin de coordonner les calendriers du plan et des contrats.
L'État a ainsi contractualisé, hors crédits de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), un total de 13,7 milliards d'euros sur la durée de cette génération 2015-2020 des CPER hexagonaux. Au 31 décembre 2022, le taux d'engagement des autorisations d'engagement (AE) de cette génération de CPER était de 93 %, soit près de 12,8 milliards d'euros d'AE. Le taux de paiement des crédits de paiement (CP) était, à la même date, de 57 %, soit près de 7,8 milliards d'euros de CP versés.
Le tableau suivant récapitule l'exécution des CPER de la génération 2015-2020 et des CPIER à fin 2022 :
Exécution des CPER et CPIER 2015-2020
(au 31 décembre 2022 pour tenir compte des crédits du volet mobilité)
CPER / CPIER |
Montants contractualisés révisés (en euros) |
AE 2015 - 2020 |
% d'exécution |
CP 2015 - 2020 |
% de paiement |
% couverture AE par |
Auvergne-Rhône-Alpes |
1 265 550 774 |
1 216 246 572 |
96 % |
856 480 579 |
68 % |
70 % |
Bourgogne-Franche-Comté |
652 094 276 |
636 098 350 |
98 % |
427 080 182 |
65 % |
67 % |
Bretagne |
546 779 000 |
503 848 278 |
92 % |
338 871 755 |
62 % |
67 % |
Centre-Val de Loire |
340 653 000 |
297 870 054 |
87 % |
175 742 102 |
52 % |
59 % |
Corse |
70 278 000 |
51 185 755 |
73 % |
24 582 170 |
35 % |
48 % |
Grand Est |
1 013 080 934 |
930 855 769 |
92 % |
652 963 312 |
64 % |
70 % |
Hauts-de-France |
916 608 765 |
825 091 024 |
90 % |
526 922 680 |
57 % |
64 % |
Ile-de-France |
3 445 142 000 |
3 550 619 224 |
103 % |
1 817 732 764 |
53 % |
51 % |
Normandie |
611 898 200 |
517 061 441 |
85 % |
283 495 670 |
46 % |
55 % |
Nouvelle Aquitaine |
1 415 126 500 |
1 350 216 011 |
95 % |
779 408 154 |
55 % |
58 % |
Occitanie |
1 224 279 700 |
1 070 073 744 |
87 % |
693 060 947 |
57 % |
65 % |
Pays de la Loire |
474 105 136 |
456 340 894 |
96 % |
347 622 298 |
73 % |
76 % |
Provence-Alpes-Côte d'Azur |
795 639 667 |
688 109 787 |
86 % |
412 730 076 |
52 % |
60 % |
CPIER Seine |
66 052 000 |
31 465 946 |
48 % |
26 678 690 |
40 % |
85 % |
CPIER Alpes |
50 840 000 |
26 361 253 |
52 % |
18 453 302 |
36 % |
70 % |
CPIER Garonne |
24 038 000 |
23 489 712 |
98 % |
15 399 677 |
64 % |
66 % |
CPIER Jura |
13 548 700 |
11 155 724 |
82 % |
7 081 081 |
52 % |
63 % |
CPIER Loire |
110 828 000 |
56 581 395 |
51 % |
50 073 298 |
45 % |
88 % |
CPIER Lot |
4 500 000 |
1 879 772 |
42 % |
1 793 483 |
40 % |
95 % |
CPIER Massif central |
36 680 000 |
29 926 015 |
82 % |
18 730 316 |
51 % |
63 % |
CPIER Meuse |
47 377 000 |
26 434 084 |
56 % |
18 021 498 |
38 % |
68 % |
CPIER Pyrénées |
30 240 000 |
22 856 978 |
76 % |
18 246 028 |
60 % |
80 % |
CPIER Rhône |
166 972 000 |
107 069 410 |
64 % |
79 409 412 |
48 % |
74 % |
CPIER Vallée de la Seine |
363 254 653 |
312 287 642 |
86 % |
188 951 025 |
52 % |
61 % |
CPIER Vosges |
15 300 000 |
13 006 054 |
85 % |
9 310 876 |
61 % |
72 % |
Total général |
13 700 866 305 |
12 756 130 887 |
93 % |
7 788 841 375 |
57 % |
61 % |
Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
La mise en oeuvre apparaît très variable selon les régions principalement en raison de l'avancement du volet mobilité multimodale, dont les taux d'exécution sont hétérogènes. Pour chacun des six volets thématiques des CPER, le taux d'exécution s'établit comme suit :
Taux d'engagement par volet des CPER 2015-2021, à fin 2022
(en euros)
Volets du CPER |
Montants contractualisés |
AE 2015 - 2020 (2015-2022 pour le volet mobilité multimodale) |
% d'exécution |
Culture |
248 336 165 |
210 216 242 |
85 % |
Emploi |
196 100 000 |
182 344 784 |
93 % |
Enseignement supérieur et recherche |
1 452 473 400 |
1 351 625 460 |
93 % |
Mobilité multimodale |
8 282 240 940 |
7 972 146 060 |
96 % |
Territorial |
894 011 800 |
753 456 997 |
84 % |
Transition écologique et énergétique |
2 627 704 000 |
2 286 341 343 |
87 % |
Total général |
13 700 866 305 |
12 756 130 886 |
93 % |
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
Par la suite, une nouvelle génération de CPER et de CPIER pour 2021-2027 a pris le relai. Exceptés les CPER de la Corse (soumis à l'avis de l'Autorité environnementale en août 2023) et de la Normandie (adopté par le conseil régional le 26 juin 2023 préalablement à une saisine prochaine de l'Autorité environnementale), ainsi que des CPIER de la Loire (adopté par les conseils régionaux concernés), des Vosges (adopté par les conseils régionaux, et dont la signature devrait être prochainement annoncée) et de la Vallée de la Seine (le précédent CPIER ayant été prorogé jusqu'au 31 décembre 2022), tous les protocoles d'accord CPER 2021-2027 ont fait l'objet d'une signature État-Région.
Ainsi, au 9 novembre 20232(*), 11 CPER 2021-2027 ont été signés, comme le récapitule la carte suivante (établie au 31 août 2023 mais toujours valable depuis).
Carte des CPER signés
Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
À la même date, 7 CPIER ont été signés : il s'agit des CPIER du Massif des Alpes, du Massif du Jura, du Massif Central, du Massif des Pyrénées, de la Vallée du Lot, de la Garonne et de Rhône-Saône, auxquels doivent s'ajouter les trois CPIER précités toujours en cours d'élaboration.
Au total, 28 milliards d'euros ont vocation à être contractualisés par l'État au titre des CPER et des CPIER sur la génération 2021-2027, répartis entre le programme 112, ce qui explique en grande partie la hausse des crédits alloués au programme sur plusieurs exercices consécutifs, le plan France relance mais aussi plusieurs autres programmes budgétaires en fonction du volet contractuel concerné (culture, éducation, jeunesse et sports, égalité entre les femmes et les hommes, emploi et formation professionnelle, enseignement supérieur, recherche et innovation, transition écologique, mais aussi des volets nouvellement insérés comme la santé, l'agriculture, la mer et le littoral).
Au titre du seul programme 112, ce sont ainsi 998,6 millions d'euros qui ont été contractualisés dans les CPER et CPIER 2021-2027. Ces derniers ont, par ailleurs, vocation à financer les actions des contrats de la précédente génération, 2015-2020, qui n'auraient pas pu aboutir, ce qui constitue une forme de session de rattrapage que le rapporteur spécial considère comme essentielle, en particulier au regard des motifs pour lesquels ils n'ont parfois pas pu être exécutés (sujétions particulières liées à la crise sanitaire par exemple).
2. D'autres dispositifs de contractualisation portés par le programme 112 dont deux en voie d'extinction
a) Dix pactes territoriaux
Conclus entre l'État et les collectivités territoriales concernées, les pactes territoriaux visent à couvrir deux types de situation : ils accompagnent des territoires confrontés à des difficultés socio-économiques structurelles, comme les bassins miniers ainsi que des territoires qui rencontrent des difficultés conjoncturelles en raison d'un facteur exogène comme l'abandon par le Gouvernement du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou la fermeture de l'usine Whirlpool à Amiens.
Le programme 112 porte une part significative du soutien de l'État, à travers ces pactes, au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire qu'il s'agisse de l'engagement pour le renouveau du bassin minier (22 millions d'euros), le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache (10 millions d'euros), le plan Lourdes (1,5 million d'euros) ou le contrat de relance et de transition écologique du Boulonnais (2,5 millions d'euros).
Au total, 10 pactes ou contrats de développement territorial demeurent actifs3(*) et financés au moins pour partie sur le programme 112 :
- l'engagement pour le renouveau du bassin minier, signé le 17 mars 2017, conçu pour accélérer la transition urbaine ;
- le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache, signé le 7 novembre 2018 afin d'accompagner un territoire concentrant des difficultés socio-économiques, et dont l'acte II est en cours de négociation ;
- le projet d'avenir pour le territoire de Fessenheim : signé le 1er février 2019 dans le contexte de la fermeture du Centre Nucléaire de Production d'Électricité de Fessenheim et de l'arrêt successif de ses deux réacteurs (février et juin 2020) ;
- le contrat d'action publique pour la Bretagne, signé le 8 février 2019, comportant un volet « mobilités », à la suite de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et un volet « différenciation », notamment en matière d'eau et de biodiversité ;
- le contrat d'avenir pour les Pays de la Loire, signé le 8 février 2019, à la suite de la décision du Gouvernement d'abandonner le projet de Notre-Dame-des-Landes ;
- le pacte de développement de la Nièvre, conclu le 15 février 2019, pour soutenir ce département rural en déprise ;
- le pacte Ardennes, signé le 15 mars 2019, pour acter la mobilisation collective autour de ce territoire en difficulté ;
- le plan particulier pour la Creuse (PPC), signé le 5 avril 2019, à la suite de la reprise partielle de l'activité de l'entreprise GM&S4(*) ;
- le contrat triennal de Strasbourg 2021-2023, signé le 9 mai 2021, pour permettre à Strasbourg, siège du Parlement européen, d'assumer des obligations qui incombent habituellement à une capitale d'État ;
- le plan Avenir Lourdes, signé le 17 février 2022, afin de doter cette commune d'un projet de destination touristique, au plus tard en 2025.
b) Quelques dispositifs contractuels en voie d'extinction
Deux types de contrats sont par ailleurs en voie d'extinction progressive sur le programme 112 :
- il s'agit en premier lieu des contrats de redynamisation de site de défense (CRSD). Ces derniers sont destinés à recréer des emplois et une activité économique comparable aux suppressions résultant du redéploiement des implantations territoriales des armées. Deux contrats demeurent actifs (Châteaudun 2 et Polynésie française) en 2023, celui de Polynésie française ayant même fait l'objet d'un avenant de prolongation jusqu'au 11 juillet 2024. Ainsi, en 2024, le programme 112 ne portera que les restes à payer pour un total de 1,6 million d'euros en crédits de paiement ;
- en second lieu, il s'agit des contrats de ruralité, mis en place en 2017, qui assurent le déploiement effectif des mesures issues du comité interministériel aux ruralités, coordonnent l'action publique et mobilisent les locaux sur les thématiques de l'attractivité du territoire des mobilités locales et de l'accessibilité au territoire. Le programme 112 ne compte plus, là aussi, que 1,7 million d'euros en crédits de paiement pour 2024.
* 1 Éléments fournis dans les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.
* 2 Date d'audition de la DGCL par le rapporteur spécial.
* 3 Trois pactes sont désormais considérés comme éteints : le contrat de développement territorial pour Calais et le Calaisis, signé en 2015 pour renforcer l'attractivité d'un territoire marqué par la crise migratoire, le contrat de développement territorial de l'Amiénois, de 2017, conclu à la suite de la fermeture de l'usine Whirlpool et le contrat d'accompagnement à la redynamisation de Châlons-en-Champagne conclu suite à l'annonce, en 2014, de la dissolution du 1er Régiment d'Artillerie de Marine (RAMa), de l'état-major de la 1ère Brigade mécanisée (BM) et de sa compagnie de commandement et des transmissions.
* 4 GM&S était une entreprise spécialisée dans l'emboutissage et l'assemblage de pièces pour l'industrie automobile.