N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 11b

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
(Programmes 203 « Infrastructures et services de transports »
et 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture »)

Rapporteurs spéciaux : M. Hervé MAUREY
et Mme Marie-Claire CARRÈRE-GÉE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

I. LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORTS TOUJOURS DANS L'ATTENTE D'UNE PROGRAMMATION D'INVESTISSEMENT

Depuis l'adoption de la loi d'orientation des mobilités (LOM)1(*) et jusqu'à cette année, les dépenses annuelles de l'agence de financement des infrastructures de transports de France (AFIT France) étaient programmées par cette loi. Le 24 février 2022, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a remis un rapport très attendu devant servir de base à la construction d'une nouvelle programmation. Le scénario central recommandé par le COI prévoit une trajectoire de dépenses d'investissements de l'AFIT France pour un montant cumulé de 26 milliards d'euros sur la période 2023-2027. Les rapporteurs spéciaux saluent ce travail d'analyse. Si la Première ministre a déclaré vouloir prendre pour base de travail le scénario central du COI, cet engagement reste flou et n'est toujours pas formalisé. Les rapporteurs spéciaux demandent donc au Gouvernement de concrétiser ses déclarations. Comme l'exigent les dispositions de la LOM et eu égard aux enjeux si importants du financement des infrastructures, la nouvelle trajectoire prévisionnelle d'investissements de l'AFIT France doit être inscrite dans la loi.

En 2024, les ressources de l'AFIT France devraient augmenter de 900 millions d'euros (+ 28 %) essentiellement en raison de l'affectation du produit d'une nouvelle taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport longue distance ainsi que du relèvement, à hauteur de 182 millions d'euros, du plafond d'affectation d'accise sur les produits énergétiques (l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou TICPE).

Évolution du budget de l'AFIT France (en CP) depuis 2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

À la faveur de ces ressources nouvelles, l'AFIT France prévoit de dépenser une somme record de 4,6 milliards d'euros en 2024, en augmentation de 20 % par rapport aux dépenses prévisionnelles 2023, ce qui représenterait un doublement des dépenses annuelles de l'agence depuis 2017 et une hausse de près de 2,5 milliards d'euros sur cette même période. Il conviendra toutefois de veiller à l'utilisation effective de ces crédits.

Répartition prévisionnelle par mode de transports
des dépenses de l'AFITF en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

S'agissant du financement des infrastructures, les rapporteurs spéciaux ont la conviction qu'il était nécessaire d'engager une véritable réflexion globale et sans a apriori, étendue à des modalités nouvelles ou qui ont déjà fait leur preuve à l'étranger, en particulier en matière de mobilisation des rentes foncières qu'elles génèrent, de valorisation de leurs autres externalités positives ou encore de pratiques innovantes en matière de concessions.

 
 
 
 
 

de dépenses de l'AFIT France dans les infrastructures d'ici 2027

de recettes supplémentaires pour l'AFIT France en 2024

de dépenses prévisionnelles de l'AFIT France en 2024

d'investissements dans le ferroviaire d'ici 2040 annoncés par la Première ministre

d'investissements supplémentaires dans le réseau ferré annoncés d'ici 2027

II. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 203 « INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORTS » ABONDÉS PAR UN MONTANT EXCEPTIONNEL ISSU DE SNCF VOYAGEURS

En 2024, le total des crédits qui pourraient être ouverts sur le programme 203, en intégrant les fonds de concours, pourrait atteindre 8,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 8,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit des augmentations de respectivement 2,2 milliards d'euros et 1,3 milliard d'euros. Il convient de préciser que ces hausses peuvent être en partie relativisées en raison du dernier versement à SNCF Réseau (pour 644 millions d'euros), financé en 2023 par report de crédits, de l'enveloppe de 4,05 milliards d'euros du plan de relance ferroviaire adopté en 2020. Par ailleurs ces augmentations ont pour origine principale l'attribution en 2024 d'un montant exceptionnel de 925 millions d'euros provenant des bénéfices de SNCF Voyageurs et versé au fonds de concours dédié à la régénération du réseau ferroviaire.

La contribution versée par l'État au titre de l'exploitation des trains intercités devrait progresser de 50 millions d'euros en 2024. Cependant, en dépit des déclarations faites par le Gouvernement ces dernières années, les incertitudes financières et techniques restent entières s'agissant des investissements nécessaires dans les rames de trains de nuit.

Les aides à l'exploitation bénéficiant au secteur du fret ferroviaire depuis 2021 seront maintenues en 2024. Les rapporteurs spéciaux tiennent également à manifester leur profonde inquiétude sur les conséquences pour Fret SNCF de l'enquête ouverte par la Commission européenne et du plan de discontinuité actuellement envisagé par le Gouvernement. Dans un secteur structurellement déficitaire tel que celui du fret ferroviaire, la position de la Commission européenne, et tout particulièrement de la direction générale de la concurrence interroge vivement les rapporteurs spéciaux. Ils ont le sentiment qu'elle s'apparente davantage à une approche dogmatique qu'à un véritable souci de promouvoir un marché efficient. Cette vision, caricaturale des reproches adressés à la Commission européenne, est parfaitement contradictoire avec l'objectif qu'elle poursuit de doubler la part du fret ferroviaire.

Par ailleurs, 10 millions d'euros doivent être affectés à l'agence de l'innovation pour les transports pour développer le projet de titre de transport unique qui doit faire l'objet d'une expérimentation en 2024.

Le réseau routier national se dégrade dangereusement faute de financements suffisants

Les rapporteurs spéciaux s'inquiètent de l'insuffisance manifeste des investissements en faveur de l'entretien et de la régénération dans le réseau routier national. Un audit indépendant de 2018 évaluait à au moins 1 milliard d'euros les investissements annuels nécessaires pour inverser la tendance à la dégradation du réseau. En tenant compte de l'inflation, c'est désormais 1,2 milliard d'euros par an qui sont nécessaires pour enrayer la spirale de dégradation des chaussées. Or, le PLF pour 2024 ne prévoit de consacrer qu'à peine plus de 1 milliard d'euros à l'entretien et à la régénération du réseau routier national non concédé. Continuer à sacrifier ainsi l'entretien du réseau routier pourrait avoir des conséquences dramatiques, notamment en termes de sécurité. Aussi, les rapporteurs spéciaux entendent-ils tirer le signal d'alarme avant qu'il ne soit trop tard.

III. LE CHOIX CONTESTABLE DE FAIRE ENTIÈREMENT REPOSER SUR LA SNCF LES NOUVEAUX INVESTISSEMENTS DANS LE RÉSEAU FERRÉ

Dans un rapport d'information de mars 2022 les rapporteurs spéciaux Hervé Maurey et Stéphane Sautarel avaient pointé les insuffisances manifestes du modèle de financement des infrastructures ferroviaires. Ils avaient notamment exprimé leur profonde inquiétude quant aux perspectives d'un réseau ferroviaire dont la dégradation, déjà avancée, apparaissait comme vouée à s'aggraver en l'état de la programmation des investissements. Les rapporteurs avaient ainsi recommandé d'augmenter les investissements dans la régénération du réseau de un milliard d'euros par an et, dans le même temps, de programmer et de financer le déploiement des technologies de modernisation des infrastructures ferroviaires que sont la commande centralisée du réseau2(*) (CCR) et l'ERTMS3(*).

En février dernier, les travaux du COI ont corroboré les analyses du rapport d'information de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel. Cet organisme indépendant a formulé les mêmes recommandations. La Première ministre a annoncé un plan ferroviaire de 100 milliards d'euros et elle a pris l'engagement que d'ici la fin du quinquennat, 1,5 milliard d'euros supplémentaires seront alloués chaque année au financement des infrastructures ferroviaires, soit 1 milliard d'euros pour la régénération du réseau et 500 millions d'euros pour la modernisation. Cette prise de conscience est un premier pas. Néanmoins, cet engagement reste à clarifier.

La trajectoire de montée en puissance des investissements en matière de régénération et de modernisation du réseau d'ici à 2027 fait encore l'objet de tractations mais il est déjà acquis qu'une première hausse de 300 millions d'euros serait financée en 2024 par une affectation supplémentaire de bénéfices de SNCF Voyageurs au fonds de concours dédié au réseau. Alors qu'une partie de cette enveloppe sera absorbée par l'inflation, sa répartition entre régénération et modernisation est inconnue. La SNCF aurait par ailleurs proposé d'abonder d'au moins 175 millions d'euros supplémentaires le fonds de concours dès 2024.

L'État ne cache pas sa volonté de faire financer l'intégralité de la montée en puissance des investissements dans le réseau ferroviaire d'ici 2027 par la SNCF elle-même. Pour les rapporteurs spéciaux, ce choix présente de vrais risques. Premièrement, il n'est pas garanti que la SNCF puisse supporter à elle-seule le coût de ces investissements. Deuxièmement, et si l'on raisonne à l'échelle du secteur ferroviaire, il apparaît contreproductif et en contradiction avec un paysage devenu concurrentiel et les objectifs de développement de la mobilité ferroviaire. Il pourrait notamment se traduire par un phénomène d'éviction des investissements de SNCF Voyageurs ainsi que par une possible augmentation des prix des billets.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux ont noté que le ministre délégué chargé des transports souhaite que le contrat de performance de SNCF Réseau soit « rapidement révisé ». Ils rappellent que cette perspective indispensable doit en effet aboutir sans délai, s'agissant d'un contrat qui, comme son prédécesseur, est mort-né.

IV. UNE AUGMENTATION PONCTUELLE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 205 « AFFAIRES MARITIMES, PÊCHES ET AQUACULTURE »

En 2024, les crédits inscrits sur le programme 205 devraient significativement augmenter de 54 millions d'euros en AE (+ 22 %) et de 34 millions d'euros en CP (+ 14 %) pour s'établir respectivement à 301 millions d'euros et 275 millions d'euros. Ces évolutions s'expliquent principalement par deux phénomènes ponctuels :

- une hausse de 18 millions d'euros des crédits prévus au titre du dispositif de soutien aux entreprises d'armement maritime (SEAM) qui s'explique elle-même par un report de crédits de 11 millions d'euros de l'exercice 2022 à l'exercice 2023 qui a permis de financer une partie de l'aide cette année ;

- l'acquisition pour 25 millions d'euros d'un nouveau patrouilleur destiné au contrôle des pêches en haute mer.

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

Au 10 octobre 2023, date limite fixée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), 30,30 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux.

LE PROGRAMME 203
« INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORTS » ET L'ATTENTE D'UNE NOUVELLE PROGRAMMATION D'INVESTISSEMENTS

I. LA FORMALISATION D'UNE NOUVELLE TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE D'INVESTISSEMENTS FAIT CRUELLEMENT DÉFAUT

A. LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORTS ORPHELINES D'UNE PROGRAMMATION FINANCIÈRE PLURIANNUELLE

Jusqu'en 2023, les dépenses annuelles4(*) de l'agence de financement des infrastructures de transports de France (AFIT France) en termes d'infrastructures de transports étaient prévues par la programmation figurant à l'article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM).

Dépenses de l'AFIT France prévues à l'article 2 de la LOM exprimées
en crédits de paiement sur la période 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après l'article 2 de la LOM

Le 24 février 2023, le Conseil d'orientation des infrastructures a remis un rapport5(*) devant servir de base à la construction d'une nouvelle programmation pluriannuelle des investissements de l'État dans les infrastructures de transports. Après avoir établi l'incompatibilité entre les objectifs affichés dans la lettre de mission du Gouvernement et le cadrage budgétaire pluriannuel qu'il était censé respecter, le COI a pris le parti de s'écarter de ce dernier afin de proposer un scénario dit de « planification écologique ».

Ce scénario recommande une trajectoire de dépenses d'investissements de l'AFIT France dans les infrastructures majorée de 50 % par rapport au cadrage budgétaire. Il suppose des dépenses (en CP) de l'AFIT France à hauteur 26 milliards d'euros sur la période 2023-2027, puis d'environ 32 milliards d'euros pour chacune des trois périodes quinquennales suivantes.

Si la majorité des membres du COI penche pour le scénario de « planification écologique », le conseil a également documenté un troisième scénario plus ambitieux encore en termes de développement de nouvelles infrastructures, notamment routières et ferroviaires. En outre, le COI a aussi souhaité se projeter sur une période de 20 ans, plus à même de donner la visibilité nécessaire aux grands programmes d'infrastructures sur lesquels il est amené à se prononcer.

Trajectoire budgétaire prévisionnelle en CP de l'AFIT
selon les trois scénarios documentés par le COI (2023-2042)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport du COI de février 2022

Les rapporteurs spéciaux saluent le travail d'analyse du COI et demandent au Gouvernement de pleinement s'en emparer. Si la Première ministre a déclaré vouloir prendre pour base de travail le scénario dit de « planification écologique » suggéré par le COI, cet engagement encore trop flou doit impérativement être formalisé puis concrétisé de manière effective. Pour ce faire, et comme l'exige les dispositions de la LOM, les rapporteurs considèrent qu'il est absolument incontournable de traduire la nouvelle trajectoire prévisionnelle d'investissements de l'AFIT France dans la loi.

Alors que l'article 3 de la LOM dispose que la programmation financière qu'elle fixe devait faire « l'objet d'une première actualisation au plus tard le 30 juin 2023, puis tous les cinq ans », les rapporteurs spéciaux regrettent vivement que le Gouvernement ne respecte pas cette disposition législative pourtant majeure en matière de transition écologique. En effet, l'actualisation de la programmation financière des investissements de l'État dans les infrastructures de transports se fait toujours attendre en dépit de la publication du rapport du COI en février et aucune loi de programmation des infrastructures de transports ne se profile à l'horizon.

Les rapporteurs ont noté que le 17 octobre dernier devant la commission du développement durable de l'Assemblée Nationale, le ministre délégué chargé des transports Clément Beaune a annoncé « espérer » pouvoir présenter une loi de programmation des infrastructures de transport en 2024. Sur cet enjeu fondamental pour l'avenir du secteur des transports en France et sa transition écologique, ils souhaiteraient cependant une perspective beaucoup plus claire qu'une simple « espérance ».

B. EN HAUSSE DE 800 MILLIONS D'EUROS, LES MOYENS DE L'AFIT FRANCE DEVRAIENT DÉPASSER LES 4,5 MILLIARDS D'EUROS EN 2024

Le financement par l'État des infrastructures de transports repose largement sur une agence, l'AFIT France, celui des services de transports étant quant à lui porté par le programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Adopter et sécuriser une programmation financière pluriannuelle des infrastructures de transports revient ainsi, avant toute chose, à fixer le montant du budget de l'AFIT France pour les années à venir et à s'assurer qu'elle dispose de recettes suffisantes et sur le niveau desquelles elle bénéficie d'une véritable visibilité.

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France
(AFIT France)

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) est un établissement public administratif de l'État créé en 20046(*) dont la tutelle est assurée par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM).

Elle est administrée par un conseil d'administration composé de douze membres comprenant six représentants de l'État, un député, un sénateur, trois élus locaux et une personnalité qualifiée.

Pour son fonctionnement, elle dépend entièrement de la DGITM. L'AFIT France est ce que l'on appelle « un opérateur transparent »7(*), une simple caisse de financement dont les décisions engagent directement l'État.

Comme le rappelait le projet annuel de performances pour 2019, « à partir de 2006, notamment à la suite de l'extension de son domaine d'intervention au financement des contrats de projets État-régions, l'AFIT France est devenue l'acteur privilégié du financement de l'ensemble des infrastructures de transport (hors domaine aérien). Son champ d'intervention ne se limite donc pas aux grands projets d'infrastructures d'intérêt national, mais inclut les dépenses de modernisation, de gros entretien et de régénération des réseaux, et, pour les transports collectifs de personnes, les projets portés par les communautés d'agglomération ».

Pour assurer son financement, l'AFIT France bénéficie de taxes affectées. L'agence reverse dans un second temps les deux tiers de son budget au programme 203 « Infrastructures et services de transport » sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Elle favorise ainsi le report modal, en contribuant avant tout au financement d'infrastructures ferroviaires et fluviales grâce à des ressources provenant du secteur routier.

Source : commission des finances du Sénat

1. Les affectations de recettes fiscales à l'AFIT France devraient être complétées en 2024 par l'instauration d'une nouvelle taxe sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes et les aéroports

Le budget de l'AFIT France est principalement abondé par l'affectation d'une partie du produit de l'accise sur les produits énergétiques8(*). La loi de finances initiale pour 2023 avait augmenté son plafond d'affectation de 660 millions d'euros à 1,9 milliard d'euros. Pour 2024, l'article 28 du présent projet de loi de finances en prévoit une nouvelle augmentation de 10 % (182 millions d'euros) pour le porter à 2,1 milliards d'euros.

Évolution du plafond du produit de TICPE
affecté en lois de finances à l'AFIT France (2018-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les lois de finances

Assis sur le chiffre d'affaire de l'année précédente, le produit de la redevance domaniale9(*) versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) s'est établi à 370 millions d'euros en 2022, retrouvant ainsi son niveau habituel après la diminution significative constatée en 2021 en raison des répercussions de la crise sanitaire sur le trafic autoroutier en 2020. Selon les estimations les plus récentes, en 2023 le rendement de la redevance devrait progresser et pourrait atteindre 402 millions d'euros. Un montant de 411 millions d'euros est attendu en 2024.

Évolution de la redevance domaniale affectée à l'AFIT France (2016-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'AFIT FRANCE

Les recettes de la taxe d'aménagement du territoire (TAT)10(*) acquittée par les SCA, à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers, devraient rapporter 567 millions d'euros à l'AFIT France en 2024, un montant à la hauteur du plafond d'affectation inscrit à l'article 28 du présent projet de loi de finances (PLF).

Évolution du montant de taxe d'aménagement du territoire (TAT)
affecté à l'AFIT France (2016-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'AFIT FRANCE

Une partie du produit des amendes des radars automatiques du réseau routier national est également reversée à l'AFIT France. Ces recettes ont été soumises à de très fortes fluctuations ces dernières années en raison premièrement de la crise sociale des « gilets jaunes » puis de la crise sanitaire.

En 2023 l'AFIT France attendait 250 millions de recettes liées au produit des amendes radars mais, d'après les dernières estimations, seuls 220 millions d'euros pourraient être effectivement perçus par l'agence.

Pour 2024, le budget prévisionnel de l'AFIT France anticipe 250 millions d'euros de recettes provenant des amendes de radars automatiques. Les rapporteurs spéciaux notent cependant une discordance entre cette prévision et l'estimation inscrite dans le projet annuel de performances du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » dit « CAS radars » qui n'est que de 233 millions d'euros.

Si les fluctuations de cette ressource sont antinomiques avec l'inertie et le caractère pluriannuel des dépenses de l'AFIT France au profit des infrastructures de transport, les rapporteurs spéciaux notent que fort heureusement, depuis les dernières années, le budget de l'AFIT France est désormais nettement moins exposé à l'imprévisibilité de cette recette. En effet, en 2024, elle ne devrait représenter que 5,5 % des dépenses prévisionnelles totales de l'agence contre près de 20 % en 2018.

Évolution des recettes d'amendes radars
affectées au budget de l'AFIT France (2012-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Une part du rendement de l' « écocontribution » sur le transport aérien, adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2020 et conçue comme une majoration de l'ancienne taxe de solidarité sur les billets d'avion (TS), abonde également le budget de l'AFIT France. Depuis la création du nouveau code des impositions sur les biens et services (CIBS) et en vertu des dispositions de l'article L. 422-20 de ce même code, cette taxe est dénommée « tarif de solidarité » de la « taxe sur le transport aérien de passagers ».

En 2020, comme en 2021, en raison de la crise historique du transport aérien et de l'effondrement sans précédent du trafic qui en a résulté, l'AFIT France n'a perçu aucune recette issue de cette contribution alors qu'elle devait lui rapporter 230 millions d'euros par an.

Du fait de la reprise du trafic aérien, 2022 a été la première année au cours de laquelle l'AFIT France s'est vue affecter une part du tarif de solidarité appliqué à la taxe sur le transport aérien de passager. À hauteur de 138 millions d'euros, cette part est cependant restée très inférieure au plafond d'affectation fixé à 230 millions d'euros. En 2023, d'après les prévisions les plus actualisées, l'agence pourrait percevoir 163 millions d'euros au titre de cette contribution.

Pour l'année 2024, l'article 28 du présent PLF prévoit d'augmenter le plafond d'affectation du tarif de solidarité à l'AFIT France de 22 millions d'euros, pour un montant total annuel de 252 millions d'euros. Compte-tenu de la reprise vigoureuse du transport aérien, il est vraisemblable que le rendement total de cette taxe soit suffisant pour que l'AFIT France voie son budget 2024 abondé à hauteur de ce nouveau plafond d'affectation.

Depuis 2015, l'AFIT France percevait aussi annuellement une contribution volontaire exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) pour un montant total de 1,2 milliard d'euros courants sur la durée des concessions, soit environ 60 millions d'euros par an. Cependant, depuis 2021, les SCA, engagées dans un contentieux avec l'État au sujet de l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) sur l'inflation, refusent de s'acquitter de leur contribution annuelle due à l'AFIT France. « Otage de ce conflit », l'AFIT France a déjà dû faire face à un déficit de recettes cumulé de 180 millions d'euros. À ce jour, il semble extrêmement peu probable que les SCA versent cette contribution en 2024, ce qui devrait porter le déficit cumulé à 240 millions d'euros sur la période 2021-2024.

Un contentieux entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA)
qui se répercute sur les ressources de l'AFIT France

Suite à l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) sur 70 % de l'inflation prévue par la loi n° 2019-1479 de finances pour 2020 et devant le refus de l'État de compenser aux SCA ses effets, ces dernières ont estimé que les termes de l'article 5 des conventions relatives à la contribution volontaire exceptionnelle (CVE) conclues entre elles et l'AFITF ainsi que du protocole d'accord du 9 avril 2015 n'étaient plus respectés. Selon leur interprétation, ce protocole lierait le paiement par les sociétés de la contribution volontaire exceptionnelle à l'AFIT France à un engagement de l'État de stabilité de la fiscalité appliquée aux SCA. Les SCA ont ainsi pris la décision de suspendre le paiement de cette contribution en invoquant l'article 5 des conventions signées entre elles et l'AFIT France. Une phase de conciliation infructueuse entre l'État et les SCA a été menée au premier semestre de l'année 2021.

Deux contentieux sont désormais en cours d'examen :

- un premier devant le tribunal administratif de Paris aux fins d'être compensées des effets de l'indexation de la TAT ;

- un autre devant le tribunal judiciaire de Nanterre11(*) ainsi que devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux fins de contestation des sommes réclamées par l'AFIT France au titre de la contribution.

S'agissant du premier contentieux, dans un arrêt du 13 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a donné tort aux SCA en considérant que l'indexation de la TAT n'avait pas à leur être compensée. Le tribunal a notamment considéré que le requérant n'avait pas démontré que l'indexation avait un « impact significatif » sur la concession.

Toutefois les SCA ont toutes interjeté appel en mars 2023 de cette décision devant le Conseil d'État.

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Enfin, l'article 15 du présent PLF prévoit l'instauration d'une taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance qui, en pratique, s'appliquerait aux sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) ainsi qu'aux principaux aéroports (Roissy, Orly, Marseille, Lyon, Nice et Toulouse).

Cette taxe conduirait à imposer à un taux de 4,6 % les revenus d'exploitation dépassant le seuil de 120 millions d'euros des exploitations d'infrastructures de transport de longue distance dont le niveau de rentabilité12(*) moyen serait supérieur à 10 %.

L'estimation de son rendement en 2024 est de 600 millions d'euros réparti entre environ 450 millions d'euros pour les SCA et 150 millions d'euros pour les aéroports. Ce même article 15 prévoit que le produit de cette taxe est affecté à l'AFIT France dans la limite d'un plafond fixé pour 2024 à 600 millions d'euros par l'article 28 du même PLF.

Évolution des recettes de l'AFIT France (hors plan de relance)

(en millions d'euros)

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Estimations 2023

PLF 2024

Taxe d'aménagement du territoire

512

516

472

523

459

561

561

567

567

Redevance domaniale

331

351

347

357

365

336

370

402

411

Amendes radars

352

409

248

228

167

271

178

220

250

TICPE

763

1 124

1 028

1 206

1 587

1 285

1248

1908

2090

Écocontribution billets d'avion

-

-

-

-

-

-

138

163

252

Plan de relance autoroutier

100

0

100

60

58

-

-

-

-

Taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport longue distance

-

-

-

-

-

-

-

-

600

Produits exceptionnels

-

-

35

89

3

-

2

3

-

Dotation budgétaire « Marseille en grand »

-

-

-

-

-

-

82

-

-

Subvention de l'État

-

-

-

-

250

100

-

-

-

Total

2 058

2 400

2 231

2 462

2 888

2 553

2579

3263

4170

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Hors financements liés au plan de relance, les ressources affectées à l'AFIT France devraient s'établir à 4,2 milliards d'euros en 2024, soit une progression de 0,9 milliard d'euros (+ 28 %) par rapport à 2023 et une multiplication par deux depuis 2016.

Recettes affectées à l'AFIT France (hors plan de relance) depuis 2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2. En 2024, l'AFIT France prévoit de dépenser une somme record de 4,6 milliards d'euros

Ainsi qu'il a été rappelé supra, la programmation pluriannuelle des investissements dans les infrastructures de transport était, jusqu'en 2023, inscrite à l'article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM).

La trajectoire des dépenses de l'AFIT France
prévue par la loi d'orientation des mobilités (LOM)

(en millions d'euros courants)

Année

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses de l'AFIT FRANCE

2 683 (prévus)

2 464,9 (réalisés)

2 982 (prévus)

2 824,1 (réalisés)

2 687 (prévus)

3 051 (réalisés)

2 580 (prévus)

3 289 (réalisés)

2 780 (prévus)

3 777 (prévus avec le plan de relance)

Source : article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et documents financiers de l'AFIT France

En 2019 comme en 2020, la trajectoire d'investissements prévue par la LOM n'avait pas pu être respectée. En 2021 et en 2022, les rapporteurs spéciaux ont constaté que ce n'est qu'à la faveur des 514 millions d'euros de crédits du plan de relance (514 millions d'euros en 2021 et 730 millions d'euros en 2022) qu'elle a pu l'être.

L'année 2023 devrait être la première année au cours de laquelle l'objectif de dépenses prévu dans la LOM sera respecté, et ce même après le retraitement des crédits issus des programmes du plan de relance.

Ainsi, le total des dépenses prévisionnelles de l'AFIT France pour 2023 s'établit à ce jour à 3,7 milliards d'euros. Sans les 409 millions d'euros de dépenses relatives aux programmes du plan de relance, le niveau d'investissements en 2023 serait alors d'environ 3,3 milliards d'euros, soit un montant significativement supérieur aux 2,8 milliards d'euros que prévoyait la LOM.

Une problématique récurrente et regrettable se cache néanmoins derrière cette bonne nouvelle. Les rapporteurs spéciaux s'interrogent devant le caractère systématique des sous-consommations de crédits en gestion par l'AFIT France. Tous les ans, les dépenses réelles se trouvent être nettement plus basses que les prévisions qui figuraient au budget initial. Cette situation a pris davantage d'ampleur depuis 2020, notamment du fait des opérations relevant du plan de relance.

Différence entre les CP programmés dans le budget initial de l'AFIT et les CP réellement consommés depuis 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les budgets et rapports d'activité de l'AFIT

En 2023, d'après les prévisions du troisième budget rectificatif de l'année adopté au début du mois de novembre, le phénomène est certes atténué pour les crédits de paiement, qui devraient néanmoins être inférieurs d'un peu plus de 100 millions d'euros au budget initial, mais il reste en revanche très marqué pour les autorisations d'engagement pour lesquelles le niveau de sous-consommation atteindrait près de 400 millions d'euros.

68 millions d'euros des 100 millions d'euros de la sous-consommation observée en matière de crédits de paiements s'expliquent par des opérations relevant du plan de relance, les infrastructures ferroviaires et de transports collectifs étant les plus affectées. Les 30 millions d'euros restants proviennent d'une sous-consommation liée au chantier du Canal Seine-Nord-Europe.

En ce qui concerne les sous-consommations observées en matière d'autorisation d'engagement, la problématique est la même que celle qui avait été mise en exergue dans le rapport des rapporteurs spéciaux des crédits transports de la mission écologie, au titre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 : des appels de fonds des collectivités concernant les appels à projets relatifs aux transports collectifs en site propre (TCSP) s'avèrent structurellement très inférieurs aux prévisions.

Une des causes de cette problématique résulte de l'insuffisante régularité dans le temps des appels à projets TCSP. Ce sujet a notamment été développé par la mission d'information de la commission des finances du Sénat sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) qui a publié ses travaux en juillet 202313(*). Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a aussi relayé ces critiques, également exprimées par le Groupement des autorités responsables de transport (GART). D'après le COI, cette méthode conduirait en effet « à désigner lauréats des projets qui ne sont pas encore matures ce qui pose ensuite des difficultés de mobilisation des crédits »14(*).

Ce défaut de programmation des appels à projets peut amener certaines AOM à présenter des projets moins matures et qui peuvent évoluer entre la candidature et le subventionnement, voire qui sont susceptibles d'être abandonnés, au détriment de subventions qui auraient pu être octroyées aux autres projets présentés. Le GART soulève également une autre difficulté, qui réside dans la temporalité des projets dont le calendrier (études, décision politique, etc.) ne correspond pas toujours à celui de l'État15(*).

Pour corriger ces effets contreproductifs qui nuisent à la programmation du financement des infrastructures de transports, à l'avenir, et comme le suggère le COI, les rapporteurs spéciaux recommandent de lancer des appels à projets annuels.

Par ailleurs, et au-delà de ces considérations, l'AFIT France, comme elle le reconnaît elle-même, doit aussi parvenir à mieux suivre la réalisation des projets qu'elle finance et, ainsi, à réaliser des estimations de dépenses prévisionnelles plus précises.

Répartition par mode de transport des dépenses de l'AFIT FRANCE en 2023

(en millions d'euros)

Source : deuxième budget rectificatif 2022 de l'AFIT-France

L'AFIT France continue d'occuper une place centrale dans la déclinaison des crédits du plan de relance consacrés aux transports. Elle a été dotée de 3,1 milliards d'euros16(*) à ce titre. À la fin de l'année 2022, tous les crédits issus du plan de relance ont été engagés par l'AFIT France à l'exception de 0,4 milliard d'euros de crédits ouverts au titre du quatrième appel à projet relatif aux transports collectifs en site propre (TCSP). Les projets concernés n'étaient encore pas suffisamment matures pour que les crédits puissent être engagés par l'agence. Dans le cadre de ce quatrième appel à projet, les chantiers éligibles doivent avoir été entamés au plus tard en 2025. Aussi, si la réalisation de ces projets est bien confirmée, l'AFIT France prévoit-elle que ces crédits soient engagés d'ici à 2025.

À la fin de l'année 2023, sur une enveloppe totale de 3,1 milliards d'euros, l'agence devrait avoir engagé des crédits à hauteur de 2,7 milliards d'euros pour des dépenses effectives d'environ 1,7 milliard d'euros. En 2024, le budget prévisionnel de l'AFIT France prévoit que 0,4 milliard d'euros de CP relatifs au plan de relance soient exécutés.

Calendrier prévisionnel d'exécution des crédits du plan de relance
gérés par l'AFIT France entre 2020 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les rapports d'activité de l'AFIT France et les réponses au questionnaire budgétaire

Même si le budget de l'AFIT France doit être voté en conseil d'administration à la fin de l'année, les réponses au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux donnent un aperçu de la répartition par modes de transports des 4 575 millions d'euros de dépenses réelles (CP) prévues par l'agence au titre de 2024.

Évolution du budget de l'AFIT France (en CP) entre 2016 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'AFIT France et les réponses au questionnaire budgétaire

Ce niveau de dépenses inédit représenterait une augmentation de 20 % par rapport aux dépenses prévisionnelles pour 2023 et de 40 % par rapport aux dépenses exécutées en 2022. Ce montant signifierait un doublement du montant de dépenses annuelles de l'AFIT France depuis 2017 et une hausse de près de 2,5 milliards d'euros.

Répartition prévisionnelle par modes de transports
des dépenses de l'AFIT FRANCE en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Sur le périmètre des transports terrestres alternatifs à la route (ferroviaire, transports collectifs et combinés ainsi que mobilités actives), l'augmentation des crédits prévisionnels prévus pour 2024 par rapport aux dépenses qui devraient être réalisées en 2023 est de 540 millions d'euros, soit une augmentation de 25 %.

S'agissant du secteur routier, la hausse prévisionnelle atteint 190 millions d'euros, soit une progression de 15 % par rapport à 2023.

En 2024, les crédits de paiement consacrés par l'AFIT France aux infrastructures fluviales devraient connaître une forte augmentation de 133 millions d'euros, soit + 72 %.

Les dépenses effectives affectées aux infrastructures portuaires devraient quant à elles rester stables en 2024 à environ 80 millions d'euros.

II. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 203 : UNE HAUSSE SUBSTANTIELLE À RELATIVISER

A. LES CRÉDITS DU PROGRAMME SERONT ABONDÉS PAR PRÈS D'UN MILLIARD D'EUROS ISSUS DES BÉNÉFICES DE SNCF VOYAGEURS

1. Hors fonds de concours, les crédits progressent d'autant plus si l'on retraite l'aide exceptionnelle de 300 millions d'euros versées en 2023 aux autorités organisatrices de la mobilité

La présente loi de finances dote pour 2024 le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de 4 349,6 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 4 386,5 millions d'euros en crédits de paiement (CP) contre respectivement 4 140,9 millions d'euros et de 4 372,6 millions d'euros en 2023 soit des hausses de 5,0 % en AE et de 0,3 % en CP.

Si l'on exclut du champ de comparaison l'aide exceptionnelle de 300 millions d'euros répartie en 2023 entre Île-de-France mobilités (200 millions d'euros) et les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) hors Île-de-France (100 millions d'euros), les hausses de crédits constatées en 2024 atteignent 13,2 % en AE et 7,7 % en CP.

Répartition des crédits de paiement du programme 203 en 2023 et en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances du programme 203 annexé au projet de loi de finances pour 2024

En 2024, les concours à SNCF Réseau représentent à eux seuls 68 % des crédits budgétaires inscrits sur le programme 203.

Évolution des crédits du programme 203 entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme 203

LFI 2023

PLF 2024

Écart

LFI 2023

PLF 2024

Écart

01-Routes-développement

-

-

-

-

-

-

04-Routes-entretien

310,4

288,5

- 7,1 %

299,6

299,1

- 0,2 %

41-Ferroviaire

2 708,4

2 965,2

+ 9,5 %

2 704,9

2 966,4

+ 9,7 %

42-Voies navigables

253,7

255,2

+ 0,6 %

253,7

255,2

+ 0,6 %

43-Ports

94,4

92,5

- 2,0 %

94,4

92,5

- 2,0 %

44-Transports collectifs

372,7

336,2

- 9,8 %

606,5

366,0

- 39,7 %

45-Transports combinés

132,1

135,9

+ 2,9 %

136,1

135,9

- 0,2 %

47-Fonctions support

46,9

57,4

+ 22,4 %

46,9

57,4

+ 22,4 %

50-Transport routier

158,2

167,3

+ 5,8 %

158,2

167,3

+ 5,8 %

51-Sécurité ferroviaire

-

-

-

-

-

-

52-Transport aérien

64,1

51,4

- 19,8 %

72,3

46,7

- 35,4 %

53- Dotation exceptionnelle à l'AFIT FRANCE

-

-

-

-

-

-

TOTAL

4 140,9

4 349,6

+ 5,0 %

4 372,6

4 386,5

+ 0,3 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024

La hausse des crédits du programme s'explique principalement par l'augmentation des dépenses inscrites sur l'action 41 « Ferroviaire » (+ 257 millions d'euros en AE et + 262 millions d'euros en CP). Ce phénomène s'explique essentiellement par la hausse du coût prévisionnel des péages ferroviaires que l'État verse chaque année à SNCF Réseau au titre des circulations des trains intercités et de transport express régional (TER)17(*). Cette hausse provient elle-même de l'augmentation de 8 % des péages ferroviaires en 2024 validée en février 2023 par l'Autorité de régulation des transports (ART).

Par ailleurs, 23 millions d'euros de la hausse des crédits constatés sur cette action s'expliquent par la compensation que l'État doit verser à l'exploitant du Charles de Gaulle express destinée à le dédommager du fait du report de la date contractuelle de mise à disposition de l'infrastructure, de fin 2025 à début 2027 qui fait notamment suite à l'annulation de l'autorisation environnementale du projet par le tribunal administratif de Montreuil en novembre 2020.

La hausse de 10,5 millions d'euros des crédits inscrits sur l'action 47 « Fonctions supports » s'explique essentiellement par les 10 millions d'euros prévus en 2024 pour lancer l'expérimentation d'un titre de transport unique.

La baisse des crédits observées sur l'action 44 « Transports collectifs » doit quant à elle s'analyser en regard de la subvention exceptionnelle de 300 millions d'euros qui a été versée en 2023 aux AOM (voir supra).

2. Une hausse inédite des crédits de fonds de concours à relativiser et principalement due au montant exceptionnel des bénéfices de SNCF Voyageurs affecté au réseau ferré

Le programme 203 est abondé de manière très significative par des fonds de concours qui proviennent majoritairement de l'AFIT France18(*) mais également, et le phénomène doit être particulièrement exacerbé en 2024, du fonds de concours dédié à la régénération du réseau ferroviaire abondé par une part des bénéfices générés par l'opérateur de transport ferroviaire historique SNCF Voyageurs.

Évaluation des fonds de concours du programme 203 en 2024

(en millions d'euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme 203

Prévisions
2023

Prévisions
2024

Variation

Prévisions 2023

Prévisions 2024

Variation

01- Routes - développement

666,2

676,2

+ 1,5 %

796,1

910,2

+ 14,3 %

04- Routes - entretien

631,0

730,4

+ 15,8 %

657,5

731,8

+ 11,3 %

41- Ferroviaire

515,0

1769,6

+ 243,6 %

638,9

1495,0

+ 134,0 %

42- Voies navigables

1,4

10,1

+ 621,4 %

1,8

10,1

+ 461,1 %

43- Ports

46,2

131,9

+ 185,5 %

89,1

78,4

- 12,0 %

44- Transports collectifs

218,4

634,5

+ 190,5 %

443,4

673,9

+ 52,0 %

45- Transports combinés

76,0

195,9

+ 157,8 %

70,5

107,4

+ 52,3 %

47- Fonctions support

1,9

1,9

-

1,9

1,9

-

50- Transport routier

-

-

-

-

-

-

51- Sécurité ferroviaire

45,0

45,0

-

45,0

45,0

-

52- Transport aérien

-

-

-

-

-

-

53- Dotation exceptionnelle à l'AFIT FRANCE

-

-

-

-

-

-

TOTAL

2 201,0

4 195,3

+ 90,1 %

2 744,1

4 053,7

+ 47,7 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024

En 2024, du fait des nouveaux financements alloués par l'AFIT France et destinés à financer l'indispensable transition écologique de nos infrastructures de transports, principalement ferroviaires, les crédits de fonds de concours attribués au programme 203 doivent augmenter dans des proportions inédites.

Ainsi, en 2024, le montant total des crédits de fonds de concours devant abondés le programme doit-il s'élever à 4,2 milliards d'euros en AE et 4,1 milliards d'euros en CP, ce qui correspond à des augmentations respectives de 2 milliards d'euros (+ 90 %) et de 1,3 milliard d'euros (+ 48 %) par rapport aux crédits inscrits en LFI pour 2023.

La rupture dans la tendance historique des crédits de fonds de concours alloués au programme 203 est particulièrement visible dans le graphique ci-après.

Évolution des prévisions de fonds de concours affectés au programme 203
en loi de finances initiale (2019-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse des fonds de concours qui devraient venir abonder le programme 203 en 2024 s'explique très largement par l'augmentation des crédits consacrés à l'action 41 « Ferroviaire » : 1 255 millions d'euros en AE (+ 244 %) et 856 millions d'euros en CP (+ 134 %). Cette augmentation a essentiellement trois origines.

Premièrement, cette hausse peut être en partie relativisée en raison du dernier versement à SNCF Réseau, intervenu en 2023, des 4,05 milliards d'euros du plan de relance ferroviaire adopté en 2020 et qui lui étaient destinés. Cette somme de 644 millions d'euros avait fait l'objet d'un report de crédits de l'exercice budgétaire 2022 vers la gestion 2023. En tenant compte de ces crédits de fonds de concours exécutés en 2023, la hausse réelle des crédits attendus en 2024 ne serait « plus » que de 611 millions d'euros en AE (+ 53 %) et de 212 millions d'euros en CP (+ 17 %).

Deuxièmement, cette augmentation s'explique, comme le prévoit le contrat de performance de SNCF Réseau, par l'attribution en 2024 d'un montant exceptionnel de 925 millions d'euros provenant des bénéfices de SNCF Voyageurs et versé au fonds de concours dédié à la régénération du réseau ferroviaire. Plus marginalement, elle a aussi pour origine l'augmentation de 47 millions d'euros de l'affectation d'une part des produits de cession du groupe SNCF aux fonds de concours du programme 203 destinés, in fine, à abonder le budget de SNCF Réseau.

Enfin, troisièmement, cette augmentation s'explique aussi par la hausse sensible des fonds de concours alloués par l'AFIT France au titre des financements de l'État en faveur des volets ferroviaires des CPER ainsi que pour la lutte contre le bruit ferroviaire, l'accessibilité des gares ou encore le réseau des lignes capillaires de fret.

Le détail de l'analyse des évolutions constatées sur les crédits de fonds de concours portés sur l'action 41 « Ferroviaire » du programme 203, en intégrant le versement de 644 millions d'euros effectué au profit de SNCF Réseau par une procédure de report de crédits, est décrit dans le graphique ci-après.

Analyse de l'évolution des crédits de fonds de concours sur l'action 41 « Ferroviaire » entre 2023 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En dehors de ce phénomène, d'autres évolutions contribuent à l'augmentation des crédits de fonds de concours qui devraient abonder le programme 203 en 2024. Ainsi, la hausse constatée sur l'action 44 « Transport collectifs » s'explique principalement par l'amorçage des premiers financements relatifs au volet mobilité (2023-2027) du contrat de plan État-région (CPER) pour l'Île-de-France.

L'augmentation significative des crédits de fonds de concours fléchés vers l'action 45 « Transports combinés » (+ 120 millions d'euros en AE et + 37 millions d'euros en CP) doit permettre d'accroître les investissements consacrés aux infrastructures de fret ferroviaire nécessaires au transport combiné : installations terminales, lignes capillaires ou encore voies de service.

3. Une augmentation globale de plus de 1,3 milliard d'euros des crédits de paiement du programme 203

Évaluation du total des crédits ouverts19(*) sur le programme 203 en 2024

(en millions d'euros)

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme 203

Prévisions 2023

Prévisions 2024

Variation

Prévisions 2023

Prévisions 2024

Variation

01- Routes - développement

666,2

676,2

+ 1,5 %

796,1

910,2

+ 14,3 %

04- Routes - entretien

941,4

1018,9

+ 8,2 %

957,1

1030,9

+ 7,7 %

41- Ferroviaire

3223,4

4734,8

+ 46,9 %

3343,8

4461,4

+ 33,4 %

42- Voies navigables

255,1

265,3

+ 4,0 %

255,5

265,3

+ 3,8 %

43- Ports

140,6

224,4

+ 59,6 %

183,5

170,9

- 6,9 %

44- Transports collectifs

591,1

970,7

+ 64,2 %

1049,9

1039,9

- 1,0 %

45- Transports combinés

208,1

331,8

+ 59,4 %

206,6

243,3

+ 17,8 %

47- Fonctions support

48,8

59,3

+ 21,5 %

48,8

59,3

+ 21,5 %

50- Transport routier

158,2

167,3

+ 5,8 %

158,2

167,3

+ 5,8 %

51- Sécurité ferroviaire

45

45

-

45

45

-

52- Transport aérien

64,1

51,4

- 19,8 %

72,3

46,7

- 35,4 %

53- Dotation exceptionnelle à l'AFIT FRANCE

-

-

-

-

-

-

TOTAL

6342,0

8545,1

+ 34,8 %

7116,8

8440,2

+ 18,6 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024

En tenant compte des fonds de concours, pour 2024, le montant total des crédits inscrits au programme 203 s'élève ainsi à :

8,5 milliards d'euros en AE, en hausse de plus de 2,2 milliards (+ 35 %) par rapport à 2023 ;

8,4 milliards d'euros en CP, en hausse plus de 1,3 milliard d'euros (+ 19 %) par rapport à 2023.

Les principales origines de ces évolutions sont décrites supra dans l'analyse des crédits budgétaires et des fonds de concours du programme.

Répartition du total des autorisations d'engagement20(*) ouvertes
sur le programme 203 en 2023 et en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Répartition du total des crédits de paiement21(*) ouverts
sur le programme 203 en 2023 et en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LE PROGRAMME 203, HORS SUBVENTIONS À SNCF RÉSEAU ET À VOIES NAVIGABLES DE FRANCE

L'analyse des crédits des actions 41 « Ferroviaire » et 42 « Voies navigables » est décrite dans la partie présentée infra consacrée aux opérateurs rattachés au programme.

Les autres actions du programme 203 concernent principalement les routes (développement mais surtout entretien et modernisation), le ferroviaire (subventions aux trains d'équilibre du territoire, soutien au fret ferroviaire), les ports et le soutien à certaines lignes aériennes (en particulier les lignes d'aménagement du territoire-LAT).

1. La hausse tendancielle des crédits de modernisation et de développement des infrastructures routières se poursuit

L'action 01 « Routes-développement » a pour objet la modernisation et le développement du réseau routier national, concédé comme non concédé. Ces opérations sont exclusivement financées par des fonds de concours. Sur cette action, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit des montants de 676 millions d'euros en AE et de 910 millions d'euros en CP, soit des augmentations respectives de 1,5 % et de 14,3 % par rapport aux crédits de fonds de concours inscrits en LFI pour 2023.

Ces fonds proviennent d'une part de l'AFIT France pour les opérations qui concernent le réseau routier non concédé22(*) (pour des montants prévus en 2024 à hauteur de 426 millions d'euros en AE et 610 millions d'euros en CP) et d'autre part des collectivités territoriales, qui participent au financement de certaines opérations dans le cadre des contrats de plan État-région (pour des montants prévus à hauteur de 250 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP pour 2024).

Évolution des fonds de concours affectés à l'action 01 (2017-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. L'augmentation en valeur des crédits dévolus à l'entretien du réseau routier national ne permet pas de couvrir les effets de l'inflation

Les crédits de l'action 04 « Routes-entretien » couvrent les dépenses relatives à l'entretien courant et préventif du réseau routier national non concédé, à son exploitation, aux opérations de réhabilitation ou de régénération routières, aux aménagements de sécurité ainsi qu'à la gestion du trafic et à l'information routière des usagers.

Pour 2024, l'action doit être dotée de 289 millions d'euros en AE et de 299 millions d'euros en CP, soit des diminutions de 7,1 % et de 0,1 % par rapport aux crédits inscrits en 2023.

En outre, en 2024, l'action 04 devrait être abondée de crédits de fonds de concours à hauteur de 730 millions d'euros en AE et 732 millions d'euros en CP, ce qui correspond à des hausses respectives de 15,8 % et de 11,3 % par rapport à 2023. Cette augmentation s'explique principalement par l'accélération des travaux d'entretien en prévision du transfert aux régions et aux départements d'une partie du réseau routier national en application des dispositions de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite « 3DS ».

En 2024, les concours apportés par l'AFIT France au titre de l'entretien et à la régénération du réseau routier national (700 millions d'euros en AE et 702 millions d'euros en CP) poursuivront donc leur progression amorcée en 2018.

Évolution des fonds de concours versés par l'AFIT France
au titre de l'entretien et de la régénération du réseau routier national (2017-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2024

Le total des crédits ouverts sur l'action 04 en 2024 atteindrait ainsi 1 019 millions d'euros en AE et 1 031 millions d'euros en CP, soit une augmentation d'environ 8 %.

Évolution des crédits de paiement consacrés à l'entretien et de la régénération
du réseau routier national (2012-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Trois scénarios de financement
pour le réseau routier national non concédé

Le Gouvernement avait commandé en 2018 un audit externe de l'entretien du réseau routier national non concédé à deux bureaux d'études suisses pour préparer le projet de loi d'orientation des mobilités.

Ceux-ci ont proposé trois scénarios d'investissements pour les vingt prochaines années :

un scénario à 670 millions d'euros par an, soit la moyenne consacrée à l'entretien et à la modernisation du réseau ces dix dernières années. Selon l'audit, ce niveau d'investissement impliquerait « une aggravation de la dégradation du réseau », « des risques inacceptables et durables pour la sécurité se réaliseraient avec notamment un nombre très important de ponts qu'il faudra fermer ou limiter à la circulation » ;

un scénario à 800 millions d'euros par an, soit le montant consacré au réseau en 2018, avec lequel « la dégradation du réseau serait lente et des choix possibles pour sauvegarder une partie des actifs, par exemple les ponts ou les réseaux les plus circulés. Mais une partie du réseau serait à terme affectée par des fermetures ou des limitations de circulation » ;

un scénario à 1 milliard d'euros, qui permettrait d'enrayer véritablement la spirale de dégradation du réseau.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les rapporteurs spéciaux constatent la poursuite de l'augmentation des fonds de concours versés par l'AFIT France qui doit permettre, en 2024, de franchir la barre du milliard d'euros de dépenses en faveur de l'entretien du réseau routier national concédé.

Cependant, les conséquences de l'inflation rendent ce montant insuffisant pour inverser la tendance à la dégradation du réseau routier national non concédé. En tenant compte du phénomène inflationniste qui s'est déclenché à partir de 2021, environ 1,2 milliard d'euros par an seraient nécessaires pour enrayer la spirale de dégradation du réseau. Faute d'un effort budgétaire complémentaire, les rapporteurs spéciaux ne cachent pas leur vive préoccupation quant aux perspectives d'évolution de l'état du réseau routier national non concédé. Ce sujet est identifié par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) comme l'une des fragilités les plus manifestes du programme 203.

S'agissant de l'entretien des ouvrages d'art du réseau routier national non concédé, les investissements en 2023 devraient atteindre 135 millions d'euros en hausse de 23 % par rapport à l'année 2022. La trajectoire pluriannuelle d'investissements prévue par le ministère des transports doit conduire à porter le niveau de dépenses à 150 millions d'euros en moyenne sur la période 2023-2027, puis à 200 millions d'euros à compter de 2028. Le respect de cette trajectoire requiert donc un nouvel effort significatif dans les années qui viennent.

Évolution des crédits dédiés à l'entretien des ponts du réseau routier
national non concédé (2019-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la DGITM au questionnaire des rapporteurs

3. Les dépenses de l'État destinées à financer les trains d'équilibre du territoire devraient augmenter de 50 millions d'euros

Depuis le 1er janvier 2011, l'État est l'autorité organisatrice des lignes de trains d'équilibre du territoire (TET). À ce titre, il détermine le plan de transport des services dits « intercités ». En contrepartie, il verse chaque année à SNCF Voyageurs des compensations pour financer une partie du déficit d'exploitation de ces lignes ainsi que le programme pluriannuel de maintenance et de régénération de leur matériel roulant. Suite à la réforme des TET engagée en 2015, des lignes d'intérêt local ont été transférées à six régions23(*). En contrepartie, et selon des modalités propres à chacune d'elles, l'État s'est engagé à renouveler une partie du matériel roulant et à prendre à sa charge une portion de leur déficit d'exploitation.

Les obligations respectives de l'opérateur ferroviaire et de l'État sont formalisées dans des conventions d'exploitation. La convention 2016-2020, avait été prolongée d'un an par avenant. La nouvelle convention pour la période 2022-2031 a été signée 17 mars 2022 pour un montant global de 1,73 milliard d'euros. Cette convention prévoit un calendrier d'ouverture à la concurrence des lignes TET regroupées en cinq lots distincts :

Calendrier d'ouverture à la concurrence des lignes de TET

Lignes

Lot

Échéance

Nantes - Lyon et Lyon - Bordeaux

A

2027

Lignes de nuit

C

2028

Paris-Limoges - Toulouse et Paris - Clermont

B

2029

Bordeaux - Marseille

D

2030

Clermont-Saint - Martin-Sail-les-Bains

Clermont-Béziers

Toulouse-Hendaye

E

-

Source : réponses au questionnaire budgétaire

En 2024, les crédits de paiement de la sous-action 44-06 consacrés par l'État à la compensation du déficit d'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET) devraient s'élever à 338 millions d'euros, en hausse d'environ 50 millions d'euros (+ 17 %). Ces crédits sont composés :

- des contributions versées aux entreprises ferroviaires exploitant les lignes TET visant à compenser une partie du déficit d'exploitation de ces lignes (activité n° 1), pour 284,3 millions d'euros en 2024 ;

- des contributions versées par l'État au titre de sa participation aux coûts d'exploitation des lignes TET conventionnées par les régions à compter de 2017 (activité n° 2), pour 52,5 millions d'euros en 2024 ;

- des dépenses relatives aux enquêtes de satisfaction sur la qualité de service et aux frais d'études et de missions de conseil juridique, financier ou technique (activité n° 3), pour 1 million d'euros en 2024.

En application d'une disposition de la LOM, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a réalisé, en décembre 2020, une « étude du développement de nouvelles lignes de TET ». En ce qui concerne les TET de jour, la DGITM envisage des extensions potentielles du réseau en retenant cinq nouveaux corridors24(*). Le rapport évoque aussi les perspectives de développement d'un réseau des trains de nuit qui s'était progressivement délité. Des modèles européens démontrent pourtant que l'exploitation de trains de nuit peut atteindre des résultats économiques raisonnables. Une demande semble émerger, notamment au sein des nouvelles générations. Aussi, le Gouvernement a-t-il pris des engagements pour revenir sur la disparition annoncée du réseau national et il a rouvert deux lignes nationales en 2021 (Paris-Nice et Paris-Tarbes) avant que ne soit inauguré la ligne européenne Paris-Vienne (décembre 2021) et tandis qu'une ligne Paris-Aurillac, dont les conditions de services annoncées suscitent déjà de nombreuses réserves, devrait être mise en service le 10 décembre prochain.

Quand bien même le rapport de la DGITM estime que l'exploitation de nouvelles lignes de trains de nuit domestiques pourrait être rentable de façon globale s'il est adossé à un mécanisme de péréquation entre les lignes, il ajoute que cette hypothèse restera à confirmer en pratique. Il évalue par ailleurs les investissements nécessaires à l'extension du réseau domestique de trains de nuits à environ 1,5 milliard d'euros.

Parmi ces investissements, le renouvellement des matériels roulants occupe une place significative tant il conditionne la qualité de service qui elle-même constitue le prérequis de la réussite des lignes de trains de nuit. Ces investissements risquent cependant de prendre du temps dans la mesure où le matériel disponible sur le marché est rare et que des rames neuves ne pourront pas être mises en service avant plusieurs années.

En juillet 2023, l'État a fini par lancer une procédure d'appel d'offres pour une assistance à maîtrise d'ouvrage. Cependant, les modalités de financement de ces nouveaux matériels ne sont toujours pas connues. Le ministère des transports a répondu aux rapporteurs spéciaux que ces modalités ne devraient être arrêtées que dans le courant de l'année 2024. Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur ce manque de réactivité. Il est en effet regrettable qu'en dépit des déclarations ambitieuses que le Gouvernement a multipliées ces dernières années, aucun scénario de renouvellement du parc des rames de trains de nuit n'ait encore été arbitré et défini à ce jour.

Par ailleurs, au-delà du sujet des matériels, la performance du réseau, la disponibilité des sillons ou encore l'accès à des gares déjà saturées apparaissent comme d'autres obstacles à surmonter sur la voie du développement de notre réseau de trains de nuit.

4. Les enjeux structurels du financement des autorités organisatrices de la mobilité ne peuvent plus s'accommoder de dispositions ponctuelles improvisées en catastrophe
a) Les mobilités du quotidien alternatives à la voiture individuelle

Outre la compensation du déficit d'exploitation des TET (sous-action 44-06), l'action 44 « Transports collectifs », dédiée aux mobilités du quotidien alternatives à la voiture individuelle, totalise des crédits budgétaires pour 28 millions d'euros (AE=CP) mais des crédits de fonds de concours beaucoup plus conséquents pour des montants de 635 millions d'euros en AE et de 674 millions d'euros en CP.

Principalement alimentée par des fonds de concours en provenance de l'AFIT France, la sous-action 44-01 « Infrastructures de transport collectif » est le canal par lequel l'État apporte des financements aux projets ferroviaires et de transports collectifs en Île-de-France dans le cadre des contrats de plan État région (CPER) pour l'Île-de-France. En 2024, les crédits de fonds de concours alloués par l'AFIT France à cette sous-action devraient s'élever à 331 millions d'euros en AE et 529 millions d'euros en CP, soit des augmentations de 173 millions d'euros et de 293 millions d'euros par rapport aux montants prévus en 2023. Ces montants doivent notamment servir à amorcer les premiers financements de projets du volet mobilité (2023-2027) de l'actuel CPER pour l'Île-de-France qui est toujours en cours de négociations.

La sous-action 44-03 « Tarifs sociaux ferroviaires » porte les crédits qui ont vocation à compenser aux opérateurs ferroviaires le coût des tarifs sociaux. 25 millions d'euros doivent être consacrés à cette fin en 2024, soit une augmentation de 9 millions d'euros, notamment due à la mise en oeuvre d'un « pass jeune ».

La sous-action 44-05 « Plan vélo » a vocation à apporter des financements pour certains projets prévus par le plan vélo dont l'essentiel du dispositif est directement porté par l'AFIT France. Définie à l'occasion du comité interministériel vélo et marche du 5 mai 2023, l'enveloppe globale du fonds mobilités actives, principal pilier du nouveau plan vélo, doit s'établir à 1,2 milliard d'euros sur la période 2023-2027. En 2024, 304 millions d'euros en AE et 147 millions d'euros en CP devraient y être consacrés.

Alors que l'État s'est engagé à consacrer 200 millions d'euros aux aménagements de pistes cyclables dans les volets transports des CPER actuels25(*), l'ensemble des financements du plan vélo au sens large présentés lors du comité du 5 mai dernier doivent s'élever à 2 milliards d'euros entre 2023 et 2027. Leur répartition est présentée dans le graphique ci-après.

Répartition des financements du plan vélo 2023-2027

(en millions d'euros)

CEE : certificats d'économie d'énergie

REP : responsabilité élargie des producteurs

CPER : contrats de plan État-région

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

b) Une nécessaire réforme structurelle du financement des autorités organisatrices de la mobilité

Dans l'urgence et l'impréparation, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait intégré dans le texte de la loi de finances initiale pour 2023 sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, un amendement qu'il avait lui-même déposé pour attribuer une subvention exceptionnelle de 300 millions d'euros aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Les deux-tiers de cette subvention ont été alloués à Île-de-France mobilités (IDFM), le tiers restant l'ayant été aux AOM régionales, métropolitaines et locales hors Île-de-France.

Compte-tenu notamment des enjeux relatifs à l'indispensable transition écologique du secteur des transports, les problématiques de financement des AOM ne se prêtent plus aux demi-mesures et aux dispositifs improvisés en catastrophe dans les dernières heures de l'examen d'une loi de finances. Elles supposent d'engager des réformes substantielles et de prendre des mesures structurelles propres à garantir aux AOM les moyens de développer et de faire fonctionner dans des conditions de service suffisantes leurs réseaux de transports collectifs. Ces considérations ont été l'objet de la mission d'information de la commission des finances du Sénat sur les modes de financement des AOM qui, en juillet 2023, a publié son rapport « Transports du quotidien : comment résoudre l'équation financière ? »26(*).

Le 26 septembre dernier, IDFM et l'État ont conclu un protocole de financement pluriannuel (2023-2031) visant à apporter des réponses structurelles à l'impasse financière dans laquelle se trouve actuellement l'AOM francilienne, notamment en raison de l'absence de solutions de financement de l'exploitation des nouvelles lignes qui doivent être ouvertes dans le cadre du programme du Grand Paris express.

Dans le cadre de ce protocole, les deux parties se sont engagées à stabiliser, sur la période 2023-2031 la clé de répartition des sources de financement suivante :

- 52,5 % pour les recettes fiscales (principalement le versement mobilité) et la redevance qu'IDFM versera à la Société du Grand Paris (SGP) au titre des nouvelles lignes du Grand Paris express ;

- 47,5 % pour les recettes qui sont maîtrisées par IDFM à savoir les tarifs et les contributions des collectivités territoriales membres de l'AOM.

Le maintien de cet équilibre se traduira notamment par des augmentations des contributions des collectivités territoriales membres d'IDFM supérieures à l'inflation ainsi que par des revalorisations tarifaires.

En contrepartie, l'État s'est engagé à soutenir, dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF) des amendements visant à prévoir, pour une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2024 :

- d'une part une augmentation de 0,25 point du taux plafond du versement mobilité à Paris et dans les départements de la petite couronne ;

- d'autre part l'instauration d'une taxe additionnelle à la taxe de séjour en Île-de-France avec un taux plafond de 200 % affectée à IDFM.

Introduites par amendement et retenues dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, ces deux dispositions figurent désormais aux articles 27 bis et 27 ter du PLF pour 2024. L'évolution des taux de versement mobilité pourrait rapporter près de 400 millions d'euros dès 2024 à IDFM tandis que le rendement prévisionnel de la taxe additionnelle à la taxe de séjour est estimé à environ 200 millions d'euros par an.

Enfin, le protocole prévoit aussi de réduire la redevance annuelle que versera IDFM à la SGP au titre des nouvelles lignes du Grand Paris express. Fixée à 0,4 % du coût total du chantier (au lieu des 0,8 % qui avaient été envisagés), elle devrait s'établir à 140 millions d'euros plutôt que 280 millions d'euros. L'État doit encore publier le décret qui confirmera cet engagement.

L'ensemble des mesures prévues par le protocole devrait pouvoir couvrir le besoin de financement d'IDFM évalué à environ 800 millions d'euros dès 2024.

Si les rapporteurs spéciaux saluent ce protocole qui va dans le sens de plusieurs des recommandations formulées par la mission d'information de la commission des finances du Sénat précitée, ils considèrent que les AOM hors Île-de-France ne peuvent pas être laissées pour compte. À ce titre, la mission d'information avait formulé une série de recommandations visant à renforcer le modèle économique des AOM locales et métropolitaines, à allouer des financements, aujourd'hui inexistants, aux AOM rurales ou encore à alléger le poids disproportionné des péages ferroviaires pour les AOM régionales.

Tandis que le Gouvernement semble rester sourd aux besoins de financement des AOM hors Île-de-France, la commission des finances du Sénat a choisi de se saisir résolument de cette problématique en adoptant, dans la première partie du présent PLF, un amendement n° I-236 (FINC. 80) portant article additionnel. Cet amendement prévoit de mettre en oeuvre l'une des recommandations de la mission d'information en affectant aux AOM situées hors du territoire de l'Île-de-France, de façon pérenne, une fraction de 250 millions d'euros par an du produit de la mise aux enchères des quotas d'émission de gaz à effet de serre. Cette enveloppe aura vocation à augmenter au fil des années à mesure de l'accroissement des besoins de financements des AOM ainsi que du dynamisme de cette ressource.

Par rapport à l'hypothèse d'une augmentation des taux maximums de versement mobilité, cette solution présente l'avantage d'apporter une solution de financement à la mobilité en zone rurale et aux petites communautés de communes faiblement pourvues en bases fiscales et n'ayant pas mis en place de service régulier de transport collectif. La mobilité en zone peu dense reste en effet aujourd'hui une des grandes oubliées du système de financement des transports du quotidien. Lors de l'examen de la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019, le Sénat avait déjà adopté des dispositions visant à couvrir ce vide. Malheureusement le Gouvernement ne l'avait alors pas écouté et toutes ses promesses ultérieures sont depuis restées lettres mortes.

Les modalités de répartition de cette ressource entre les AOM devront être déterminées dans le cadre d'une concertation approfondie avec les associations d'élus et le Groupement des autorités responsables de transport (GART) en respectant un principe de péréquation.

Les rapporteurs spéciaux notent également qu'une autre des recommandations de la mission d'information de la commission des finances a été partiellement mise en oeuvre en 2024 avec la création, au sein du fonds vert, d'une enveloppe de 30 millions d'euros dédiée au soutien aux AOM en milieu rural. Cette enveloppe doit permettre de financer un accompagnement en ingénierie et en investissement de ces AOM. Ce nouveau soutien est accompagné d'objectifs ambitieux :

- permettre à chaque territoire rural de disposer d'une stratégie mobilité et d'une offre de mobilité durable, innovante et inclusive d'ici trois ans ;

- soutenir les territoires ruraux pour qu'ils se dotent d'un bouquet de services de mobilité adapté aux besoins de leur territoire et en faveur d'une mobilité alternative.

S'ils saluent ce premier pas, les rapporteurs spéciaux considèrent que, pour répondre aux besoins des transports du quotidien en zone rurale, ces financements devront être confirmés et amplifiés dans les années à venir.

5. Le soutien au fret ferroviaire se confirme alors que l'avenir de Fret SNCF est plus que jamais en suspens du fait des contradictions de la Commission européenne

En 2024, 136 millions d'euros (AE=CP) figurent à l'action 45 « Transports combinés » du programme 203. Ces montants sont stables par rapport à 2023.

L'aide à l'exploitation des services de transport combiné, dite « aide à la pince » a été portée à 47 millions d'euros depuis 202127(*).La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a prévu de maintenir ce niveau d'aide jusqu'en 2027. En 2022, le montant unitaire versé aux opérateurs s'est établi 29,30 euros, ce qui correspond à un accompagnement d'environ 70 % du coût moyen de transbordement.

Depuis 2021, l'État a également mis en place une nouvelle aide publique destinée à subventionner l'activité, non rentable par nature, du wagon isolé. Aussi, en 2024, à l'instar des années précédentes, les entreprises ferroviaires doivent-elles bénéficier de 70 millions d'euros à ce titre28(*). Le Gouvernement s'est engagé à porter cette aide à 100 millions d'euros par an à compter de 2025.

En outre, en 2024, pour financer des infrastructures indispensables au développement du transport combiné, des crédits de fonds de concours de 196 millions d'euros en AE et de 107 millions d'euros en CP doivent abonder l'action 45 en provenance de l'AFIT France. Ces crédits, qui doivent notamment contribuer à financer des installations terminales, des lignes capillaires ou encore des voies de service augmentent très significativement par rapport à 2023 (de 120 millions d'euros pour les AE, soit + 158 % et de 37 millions d'euros pour les CP, soit + 52 %).

Dans leur rapport publié en mars 2022 sur la situation et les perspectives financières de la SNCF29(*), les rapporteurs Hervé Maurey et Stéphane Sautarel avaient souligné qu'une menace existentielle pesait sur l'opérateur historique de fret ferroviaire Fret SNCF en raison d'un contentieux porté auprès de la commission européenne. En effet, à l'occasion de la réorganisation du groupe SNCF et du changement de statut de sa filiale Fret SNCF, la dette de cette dernière a été intégralement reprise par la société mère. Cette décision a alors été contestée au regard de l'encadrement européen des aides d'État. Les rapporteurs considéraient alors que « si cette reprise de dette venait à être considérée comme une aide d'État non conforme au droit européen de la concurrence, la viabilité et la survie même de Fret SNCF en tant que société par actions simplifiée (SAS) serait menacées ».

Les rapporteurs spéciaux ont malheureusement constaté que cette épée de Damoclès est bel et bien tombée sur Fret SNCF le jour où la commission européenne a adressé à la France un courrier dans lequel elle manifestait son « doute à ce stade » que ces aides « puissent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur ». Elle soulignait par ailleurs que, si elles étaient jugées illégales, elles pourront « faire l'objet d'une récupération auprès de son bénéficiaire ».

Conscient de la décision finale qui serait très probablement celle de l'exécutif européen, le Gouvernement a entamé des négociations avec la Commission européenne pour éviter le spectre d'une faillite pure et simple de Fret SNCF. Ces négociations ont porté sur l'hypothèse de la mise en oeuvre d'une solution dite de discontinuité économique qui doit conduire à créer une nouvelle société qui ne reprendrait qu'une partie des activités de Fret SNCF. Cette option doit permettre à la France de conserver un opérateur de fret ferroviaire public et de maintenir un maximum des 5 000 emplois de la société.

Le 23 mai 2023, le ministre délégué chargé des transports a ainsi présenté un plan de discontinuité de Fret SNCF prévoyant de conserver 70 % du trafic actuel de la société30(*), 80 % de son chiffre d'affaires et 90 % de ses emplois. Les 10 % de salariés non conservés par l'opérateur de fret seraient reclassés au sein du groupe SNCF, notamment comme conducteurs de locomotives de transports express régionaux (TER) ou, s'ils le souhaitent, engagés par d'autres opérateurs ferroviaires.

Les rapporteurs suivront avec la plus grande attention l'évolution de ce dossier qui, au-delà même de ses conséquences sociales, ne sera probablement pas sans répercussions sur les objectifs tout aussi ambitieux que légitimes poursuivis en matière de développement de l'activité nationale de fret ferroviaire.

Dans un secteur structurellement déficitaire tel que celui du fret ferroviaire, dans lequel les seuls concurrents réels de Fret SNCF sont finalement des sociétés qui sont issues d'autres opérateurs historiques européens, la position de la Commission européenne, et tout particulièrement de la direction générale de la concurrence, interroge vivement les rapporteurs qui ont le sentiment qu'elle s'apparente davantage à une approche dogmatique qu'à un véritable souci de promouvoir un marché efficient. Cette vision, qu'ils jugent caricaturale des reproches adressés à la Commission européenne, apparaît comme parfaitement contradictoire avec l'objectif qu'elle poursuit par ailleurs de doublement de la part du fret ferroviaire en Europe.

6. Le reflux des crédits dédiés au transport aérien

Pour 2024, les crédits proposés pour l'action n° 52 « Transport aérien » s'établissent à 51 millions d'euros en AE et 47 millions d'euros en CP. Après deux années particulières, marquées notamment par d'importantes indemnités dues dans le cadre du renouvellement de concessions aéroportuaires, les crédits de l'action 52 retrouvent des niveaux comparables à ceux qui étaient les leurs avant 2022.

Évolution des crédits inscrits en loi de finances initiale à l'action 52

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les crédits consacrés au financement d'opérations sur des infrastructures aéroportuaires qui relèvent encore de l'État doivent s'établir à 31 millions d'euros en AE (- 4,5 millions d'euros) et 22 millions d'euros en CP (- 20 millions d'euros).

À l'issue des assises du transport aérien, le Gouvernement a mis en place une politique visant à soutenir le développement des lignes aériennes d'aménagement du territoire (LAT). Pour l'année 2024, les crédits proposés en faveur des LAT représentent 20 millions d'euros en AE (- 4,5 millions d'euros) et 25 millions d'euros en CP (- 2 millions d'euros).

7. Un effort maintenu en faveur de la modernisation des infrastructures portuaires et de leur entretien

Pour 2024, le présent PLF propose de doter l'action 43 « Ports » de 92,5 millions d'euros (AE=CP) de crédits budgétaires dédiés à l'entretien des accès et des ouvrages d'accès des grands ports maritimes (GPM), soit une légère baisse de 2 % par rapport à 2023.

En 2021, une stratégie nationale portuaire a été adoptée. Elle poursuit un objectif de reconquête de parts de marché et de développement économique des ports à horizon 2025-2050.

Objectifs de la stratégie nationale portuaire

passer de 60 % à 80 % la part du fret conteneurisé à destination/en provenance de la France qui est manutentionnée dans les ports français à l'horizon 2050 et reconquérir également les flux européens pour lesquels les ports français représentent un point de passage pertinent ;

doubler le nombre d'emplois directs et induits liés à l'activité portuaire (et plus globalement industrielle, en lien avec la réindustrialisation que vise cette stratégie) à horizon 2050 ;

accroître de 30 % la part des modes de transport massifiés dans les pré et post acheminements portuaires, à horizon 2030 ;

contribuer à l'atteinte des objectifs de neutralité carbone des transports à horizon 2050 par les autorités portuaires dans le cadre d'un plan de transition écologique ;

accélérer la fluidification du passage portuaire notamment par la dématérialisation totale des formalités déclaratives liées au passage des navires et des marchandises dans les ports à horizon 2025.

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024

À ces 92,5 millions d'euros doivent s'ajouter des crédits de fonds de concours de l'AFIT France à hauteur de 132 millions d'euros en AE et de 78 millions d'euros en CP destinés à financer d'une part la contribution de l'État aux volets portuaires des CPER et, d'autre part, à des subventions de l'État en faveur de certaines opérations portuaires non contractualisées dans les CPER.

8. Une enveloppe de 10 millions d'euros pour le projet de titre de transport unique

L'action 47 « Fonctions support » du programme 203 regroupe des crédits relatifs à des dépenses d'études, à des dépenses de logistique de la DGITM, à des financements dédiés à certaines actions de l'agence de l'innovation pour les transports (AIT) et aux subventions pour charges de service public (SCSP) de l'Autorité de régulation des transports (ART) et de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF).

En 2023, les crédits de l'action 47 s'élèvent à 57,4 millions d'euros (AE=CP), soit une augmentation de 22 % par rapport à 2023 en raison de l'affectation de 10 millions d'euros à l'AIT dans l'objectif de développer le projet de titre de transport unique.

Le projet de titre de transport unique

Le projet de titre de transport unique consiste à proposer, à l'ensemble des Français, la possibilité de circuler sur tous les réseaux de transport et de mobilités partagées grâce à une démarche d'achat unique et avec un seul support physique ou dématérialisé. Ce projet est guidé par l'objectif de pouvoir simplifier le parcours usager. II doit ainsi permettre de créer de l'interopérabilité entre les différents systèmes de transport existants.

Les Pays-Bas, il y a de cela déjà plus de 12 ans (en 2011), ont développé un système billettique unique et interopérable à l'échelle nationale qui fait figure de modèle en Europe et dans le monde. Le système OV-Chipkaart, développé par l'industriel français Thalès, est ainsi utilisable sur l'ensemble de l'offre de transports, quel que soit l'opérateur et le mode de mobilité (train, bus, tram, métro, ferry, location de vélos ou de voitures en autopartage, etc.). Le voyageur passe sa carte magnétique devant un lecteur à chaque entrée et sortie du réseau et à chaque correspondance, permettant de calculer le tarif de son trajet.

En février 2023, le ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune a annoncé vouloir mettre en oeuvre un billet unique en France d'ici deux ans. Dans cette perspective un « hackathon » et un groupe de travail constitué par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) et l'Agence de l'Innovation pour les Transports (AIT) en collaboration avec des représentants du Groupement des autorités responsables de transport (GART), de l'association Régions de France, de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et d'experts. 70 représentants de l'écosystème (AOM, opérateurs, éditeurs de solution billettique, étudiants, bureaux d'études et associations d'usagers) répartis en dix équipes ont présenté des solutions. Deux d'entre-elles, France Moov' et le Pass LEM, ont été sélectionnées comme lauréates. Le projet est désormais porté par la DGITM en lien avec les équipes lauréates, les autorités organisatrices de la mobilité et l'ensemble de l'écosystème dans le but de lancer une première expérimentation dès 2024.

Après des réunions de travail, avec les AOM, les opérateurs de transport et les représentants des usagers, une feuille de route partagée a été validée le 27 juillet 2023 par le ministre Clément Beaune.

Une expérimentation doit débuter en 2024 dans des territoires pilotes. La solution sera basée sur une application mobile en post-paiement permettant à l'usager de voyager en activant l'application au début de son trajet et d'être facturé dans un second temps au plus juste en fonction de son déplacement et de son profil.

Source : commission des finances du Sénat

Si la tâche s'annonce complexe et qu'elle doit être conduite en relation très étroite avec l'ensemble des autorités organisatrices de la mobilité et des opérateurs de transport pour avoir une chance d'aboutir, les rapporteurs spéciaux accueillent favorablement cette ambition indispensable qui est l'objet d'une des recommandations du rapport précitée de la mission d'information sénatoriale sur les modes de financement des AOM31(*) publié en juillet 2023.

La subvention pour charges de service public (SCSP) de l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) est également stable à 13,2 millions d'euros tout comme son plafond d'emplois à 106 ETPT.

Celle de l'ART doit progresser d'un million d'euros pour s'établir à 15 millions d'euros en 2024. Ses effectifs sont stables à 102 ETPT.

C. ENTRE 2023 ET 2027, L'ÉTAT DOIT CONSACRER 8,6 MILLIARDS D'EUROS AUX OPÉRATIONS DES CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGIONS

Après leur prolongation jusqu'à la fin de l'année 2022, les volets transports des CPER 2015-2020 ont affiché, à cette échéance, un taux de consommation des AE ouvertes de 96 %. À la même échéance, 55 % des CP avaient été exécutés, les restes à payer correspondants étant quant à eux reportés pour une consommation au cours de la période 2023-2027.

Après avoir été annoncés puis reportés à de multiples reprises depuis l'année dernière, les mandats de négociation pour conclure les avenants relatifs aux volets transports (portant sur la période 2023-2027) de la septième génération des contrats de plan État-Régions (CPER)32(*) ont enfin été transmis par le Gouvernement aux préfets au début du mois de juin 2023.

Le Gouvernement a pris l'engagement de consacrer au moins 8,6 milliards de financements de l'État aux volets transport des nouveaux CPER. D'après les éléments transmis aux rapporteurs spéciaux, le détail de la répartition prévisionnelle de ces 8,6 milliards d'euros devrait se décliner telle qu'elle est présentée dans le tableau ci-après.

Répartition par type d'opération des financements que l'État s'est engagé à consacrer aux volets mobilités des nouveaux CPER pour la période 2023-2027

Mode

Type d'opération

Montant

(en millions d'euros)

Services express régionaux métropolitains (SERM)

767

Ferroviaire

(hors SERM)

Modernisation du réseau structurant

774

Petites lignes

747

Accessibilité

424

Fret

484

Sous-total ferroviaire

2 428

Routier

1 634

Transports collectifs

2 610

Voies navigables

VNF

386

Autres

37

Sous-total voies navigables

423

Ports

Ports maritimes

470

Ports intérieurs

26

Sous-total ports

496

Véloroutes

200

Total

8 558

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Répartition par mode des financements que l'État s'est engagé à consacrer aux volets mobilités des nouveaux CPER pour la période 2023-2027

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le 8 juin dernier, l'association Régions de France a exprimé ses préoccupations quant au niveau de la contribution proposée par l'État dans le cadre des volets 2023-2027 de la septième génération des CPER. Pour les régions, l'effort de l'État ne serait pas au rendez-vous des enjeux du choc d'investissement nécessaire pour atteindre les ambitions de la France en matière de transition écologique des transports.

En prenant en compte les contributions de l'État à la sixième génération des CPER (7,1 milliards d'euros), à savoir les 1,7 milliard d'euros qu'il a consacrés à leur prolongation jusqu'en 2022 ainsi que les 2,9 milliards d'euros alloués dans le cadre du plan de relance, l'État a participé en moyenne annuelle à hauteur de 1,5 milliard d'euros aux opérations prévues dans le cadre de la précédente génération de CPER. Les 8,6 milliards d'euros prévus dans le cadre des nouveaux CPER correspondraient à un effort de l'État d'1,7 milliard d'euros par an, soit une augmentation d'environ 200 millions d'euros par an (+ 18 %).

III. SNCF RÉSEAU, LA SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS ET VOIES NAVIGABLES DE FRANCE

A. LE CHOIX CONTESTABLE DE FAIRE REPOSER SUR LA SEULE SNCF LE FINANCEMENT DES NOUVEAUX INVESTISSEMENTS DANS LE RÉSEAU POURRAIT FREINER LE DÉVELOPPEMENT DE LA MOBILITÉ FERROVIAIRE

1. Après le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, le sursaut d'investissements en faveur du réseau ferroviaire reste encore à préciser et à concrétiser

Dans leur rapport précité de mars 2022 les rapporteurs spéciaux Hervé Maurey et Stéphane Sautarel avaient pointé les insuffisances manifestes d'un modèle de financement des infrastructures ferroviaires dans l'impasse. Ils avaient notamment exprimé leur profonde inquiétude quant aux perspectives d'un réseau ferroviaire dont la dégradation, déjà avancée, apparaissait comme vouée à s'aggraver en l'état de la programmation des investissements.

Sur cette question majeure pour l'avenir du secteur ferroviaire national, au cours de l'examen du PLF pour 2023, ils n'avaient pas manqué de dénoncer l'insuffisance évidente du contrat de performance de SNCF Réseau signé en catimini au début du mois d'avril 2022. Ils avaient alors appelé à une réviser d'urgence ce contrat qu'ils qualifiaient de « contre-performance ».

Face au constat d'un manque évident de moyens pour assurer la régénération du réseau ferroviaire, les rapporteurs avaient recommandé, dans leur rapport de mars 2022, d'augmenter sans délai ces moyens de 1 milliard d'euros par an pour porter les investissements annuels dans ce domaine à 4 milliards d'euros.

Trajectoire d'investissements dans la régénération du réseau ferroviaire actuellement programmée dans le contrat de performance de SNCF Réseau

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le contrat de performance de SNCF Réseau d'avril 2022

Au-delà de la régénération des infrastructures ferroviaires, et quand bien même ce sujet devait demeurer à leurs yeux la priorité, les rapporteurs avaient manifesté leur incompréhension devant le fait que la France, contrairement à tous ses voisins européens, n'a toujours rien prévu de sérieux pour programmer, développer et financer les principaux programmes de modernisation des infrastructures ferroviaires que sont la commande centralisée du réseau (CCR)33(*) et l'ERTMS34(*). Alors que le retard considérable accumulé par la France dans ce domaine commence à affecter nos partenaires et le développement de l'interconnexion ferroviaire en Europe, cette situation est d'autant moins compréhensible que ces deux programmes, dont les coûts totaux s'élèvent à environ 35 milliards d'euros35(*), doivent permettre d'engranger de substantiels gains de productivité.

Alors que des mois durant le Gouvernement renvoyait toute décision relative au financement des infrastructures ferroviaires à la publication du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), les rapporteurs spéciaux notent que les conclusions de cet organisme indépendant, rendues publiques le 24 février 2023, corroborent exactement les analyses du rapport d'information précité de mars 2022 et que le COI a formulé les mêmes recommandations aussi bien s'agissant du renforcement des investissements dans la régénération des infrastructures ferroviaires que de la nécessité de consacrer de nouveaux moyens pour déployer les programmes de modernisation du réseau (CCR et ERTMS).

Le COI estime en effet qu'au cours des 20 prochaines années, en matière de régénération et de modernisation du réseau, il faudrait consacrer en moyenne 2 milliards d'euros annuels supplémentaires, c'est-à-dire 40 milliards d'euros sur l'ensemble de la période. Pour combler une part du retard considérable cumulé par la France dans la modernisation de ses infrastructures ferroviaires, le COI recommande une action décisive et immédiate visant à consacrer les fonds publics nécessaires pour faire aboutir les programmes de CCR et d'ERTMS d'ici à 2042, seule échéance techniquement réalisable en raison des retards accumulés et des diverses contraintes techniques liées à ces projets.

Concrètement, en termes de financements, le COI recommande une montée en puissance rapide, à hauteur de 1 milliard d'euros par an, des investissements dédiés à la régénération dès la période 2023-2027. Pour des raisons de faisabilité technique et de formation des personnels, il suggère une hausse plus progressive mais néanmoins substantielle des crédits consacrés aux programmes de modernisation CCR et ERTMS. Selon lui, il serait nécessaire que les financements consacrés à ces deux programmes de modernisation augmentent d'au moins 600 millions d'euros d'ici à 2026.

Dépenses annuelles consacrées par SNCF Réseau au programme de commande centralisée du réseau (CCR)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2023, les dépenses consacrées par SNCF Réseau pour les programmes de modernisation des infrastructures devraient s'élever à 411 millions d'euros pour la CCR et à 256 millions d'euros pour l'ERTMS.

Dépenses annuelles consacrées par SNCF Réseau au programme ERTMS

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Toujours d'après les conclusions du COI, au cours de la période 2028-2032, il serait même nécessaire que les crédits dévolus à la régénération et à la modernisation atteignent la barre des 5 milliards d'euros par an, niveau auquel il conviendrait de les stabiliser au moins jusqu'en 2042.

Lors de la remise du rapport du COI, la première ministre a annoncé un plan ferroviaire qui comporterait des financements de 100 milliards d'euros jusqu'en 2040. À cette occasion, elle a pris l'engagement que d'ici la fin du quinquennat, 1,5 milliard d'euros supplémentaires seraient alloués chaque année au financement des infrastructures ferroviaires, dont 1 milliard d'euros pour la régénération du réseau et 500 millions d'euros pour les programmes de modernisation.

Cette prise de conscience est un premier pas que les rapporteurs spéciaux saluent. Néanmoins, cet engagement, dont l'ambition n'est pas tout à fait à la hauteur des recommandations du COI, notamment sur les investissements dans la modernisation, reste entouré de nombreuses zones d'ombres, la première d'entre elles étant ses pistes de financements. La répartition de l'effort entre les différents financeurs potentiels doit être rapidement clarifiée, notamment s'agissant de la contribution de l'État.

Les rapporteurs spéciaux ont par ailleurs bien noté que le 17 octobre dernier, devant la commission du développement durable de l'Assemblée Nationale, le ministre délégué chargé des transports a dit souhaiter que le contrat de performance de SNCF Réseau soit « rapidement révisé ». Ils rappellent que cette perspective indispensable doit en effet aboutir sans délais, s'agissant d'un contrat qui, comme son prédécesseur, est mort-né.

2. Jusqu'en 2027, l'État entend faire financer l'intégralité des annonces de nouveaux investissements dans le réseau ferroviaire par la SNCF elle-même

En 2024, d'après les documents budgétaires, les crédits de fonds de concours qui devraient venir abonder l'action 41 « Ferroviaire » s'élèvent à 1,8 milliard d'euros en AE et 1,5 milliard d'euros en CP, soit des augmentations de 1,3 milliard d'euros et de 856 millions d'euros par rapport à 2023.

Cette augmentation très sensible a deux origines. Premièrement, les financements de l'État au titre des volets ferroviaires des CPER ainsi qu'en faveur d'opérations de lutte contre le bruit ferroviaire, d'accessibilité des gares ou du réseau des lignes capillaires de fret doivent augmenter de 453 millions d'euros en AE et de 55 millions d'euros en CP.

Deuxièmement, comme le prévoit la trajectoire inscrite dans le contrat de performance de SNCF Réseau, en 2024, une enveloppe de 925 millions d'euros issue des résultats de SNCF Voyageurs doivent être affectés à la régénération du réseau ferroviaire opérée par SNCF Réseau. Par ailleurs, il est également prévu que 172 millions d'euros de produit de cession du groupe SNCF soient affectés en 2024 (contre 125 millions d'euros en 2023 et 91 millions d'euros en 2022) à ce même fonds de concours.

Le fonds de concours dédié au financement de la régénération du réseau ferroviaire

La loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire36(*) a instauré un nouveau dispositif de financement du gestionnaire d'infrastructure ferroviaire, destiné à contribuer au financement de la régénération du réseau ferré. Il s'agissait à l'époque d'affecter une partie des résultats de SNCF Mobilités « au profit du redressement du gestionnaire d'infrastructures ».

Renforcé par le nouveau pacte ferroviaire de 2018, le mécanisme prévoit que 60 % du bénéfice récurrent dégagé par SNCF Voyageurs soit versé à un fonds de concours qui alimente le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du budget général de l'État. Ce fonds de concours est affecté à SNCF Réseau, et plus précisément au programme de régénération du réseau ferré national.

Source : commission des finances du Sénat

En plus de ces montants qui étaient déjà prévus par le contrat de performance de SNCF Réseau pour financer des investissements dans la régénération du réseau ferroviaire pour un montant de 2,9 milliards d'euros, le Gouvernement a annoncé que 300 millions d'euros supplémentaires, prélevés sur les résultats de la SNCF viendraient abonder le fonds de concours pour financer à la fois des opérations de régénération et de modernisation. À ce stade, et alors qu'une partie de cette enveloppe ne viendra en fait qu'absorber les conséquences de l'inflation, sa répartition entre régénération et modernisation est inconnue.

En outre, l'enveloppe du fonds de concours pour 2024 et, par voie de conséquence, les investissements en termes de régénération et de modernisation du réseau pour l'année à venir font encore l'objet de tractations entre l'État et la SNCF. Ces négociations portent plus globalement sur la trajectoire de montée en puissance des investissements qui permettra d'atteindre les 1,5 milliard d'euros supplémentaires promis à horizon 2027.

Abondement du fonds de concours dédié à la régénération du réseau ferroviaire par les dividendes de SNCF Voyageurs et le plan de relance ferroviaire depuis 2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

D'après les informations obtenues par les rapporteurs spéciaux, la SNCF aurait proposé d'abonder d'au moins 175 millions d'euros supplémentaires le fonds de concours dès 2024 mais la trajectoire pour les années suivantes n'était toujours pas déterminée à l'heure où ces lignes étaient écrites.

L'État a toutefois très clairement exprimé la volonté de faire financer par la seule SNCF l'intégralité des investissements supplémentaires dans la régénération et la modernisation du réseau annoncés par la Première ministre en février dernier. Cette volonté très ferme a été confirmée aux rapporteurs spéciaux par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM).

Pour les rapporteurs spéciaux, ce choix est dangereux car il est tout sauf garanti que la SNCF puisse supporter à elle-seule le fardeau financier de ces nouveaux investissements. Si l'on raisonne à l'échelle du secteur ferroviaire dans son ensemble, il apparaît également contreproductif à plusieurs égards et en contradiction avec le développement de la concurrence et les objectifs de développement de la mobilité ferroviaire.

Dans leur rapport d'information précité de mars 2022, MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel soulignaient les problématiques que posait le système de financement de SNCF Réseau par les bénéfices de l'opérateur ferroviaire historique SNCF Voyageurs à l'heure de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de passagers :

« Les relations financières qui existent entre SNCF Réseau et SNCF Voyageurs s'avèrent aussi problématiques et sont susceptibles d'instiller un doute dans l'esprit des nouveaux entrants quant à la totale impartialité de SNCF Réseau. En effet, le fait qu'une partie des financements de SNCF Réseau dépendent directement des résultats de SNCF Voyageurs, et donc de son activité et de ses performances financières, n'est pas de nature à éliminer les interrogations des opérateurs alternatifs, bien au contraire ».

L'Autorité de régulation des transports (ART) partageait les préoccupations des rapporteurs en considérant que « SNCF Réseau ne dispose pas des moyens financiers et de gouvernance propres à garantir la bonne réalisation, en toute indépendance, de ses missions ».

Cette situation, déjà très insatisfaisante aujourd'hui se trouverait considérablement aggravée si la SNCF devait être amenée à financer l'intégralité de la montée en charge des investissements dans le réseau d'ici à 2027. En effet, alors qu'aujourd'hui environ 20 % des dépenses dans la régénération et la modernisation sont financés par les bénéfices de SNCF Voyageurs, d'après l'ART, dans l'hypothèse d'un financement intégral des augmentations d'investissements prévues d'ici 2027 par la SNCF, cette part atteindrait 50 %. En réponse aux rapporteurs spéciaux, l'ART a réitéré ses préoccupations face à cette situation qui traduit « un lien de dépendance entre le gestionnaire d'infrastructure et l'entreprise ferroviaire historique qui pose question dans le contexte de l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs ».

Inversement ce nouveau contexte d'ouverture à la concurrence ne va pas sans questionner ce système de financement du point de vue de SNCF Voyageurs elle-même. En effet, cela constitue pour elle un handicap à l'heure où des opérateurs concurrents se positionnent sur les lignes les plus rentables. SNCF Voyageurs pourrait être amenée, à horizon 2027, à financer la moitié des investissements de régénération et de modernisation d'un réseau sur lequel elle fera circuler des trains en concurrence avec d'autres opérateurs ferroviaires qui, eux, ne participeraient pas à l'abondement du fonds de concours. Cette situation se traduirait par une inégalité manifeste au détriment de SNCF Voyageurs.

D'autre part, le choix de recourir exclusivement à la contribution de la SNCF pour financer les hausses de dépenses annoncées en février, se traduira, pour SNCF Voyageurs par un effet d'éviction au détriment d'autres investissements, notamment dans l'acquisition et le renouvellement de son matériel roulant. Cet aspect préoccupe l'ART qui a répondu que les montants de contribution de la SNCF envisagés « apparaissent élevés et risquent d'obérer la capacité d'investissement de l'opérateur historique ». Elle leur a signalé qu' « une mise à contribution trop importante de SNCF Voyageurs risque d'obérer la capacité de l'opérateur historique à investir pour augmenter son offre de services librement organisés, dans un contexte où la demande augmente fortement et où le développement de l'offre des nouveaux entrants présente de fortes incertitudes en raison des barrières techniques à l'entrée ». Le modèle de financement retenu par l'État pourrait ainsi, in fine, constituer un frein au développement de la mobilité ferroviaire ce qui serait un comble au regard des objectifs du plan d'investissement dans le secteur ferroviaire.

Par ailleurs, alors que le prix élevé du train demeure une vraie barrière pour nombre de nos concitoyens et que le rapport d'information précité de mars 2022 appelait à ce titre à « bannir le phénomène d'exclusion ferroviaire », ce modèle de financement, en renforçant les contraintes financières sur SNCF Voyageurs, pourrait se répercuter dans les prix des billets ou, à tout le moins, rendre plus difficile leur diminution.

3. Portée par l'augmentation des péages ferroviaires, la charge des redevances acquittées par l'État progressera de 10 % en 2024

Les dépenses d'intervention versées à SNCF Réseau représentent une part très significative des crédits budgétaires du programme 203 « Infrastructures et services de transport ». Ces crédits, portés par l'action 41 « Ferroviaire », servent à financer le coût de l'utilisation du réseau ferré national par les trains régionaux de voyageurs (TER), les trains d'équilibre du territoire (trains Intercités) et les trains de fret. Pour 2024, le présent PLF propose de doter cette action de 2 966 millions d'euros (AE=CP), ce qui correspond à une hausse de 10 % des crédits par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2023. La hausse des charges constatées s'agissant des redevances d'accès relatives aux TER et aux trains intercités a pour origine l'augmentation de ces péages ferroviaires, validée par l'ART en février 202337(*), à hauteur de 8 % en 2024.

En 2024, SNCF Réseau devrait ainsi percevoir :

2 113 millions d'euros (AE=CP) pour les redevances d'accès au réseau relatives aux TER hors Île-de-France, soit une hausse de 156 millions d'euros par rapport à 2023 ;

600 millions d'euros (AE=CP) pour la redevance d'accès facturée par SNCF Réseau pour l'utilisation du réseau ferré national hors Île-de-France par les trains d'équilibre du territoire (TET), dont l'État est l'autorité organisatrice, soit une augmentation de 44 millions d'euros par rapport à 2023 ;

229 millions d'euros au titre de la « compensation fret » qui vise à couvrir l'utilisation du réseau ferré national par les trains de fret, une charge en augmentation de 38 millions d'euros (+ 20 %).

B. EN PLUS DU GRAND PARIS EXPRESS, LA SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS VA PARTICIPER À DES PROJETS DE « RER MÉTROPOLITAINS »

La loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, dont l'article 1er dispose que « le Grand Paris est un projet urbain, social et économique basé sur la construction d'un nouveau réseau de transport public », a créé la Société du Grand Paris (SGP), établissement public de l'État à caractère industriel et commercial (EPIC) dont « la mission principale est de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer la réalisation ».

Le réseau du Grand Paris Express

Baptisé Grand Paris Express, le réseau de transport public porté par la SGP est constitué de 72 gares (que la SGP a pour mission de construire et d'aménager) et de 200 kilomètres de lignes nouvelles interconnectées au réseau existant (métro, RER et transilien) :

- la ligne 15 reliant Noisy-Champs, Champigny, La Défense, Saint-Denis-Pleyel, Rosny-Bois-Perrier ;

- la ligne 16 de Noisy-Champs à Pleyel via Clichy-Montfermeil et Aulnay-sous-Bois ;

- la ligne 17 de Pleyel au Mesnil Amelot en passant par Le Bourget ;

- la ligne 18 d'Orly à Versailles en passant par le plateau de Saclay.

À ces quatre lignes nouvelles viennent s'ajouter les prolongements de la ligne 14 au nord, entre Saint-Lazare et Pleyel, et au sud, entre Olympiades et Orly ainsi que le prolongement de la ligne 11 entre Rosny-Bois-Perrier et Noisy-Champs.

Source : Société du Grand Paris (SGP)

Plan du Grand Paris Express

Source : Société du Grand Paris (SGP)

1. Un projet à plus de 36 milliards d'euros

Le rapport du groupe de travail de la commission des finances du Sénat « Grand Paris Express : des coûts à maîtriser, un financement à consolider »38(*) avait réévalué le coût total du projet du Grand Paris Express à 35,6 milliards d'euros à l'automne 2020, soit plus de 10 milliards d'euros et 40 % de plus que les estimations qui prévalaient alors. Il est apparu que la complexité du chantier avait été largement sous-estimée. Le conseil d'administration du 7 octobre 2021 avait acté un nouveau surcoût de 500 millions d'euros, portant ainsi le coût global actualisé du projet à 36,1 milliards d'euros.

En plus de ce montant qui relève de sa mission de maître d'ouvrage du métro automatique du Grand Paris, la SGP doit contribuer à hauteur de 3,5 milliards d'euros à des projets d'infrastructures de transports en Île-de-France dans le cadre du « plan de mobilisation des transports » et de l'adaptation des réseaux existants :

- 1 500 millions d'euros pour le prolongement du RER E à l'Ouest (projet Éole) ;

- 850 millions d'euros pour le prolongement de la ligne 14 entre Saint-Lazare et Mairie de Saint-Ouen ainsi que pour l'adaptation des stations existantes dans Paris ;

- 300 millions d'euros pour le prolongement de la ligne 11 ;

- 352 millions d'euros pour les schémas directeurs des RER ;

- 450 millions d'euros pour l'adaptation des réseaux existants ;

- 50 millions d'euros pour un fonds de concours versés par le SGP en 2018 au volet transports collectifs du contrat de plan État-région (CPER) Île-de-France.

Répartition des dépenses de la SGP par lignes
au titre de sa mission de maître d'ouvrage du Grand Paris Express en 2022

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances du Sénat d'après le rapport d'activité 2022 de la SGP

Contributions de la SGP hors Grand Paris express en 2022

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances du Sénat d'après le rapport d'activité 2022 de la SGP

Le budget de la Société du Grand Paris de 2016 à 2023

(en millions d'euros)

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

(projection)

Dépenses totales (A)

909

1 782

2 654

2 994

3 550

3 563

3 625

5 380

GPE

629

1 314

2 119

2 508

3 041

3 178

3 507

5 230

Contributions (Ligne 14 entre Saint-Lazare et Mairie de Saint-Ouen, Plan de mobilisation et réseaux existants)

281

468

535

486

509

385

118

150

                 

Recettes totales (B)

515

536

600

702

836

849

893

1 180

Taxes affectées

508

532

566

662

746

764

802,1

855,1

TSBCS (et TASS à partir de 2019)

326

349

382

470

543

614

623

684

TSE

117

117

117

117

117

73

67

67

IFER

65

66

67

74

74

69

76

79

Taxe de séjour

n.a.

n.a.

n.a.

1,5

12

8

9

25

Ressources propres et autres

7

4

34

40

90

85

117

NC

                 

Emprunts

0

700

2 365

3255

11 000

8 000

1750

NC

Source : réponses au questionnaire budgétaire

2. Après des sous-consommations massives depuis 2020, les prévisions de dépenses d'investissement pourront-elles être tenues ?

Les dépenses effectives de la Société du Grand Paris (SGP) se sont stabilisées autour de 3,6 milliards d'euros entre 2020 et 2022, à des niveaux très inférieurs aux prévisions initiales. En 2022, comme en 2021, la sous-consommation de crédits de paiement de la SGP approche le milliard d'euros (700 millions d'euros en 2020).

Les délais occasionnés par les répercussions de la crise sanitaire peuvent difficilement expliquer cette sous-consommation massive récurrente.

Comparaisons des dépenses prévues et réalisées entre 2020 et 2022 (en CP)

(en millions d'euros)

Source : réponses de la SGP au questionnaire budgétaire

La SGP prévoit d'atteindre en 2023 un niveau de dépenses inédit de 5,4 milliards d'euros. Cependant, compte-tenu de l'expérience des années passées, les rapporteurs ne cachent pas leur scepticisme.

Évolution des dépenses de la SGP entre 2014 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

3. Un projet financé par le recours à l'emprunt dont l'amortissement est couvert par de la fiscalité affectée
a) 850 millions d'euros de recettes affectées attendues en 2024

Le modèle de financement de la Société du Grand Paris (SGP) est celui d'une caisse d'amortissement. L'établissement s'endette au cours de la phase de réalisation des travaux avant de rembourser progressivement la dette contractée. À cette fin, le législateur a affecté à la SGP un panier de recettes fiscales.

Synthèse des recettes fiscales affectées à la
Société du Grand Paris (2022-2024)

(en millions d'euros)

Ressources fiscales affectées

Base légale

Plafonds prévus en LFI pour 2022

Rendement réel en 2022

Prévision LFI pour 2023

Prévision PLF pour 202439(*)

Taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement (TSBS)

Article 231 ter du code général des impôts

593,9

601

664

658

Taxe spéciale d'équipement (TSE)

Article 1609 G du code général des impôts

67

67

67

67

Imposition forfaitaire sur le matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun de voyageurs (IFER)

Article 1599 quater A bis du code général des impôts

76

76

79

82

Taxe annuelle sur les surfaces de stationnement

Article 1599 quater C du code général des impôts

28

22

20

28

Taxe de séjour

Article L. 2531-17 du code général des collectivités territoriales

30

9,6

25

10

Total

802

776

855

845

Source : commission des finances du Sénat

En 2023, le plafond d'affectation de la taxe spéciale d'équipement (67,1 millions d'euros) est reconduit. En revanche, l'article 28 du présent projet de loi de finances prévoit de modifier les plafonds d'affectation des autres recettes fiscales qui alimentent la SGP.

Du côté des augmentations, les plafonds de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement (TSBS), de l'imposition forfaitaire sur le matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun de voyageurs (IFER) et de la taxe annuelle sur les surfaces de stationnement (TSS) sont ainsi relevés de 12 millions d'euros, de 5 millions d'euros et de 10 millions d'euros pour atteindre respectivement 676 millions d'euros, 84 millions d'euros et 30 millions d'euros. Le plafond de la taxe de séjour est quant à lui abaissé de 10 millions d'euros pour s'établir à 15 millions d'euros. Au total, le cumul des plafonds des taxes affectées à la SGP doit atteindre 872,1 millions d'euros en 2024, en augmentation de 2 % par rapport à 2023.

Toutefois, si l'on tient compte des rendements prévisionnels de ces différentes taxes40(*), la SGP ne devrait percevoir que 845 millions d'euros en 2024.

À l'issue des différentes mises en service de lignes, la SGP percevra des redevances d'infrastructure ainsi que diverses recettes tirées de l'exploitation de son domaine privé41(*) qui concourront également au remboursement des emprunts.

À ce titre, le protocole de financement pluriannuel signé entre l'État et Île-de-France mobilités (IDFM) le 26 septembre 2023 pour résoudre la situation d'impasse financière de cette dernière prévoit une diminution du montant de la redevance que l'autorité organisatrice francilienne devra verser à la SGP à compter de 2026. Les rapporteurs notent avec satisfaction que cette décision va dans le sens des conclusions de la mission d'information de la commission des finances sur le financement des AOM qui avait notamment recommandé de diviser par deux, soit une réduction de 140 millions d'euros par an, le montant de redevance prévu.

b) 80 % du coût du projet d'ores et déjà financé par l'emprunt

Le recours précoce à l'endettement permet d'accélérer la livraison du projet, à recettes fiscales ou budgétaires affectées équivalentes, en augmentant la capacité d'investissement de l'opérateur : alors qu'une livraison sans emprunt n'aurait été possible qu'en 2075, le recours à celui-ci rend financièrement possible une mise en service complète du Grand Paris Express (GPE) en 2030. La stratégie de financement adoptée par la SGP suppose que celle-ci augmente son niveau d'endettement jusqu'en 2030 avant d'amorcer le remboursement de sa dette à horizon 2071. Elle doit ainsi se transformer, après 2030, en une simple caisse d'amortissement.

Après avoir été requalifiée en 2016 en organisme divers d'administration locale (ODAL) par l'Insee, la SGP a pu déployer une stratégie de financement en son nom sur les marchés financiers, en s'appuyant, notamment, sur des émissions obligataires.

En juin 2023, l'encours de dette de la SGP a atteint 28,8 milliards d'euros, soit 80 % du coût prévisionnel total du projet.

Prévu pour cinq ans, le premier contrat de financement de la SGP conclu avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) était arrivé à échéance en juillet 2020. Il a été renouvelé au début de l'année 2022. Le conseil de surveillance de la SGP a voté un plafond fixé à un milliard d'euros.

Pour couvrir l'essentiel de ses besoins de financement de long terme, la SGP recourt à un programme d'émission d'obligations vertes baptisé « Green EMTN » (Euro Medium Term Notes). Relevé progressivement, le plafond de ce programme d'émissions est aujourd'hui fixé à 32,5 milliards d'euros. En juin 2023, le montant total des émissions sur ce programme s'élevait à 26,2 milliards d'euros pour une maturité moyenne de 25 ans et à un taux moyen de 1,11 %.

Avec la Banque européenne d'investissement (BEI), la SGP a signé un premier contrat de prêt d'un milliard d'euros en avril 2016 suivis de deux autres, pour un nouveau milliard d'euros en 2017 et 500 millions d'euros en 2018. La SGP a ainsi mobilisé 2,5 milliards d'euros de financements auprès de la BEI. Atteint depuis 2021, le plafond d'emprunt de la SGP auprès de cette banque a été rehaussé à 3,5 milliards d'euros en 2023.

Répartition de l'encours de dette long terme de la SGP
en avril 2023

Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Afin de couvrir ses besoins de trésorerie, la SGP a également mis en place un programme de titres négociables à court terme, d'une maturité inférieure à un an, dit « NeuCP », supervisé par la Banque de France, de trois milliards d'euros.

En octobre 2023, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains, le Sénat a adopté un amendement présenté par le Gouvernement proposant de porter à 39 milliards d'euros, au lieu de 35 milliards d'euros, le montant maximum de l'encours en principal des emprunts contractés par la SGP. D'après le Gouvernement, cette évolution s'expliquerait par trois évolutions qui pèseront sur les dépenses et la dette de l'établissement public :

- l'évolution du contexte macro-économique et l'accélération de l'inflation ;

- la division par deux de la redevance d'exploitation du Grand Paris Express qui sera versée par Île-de-France Mobilités (IdFM) à la SGP au titre du réseau transféré en gestion en application du protocole conclu entre IDFM et l'État le 26 septembre 2023 ;

- une contribution supplémentaire de 700 millions d'euros mise à la charge de la SGP dans le mandat de négociation du volet transport du contrat de plan État-région pour l'Île-de-France.

c) La trajectoire d'évolution des effectifs de la SGP devra être ajustée à sa participation aux projets de « RER métropolitains »

Jusqu'en 2018, des audits et des rapports avaient souligné le caractère manifestement sous-dimensionné des effectifs de la SGP pour mettre en oeuvre un projet d'une telle ampleur. Après une prise de conscience de cette disproportion entre les moyens humains de la société et la dimension du projet de Grand Paris express, les effectifs de la SGP avaient été multipliés par quatre entre 2018 et 2022. Ayant atteint leur point haut, ils s'étaient depuis stabilisés.

Évolution du plafond d'emplois de la SGP (2015-2024)

(en ETPT)

Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Une décrue significative et rapide de ses effectifs était originellement prévue à compter de 2025. Cependant, la future participation de la SGP à certains projets de services express régionaux métropolitains (SERM), telle que prévue dans la proposition de loi relative aux SERM votée par l'Assemblée Nationale et actuellement examinée au Sénat, conduira nécessairement à réviser cette trajectoire désormais purement théorique. Pour répondre aux exigences de cette nouvelle mission, le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale intégré au texte sur lequel il a engagé sa responsabilité afin de majorer de 20 ETPT, pour le porter à 1 037 ETPT, le plafond d'emplois de la SGP pour 2024.

Dans l'idéal, la SGP considère que la montée en puissance des projets de SERM sur lesquels elle serait susceptible d'intervenir pourrait coïncider avec la baisse de régime du Grand Paris express, ce qui se traduirait par une sorte « d'effet ciseaux » lui permettant d'affecter progressivement aux projets de SERM les effectifs qui travaillaient sur des lignes de Grand Paris express ayant été livrées à IDFM pour une mise en exploitation.

Logiquement, l'évolution des dépenses de personnel de la SGP depuis dix ans est corrélée à la hausse de ses effectifs. De 12 millions d'euros en 2012, elles devraient franchir les 130 millions d'euros en 2023.

Évolution des dépenses de personnel de la SGP (2012-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

4. La future participation de la « Société des grands projets » aux services express régionaux métropolitains

Les services express régionaux métropolitains (SERM), parfois qualifiés de « RER métropolitains » renvoient à des projets, plus ou moins avancés selon les métropoles, qui ont été mis en lumière le 27 novembre 2022 par une déclaration du Président de la République par laquelle il a fixé comme priorité nationale la réalisation de SERM dans une dizaine de grandes métropoles.

Ce type de services s'inspire notamment de modèles étrangers tels que les réseaux de S-Bahn en Allemagne. L'article 1 de la proposition de loi relative aux SERM actuellement en cours d'examen au Parlement (voir infra) les définit comme « une offre multimodale de services de transports collectifs publics qui s'appuie sur un renforcement de la desserte ferroviaire et intègre la mise en place de services de transport routier à haut niveau de service ainsi que de réseaux cyclables et, le cas échéant, de services de transport fluvial, de covoiturage, d'autopartage et de transports guidés ainsi que la création ou l'adaptation de gares ou de pôles d'échanges multimodaux ».

Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) proposait lui d'en retenir une définition plus ramassée et ciblée sur la notion de cadencement : « un service express régional métropolitain est une offre ferroviaire destinée aux voyageurs offrant une fréquence à l'heure de pointe inférieure à 20 minutes et en heure creuse inférieure à 60 minutes ».

Quatorze projets sont actuellement envisagés :

Les projets de SERM

Source : rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), décembre 2022

D'après les estimations les plus actualisées, le coût des investissements nécessaires pourrait se situer entre 20 et 30 milliards d'euros, dont 9 milliards d'euros pour le seul projet de SERM de l'Étoile ferroviaire lilloise. Au-delà des dépenses d'infrastructures, ces nouvelles offres nécessitent d'importants investissements dans l'acquisition de nouveaux matériels roulants mais également, après leur mise en service, des dépenses d'exploitation qu'il convient absolument et dès maintenant d'intégrer dans l'équation financière globale de ces projets.

Très vite, forte de son expérience et des compétences accumulées en matière de réalisation et de financement d'une infrastructure de transports nécessitant des opérations de génie civil de grande ampleur et après des réflexions approfondies sur le projet de SERM lillois, la SGP a affirmé qu'elle pourrait contribuer à la réalisation de certains de ces projets, au moins ceux qui nécessitaient les travaux d'infrastructures les plus conséquents.

Le 24 février 2023, à l'occasion de la présentation de son plan ferroviaire de 100 milliards d'euros, la Première Ministre a annoncé qu'elle souhaitait que la SGP participe à la réalisation de certains projets de SERM. Pour cela, une modification des statuts de la SGP par voie législative était nécessaire afin d'étendre ses missions. Ce besoin est la raison initiale qui est à l'origine de la proposition de loi relative aux services express régionaux métropolitains (SERM), adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale puis par le Sénat avant de faire l'objet d'un accord en commission mixte paritaire le 9 novembre 2023.

C. LA CLAUSE DE REVOYURE DU CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE PERFORMANCE DE VNF DEVRA TENIR COMPTE DU CONTEXTE INFLATIONISTE ET DES CONCLUSIONS DU CONSEIL D'ORIENTATION DES INFRASTRUCTURES

1. Si les ressources de VNF sortent confortées des années précédentes, l'établissement attend les résultats de l'ajustement à venir de son contrat d'objectifs et de performance

Voies navigables de France (VNF), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire, gère le réseau de voies navigables français. Il est chargé de son exploitation, de son entretien, de sa maintenance, de son amélioration ainsi que de son extension. Le réseau géré par l'établissement comprend 6 700 kilomètres de voies navigables, plus de 3 000 ouvrages d'art et 40 000 hectares de domaine public en bordure de voie d'eau.

Le contrat d'objectifs et de performance (COP) de VNF prévu à l'article L. 4311-8 du code des transports introduit par la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) a été adopté le 30 avril 2021. Il inclut un cadrage des moyens de l'opérateur et détermine la trajectoire de la subvention que lui verse l'AFIT France. Ce contrat prévoit ainsi un programme d'investissement de 3 milliards d'euros sur une période de dix ans.

Ce contrat présentait cependant deux points de fragilité. D'une part il était établi en euros courants et d'autre part il prévoyait une diminution assez significative des dépenses d'investissements sur la période 2025 - 2027. Tous les trois ans ce contrat doit faire l'objet d'une clause de revoyure.

Les négociations relatives à la première clause de revoyure du contrat sont toujours en cours et devraient être finalisées d'ici à la fin de l'année. Elles ont pour objet de corriger les défauts du contrat actuel exposés ci-dessus et de prendre en compte les conclusions des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures.

D'après les informations qui ont été mises à la connaissance des rapporteurs, la clause de revoyure devrait permettre de stabiliser le montant des investissements au niveau atteint en 2023, en revenant sur la diminution des dépenses qui était prévue sur la période 2025-2027. Cette stabilisation serait permise par une augmentation de près de 40 millions d'euros de la subvention annuelle versée par l'AFIT France. Le Gouvernement se serait par ailleurs déjà engagé à relever encore le niveau d'investissements de VNF à horizon 2028, à travers une nouvelle hausse de la subvention annuelle versée par l'AFIT France. Cette évolution aurait vocation à intégrer les recommandations formulées par le COI.

Après une réduction de 40 ETPT en 2023, le plafond d'emploi de VNF se stabilise à 4 028 ETPT en 2024. Le présent PLF prévoit également un schéma d'emplois stable en 2024. Pour mémoire, celui-ci avait prévu une baisse d'effectifs à hauteur de 60 ETP en 2023. D'après les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, la clause de revoyure du COP devrait garantir une stabilisation des effectifs de VNF au cours des trois prochaines années.

À travers les investissements de modernisation qu'il réalise, et notamment le déploiement de postes de commande centralisés qui permettent la téléconduite, VNF doit dégager des gains de productivité permettant de réduire ses effectifs permanents. Toutefois, il est nécessaire de veiller à la bonne synchronisation des deux processus. VNF a besoin d'une stabilisation temporaire de ses effectifs pour déployer dans le calendrier prévu le programme de modernisation qui lui permettra, dans une seconde phase, d'augmenter substantiellement sa performance.

Pour 2023, la prévision des dépenses de personnel de VNF s'établit à 266,5 millions d'euros, dont 1,4 million d'euros qui s'expliquent par la nouvelle revalorisation du point d'indice de la fonction publique au mois de juillet dernier. Ces dépenses devraient ainsi progresser d'environ 3 % par rapport à 2022. Les dépenses de fonctionnement de VNF hors masse salariale devraient quant à elles atteindre 135 millions d'euros en 2023.

Après une augmentation de 2 % en 2023 destinée à compenser la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, la subvention pour charges de service public (SCSP) de VNF, qui représente environ un tiers de ses ressources, devrait se stabiliser en 2024 (- 0,2 %) pour s'établir à 253,3 millions d'euros.

Cette stabilisation masque en fait une lourde charge financière pour l'établissement dans la mesure où, avec des effectifs constitués à 90 % de fonctionnaires en position normale d'activité, l'établissement a été particulièrement affecté par les mesures nationales décidées par le Gouvernement et ayant pour conséquence de revaloriser le traitement des fonctionnaires. Le coût total de ces mesures en 2024 pour VNF avoisinerait les 11 millions d'euros. D'après les éléments portés à la connaissance des rapporteurs, 55 % de cette somme, soit 6 millions d'euros, pourraient être compensés à l'opérateur en 2025. En attendant, l'équilibre du fonctionnement de VNF sera mis sous tension.

Évolution de la SCSP de VNF inscrite en loi de finances initiale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Depuis le 1er janvier 2020, la taxe hydraulique que percevait VNF a été remplacée par une redevance domaniale, créée par voie réglementaire42(*). Son fait générateur est le même que celui de la taxe hydraulique, à savoir le prélèvement ou le rejet d'eau. L'article 28 du présent PLF prévoit d'augmenter son plafond d'affectation à VNF de 9 millions d'euros pour le fixer à 136,5 millions d'euros en 2024.

Les recettes propres de l'établissement, qui correspondent à ses redevances domaniales et à ses péages devraient s'élever à environ 55 millions d'euros en 2023. Elles poursuivent ainsi leur rebond dynamique depuis le creux constaté en répercussion de la crise sanitaire. Selon les estimations de l'opérateur, ces ressources devraient encore légèrement progresser au cours de l'année à venir.

Évolution des ressources propres de VNF
(redevances domaniales et péages) entre 2019 et 2023

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2023, VNF devrait aussi percevoir 74,4 millions d'euros de cofinancements en provenance, d'une part des collectivités territoriales dans le cadre de la mise en oeuvre des contrats de plan État-Régions et, d'autre part, en provenance de l'Union européenne (UE) dans le cadre du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE).

En 2024, à la faveur du développement de nouveaux partenariats avec les collectivités territoriales, d'aménagements sur la Seine liés aux jeux olympiques et à des travaux de restauration écologique de la Loire, VNF pourrait voir le montant de ces cofinancements progresser de plus de 20 % pour atteindre 90 millions d'euros, soit un niveau supérieur de 10 millions d'euros à l'objectif prévu par son COP.

2. Sous réserve de l'actualisation de son COP, les investissements de VNF devraient se maintenir à plus de 300 millions d'euros en 2024

La LOM a prévu une augmentation progressive des crédits de l'AFIT France consacrés à la régénération et à la modernisation du réseau fluvial. Ces objectifs ont été traduits dans la trajectoire financière qui accompagne le COP de l'opérateur.

D'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, afin de stabiliser le niveau d'investissements de VNF en 2024, la clause de revoyure du COP de l'opérateur devrait ainsi prévoir une augmentation de près de 40 millions d'euros de la subvention de l'AFIT France en faveur de la régénération et de la modernisation du réseau. Celle-ci devrait ainsi être portée à 166 millions d'euros dès l'année prochaine.

Évolution de la subvention de l'AFIT France versée à VNF (2019 et 2024)

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2023, les dépenses d'investissement de VNF devraient dépasser les 300 millions d'euros, en hausse de 10 % en AE et de 4 % en CP par rapport à 2022.

Évolution des dépenses d'investissement totales de VNF
en CP (2019-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

Le budget 2024 de VNF ne doit être adopté que le 29 novembre prochain mais, d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux relatives à la revoyure du COP de l'opérateur, ses dépenses d'investissement devraient se stabiliser au niveau atteint en 2023 jusqu'en 2027.

Les dépenses d'investissement de VNF se déclinent en trois volets :

- la régénération vise au maintien en état des voies navigables par des opérations de gros entretien, de réparation ou de sécurité ;

- la modernisation a pour objet d'assurer l'exploitation des voies navigables par des dispositifs centralisés ou automatisés, à développer une politique de maintenance préventive, à moderniser la gestion hydraulique et à optimiser la gestion du trafic ;

- le développement consiste à construire de nouvelles infrastructures, ou à aménager des infrastructures existantes pour en améliorer la capacité ou les fonctionnalités.

Pour 2023, le graphique ci-après présente la répartition prévisionnelle entre ces trois dimensions des crédits de paiement d'investissement.

Répartition des dépenses d'investissement (en CP) de VNF en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

LE PROGRAMME 205
« AFFAIRES MARITIMES, PÊCHE ET AQUACULTURE »

La gouvernance des politiques publiques de la mer au sein de l'État avait évolué en 2022 avec la création, au mois de mars, de la nouvelle direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA). La DGAMPA est le résultat de la fusion des deux anciennes directions qui pilotaient l'action maritime de l'État au niveau central, à savoir la direction des affaires maritimes (DAM), qui était rattachée à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), et la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA).

Cette évolution s'était alors traduite budgétairement par le rattachement au programme 205 des crédits consacrés aux pêches maritimes et à l'aquaculture.

Le programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » doit accompagner l'action régulatrice de l'État concernant le navire, le marin, la mer et ses ressources par :

- un soutien à l'économie maritime ;

- une politique de sécurité et de sûreté maritimes civiles ;

- le soutien à l'emploi maritime ainsi qu'à la qualité et au développement du pavillon français ;

- la participation à la protection de l'environnement, en développant les technologies de connaissance et de surveillance, en édictant et en contrôlant la réglementation qui s'applique au navire en matière de rejets dans le milieu (air, eau) ;

- la recherche d'un meilleur équilibre entre les différents usagers de la mer (marine de commerce, pêche et conchyliculture, nautisme, littoral, etc.) par une réglementation et une organisation adaptées, et la réalisation de documents stratégiques de façade et de bassins maritimes, ainsi qu'une participation forte à l'action de l'État en mer (AEM) en interface avec les préfets maritimes ;

- une exploitation durable des ressources maritimes et aquacoles.

Le programme a ainsi vocation à contribuer à la politique maritime intégrée (PMI) en s'appuyant, à l'échelon déconcentré, sur les directions interrégionales de la mer (DIRM) et directions de la mer (DM), sur les services des affaires maritimes et direction des territoires, de l'alimentation et de la mer en outre-mer, ainsi que sur les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM).

Le programme 205 contribue également au financement de l'enseignement professionnel maritime : lycées professionnels maritimes, École nationale supérieure maritime (ENSM), bourses des élèves, etc.

Évolution des crédits du programme 205 entre 2023 et 2024, et exécution 2022

(en millions d'euros)

 

Exécution 2022

LFI 2023

PLF 2024

Variation
2024 / 2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01- Surveillance et sûreté maritimes

41,7

39,9

32,4

30,3

40,8

36,2

+ 25,9 %

+ 19,5 %

02- Emplois et formation maritimes

32,8

32,3

38,5

34,7

34,8

36,5

- 9,6 %

+ 5,2 %

03- Innovation et flotte de commerce

131,0

130,6

86,4

86,4

105,3

105,3

+ 21,9 %

+ 21,9 %

04- Action interministérielle de la mer

46,7

27,6

12,6

11,9

38,8

18,1

+ 207,9 %

+ 52,1 %

05- Soutien et système d'information

11,0

9,6

8,8

9,4

11,0

11,6

+ 25,0 %

+ 23,4 %

07- Pêche et aquaculture

99,1

101,9

50,3

50,3

50,5

47,2

+ 0,4 %

- 6,2 %

08- Planification et économie bleue

-

-

17,9

17,9

19,7

19,7

+ 10,1 %

+ 10,1 %

Total programme 205

362,3

341,9

246,9

240,9

300,8

274,5

+ 21,8 %

+ 14,0 %

Source : projet annuel de performances pour 2024

En 2024, les crédits inscrits sur le programme 205 devraient significativement augmenter de 54 millions d'euros en AE (+ 22 %) et de 34 millions d'euros en CP (+ 14 %) pour s'établir respectivement à 301 millions d'euros et 275 millions d'euros.

Comme précisé dans les développements infra, détaillés par actions du programme, les rapporteurs constatent que ces évolutions ne sont pas structurelles mais s'expliquent principalement par deux phénomènes tout à fait ponctuels :

- une hausse de 18 millions d'euros des crédits prévus au titre du dispositif de soutien aux entreprises d'armement maritime (SEAM) qui repose elle-même sur un report de crédits de 11 millions d'euros ayant permis de financer une partie de l'aide en 2023 ;

- l'acquisition pour 25 millions d'euros d'un nouveau patrouilleur destiné au contrôle des pêches en haute mer.

Évolution43(*) des crédits du programme 205 (2021-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

A. LES CRÉDITS DÉVOLUS À LA SURVEILLANCE ET À LA SÛRETÉ MARITIME PROGRESSENT DE PLUS DE 20 %

L'action 01 du programme 205 est consacrée à la surveillance et à la sûreté maritimes. En vertu des conventions internationales de l'Organisation maritime internationale (OMI) relatives à la sauvegarde de la vie humaine en mer et à la prévention des pollutions marines, la France est tenue d'exercer uns triple mission en la matière :

- vérifier la bonne application des normes internationales à bord des navires français en tant qu'État du pavillon ;

- contrôler les navires de commerce étrangers qui font escale dans les ports français en tant qu'État du port ;

- garantir la sécurité des routes de navigation le long des côtes françaises en tant qu'État côtier.

Pour 2024, 40,8 millions d'euros en AE et 36,2 millions d'euros en CP sont proposés sur l'action 01, soit des augmentations respectives de 8,4 millions d'euros (+ 26 %) et de 5,9 millions d'euros (+ 20 %).

16,5 millions d'euros en AE44(*) et 14,8 millions d'euros en CP45(*) sont prévus en faveur de la signalisation maritime46(*), soit des augmentations de 2,6 millions d'euros et de 2,9 millions d'euros. Parmi ces crédits 8 millions d'euros doivent être consacrés au fonctionnement des services locaux de phares et balises, principalement pour assurer le maintien en conditions opérationnelles (MCO) des phares et des balises.

S'agissant de la surveillance du trafic maritime par les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage47(*) (CROSS), les crédits proposés en 2024 s'établissent à 10,7 millions d'euros en AE48(*) et 7,7 millions d'euros en CP49(*) soit une diminution de 1 million d'euros en AE mais une hausse de 1,9 million d'euros en CP par rapport à 2023.

Pour accompagner le renouvellement nécessaire de la flotte de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), la subvention qui lui est versée à partir des crédits du programme 205 a été nettement réévaluée en 2020. En 2024, elle doit rester stable à 10,5 millions d'euros (AE=CP).

Évolution du montant de la subvention à la SNSM
versée sur les crédits du programme 205 (2015-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

B. L'ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE MARITIME DOIT PARVENIR À UN DOUBLEMENT DE SES PROMOTIONS D'ICI 2027

Dédiés à la formation des gens de mer50(*) et au développement de l'emploi maritime, les crédits de l'action 02 « Emploi et formations maritimes », du programme 205 ont significativement augmenté depuis 2021 dans la perspective de faire aboutir les engagements pris en la matière dans le cadre du Fontenoy du maritime. En 2024, le montant des AE devrait diminuer de 9,6 % pour s'établir à 34,8 millions d'euros tandis que le niveau de CP poursuit sa progression (+ 5,2 %) pour atteindre 36,5 millions d'euros.

La formation supérieure est assurée par l'École nationale supérieure maritime (ENSM)51(*) qui prépare aux carrières d'officier de la marine marchande et délivre le titre d'ingénieur. Le Fontenoy du maritime a notamment abouti à l'engagement de doubler les promotions d'officiers navigants de la marine marchande d'ici 2027. Pour concrétiser cet objectif, la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'ENSM avait été nettement réévaluée en 2022. Depuis, elle poursuit une légère progression qui devrait la porter à 25 millions d'euros (AE=CP) en 2024.

Évolution du montant de la subvention pour charges de service public
de l'ENSM (2017-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le plafond d'emplois de l'ENSM est inchangé pour 2024 à 237 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Le schéma d'emplois 2024 de l'opérateur est nul.

Le Fontenoy du maritime

En novembre 2020, une grande concertation baptisée « Fontenoy du maritime » a été lancée dans l'objectif de déterminer les conditions permettant d'améliorer la compétitivité du pavillon français, de favoriser l'investissement productif et la création d'emplois dans le secteur mais aussi d'en accompagner la dynamique de transition écologique.

Dans le prolongement de cet exercice de concertation un travail interministériel a été entrepris autour de trois grands axes :

- la stratégie de flotte ;

- le développement des emplois et des compétences ;

- le renforcement de l'écosystème maritime.

Concernant la stratégie de flotte, l'objectif porte essentiellement sur un soutien au financement des navires afin d'accélérer le renouvellement des flottes dans une perspective de transition écologique du secteur. L'article 25 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a ainsi renforcé le dispositif de suramortissement vert prévu à l'article 39 decies C du code général des impôts (CGI).

Le développement des emplois et des compétences, essentiel pour assurer la croissance et la compétitivité du secteur, doit passer par un renforcement et une pérennisation des aides à l'emploi maritime, par le doublement du nombre d'officiers sortis de l'ENSM d'ici 2027, ou encore par la création d'une spécialité marine au sein de pôle emploi. La concertation a mis en exergue le besoin impérieux de marins français et un objectif de création de 500 emplois dès 2022 et de 5 000 d'ici 2030 a été fixé.

Le renforcement de l'écosystème maritime passera par une meilleure coordination entre les acteurs de l'économie maritime française (armateurs, chantiers navals, banquiers, chargeurs, etc.), une amplification de la capacité de recherche et développement des industriels au service de la transition écologique et de la souveraineté technologique grâce à un objectif de doublement des crédits du Conseil d'Orientation pour la recherche et l'innovation des industriels de la mer (CORIMER) ou encore une consolidation du registre international français (RIF).

La stratégie esquissée par le Fontenoy du maritime doit permettre à la France de devenir l'une des dix plus grandes flottes de commerce mondiale dans les prochaines décennies, alors que sa flotte se trouve actuellement au 27ème rang mondial.

Le ministère de la mer évalue par ailleurs à 100 milliards d'euros par an sur les dix prochaines années les investissements nécessaires pour verdir la flotte et les ports maritimes.

Source : commission des finances du Sénat

La formation secondaire des gens de mer, dispensée dans les douze lycées professionnels maritimes (LPM) ainsi que dans les centres agréés en outre-mer qui préparent aux métiers de la pêche et à quelques métiers du transport maritime, se verrait allouer 6,7 millions d'euros un niveau équivalent (+ 0,2 %) aux crédits inscrits à cette fin en 2023.

C. UN REPORT DE CRÉDIT LIÉ AU DISPOSITIF DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES D'ARMEMENT MARITIME EXPLIQUE LA HAUSSE APPARENTE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA COMPÉTITIVITÉ DE LA FLOTTE DE COMMERCE

En finançant des allègements de cotisations sociales patronales des entreprises d'armement maritime françaises, l'action 03 « Innovation et flotte de commerce » a pour vocation de promouvoir la compétitivité du secteur du transport maritime français. Elle totalise plus de 35 % des crédits du programme. En 2024, le présent PLF propose de la doter de 105,3 millions d'euros de crédits (AE=CP), soit une augmentation de 22 % par rapport à 2023 liée à la hausse des dépenses inscrites au titre dispositif de soutien aux entreprises d'armement maritime (SEAM) par rapport à l'estimation réalisée en LFI pour 2023, une hausse elle-même en partie due à un report de crédit de 11 millions d'euros provenant de l'exercice budgétaire 2022 et ayant permis de financer une partie du dispositif en 2023. En retraitant ce phénomène, la hausse de crédits constatée en 2024 ne serait que de 8 %.

Évolution des crédits de paiements inscrits en LFI sur l'action 03 (2017-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les crédits portés par l'action 03 en 2023 doivent ainsi servir à financer :

- une contribution à la Compagnie générale maritime et financière (CGMF) pour financer les charges spécifiques de retraite et d'accident du travail des personnels sédentaires de l'ancienne Compagnie générale maritime (CGM) ;

- les compensations à l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et à l'UNEDIC de l'exonération des cotisations sociales patronales maladie, vieillesse, famille et relatives à l'assurance chômage pour les entreprises employant des gens de mer affiliés à l'ENIM, sur des navires de commerce battant pavillon français, ou communautaire, ou de l'Espace économique européen, affectés à des activités de transport maritime, et soumis à concurrence internationale52(*) ;

Le 1er août 2023, 74 entreprises d'armement maritime bénéficiaient de ce dispositif pour un total de 454 navires. L'estimation inscrite dans le PLF pour 2024 des crédits nécessaires au financement de ces dispositifs d'exonérations s'établit à 67,4 millions d'euros, contre 67,1 millions d'euros en 2023.

Les crédits inscrits à l'action 03 sont également employés pour financer le dispositif de soutien aux entreprises d'armement maritime (SEAM)53(*) qui a pris le relais, depuis le 1er janvier 2022 et au moins jusqu'en 2024, de l'aide exceptionnelle aux entreprises de ferries mis en oeuvre en 202154(*). Pour 2024, le coût prévisionnel de ce dispositif est estimé à 30,2 millions d'euros soit une multiplication par 2,5 et une hausse de 18 millions d'euros par rapport au montant qui avait été inscrit en LFI pour 202355(*) (12,3 millions d'euros). Cependant, la faiblesse des montants inscrits en LFI pour 2023 s'explique par un report de crédits de 11 millions d'euros issus de l'exercice 2022 qui a servi à financer en 2023 les aides dues au titre du second semestre 2022.

D. 25 MILLIONS D'EUROS POUR L'ACQUISITION D'UN NOUVEAU PATROUILLEUR DÉDIÉ AU CONTRÔLE DES PÊCHES

Les crédits dédiés à l'action 04 « Action interministérielle de la mer » devraient sensiblement augmenter en 2024 pour s'établir à 38,8 millions d'euros en AE (+ 26,2 millions d'euros) et 18,1 millions d'euros en CP (+ 6,2 millions d'euros).

Le dispositif de contrôle et de surveillance des affaires maritimes (DCS) occupe une place centrale dans le contrôle des pêches (60 % de son activité), à travers notamment la mise en oeuvre des plans de contrôles conjoints communautaires. Il se décline en deux volets :

- une composante hauturière, dotée de quatre patrouilleurs en métropole et un basé à la réunion ;

- un réseau d'unités littorales des affaires maritimes (ULAM) chargé du contrôle des activités maritimes côtières.

En 2024, les crédits affectés au DCS devraient très fortement augmenter pour s'établir à 34,3 millions d'euros en AE et 14,2 millions d'euros en CP, soit des augmentations de respectivement 26,2 millions d'euros et 6,2 millions d'euros par rapport aux financements prévus en LFI pour 2023. Cette augmentation s'explique essentiellement par les dépenses d'investissements requises en vue de l'acquisition d'un nouveau patrouilleur hauturier des affaires maritimes destiné à en remplacer un autre devenu obsolète. En 2024, 25 millions d'euros en AE et 5 millions d'euros en CP devraient être consacrés à cette acquisition.

Les crédits relatifs au plan POLMAR terrestre56(*) restent stables à 4,5 millions d'euros en AE et 3,9 millions d'euros en CP.

L'action 05 « Soutien et systèmes d'information » se voit quant à elle dotée de 11,0 millions d'euros en AE et de 11,6 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 2,2 millions d'euros.

E. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA PÊCHE ET À L'AQUACULTURE SE MAINTIENNENT À 50 MILLIONS D'EUROS

Pour 2024, le présent PLF dote l'action 07 « Pêche et aquaculture » de 50,5 millions d'euros en AE et de 47,2 millions d'euros en CP, des niveaux proches des montants de ceux prévus en LFI pour 2023 (50,3 millions d'euros).

Évolution des crédits de paiements ouverts en loi de finances initiale
au titre de la pêche maritime et de l'aquaculture (2018-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'action 07 du programme 205 a pour vocation de financer l'acquisition de connaissances scientifiques et de données nécessaires à la conduite de la politique européenne commune de la pêche (PCP). Les crédits dédiés devraient s'élever à 10,6 millions d'euros en 2024.

L'action 07 prévoit aussi 10,3 millions d'euros de crédits afin d'assurer le pilotage du contrôle des pêches et financer des systèmes d'information de gestion des pêches et de l'aquaculture.

La couverture des frais de gestion, d'instruction et de contrôle des fonds européens pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (FEAMP et FEAMPA) devrait s'établir à 4,6 millions d'euros en 2024.

L'action 07 consacre également des crédits à des interventions socio-économiques auprès des entreprises pour des montants prévisionnels de 23,8 millions d'euros en AE et 20,5 millions d'euros en CP en 2024. La majeure partie de ces crédits (14,3 millions d'AE et 11,0 millions d'euros de CP) relèvent d'interventions cofinancées par l'Union européenne dans le cadre du fond européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (FEAMPA)57(*).

F. LA DOTATION DU FONDS D'INTERVENTION MARITIME PROGRESSE D'UN MILLION D'EUROS

L'action 08 « Planification et économie bleue » est le support des crédits alloués au fonds d'intervention maritime (FIM) ainsi que des financements consacrés à la connaissance, à la réglementation et au développement de la navigation de plaisance maritime et fluviale et des loisirs nautiques. Pour 2024, le présent PLF prévoit d'attribuer 19,6 millions d'euros (AE=CP) à l'action 08 dont 16 millions d'euros seraient dédiés au FIM. Ces crédits progressent de 1,7 million d'euros par rapport à 2023 dont 1 million d'euros pour le FIM.

Le FIM a été créé en 2022 pour accompagner le développement durable des activités maritimes. Il doit permettre d'inciter les acteurs territoriaux à investir le champ des activités maritimes et de soutenir la mise en oeuvre des plans d'action des documents stratégiques de façades et de bassins ultramarins. S'il doit servir à financer des investissements, des études et des interventions ponctuelles, il n'a pas vocation à assumer des dépenses récurrentes, ni à se substituer aux financements opérationnels des autres ministères et de leurs agences. Il a vocation à répondre aux besoins de porteurs de projets qui n'ont pas trouvé de solutions de financement alternatives.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

À la suite de la première délibération à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, deux amendements qui sont venus modifier les crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Un premier amendement déposé par le Gouvernement a minoré de 19,5 millions d'euros les crédits de l'action 04 « Routes-entretien » du programme 203 « Infrastructures et services de transports » afin de tenir compte du transfert de portions du réseau routier national aux départements et aux métropoles prévus par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ». En vertu d'un autre amendement déposé par le Gouvernement duquel résultent les dispositions de l'article 25 bis du présent projet de loi de finances, la compensation de ces transferts s'effectuera par l'affectation d'une fraction du produit de l'accise sur les produits énergétiques (l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou TICPE).

Un second amendement déposé par Mme Annaïg Le Meur ainsi que plusieurs de ses collègues députés a ouvert 8 millions d'euros sur le programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » dans le but d'apporter une aide conjoncturelle aux entreprises du secteur du mareyage qui ont enregistré des pertes à la suite du Brexit.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen des crédits consacrés aux transports terrestres et au transport aérien de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». - Sans considérer l'évolution des dépenses de soutien à l'énergie, qui ont été très importantes en 2023, les crédits des programmes sont globalement en hausse. Cependant, leur progression reste inférieure à l'inflation, à rebours de la communication du Gouvernement, qui présente ce budget comme celui de la transition écologique.

S'agissant du fonctionnement du ministère, le plafond d'emplois augmente pour la première fois depuis des années. Je souligne au passage que certains crédits visent à rénover la façade de la tour Séquoia, achetée par le ministère en 2015, le bâtiment s'étant avéré peu performant d'un point de vue énergétique.

En ce qui concerne le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », les crédits semblent quasiment doubler. En réalité, il s'agit d'un transfert, puisque les crédits liés à la stratégie nationale de la biodiversité, rattachés l'an dernier au programme 380 du fonds vert, rebasculent sur le programme 113. Cette réorganisation est positive en matière de lisibilité, tous les crédits consacrés à la biodiversité étant désormais rassemblés au sein du même programme.

Ces crédits ont fait l'objet d'une gestion plus encadrée au niveau national que les autres politiques du fonds vert. Un exemple est que lorsque des régions n'utilisaient pas leur enveloppe, le montant était repris et transféré à d'autres régions. L'Office français de la biodiversité (OFB), principal opérateur du programme 113, sera en mesure de voter un budget à l'équilibre pour la première fois en 2024, grâce à une augmentation de sa subvention pour charges de service public.

J'en viens au programme 181 « Prévention des risques », dont l'augmentation des crédits s'explique quasi intégralement par la hausse de la subvention versée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), son principal opérateur. En effet, l'Agence fait face à des frais de fonctionnement qui augmentent en même temps que ses crédits d'intervention. Ces derniers proviennent aussi de France 2030 et du fonds Chaleur.

L'Ademe gère le fonds économie circulaire, qu'il ne faut pas confondre avec les financements assurés par les éco-organismes.

Elle se charge aussi du fonds Hydrogène, qui est de taille modeste et dont les crédits vont baisser de 38 à 20 millions d'euros, à rebours des discours affichant la volonté de développer ce vecteur énergétique. Les crédits du fonds viennent parfois compléter des crédits de France 2030, ce qui n'est pas idéal en matière de lisibilité.

Les risques technologiques sont pris en considération par ce programme et, vingt-deux ans après l'accident de l'usine AZF, tous les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) devraient être approuvés d'ici à la fin 2023.

En ce qui concerne les risques climatiques, les dernières tempêtes Ciarán et Domingo figurent parmi les cinq épisodes de tempête les plus coûteux. Les fonds manquent pour faire face aux dépenses engendrées, et il serait urgent de revoir l'enveloppe financière du régime de catastrophe naturelle. À ce titre, je déposerai un amendement visant à augmenter les crédits du fonds Barnier.

Le financement de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est également porté par le programme. Un projet de loi a été déposé au Conseil d'État, qui vise à fusionner l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), pour former l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). La traduction budgétaire de la fusion n'apparaît pas encore clairement. Par ailleurs, l'ASN plaide pour un programme budgétaire unique, les crédits étant actuellement éclatés entre la mission « Recherche et enseignement supérieur » et celle que nous examinons.

Le programme 380 « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » ou fonds vert connaît une progression véritable, les crédits de paiement (CP) augmentant de 125 %, pour passer de 500 millions d'euros à 1,125 milliard d'euros. Ce nouveau budget semble plus sincère, notamment au regard du nombre important de dossiers déposés en 2023, qui n'ont pas pu être financés faute de crédits suffisants.

De plus, la maquette du programme évolue et deux nouvelles sous-actions sont créées. D'abord, la sous-action « Soutien aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) en milieu rural » se voit allouer 30 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et reprend pour partie les propositions faites par Stéphane Sautarel et Hervé Maurey dans le rapport d'information qu'ils ont remis sur le sujet. Ensuite, la sous-action « Territoires d'industrie » est dotée de 100 millions d'euros en AE. La pertinence de son inscription dans le fonds vert me semble plus critiquable compte tenu de sa mission, qui consiste d'abord à soutenir une activité économique. Le rattachement de ces crédits au programme 380 plutôt qu'à la mission « Économie » permet de présenter artificiellement un volume de financement plus important pour le fonds vert.

Comme l'an dernier, la répartition prévisionnelle des crédits entre les différentes actions et sous-actions du fonds vert n'apparaît pas dans le projet annuel de performances, ce qui est regrettable. Au cours des auditions que nous avons menées, nous avons appris que des grilles de répartition étaient préparées par la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et transmises aux préfets. Si cette grille n'est pas rendue publique, il devient difficile d'opérer une comparaison entre le prévisionnel et ce qui a été effectivement dépensé. Ce travail de répartition est en cours pour 2024.

La gestion des crédits du fonds est assimilable à celle de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Ainsi, comme pour la DSIL, il n'y a pas de comité d'attribution des fonds. Les porteurs de projets ont signalé des difficultés rencontrées pour déposer leur dossier. Néanmoins, les dossiers qui n'ont pas été retenus en 2023 seront considérés comme déjà déposés pour 2024. Par ailleurs, dans certains départements, quand les crédits manquent sur le fonds vert, on a recours à la DSIL ou à la DETR, l'inverse se vérifiant également. Une quasi-fongibilité existe donc entre les trois enveloppes.

J'en viens au programme 345 « Service public de l'énergie ». En 2022 comme en 2023, la hausse significative des prix de l'électricité et du gaz avait entraîné un effet inattendu : les énergies renouvelables devenaient rentables et contribuaient au budget de l'État. L'an dernier, des recettes exceptionnelles étaient prévues pour un montant d'environ 36 milliards d'euros. Finalement, les recettes générées en 2022 et 2023 ne s'élèvent qu'à 17,7 milliards d'euros et, pour 2024, la prévision n'est que de 2,7 milliards d'euros, en raison de la baisse des prix sur les marchés de gros. À cet égard, le Gouvernement a diminué les montants prévus par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en septembre 2023.

Dans la loi de finances initiale pour 2021, un mécanisme avait été introduit, qui prévoyait de réviser le tarif d'achat de contrats de soutien à la production d'électricité photovoltaïque, signés entre 2006 et 2011. Le Sénat avait supprimé l'article, mais le Gouvernement a persévéré. Finalement, un arrêté a été annulé par le Conseil d'État et le Gouvernement vient de renoncer à appliquer ce dispositif, qui avait conduit à d'importants travaux préparatoires et mobilisé 10 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.

Par ailleurs, le 26 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel un article de la première loi de finances rectificative pour 2022, qui prévoyait un déplafonnement partiel des contrats de complément de rémunération de certains producteurs, sans inscrire ses modalités précises dans la loi. Suite à cette décision, le Gouvernement a déposé un amendement intégré dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en première lecture à l'Assemblée nationale qui prévoit désormais un déplafonnement intégral et sans conditions.

Crée en 2023, l'action n° 18 « Soutien hydrogène » est pour la première fois, dotée de 680 millions d'euros en AE et de 25 millions d'euros en CP.

Enfin, s'agissant des mesures de soutien aux consommateurs, trois types de dispositifs perdureront en 2024 : le bouclier sur les prix de l'électricité prévu à l'article 52, un dispositif d'amortisseur ciblé prévu au même article, pour lequel le Gouvernement n'a pas su expliquer qui il concernait, et des mesures destinées aux structures d'habitat collectif chauffées au gaz.

Je terminerai en évoquant le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », qui prévoit un montant significatif alloué à des mesures de soutien aux consommateurs, notamment au travers du chèque énergie et des primes à la transition. À cet égard, le fonctionnement du dispositif MaPrimeRénov' évoluera en 2024 pour compter deux parcours : « performance » et « efficacité ».

Le parcours « performance » sera constitué d'aides proportionnelles au coût des travaux visant à soutenir la réalisation de travaux de rénovation globale. Ces financements seront majorés pour les logements F et G. L'accompagnement sera obligatoire. Ce parcours sera financé par le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».

Les crédits du programme 174 de la mission que nous examinons seront alloués au financement du parcours « efficacité » de MaPrimeRénov'. Pourtant, bien qu'il soit inscrit sur la mission « Écologie », ce dispositif vise à soutenir la décarbonation du chauffage des logements, sans prévoir de rénovations globales, alors que celles-ci permettent véritablement la réduction de la consommation d'énergie.

Quoi qu'il en soit, les crédits réunis des programmes 135 et 174 ne permettront pas d'atteindre les objectifs fixés en matière de bâtiments de basse consommation. De plus, même si les aides doivent augmenter pour les ménages des déciles inférieurs, le niveau de reste à charge restera bien trop élevé. En effet, pour les ménages très modestes, le reste à charge représente aujourd'hui 45 % du coût des travaux.

Par ailleurs, nous observons une sous-exécution des crédits de MaPrimeRénov' en 2023, qui pourrait aussi perdurer en 2024. Les difficultés rencontrées pour trouver des artisans qualifiés ou définir une rénovation globale expliquent notamment ce problème.

En ce qui concerne le dispositif d'aide à l'acquisition de véhicules propres, il prend deux formes : le bonus ou la prime à la conversion. J'ignore comment les fonds sont répartis entre les deux, car le ministère n'a pas pu répondre. Les modalités d'attribution et le montant de ces deux dispositifs en 2024 ne sont pas encore connus. Comme vous le savez, suite aux débats qui ont eu lieu au Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2023 et à l'amendement que j'avais soutenu au nom de la commission des finances, nous avons été finalement entendus et le bonus ne sera dorénavant attribué qu'à des véhicules présentant un bilan carbone correct. Un arrêté a défini les critères et la grille d'analyse sur lesquels reposera ce bilan. L'Ademe passe en revue tous les véhicules commercialisés en France pour définir les notes obtenues, qui seront connues au mois de décembre. Ce retard perturbera sûrement la consommation des crédits alloués au bonus en 2024.

Des crédits modestes, s'élevant à 50 millions d'euros, seront fléchés pour le leasing social. Nos craintes sont nombreuses quant à l'opérationnalité du dispositif, notamment parce que les véhicules potentiellement éligibles ne sont pas encore produits. Tenant compte de cette difficulté, le Gouvernement étudie la possibilité d'adopter des critères géographiques pour les ménages éligibles. L'article 52 bis porte sur l'inscription dans la loi de cette pratique.

Le programme comprend aussi le dispositif « gros rouleurs », introduit par la loi de finances pour 2023, qui visait à cibler les personnes utilisant leur véhicule pour aller travailler. Le dispositif est prorogé pour 2024 et étendu jusqu'au sixième décile.

Je finirai mon intervention en évoquant le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), dont les crédits n'ont pas évolué depuis 2018, s'élevant toujours à 360 millions d'euros, alors qu'un rapport de la Cour des comptes s'est montré assez sévère, soulignant notamment qu'en raison de l'inflation l'enveloppe ne permet pas de mener l'ensemble des travaux nécessaires.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Les crédits consacrés à l'énergie dans la mission sont très impactés par l'extinction annoncée des mécanismes exceptionnels de protection des consommateurs d'ici à 2024. Les montants baissent de 70 % au sein du programme 345 et de 3 % dans le programme 174. Certes, la conjoncture économique explique cette extinction et je rappelle que, selon la CRE, les prix sont redescendus à 140 euros pour un mégawatt d'électricité et à 50 euros pour un mégawatt de gaz, atteignant des niveaux très inférieurs à ceux de l'année 2022, marquée par le conflit en Ukraine et la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte, qui avait limité la production d'énergie.

Pour autant, notre commission s'inquiète de la reconduction limitée du bouclier tarifaire. En ce qui concerne l'électricité, seuls les boucliers individuels et collectifs, ainsi que la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), sont pleinement prolongés. Ce ne sera pas le cas de l'amortisseur et du filet de sécurité, pourtant utiles aux entreprises et aux collectivités. À cet égard, je rappelle que certains contrats signés sont basés sur des niveaux bien supérieurs aux 140 euros par mégawatt. S'agissant du gaz, le projet de loi de finances (PLF) prévoit un bouclier pour les ménages bénéficiant d'un système de chauffage collectif, mais pas de bouclier individuel ni de baisse de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN). Pour les carburants, seule une indemnité est proposée. Les chèques énergie exceptionnels sont abandonnés. Au total, les crédits se limitent à 2,9 milliards d'euros et connaissent une baisse de 90 %.

De plus, une forte incertitude pèse sur les hypothèses macroéconomiques retenues pour le budget. D'abord, si les charges de service public de l'énergie finançant les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables sont positives pour la seconde année consécutive, avec 2,7 milliards d'euros, elles restent très sensibles aux fluctuations des prix du marché. En outre, l'article 11 du PLF autorise le Gouvernement à doubler réglementairement la TICGN pour un montant de 4 milliards d'euros. Enfin, l'article 52 permet de caper à 1,6 milliard d'euros les recettes exceptionnelles tirées des compléments de prix pénalisant les demandes excessives des fournisseurs, dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Or c'est au consommateur que doivent être reversés ces compléments de prix de l'Arenh, comme l'ont proposé la CRE et le rapport d'information intitulé Mieux prévenir et réprimer la fraude à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, remis par notre commission en juillet dernier. Le PLF prévoit aussi de plafonner les contrats de compléments de rémunération des producteurs d'électricité renouvelable pour 1,3 milliard d'euros.

Enfin, nous déplorons plusieurs angles morts dans ce PLF. D'une part, la revitalisation des territoires n'est pas soutenue, contrairement à l'engagement pris dans la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat. D'autre part, la neutralité technologique n'est pas toujours appliquée, l'énergie nucléaire, l'hydroélectricité, l'hydrogène, les biocarburants et les biogaz en pâtissant. Enfin, plusieurs opérateurs de l'État ne disposent pas d'effectifs suffisants, à commencer par la CRE, qui a pourtant besoin de contrôler et de sanctionner les comportements opportunistes.

Le budget prévoyant une revalorisation des crédits alloués à la rénovation énergétique, la mobilité propre et la chaleur renouvelable, je proposerai à notre commission un avis favorable. Par ailleurs, je déposerai plusieurs amendements visant à supprimer la disposition sur les compléments de prix de l'Arenh, pour compléter les effectifs de la CRE et relever les crédits alloués aux centrales à charbon, au chèque énergie et au fonds Chaleur.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je mesure, au fil des années, l'importance de cette mission budgétaire au poids particulièrement dense.

Le fait que le ministère ne soit pas en mesure de répondre aux questions de notre rapporteur spécial est révélateur. Une incompréhension gagne l'opinion, à force d'injonctions sur des sujets qui touchent à l'environnement, à l'écologie, à la consommation et aux pratiques de la vie quotidienne. Nous observons une inadéquation entre les moyens que le budget de la Nation doit consacrer à ces questions et les moyens que les Français doivent aussi y dédier.

Christophe Béchu avait annoncé que le fonds vert serait à la main des élus et cette promesse n'a pas été tenue. Il faut rappeler le Gouvernement à cet engagement. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires avait émis une réserve, expliquant que, pour la première année, les préfets agiraient pour le compte des élus. Quand ce fonds sera-t-il réellement à la main de ces derniers ?

Enfin, je ne suis pas contre la souplesse offerte par la fongibilité des fonds, mais il faut le dire et le faire en transparence. Si les informations ne sont pas partagées, ces transferts ont lieu au bon vouloir de l'État et de ses représentants dans les départements, dans lesquels les situations diffèrent. La cohérence est nécessaire. Il s'agit aussi de la confiance que les élus placent en la parole et le soutien de l'État.

M. Stéphane Sautarel. - D'abord, la Commission européenne appelle certains pays, dont la France, à interrompre les dispositifs de soutien mis en place pour faire face à l'inflation énergétique. Notre rapporteur spécial et le rapporteur pour avis s'interrogent sur les niveaux de ces boucliers, qui sont déjà en baisse.

Ensuite, s'agissant du fonds vert, la meilleure solution pour le mettre aux mains des collectivités serait de le transférer dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui rassemble les autres fonds de soutien à l'investissement des collectivités.

Enfin, la Cour des comptes a souligné certaines limites du Facé ; pourrions-nous travailler en 2024 à des solutions pour sortir de la situation de blocage dans laquelle se trouve le fonds depuis 2018 ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Je partage les inquiétudes exprimées par Daniel Gremillet concernant la forte réduction des soutiens à la consommation d'énergie, alors que certaines entreprises et collectivités ont signé des contrats pour une durée de trois ans, au moment où les prix étaient très élevés.

De manière plus générale, l'objectif de cette mission est d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, d'accélérer la préservation et la restauration de la biodiversité et d'assurer notre souveraineté énergétique. Ces priorités doivent faire l'objet d'une planification pluriannuelle reposant sur une méthode et sur une volonté de rupture. Nous ne pouvons pas nous contenter de simples réajustements de la trajectoire et d'actions prises au fil de l'eau. Or je peine à identifier une véritable stratégie.

Par ailleurs, la transition doit être socialement juste et inclusive ; il s'agit d'un préalable pour qu'elle soit acceptée, notamment par les plus modestes. À ce titre, je partage les inquiétudes de Christine Lavarde, notamment sur les effets de MaPrimeRenov', qui restent trop faibles pour les plus modestes.

J'en viens au leasing social, qui pourrait constituer une piste pour permettre aux plus modestes de se déplacer. Je regrette les retards pris en la matière.

La mission compte quelques avancées, mais souffre d'un manque d'ambition. Par conséquent, nous nous abstiendrons.

M. Vincent Delahaye. - Je voudrais interroger Christine Lavarde sur les aides exceptionnelles pour l'énergie et les carburants. Je m'étais opposé à des aides trop générales et plaide toujours pour mieux cibler les dispositifs. Les boucliers comportent-ils un niveau de prix à partir duquel ils cessent d'être utilisés ?

M. Hervé Maurey. - Sur le fonds vert, je me réjouis que les propositions que nous avions faites avec Stéphane Sautarel soient reprises et que nous puissions en affecter une partie à la mobilité.

Par ailleurs, je parlerai plus de frontière douteuse que de fongibilité. À titre d'exemple, dans mon département, il arrive souvent que des crédits du fonds vert soient alloués à des bornes incendie.

L'absence de contrôle du fonds vert par les élus est problématique.

Le dispositif MaPrimeRénov' est complexe et change tout le temps, ce qui crée un problème de lisibilité et de compréhension ; pourrait-on simplifier, clarifier et stabiliser les choses ?

Enfin, s'agissant des véhicules propres, sommes-nous en règle avec les dispositions légales, qui prévoient d'atteindre un certain pourcentage de véhicules propres au sein des administrations de l'État ?

M. Laurent Somon. - Sur le fonds vert, je partage l'idée que les collectivités devraient exercer un contrôle sur l'affectation des crédits. Dans le PLF pour 2023, il était prévu qu'une partie soit affectée pour compenser la perte de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour les collectivités ; est-ce toujours le cas ?

Vous avez précisé qu'il n'y avait pas d'affectation du fonds vert par objet, mais des priorités sont-elles identifiées ? Les crédits du premier fonds vert semblent avoir été essentiellement affectés au logement alors que les budgets actuels devaient être orientés vers la réindustrialisation ; est-ce le cas ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Je commencerai par les dispositifs de soutien aux consommateurs, qui demeurent. Cependant, les prix du gaz ayant fortement baissé, ils sont passés sous le seuil au-delà duquel se déclenche la mise en place du bouclier gaz. Le dispositif de soutien est donc tombé de lui-même. Lorsque, en juin dernier, j'avais présenté mon rapport d'information intitulé L'usine à gaz des aides énergie, j'avais fait remarquer qu'il était dommage de ne pas garder dans la loi le principe d'un dispositif, de manière que, si le besoin se présentait de nouveau, le dispositif soit prêt à être activé. En l'état, il sera de nouveau nécessaire de légiférer.

En ce qui concerne l'électricité, les consommateurs bénéficient toujours des tarifs réglementés de vente. Le projet de loi de finances prévoit bien de conserver le bouclier dont l'ampleur sera déterminée par le niveau d'augmentation des prix, que le Gouvernement arrêtera en février, suite à la détermination des tarifs réglementés théoriques par la CRE. Jusqu'à présent, ce bouclier s'est matérialisé dans une limitation de la hausse des prix à 4 % en février 2022, à 15 % en février 2023, puis à 10 % supplémentaires en juillet de la même année alors que les calculs de la CRE faisaient état d'une augmentation de 100 %. Avec le bouclier, l'État compense la différence entre le prix de vente théorique et le prix de vente de réel. Le bouclier s'applique à tous les consommateurs éligibles aux tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE), soit les consommateurs ayant une puissance inférieure à 36 kilovoltampères (kVA) : particuliers, TPE et petites collectivités.

Ceux qui ne sont pas éligibles au TRVE bénéficiaient précédemment de l'amortisseur, qui se déclenchait dès lors que les prix de l'électricité devenaient supérieurs à 180 euros le mégawatt. Seuls les consommateurs ayant signé des contrats de long terme à un tarif très élevé devraient continuer de bénéficier d'un dispositif d'amortisseur. Ainsi, tous les consommateurs d'électricité devraient pouvoir bénéficier d'un dispositif de soutien dès lors qu'ils payent un prix largement supérieur au prix du marché actuel.

Le bouclier électricité prend deux formes. D'abord, il consiste en un « capage » de l'augmentation du prix des fournitures. Ensuite, l'État a réduit à son niveau le plus bas l'accise sur les prix de l'électricité, l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), ce qui représente une perte de recettes pour le budget évaluée à 10 milliards d'euros. Le Gouvernement propose de reconduire cette mesure en 2024. En première partie du budget pour 2024, le rapporteur général a fait adopter par la commission une mesure visant à annuler cette minoration d'accise pour les particuliers. Afin que cette hausse ne s'impute qu'aux déciles les plus élevés, nous ouvrons dans la mission un complément de chèque énergie, qui s'adressera aux ménages modestes et moyens. Grâce à ce dispositif, nous aiderons plus que ce qui était prévu les ménages des premier et deuxième déciles ; nous aiderons à même hauteur les ménages des troisième, quatrième, cinquième et sixième déciles et nous faisons payer plus cher ceux des classes moyennes supérieures et aisées. Il s'agit d'une question de soutenabilité de la trajectoire des finances publiques. Comme l'a exprimé la Commission européenne dans son récent rapport publié dans le cadre du semestre européen, nous ne pouvons pas continuer à vivre sous perfusion.

L'aide au carburant ne repose pas sur un seuil de prix. Le guichet est ouvert et, quand les particuliers répondent aux conditions d'éligibilité et qu'ils en font la demande, ils reçoivent le chèque. L'année dernière, les crédits ont été sous-consommés, ce qui explique peut-être que le Gouvernement ait étendu les déciles éligibles.

J'en viens au fonds vert. Je ne souhaite pas un transfert des crédits vers la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et préférerais supprimer le dispositif. Nous demandons à toutes les collectivités de voter des schémas, comme les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, qui ne peuvent être mis en place, faute de ressources. Une partie des recettes de la fiscalité écologique, notamment la TICPE et la TICFE, devrait être affectée aux collectivités, qui s'en serviraient pour financer leurs schémas. Chaque année, un amendement allant dans ce sens est déposé au Sénat. À titre d'exemple, les préfets demandent à toutes les communes d'identifier les écoles ayant besoin de rénovation, afin que celle-ci soit financée par le fonds vert. Si les rénovations ont déjà eu lieu, les communes ne sont pas éligibles. Par ailleurs, une semaine a été donnée aux collectivités pour répondre. Il ne s'agit pas d'une bonne méthode. Il faut décentraliser la gestion des crédits. Le fonds vert ne sert qu'à annoncer que de l'argent a été alloué à l'écologie et, sur les 7 milliards d'euros d'AE annoncés dans ce budget, 2,5 milliards d'euros reposent sur le fonds vert.

L'année dernière, les collectivités n'ont pas été compensées à la hauteur de la CVAE collectée en 2022. On s'aperçoit que 500 millions d'euros ont été fléchés par un amendement déposé à l'Assemblée nationale, pour abonder les crédits du fonds vert. Sur cette somme, 350 millions d'euros étaient dédiés à la stratégie nationale biodiversité, qui rebasculent cette année du programme 380 sur le programme 113. Nous avons assisté à un tour de passe-passe.

En ce qui concerne la réindustrialisation, la nouvelle sous-action « Territoires d'industrie » offre un début de réponse, mais celle-ci n'a pas sa place dans le fonds vert, n'ayant rien à voir avec le verdissement des entreprises.

Le ministère de l'écologie est-il vertueux et responsable ? Je leur ai posé la question, leur document de présentation donnant l'impression d'un ministère exemplaire. Cependant, il n'existe malheureusement pas de comparaisons entre les ministères, donc je ne saurais pas dire où il se situe.

Je finirai en évoquant le leasing social de véhicules électriques. Aujourd'hui, les offres de leasing proposées sur le marché prévoient un premier loyer significatif, entre 3 500 et 4 000 euros, et la durée de détention pour laquelle on s'engage est longue, autour de 36 mois au minimum. Dans sa proposition, le Gouvernement annonce un loyer de 100 euros par mois, sans premier loyer particulier, et une durée de détention minimum plus courte. Ces annonces posent un problème d'équilibre économique. Par ailleurs, les ménages les plus modestes seraient intéressés par des véhicules d'occasion, mais le marché de l'occasion du véhicule électrique n'existe pas encore.

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen des programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ».

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». - Nous présentons les crédits des programmes 203 « Infrastructures et services de transports » et 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

D'abord, je rappellerai que l'essentiel des investissements de l'État dans les infrastructures de transport est financé par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France). La loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) comporte une programmation des dépenses de l'Agence qui s'achève en 2023. Par ailleurs, son article 3 prévoit que cette programmation devait être actualisée au plus tard en juin 2023, puis tous les cinq ans. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait toujours pas respecté cette disposition.

Pourtant, le travail d'analyse qui doit servir de base à cette programmation a bien été mené par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui a remis son rapport en février dernier, dans lequel nous retrouvons certaines de nos remarques passées. Dans le scénario de « planification écologique » qu'il privilégie, le Conseil recommande que l'État, via l'AFIT France, dépense 26 milliards d'euros d'ici à 2027 dans les infrastructures de transport. Certes, la Première ministre a annoncé que le scénario central du COI servirait de base à la construction de la nouvelle programmation, mais cet engagement reste purement verbal et ne saurait se substituer à l'adoption d'une trajectoire d'investissement pluriannuelle par le Parlement.

En attendant la formalisation de cette trajectoire, le budget pour 2024 de l'AFIT France prend en compte les enjeux de décarbonation des transports. Les ressources de l'Agence devraient augmenter de 900 millions d'euros et ses dépenses pourraient atteindre un niveau inédit de 4,6 milliards d'euros. Notons à cet égard qu'une sous-consommation des crédits votés a déjà été observée dans le passé. Ces montants sont loin d'être excessifs tant les besoins de la transition écologique des infrastructures de transport sont colossaux.

Nous en parlons depuis deux ans, mais restons toujours scandalisés par l'attitude des sociétés concessionnaires d'autoroute qui, parce qu'elles sont en conflit avec l'État sur l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire, refusent de verser la contribution annuelle de 60 millions d'euros qu'elles doivent à l'AFIT France. Des procédures judiciaires sont en cours. La recrudescence actuelle des tensions entre l'État et ces sociétés ne présage pas un règlement rapide du conflit, qui est plutôt relancé par la nouvelle taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, qui conduira à imposer 4,6 % de la fraction de chiffre d'affaires des sociétés d'autoroute qui excède 120 millions d'euros. Cette taxe devrait leur coûter environ 450 millions d'euros en 2024.

En 2024, la hausse significative des crédits attendue sur le programme 203 s'explique principalement par l'augmentation de la contribution de SNCF Voyageurs au fonds de concours dédié au financement du réseau ferroviaire. Nous reviendrons plus spécifiquement sur ce sujet qui nous interpelle.

Par ailleurs, le réseau routier national non concédé est engagé dans une spirale de dégradation préoccupante. Le directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) nous a aussi fait part de son inquiétude. Les crédits consacrés ont été rognés par l'inflation et sont désormais insuffisants. Ainsi, un audit de 2018 estimait qu'une somme annuelle d'au moins 1 milliard d'euros d'investissement serait nécessaire pour enrayer la dégradation des chaussées. En tenant compte de l'inflation, ce montant correspond aujourd'hui à 1,2 milliard d'euros. Or en 2024, les crédits devraient tout juste dépasser la barre du milliard d'euros. Dès 2017, le Sénat a alerté les pouvoirs publics sur ces risques de dégradation.

En ce qui concerne les trains de nuit, le Gouvernement n'est pas au rendez-vous de ses engagements. Alors qu'il a multiplié les déclarations, le renouvellement du matériel roulant n'avance pas. Pourtant, la qualité de service reste la condition du succès de ces trains. Nous appelons le Gouvernement à mettre ses actes en cohérence avec ses promesses.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En juillet dernier, la mission d'information de la commission des finances sur le financement des AOM a dressé dans son rapport le constat du besoin de financement résultant de l'indispensable choc d'offre des mobilités du quotidien. En septembre, l'État et Île-de-France Mobilités (IDFM) ont conclu un protocole de financement, que des dispositions fiscales proposées dans ce PLF visent à mettre en oeuvre.

Le Gouvernement ignore une nouvelle fois les AOM locales, métropolitaines et régionales, auxquelles n'est proposée qu'une obscure conférence de financement, assortie d'une demande de rapport. Or un travail sérieux appréhendant l'ensemble des enjeux a été accompli par la mission d'information, qui a notamment formulé des recommandations pour permettre aux AOM de faire face à la hausse prévisionnelle de leurs dépenses.

Le Gouvernement s'obstinant à ne pas vouloir se préoccuper des AOM, notre commission défendra un amendement visant à leur affecter une nouvelle ressource dès 2024, constituée par une fraction des 250 millions d'euros du produit des mises aux enchères des quotas carbone. Cette initiative est salutaire et coche toutes les cases : il s'agit d'une ressource immédiate, pérenne et en ligne avec l'objectif de décarbonation des transports.

Par contraste avec une éventuelle augmentation des taux du versement mobilité, la ressource proposée présente l'avantage de ne pas être réservée aux AOM les mieux dotées en matière de base fiscale ni à celles qui organisent déjà un service de transport collectif régulier. Elle apportera aussi une solution à la mobilité en zone rurale, grande oubliée du système de financement des transports du quotidien.

J'en viens à la question du fret. La Commission européenne a lancé une enquête sur les aides publiques apportées à la société Fret SNCF, notamment sur la reprise de sa dette en 2020 par la filiale de tête du groupe SNCF. La Commission les considérera sans doute comme des aides d'État et, si elle demandait un remboursement de 5 milliards d'euros assorti d'une amende, cela se traduirait par une faillite immédiate de Fret SNCF.

Pour éviter ce scénario, le Gouvernement a choisi la voie de la négociation et proposé un plan de discontinuité, qui est douloureux. Nous sommes préoccupés par l'approche de la Commission, qui paraît incohérente. En effet, le secteur du fret ferroviaire est structurellement déficitaire en Europe et, en favorisant la concurrence sur ce marché, on favorise les filiales d'opérateurs historiques européens. Fret SNCF comptera donc deux sociétés : une dédiée à la maintenance et une autre au transport de marchandises. De plus, elle devra abandonner 23 lignes, qui seront ouvertes à la concurrence et figurent parmi les plus rentables. Fret SNCF se concentrerait donc sur le wagon isolé, qui constitue le secteur le moins rentable.

J'en viens à la régénération et à la modernisation des infrastructures ferroviaires. En mars 2022, dans leur rapport d'information intitulé Situation de la SNCF et ses perspectives, Hervé Maurey et Stéphane Sautarel avaient démontré à quel point les investissements étaient insuffisants. Ils avaient recommandé d'augmenter de 1 milliard d'euros par an les dépenses de régénération, mais aussi de programmer et de financer le déploiement des technologies de modernisation du réseau.

En février dernier, le rapport du COI a dressé le même constat et formulé les mêmes recommandations. La Première ministre a repris à son compte ces propositions et annoncé que, d'ici à 2027, les dépenses augmenteraient de 1,5 milliard d'euros par an.

Malgré ces paroles, des zones d'ombre demeurent. Il reste à décider de la trajectoire de montée en puissance des investissements et de savoir qui va payer. À cette dernière question, l'État répond qu'il doit plutôt s'agir de la SNCF, grâce aux bénéfices dégagés par sa filiale Voyageurs. Ainsi, le Gouvernement a déjà annoncé que 300 millions d'euros supplémentaires seraient prélevés en 2024 sur les résultats de la SNCF. D'après nos informations, le conseil d'administration de la SNCF ajoutera 175 millions d'euros dès 2024.

À moyen terme, cette modalité de financement présente des risques importants. En premier lieu, il n'est pas certain que SNCF Voyageurs reste en situation favorable et qu'elle puisse supporter ce fardeau. En deuxième lieu, cette solution est antinomique avec le contexte d'ouverture à la concurrence. D'une part, SNCF Réseau va accroître son lien de dépendance financier avec SNCF Voyageurs et, d'autre part, SNCF Voyageurs se trouvera lestée d'un lourd handicap face à ses concurrents, en finançant 50 % de la régénération et de la modernisation du réseau. En troisième lieu, cette pression financière contraindra les investissements de SNCF Voyageurs et aura un effet négatif sur le développement de l'offre ferroviaire, ce dont s'inquiète aussi l'Autorité de régulation des transports (ART). En quatrième lieu, ce choix pourrait se traduire par la poursuite de l'inflation des prix des billets. Pour toutes ces raisons, nous continuons à appeler à une nouvelle LOM et nous travaillerons sur le financement des infrastructures de transport en général, afin de trouver des solutions innovantes et en phase avec l'objectif de décarbonation.

Enfin, les crédits du programme 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » devraient rester relativement stables en 2024.

En conclusion, nous vous proposons d'adopter les crédits des programmes 203 et 205 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». - Le programme 159 regroupe les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.

Après une décennie de baisses substantielles de ses moyens, Météo-France connaît un répit bienvenu depuis l'année dernière. Comme je l'avais exposé dans un rapport d'information en 2021, cet opérateur est de plus en plus sollicité du fait de la multiplication des phénomènes extrêmes. En 2024, ses effectifs doivent progresser de 25 équivalents temps plein travaillés (ETPT).

À l'horizon 2026, Météo-France devra investir dans de nouveaux supercalculateurs pour 350 millions d'euros. Il s'agit d'un enjeu important pour multiplier la surface de calcul, rester dans la course et s'adapter au changement climatique. J'avais indiqué, dans le même rapport, que la direction générale de l'aviation civile (DGAC) devait mieux participer à l'analyse météorologique pour le secteur aéronautique. Je me réjouis, à cet égard, que Météo-France engage une mise à jour de sa comptabilité analytique en 2024, puisque cela permettra de rouvrir les discussions entre les deux organismes. En effet, le financement que fournit la DGAC pour la prévision aéronautique est gelé depuis 2012. La commission des finances a soulevé ce sujet et a été entendue, du moins sur la méthode.

L'année dernière, dans un autre rapport d'information, je vous avais présenté la transformation en cours au sein de l'IGN.

Je vous avais aussi signalé un certain nombre de risques associés à son nouveau modèle économique, dont celui de devenir plus dépendant de grands programmes financés par des commanditaires publics. En l'occurrence, de grands ministères tels que celui de la défense ou de l'agriculture font appel à l'opérateur : soumis eux-mêmes à des contraintes, ils ont parfois tendance à considérer que l'IGN est une variable d'ajustement, d'où un risque de trou d'air que je pressentais. Celui-ci est malheureusement arrivé plus tôt que je ne l'imaginais, et l'IGN risque fort d'être confronté à un problème budgétaire et de se trouver à court de trésorerie dès l'année prochaine.

Je salue ici les efforts que nous avons collectivement fournis lors de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) à l'occasion de la commission mixte paritaire qui s'est tenue hier. Le rapporteur général a relayé cette préoccupation, ce dont je le remercie, et nous avons voté une subvention de 4 millions d'euros en faveur de l'IGN, qui doit réussir sa transformation. Je crois que nous avons ainsi joué un rôle utile pour lui permettre d'achever cette mutation, qui mobilise l'ensemble de ses équipes.

J'en viens au Cerema qui, après un passage à vide, a retrouvé une vraie dynamique. Lors du vote de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), nous avions validé le passage à une quasi-régie conjointe État-collectivités, qui permet aux collectivités adhérentes de cotiser et de faire appel au Cerema.

Ce nouveau modèle économique a été mis en place cette année : les premiers résultats semblent encourageants et devront être observés à l'avenir. Si ces ressources nouvelles permettent à ces organismes de boucler leur budget, elles ne sont pas sans présenter des risques dans la mesure où la part de la subvention pour charges de service public devient nettement minoritaire.

Du fait de cette vitalité retrouvée et pour la première fois de son histoire, les effectifs du Cerema devraient augmenter de 10 ETP en 2024, ce qui est sans doute insuffisant. J'aurai l'occasion de déposer un amendement à ce sujet, le Cerema souhaitant voir son plafond d'emplois augmenter sans que sa subvention progresse nécessairement, en estimant qu'il pourra couvrir cette hausse par son chiffre d'affaires, au moyen de la conquête de marchés.

J'en viens au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », dit « Bacea », c'est-à-dire les dépenses de la DGAC.

Après des années marquées par la pire crise de son histoire et des chutes considérables du trafic, le transport aérien retrouve des couleurs, le trafic ayant presque retrouvé son niveau d'avant-crise. En 2024, les évolutions incluent un dispositif de rattrapage des conséquences de la crise, qui s'est traduite par une augmentation de la dette, dans la mesure où les redevances de navigation aérienne - c'est-à-dire les principales recettes du Bacea - dépasseront leur niveau d'avant-crise.

Le transport aérien se porte mieux, j'en conviens. Cependant, je ne peux pas vous cacher mon scepticisme, voire ma préoccupation, s'agissant des répercussions sur le secteur de la nouvelle taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, instaurée par l'article 15. Les aéroports sont en effet la victime collatérale de la volonté de l'État de mettre à contribution les sociétés d'autoroutes, puisque le Conseil d'État a estimé que d'autres secteurs devaient être soumis à cette taxe, à hauteur d'au moins 20 %, afin qu'elle soit valide sur le plan juridique.

Avec ce cran d'imposition supplémentaire, plusieurs aéroports seront confrontés à des difficultés, en particulier l'aéroport de Nice. J'ai eu l'occasion d'auditionner le président du directoire de cet aéroport, qui a fait état d'une très faible rentabilité des investissements, nettement en deçà des normes du marché : si cette trajectoire se confirme, il deviendra très malaisé d'investir, y compris dans l'amélioration du service ou dans la sécurité.

Pour de nombreux aéroports, cette taxe sera d'autant plus lourde à supporter que la capacité à la répercuter sur les billets des passagers n'existe pas, ce qui est le cas de Nice, en vertu du principe de modération tarifaire qui s'impose à l'ART, chargée d'agréer les redevances.

Au-delà de ce constat, la taxe aura un effet paradoxal puisqu'elle accordera un avantage concurrentiel aux compagnies low cost, basées dans d'autres aéroports que les quatre plus grands du pays, ce qui viendra encore affaiblir des compagnies françaises qui perdent 1 % de parts de marché chaque année.

La DGAC, pour sa part, se trouve en pleine négociation de son nouveau protocole social. Les grèves étant récurrentes chez les contrôleurs aériens, le Sénat a apporté sa contribution en votant une proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, proposition votée dans des termes identiques par l'Assemblée nationale la semaine dernière.

Cette loi viendra instaurer une forme de prévisibilité dans les déclarations des contrôleurs aériens grévistes, ce qui devrait permettre de mieux calibrer le service minimum. Ce texte a déclenché une grève en réaction la semaine dernière, mais nous avons accompli un effort afin que le dialogue social soit désormais basé sur la réalité du nombre de grévistes et non sur des prévisions erratiques, en vue d'éviter des annulations de dernière minute.

Ce texte reflète, une fois encore, la volonté d'améliorer le dialogue social, les contrôleurs aériens devant encore fournir des efforts de productivité en contrepartie de mesures indemnitaires. Dénommées « protocoles sociaux », ces pratiques semblaient assez atypiques et n'avaient pas fait leurs preuves - c'est un euphémisme. Si les objectifs de performance de ce nouveau protocole social semblent ambitieux, je reste à ce stade dubitatif, et je proposerai à la commission de s'y pencher de plus près.

En outre, le PLF 2024 marque une impulsion budgétaire supplémentaire en faveur d'un domaine que j'avais évoqué dans un rapport d'information en juin dernier, à savoir les grands investissements de la DGAC pour la modernisation du contrôle aérien. J'avais alors souligné l'obsolescence de certaines infrastructures de base, sujet jusqu'alors masqué par les grands programmes informatiques et numériques, mais qui était porteur de difficultés, voire de risques.

Au sein de la DGAC, la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) doit donc maintenir à niveau et moderniser les infrastructures, d'où la nécessité de lui apporter un soutien. Parmi les investissements nécessaires, citons ceux qui visent à assurer la transition du nouvel outil d'assistance du contrôle aérien (4-Flight) vers un système qui pourra être mutualisé avec des partenaires européens de la DSNA.

Un dernier mot sur la lourde dette du Bacea : après avoir culminé à 2,7 milliards d'euros en 2022, elle a amorcé un repli cette année, mais la décrue sera longue et nous devrons rester vigilants.

Je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». En ce qui concerne le programme 159, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. -

Sur le fond, je salue la hausse des crédits alloués au programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable plaide depuis plusieurs années en faveur d'un renforcement des moyens consacrés à la régénération, à la modernisation et au développement de nos infrastructures de transport, en particulier les infrastructures ferroviaires.

Pour autant, ce nouveau PLF n'apporte pas réellement de traduction concrète des annonces du Gouvernement en la matière. Je pense en particulier à la « nouvelle donne ferroviaire » promise par la Première ministre, avec 100 milliards d'euros en faveur du secteur d'ici à 2040 : nous n'en connaissons à ce jour ni les modalités de financement ni la ventilation. En outre, le montant de 1,5 milliard d'euros attendu chaque année d'ici à la fin du quinquennat en matière de régénération et de modernisation ne bénéficie pas d'un plan de financement à ce stade.

Tout laisse à penser - M. Maurey et Mme Carrère-Gée l'ont rappelé dans leur rapport - que la SNCF aura la lourde tâche de trouver les ressources nécessaires. Pire encore, nous n'avons aucune stratégie établie en matière de modernisation du réseau : nous resterons donc les cancres européens sur ce sujet, au même niveau que la Lituanie dans le domaine de la modernisation des infrastructures ferroviaires.

Par ailleurs, j'ai cru comprendre que les crédits du plan d'avenir, des contrats de plan État-région (CPER) et des services express régionaux métropolitains (Serm) ne font qu'un, mais peut-être que mes collègues pourront m'éclairer.

Enfin, vous avez évoqué la nouvelle taxe instituée par l'article 15 du PLF pour 2024, qui permettra à l'Afit France de disposer de nouvelles ressources, ce dont je me félicite en tant qu'administrateur de cet organisme. J'ai cependant pris connaissance d'un amendement du rapporteur général visant à amputer ces ressources potentielles à hauteur de 100 millions d'euros, alors que le modèle économique de l'Afit France est à bout de souffle. Je m'interroge, néanmoins, quant à la solidité juridique du dispositif créé par l'article 15.

En vous remerciant pour votre invitation, je formule le voeu que nos deux commissions travaillent de façon plus étroite et synchronisée pour les prochains PLF, dans l'intérêt exclusif de notre institution.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - S'agissant de la modernisation du réseau ferroviaire, M. Hervé Maurey, qui avait déjà remis un rapport d'information très complet sur le sujet, souligne de nouveau le retard pris dans ce domaine. Je rappelle que la première ligne à grande vitesse (LGV) qui n'a pas été financée en totalité par l'État est la LGV Est, sujet qui fait écho à celui des trains d'équilibre du territoire (TET) : la région Grand Est a en effet proposé récemment, avec d'autres collectivités, de contribuer à hauteur de 50 % aux frais de fonctionnement du rétablissement d'une desserte ferroviaire entre Nancy et Lyon.

Nous devons jouer sur deux tableaux, le second étant celui de la modernisation du réseau routier, aujourd'hui détérioré. Rappelons en effet que certains territoires - c'est le cas de l'Ardèche - sont dépourvus de desserte ferroviaire et que la politique du « tout rail » a ses limites. Si nous souhaitons faire preuve d'équité, nous devrons élaborer, tant pour le réseau routier que pour le réseau ferroviaire, un plan ambitieux sur au moins dix ans, en définissant des priorités et en ne nous bornant pas à parer au plus urgent.

J'ajoute, à propos de la voirie, qu'il faut faire preuve de logique en installant des chaussées drainantes sur les voies dites « vertes » dédiées aux mobilités actives, quitte à ce qu'elles coûtent plus cher et à ce qu'on s'y déplace moins vite. Alors que nous ne sommes déjà pas capables de mettre le bitume approprié sur les voies réservées aux automobilistes, utiliser un fond vert sur les voies dites « vertes » mais bitumées me semble davantage traduire l'adage « tout et son contraire » que la formule « en même temps ».

M. Marc Laménie. - Je remercie l'ensemble des rapporteurs pour leur travail. Le rapport d'information d'Hervé Maurey et de Stéphane Sautarel dédié aux infrastructures ferroviaires a été cité : quelle suite a été donnée aux recommandations issues de cet important travail ?

Concernant la SNCF, je peine à m'y retrouver avec SNCF Réseau, SNCF Voyageurs, Gare & Connexions, etc. Combien d'ETP l'Afit France compte-t-elle ? Ne fait-elle pas doublon avec d'autres organismes ? N'est-il pas envisageable de simplifier la répartition des missions ?

Par ailleurs, existe-t-il un engagement pour les TET ?

J'aimerais aussi obtenir des précisions sur la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance : en quoi consiste-t-elle ? Abondera-t-elle les ressources de l'Afit France ? Comment s'articule-t-elle avec le plan d'investissements de 100 milliards d'euros en faveur du ferroviaire ?

Enfin, sur la partie fluviale, qu'en est-il de la situation de Voies navigables de France (VNF), important opérateur de l'État ? Hormis le tourisme fluvial, plus aucune péniche ne circule dans les Ardennes, qu'il s'agisse de la Meuse ou des canaux.

M. Michel Canévet. - À quoi l'Afit France sert-elle ? Ne serait-il pas temps de la supprimer dans une logique de rationalisation ?

Pour ce qui concerne la SNCF, les opérations de désendettement permettent-elles à l'entreprise de retrouver une meilleure santé financière et de dégager des excédents permettant d'améliorer le réseau, objectif absolument nécessaire ? Cette tendance à renouer avec les excédents pourra-t-elle durer et permettre la remise en état du réseau comme des gares ? Celles-ci ont été affectées par de nombreux dysfonctionnements et doivent faire l'objet d'investissements afin de garantir la fiabilité du réseau.

S'agissant du transport aérien, les liaisons d'aménagement du territoire, aussi nécessaires qu'utiles, pourront-elles être maintenues à l'avenir ? 

M. Bruno Belin. - Qu'est-il prévu dans le PLF 2024 pour soutenir les collectivités locales face au défi que représente l'entretien des ouvrages d'art et des ponts, notamment des ponts orphelins ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Les sujets abordés par les rapporteurs touchent de près mon département, l'Essonne. Nous avons tous en mémoire la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge le 12 juillet 2013, qui n'a fait que démontrer l'absolue nécessité de moderniser le réseau.

De la même manière, la présence de l'aéroport d'Orly, à cheval sur les départements de l'Essonne et du Val-de-Marne, m'amène à souligner le caractère incontournable de la modernisation des instruments d'approche.

Mme Florence Blatrix Contat. - Les rapporteurs ont-ils eu, au cours des auditions, des indications au sujet d'une éventuelle loi de programmation qui permettrait de mieux définir les modalités de mise en oeuvre du plan ferroviaire doté de 100 milliards d'euros ?

Je partage également leurs interrogations et leurs inquiétudes quant au financement par SNCF Voyageurs de la régénération du réseau. Sans ouvrir ici le débat sur la gratuité des transports, il faudrait éviter une augmentation du prix des billets telle qu'elle découragerait les usagers d'emprunter les transports collectifs.

Par ailleurs, je me réjouis de votre position relative à l'enquête de la Commission européenne et à la nécessité d'éviter la mise en concurrence du fret, déjà en grande difficulté.

S'agissant du versement mobilité, pourrait-on envisager un déplafonnement ? Certes, la question des marges des entreprises est cruciale, mais nous pourrions sans doute aller un peu plus loin.

Je déplore, enfin, le manque de vision de l'État : alors que la région Auvergne-Rhône-Alpes est concernée au premier chef par le projet de liaison Lyon-Turin - une infrastructure absolument essentielle -, le Gouvernement n'avance pas et ne nous donne aucune visibilité. La question doit pourtant être tranchée très rapidement : il est exclu de reporter ce projet, qui date déjà de plus de trente ans et qui est essentiel, tant pour nos territoires que pour le fret et la décarbonation des transports.

M. Pascal Savoldelli. - Malgré l'excellent travail du rapporteur spécial sur le contrôle et l'exploitation aériens, le passage sur la reprise des négociations avec les partenaires sociaux n'impacte guère, me semble-t-il, les finances publiques.

Ces remarques n'ont pas lieu d'être dans un rapport financier, d'autant que le rapporteur spécial a exprimé une certaine suspicion par rapport à la logique du « donnant-donnant » et ouvre un débat par trop conflictuel par rapport au droit du travail.

Par ailleurs, la fragilité du modèle économique de l'IGN suscite des inquiétudes. Le rapport se félicite de l'augmentation de la part que prend l'État dans le nouveau modèle de l'Institut, mais celui-ci a transféré des missions de service public au secteur privé.

Où va l'argent public ? Pour bien connaître le périmètre de l'activité de l'IGN, dont le siège se trouve à Saint-Mandé, dans mon département, je nourris de sérieux doutes à l'égard de ce nouveau modèle : plus on accentuera la délégation au privé des pans entiers de l'activité, plus on risque de s'orienter, à terme, vers la privatisation de l'organisme.

M. Stéphane Sautarel. - Je remercie à mon tour les rapporteurs pour leur travail, tout en regrettant la continuité de certaines observations et de limites. En particulier, alors que les constats au sujet de la modernisation et de la régénération du réseau ferroviaire sont unanimes et que les annonces ont été faites, les crédits ne sont toujours pas là, ce qui me semble incroyable dans le cadre de la gestion d'une politique publique majeure. Qui plus est, l'appel à SNCF Voyageurs et non pas à SNCF Réseau est une aberration totale qui pose question une nouvelle fois quant au modèle ferroviaire français.

Concernant les AOM, je me félicite de l'initiative du Sénat et de l'affectation de quotas carbone, qui garantissent un droit de suite à nos observations sur les besoins de financement des AOM, qu'il s'agisse d'Île-de-France Mobilités ou des AOM de province. Sans cette initiative sénatoriale, il me semble que le Gouvernement ne nous aurait apporté aucune réponse dans ce PLF pour 2024 : je demande aux rapporteurs de confirmer ce point.

M. Jean-Baptiste Blanc. - L'augmentation des crédits et des ETP du Cerema serait-elle liée, par hasard, à l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN) ? Si oui, comment appréhende-t-il cette nouvelle mission ? Sur le plan de la gouvernance enfin, les élus sont-ils associés à la démarche ? L'impression a pu être donnée que l'intelligence artificielle faisait son entrée au Cerema à des fins de surveillance du sol français.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale. - L'Afit France compte un nombre très limité d'emplois, inférieur à une dizaine. L'objectif de cet établissement consiste à avoir une visibilité de long terme sur le financement des infrastructures, ce qui est absolument nécessaire compte tenu des enjeux de la durée des projets.

Il s'agit également d'être en mesure de flécher les ressources via des fonds de concours, ce qui présente un intérêt budgétaire certain : nous savons bien, pour l'avoir tous expérimenté, que des dépenses noyées dans le budget de l'État ont tendance à se diluer, conduisant à ce que les ressources ne soient pas au rendez-vous pour mener à bien les projets.

Aucun élément nouveau n'est, à ma connaissance, à signaler sur les TET cette année, l'ouverture de nouvelles lignes et le renouvellement du matériel roulant devant se poursuivre, avec 3,5 milliards d'euros dédiés à l'acquisition de rames neuves d'ici à 2025.

Madame Blatrix Contat, je partage votre interrogation sur la loi de programmation : le ministre des transports semble y être favorable et cherche, si l'on peut dire, des voies de passage au Parlement. Aucune annonce n'a été faite en dehors des voeux du ministre, alors même qu'une échéance avait été prévue dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités.

Concernant le versement mobilité, il est effectivement possible d'aller plus loin, comme c'est le cas en Île-de-France. Pour le reste des AOM en revanche, la proposition du rapporteur général d'affecter 250 millions d'euros provenant du produit des enchères des quotas carbone va déjà dans la bonne direction, car elle présente l'avantage de ne pas favoriser les AOM disposant des bases fiscales les plus élevées.

Au sujet de VNF, son directeur général nous a confirmé que la période de mise sous tension que l'organisme a traversée, avec des objectifs de réduction d'effectifs de 80 personnes à 100 personnes par an qu'il a lui-même qualifiés de « mordants », cède la place à un contrat d'objectifs et de performance révisé, incluant une stabilisation des effectifs sur trois ans. Sur le plan financier, 300 millions d'euros par an sont également garantis sur la même période. Les perspectives de VNF sont donc bien meilleures pour 2024.

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - Monsieur Laménie, notre rapport a donné lieu à deux mesures concrètes : d'une part, le fait que les crédits du fonds vert puissent aller davantage vers des actions de mobilité, ce qui n'était pas le cas précédemment ; d'autre part, les 250 millions d'euros issus des ventes de quotas carbone font suite à notre travail. L'ensemble de nos recommandations n'a évidemment pas été retenu, mais l'important est bien d'amorcer des mesures et dispositifs, ce qui est positif compte tenu de l'équilibre général des finances.

Par ailleurs, monsieur Canévet, le Gouvernement affiche sa volonté de faire reposer l'essentiel du financement prévisionnel de la régénération du réseau sur SNCF Mobilités, ce qui ne nous paraît pas très sain. Un prélèvement sur les résultats de cette entité est prévu cette année et atteindrait désormais plus de 1 milliard d'euros, en augmentation de près de 500 millions d'euros par rapport à ce qui était prévu initialement.

Ce mode de financement est préoccupant : comme l'ont exprimé des représentants de la SNCF, cet argent n'est par définition pas consacré au renouvellement du matériel, notamment dans les trains de nuit, ni à la maîtrise du prix du billet, qui est pourtant un aspect essentiel dans la transition écologique et dans le choix de modes de transport alternatifs à l'automobile. Comme nous l'avons déjà souligné par le passé, le mode de financement global du système ferroviaire mériterait donc d'être revu.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, ne cachons pas le fait que les perspectives sont plutôt sombres pour les lignes d'aménagement du territoire, dont le déficit naturel est comblé par l'État et par les collectivités - principalement les régions, mais aussi parfois les départements - afin de les maintenir.

Les difficultés de ces lignes sont réelles, avec une augmentation des coûts liée à une baisse du trafic et de la fréquentation, notamment sur les clientèles d'entreprise. Très fortement dégradé, le modèle des lignes d'aménagement du territoire appellera une mobilisation de l'État aux côtés des collectivités, des choix n'étant malheureusement pas à exclure. Ces lignes remplissent pourtant, dans le cas des départements excentrés, une fonction majeure, et le train ne peut pas toujours s'y substituer.

Monsieur Belin, 20 millions d'euros viennent d'être ajoutés via un amendement aux 130 millions d'euros dédiés à l'entretien des ponts, au titre du projet de loi de finances de fin de gestion. Il s'agit d'un programme important pour le Cerema, particulièrement suivi par son directeur général.

Par ailleurs, je tiens à rassurer monsieur Savoldelli, des crédits sont bien prévus pour les protocoles sociaux de la DGAC. Le précédent protocole, sur la période 2016-2019, a coûté 50 millions d'euros au budget annexe, soit un montant non négligeable. Regardons les réalités de ce secteur en face : les métiers liés au contrôle aérien, qu'il s'agisse des contrôleurs eux-mêmes ou des métiers support tels que les électroniciens, sont difficiles, puisqu'il est question d'une mission régalienne de sécurité, qui implique une mobilisation 24 heures sur 24 et une responsabilité considérable.

Pour autant, nous pouvons faire des comparaisons avec nos voisins européens. Certes, les contrôleurs sont moins bien payés qu'ailleurs, mais ils sont également moins productifs, la France étant de plus championne d'Europe en termes de retards et de nombre de jours de grève. Je maintiens que la loi récemment votée vise à améliorer la situation, en respectant à la fois les contrôleurs et le dialogue social.

Lesdits contrôleurs y trouvent aussi une contrepartie avec une meilleure prévisibilité, puisqu'ils ne seront plus réquisitionnés abusivement comme ils l'étaient depuis des années : le service minimum sera ainsi revu en abaissant les niveaux de réquisition. De plus, les contrôleurs seront prévenus bien plus tôt de leur réquisition, à savoir l'avant-veille et non plus quelques heures avant, ce qui me semble être un point d'équilibre.

Cela étant dit, les problématiques d'organisation du transport aérien et d'adaptation au trafic restent posées et doivent être traitées par le dialogue social. Les protocoles sociaux me semblent mériter un examen : je n'ai pas connaissance, dans les autres services de l'État, d'un dispositif en vertu duquel une réorganisation entraîne le versement de primes.

Les moyens de parvenir à un équilibre et à une forme de « donnant-donnant » doivent être identifiés pour moderniser le secteur, sous peine de rencontrer des difficultés à l'avenir. D'autres pays européens ont ainsi décidé de ne pas conserver le contrôle aérien dans le giron public, je souhaite au contraire qu'il y demeure, mais en traitant les problèmes par le dialogue, je pense que les contrôleurs y sont particulièrement attentifs.

Concernant l'IGN, ne nous méprenons pas : je ne me félicite pas du changement de modèle, j'estime plutôt qu'il s'agissait d'une nécessité alors que l'IGN traversait une crise existentielle et que certains plaidaient pour sa disparition. Sa refondation passe par un travail d'investissements visant à lui redonner tout son rôle d'opérateur central de l'État en matière d'information géographique.

Le trou d'activité pressenti pour 2024 se confirme. Nous ne l'avons pas complètement comblé, mais la subvention de 4 millions d'euros votée hier en commission mixte paritaire reflète le soutien du Sénat à l'établissement. S'il faudra suivre la manière dont ce nouveau modèle se déploie, les ministères ne devront pas, pour leur part, lui confier d'autres missions sans actualiser les coûts. Je crois que l'IGN est engagé sur la bonne voie et doit encore affronter une épreuve de vérité budgétaire et financière. Nous avons en tout état de cause besoin d'un opérateur public dans cette matière centrale.

M. Jean-Baptiste Blanc a évoqué, à propos du Cerema, un « effet ZAN » dans le surcroît d'activité de l'organisme. Je ne dispose d'aucun élément en ce sens, mais souligne que le directeur général a mené un important travail de remobilisation des équipes. Le Cerema bénéficie d'une confiance et d'une attractivité nouvelles, y compris auprès des collectivités qui y font leur entrée, dans le cadre du schéma de régie quasi conjointe que nous avons adopté ici même.

En termes de gouvernance, les élus prennent toute leur place au conseil de surveillance et au conseil d'administration du Cerema, dans un nouvel équilibre. Ce type d'établissements a souvent fait office de variable d'ajustement pour l'administration centrale, qui baissait davantage leurs crédits que la diminution qu'elle s'appliquait à elle-même. Nous avons essayé de stabiliser ces établissements, qui sont autant d'outils de l'État utiles au service des collectivités et de la mobilité.

Enfin, M. Hugonet a entièrement raison de plaider en faveur d'une modernisation des systèmes d'approche en région parisienne et autour d'Orly. Des annonces ont été faites au sujet de la descente continue face à l'ouest, enjeu majeur pour les riverains et pour les collectivités voisines puisqu'il s'agit de mieux lutter contre les nuisances sonores aéroportuaires. Le sujet auquel sont confrontés le ministère des transports et la DGAC reste complexe : si l'on choisit de resserrer les faisceaux, le nombre de territoires touchés sera moindre, mais au risque de faire des perdants.

Article 35

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-26 (FINC.1) vise à « réaffecter » la suppression de la réduction de la TICFE en première partie par la création de chèques énergie exceptionnels pour les déciles 1 à 6. Si le montant est à première vue considérable, le dispositif permet, dans sa globalité, de générer 1 milliard d'euros d'économies.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée, rapporteure spéciale. - Le sixième décile correspond à des revenus annuels d'environ 27 000 euros, me semble-t-il.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Il s'agit bien d'une mesure de redistribution ciblant les classes moyennes et populaires. J'ajoute que seuls 25 % des crédits ouverts pour le chèque fioul et le chèque bois ont été consommés.

L'amendement II-26 (FINC.1) est adopté.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-27 (FINC.2) vise à rehausser le montant du fonds Barnier de 30 millions d'euros afin d'engager les travaux permettant de prévenir les futurs épisodes d'inondations.

L'amendement II-27 (FINC.2) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 50

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article acte la réforme de MaPrimeRénov', notamment du renforcement des contrôles et de la lutte contre la fraude.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 50.

Article 50 bis (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Emporté par son élan visant à étendre MaPrimeRénov' à Saint-Pierre-et-Miquelon, le Gouvernement a retenu deux articles très similaires dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale : je vous propose de ne conserver que l'article 50 bis, mieux rédigé.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 50 bis.

Article 50 ter (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-28 (FINC.3) a pour objet la suppression de cet article, quasi identique à l'article 50 bis.

L'amendement II-28 (FINC.3) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat de supprimer l'article 50 ter.

Article 51

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article vise à prolonger le congé de reconversion mis en place dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 51.

Article 52

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-29 (FINC.4) vise à supprimer les alinéas relatifs à la révision de la répartition du complément de prix Arenh : en effet, adopter une telle modification au débotté pourrait avoir des effets sur le fonctionnement des marchés qui ne seraient pas nécessairement au bénéfice des consommateurs. Ce point est corroboré par l'analyse de la CRE.

L'amendement II-29 (FINC.4) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 52, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 52 bis (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article vise à sécuriser le dispositif de leasing social en l'inscrivant dans la loi.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 52 bis.

Article 52 ter (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article a pour objet d'étendre le fonds Barnier à certaines mesures prises par les agences de la zone des 50 pas géométriques située en outre-mer, c'est-à-dire la zone littorale.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 52 ter.

Article 52 quater (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'amendement II-30 (FINC.5) vise à garantir que le Gouvernement présente au Parlement un bilan de l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation » (Mirapi) à la date à laquelle le rapport d'évaluation aurait dû être initialement rendu, c'est-à-dire en mars 2024.

L'amendement II-30 (FINC.5) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 52 quater, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 52 quinquies (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - L'article vise, sans la nommer, uniquement la centrale biomasse de Gardanne, qui bénéficiait d'un dispositif d'obligation d'achat. Après avoir choisi de le suspendre au regard de l'évolution des prix de l'électricité afin de profiter de la rente fournie par le marché, ce site souhaite de nouveau en bénéficier.

Le Gouvernement lui donne ce droit et vient modifier les clauses du contrat initial en prévoyant désormais une indexation des coûts sur l'inflation. Si ce choix me semble scandaleux, notamment d'un point de vue environnemental, il existe un enjeu social autour des 90 emplois de cette centrale, dénuée de toute pertinence écologique. Avis favorable, mais uniquement sur le volet social.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 52 quinquies.

Article 52 sexies (nouveau)

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Cet article vise à contrecarrer la décision du Conseil constitutionnel du mois d'octobre dernier et à inscrire dans la loi le déplafonnement intégral et sans condition des contrats de complément de rémunération.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 52 sexies.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

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* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires - Direction générale des infrastructures des transports et de la mer (DGITM)

- M. Thierry COQUIL, directeur général ;

- Mme Sandrine de LAHONDÈS, sous-directrice budget.

Secrétariat d'État chargé de la mer - Direction des affaires maritimes de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA)

- Mme Noémie LE QUELLENEC, directrice générale adjointe ;

- Mme Alice GRANDJEAN, cheffe de la mission budget et commande publique.

Société du Grand Paris (SGP)

- M. Jean-François MONTEILS, président du directoire ;

- M. Guillaume MENAGER, responsable des relations parlementaires ;

- M. Deniz BOY, directeur délégué aux relations parlementaires.

Société nationale des chemins de fer français (SNCF)

- M. Jean-Pierre FARANDOU, président directeur général ;

- Mme Laurence NION, conseillère parlementaire ;

- M. Pierre HAUSSWALT, directeur stratégie et transformation du groupe.

Groupement des autorités responsables de transport (GART)

- M. Charles-Éric LEMAIGNEN, deuxième vice-président, chargé des finances ;

- M. Guy LE BRAS, directeur général ;

- Mme Florence DUJARDIN, responsable du pôle observatoire des réseaux de transport et analyse économique.

Union des transports publics et ferroviaires (UTP)

- Mme Florence SAUTEJEAU, déléguée générale ;

- M. Jean-Philippe PEUZIAT, directeur des affaires publiques ;

- M. Charles-Édouard ROEHRICH, chargé de mission affaires institutionnelles.

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

- Mme Katrin MOOSBRUGGER, secrétaire générale.

Voies navigables de France (VNF)

- M. Thierry GUIMBAUD, directeur général ;

- M. Régis BAC, directeur juridique, économique et financier ;

- Mme Muriel MOURNETAS, responsable des relations institutionnelles.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 La loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM).

* 2 La commande centralisée du réseau (CCR) doit se traduire par la création de « tours de contrôle » à grand rayon d'action permettant de centraliser la régulation des circulations.

* 3 L'ERTMS est un système de signalisation de nouvelle génération, interopérable au niveau européen et permettant de réduire l'intervalle entre les trains. Aussi permet-il d'augmenter la cadence du trafic (de quatre trains par heure sur les LGV), d'accroître la performance du réseau, d'améliorer la régularité du trafic ainsi que l'offre de sillons, en particulier aux opérateurs de fret ferroviaire.

* 4 Exprimées en crédits de paiements.

* 5 Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition, COI, décembre 2022.

* 6 Par le décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004.

* 7 AFIT FRANCE, Rapport d'activité 2015, octobre 2016.

* 8 L'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou TICPE.

* 9 La redevance domaniale est la redevance pour occupation du domaine public prévue à l'article R. 122-48 du code de la voierie routière que les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) versent annuellement à l'État, pour une période comprise entre le 1er juillet et le 30 juin.

* 10 Cette taxe est prévue à l'article L. 421-175 du code des impositions sur les biens et les services.

* 11 Le tribunal judiciaire de Nanterre s'est déclaré incompétent pour juger cette affaire le 30 août 2022.

* 12 Constitué du quotient entre résultat net et le chiffre d'affaires.

* 13 Rapport d'information n° 830 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, par MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel.

* 14 Investir plus et mieux dans les mobilités pour réussir leur transition, COI, décembre 2022.

* 15 Il y a ainsi eu par le passé des projets qui n'ont pas pu bénéficier des financements relatifs aux appels à projets TCSP, telle que par exemple la troisième ligne de tramway de Saint-Etienne, décidée après le lancement de l'appel à projets.

* 16 Sur les 7 milliards d'euros dédiés au secteur des transports.

* 17 Pour la seule redevance de circulation, le reste des péages ferroviaires de l'activité TER étant pris en charge par les AOM régionales.

* 18 Ainsi que des collectivités territoriales.

* 19 Y compris fonds de concours.

* 20 Y compris fonds de concours.

* 21 Y compris fonds de concours.

* 22 Les opérations sur le réseau routier concédé sont financées directement par l'AFIT FRANCE sans transiter par le programme 203.

* 23 Normandie, Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine, Hauts-de-France, Grand-Est et Occitanie.

* 24 Lille-Nantes (via Rouen), Metz-Lyon (via Grenoble), Orléans-Lyon (via Clermont-F), Bordeaux-Nice, Toulouse-Lyon. Lille-Lyon (via Reims).

* 25 Soit sur la période 2023-2027.

* 26 Rapport d'information n° 830 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité, par MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel.

* 27 Contre 27 millions d'euros auparavant.

* 28 Ce nouveau dispositif est considéré comme une aide d'État au sens du droit européen de la concurrence. En octobre dernier, la Commission européenne a donné son accord au mécanisme et validé une enveloppe de soutien de 450 millions d'euros jusqu'au 31 décembre 2025. La stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire a également prévu de pérenniser ce nouveau dispositif jusqu'en 2027.

* 29 Comment remettre la SNCF sur rail ? Modèle économique de la SNCF et du système ferroviaire : il est grand temps d'agir, Rapport d'information n° 570 (2021-2022) de MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, fait au nom de la commission des finances, 9 mars 2022.

* 30 Elle devrait ainsi abandonner 23 flux de fret ferroviaire.

* 31 Transports en commun : comment résoudre l'équation financière ? Rapport d'information n° 830 (2022-2023) fait par MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel au nom de la commission des finances sur les modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), juillet 2023.

* 32 Portant sur la période 2021-2027.

* 33 La commande centralisée du réseau (CCR) doit se traduire par la création de « tours de contrôle » à grand rayon d'action permettant de centraliser la régulation des circulations. La CCR est un levier d'efficience considérable. Son déploiement permettrait de remplacer les 2 200 postes d'aiguillages actuels (1 500 pour le réseau structurant), auxquels plus de 13 000 agents sont affectés, par une quinzaine de tours de contrôle. D'après la Cour des comptes la baisse d'effectifs consécutive pourrait atteindre 40 %.

* 34 L'ERTMS est un système de signalisation de nouvelle génération, interopérable au niveau européen et permettant de réduire l'intervalle entre les trains. Aussi permet-il d'augmenter la cadence du trafic (de quatre trains par heure sur les LGV), d'accroître la performance du réseau, d'améliorer la régularité du trafic ainsi que l'offre de sillons, en particulier aux opérateurs de fret ferroviaire.

* 35 15 milliards d'euros pour le déploiement de la CCR et 20 milliards d'euros pour l'ERTMS.

* 36 Exposé des motifs de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.

* 37 Avis n° 2023-008 du 9 février 2023 relatif à la fixation des redevances d'utilisation de l'infrastructure du réseau ferré national pour les horaires de service 2024 à 2026.

* 38 Rapport d'information de MM. Arnaud BAZIN, Vincent CAPO-CANELLAS, Emmanuel CAPUS, Philippe DALLIER, Vincent DELAHAYE, Philippe DOMINATI, Vincent ÉBLÉ, Rémi FÉRAUD, Roger KAROUTCHI, Mme Christine LAVARDE, MM. Sébastien MEURANT, Jean-Claude REQUIER, Pascal SAVOLDELLI et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, fait au nom de la commission des finances n° 44 (2020-2021) - 14 octobre 2020.

* 39 Rendements prévisionnels plafonnés en vertu des dispositions de l'article 28 du projet de loi de finances pour 2024.

* 40 Qui figurent également à l'article 28 du présent PLF.

* 41 Cessions de charges foncières sur les emprises des gares ou des sites de maintenance et de remisage, infrastructures de communication électronique, etc.

* 42 La taxe hydraulique, dont le rendement tendait à se réduire sous l'effet de la diminution du nombre de centrales thermiques et nucléaires d'EDF, principal redevable, et qui, de plus, voyait sa conformité au droit européen remise en cause dans le cadre de plusieurs contentieux, a été supprimée à compter du 1er janvier 2020 par la loi de finances pour 2019.

* 43 Retraitée des évolutions de périmètres.

* 44 8,9 millions d'euros en fonctionnement et 7,6 millions d'euros en investissement.

* 45 8,9 millions d'euros en fonctionnement et 5,9 millions d'euros en investissement.

* 46 C'est-à-dire au fonctionnement de 6 100 phares et balises ainsi qu'au service de l'armement des phares et balises (APB), service à compétence nationale (SCN) basé à Quimper.

* 47 Cinq CROSS sont situés en métropole et deux en outre-mer (Martinique et La Réunion).

* 48 4,4 millions d'euros en fonctionnement et 6,3 millions d'euros en investissement.

* 49 4,4 millions d'euros en fonctionnement et 3,4 millions d'euros en investissement.

* 50 Marine marchande, pêches maritimes, cultures marines, plaisance professionnelle.

* 51 Établissement public créé en 2010, situé sur quatre sites (Le Havre, Saint-Malo, Nantes et Marseille).

* 52 Dispositif prévu à l'article L5553-11 du code des transports.

* 53 Annoncé par le Président de la République le 14 septembre 2021 lors des Assises de l'économie de la mer, le dispositif a été mis en place par le décret n° 2022-660 du 25 avril 2022 modifiant le décret n° 2021-603 du 14 mai 2021 instituant une aide aux employeurs de marins embarqués sur certains navires à passagers effectuant des trajets internationaux.

* 54 Par le décret n° 2021-603 du 14 mai 2021 instituant une aide aux employeurs de marins embarqués sur certains navires à passagers effectuant des trajets internationaux.

* 55 En 2022, ce dispositif avait coûté 28,5 millions d'euros et concerné 1 350 marins.

* 56 Lutte contre les pollutions maritimes accidentelles.

* 57 La gestion d'une partie des mesures du FEAMPA est déléguée aux régions littorales tandis que les crédits sont délégués à l'Agence de services et de paiements (ASP) en tant qu'organisme payeur.

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