EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Prolongation du plafonnement à 3,5 % de la hausse de l'indice des loyers commerciaux pour les petites et moyennes entreprises

Cet article vise à prolonger le plafonnement à 3,5 % de la hausse de l'indice des loyers commerciaux pour les petites et moyennes entreprises jusqu'au premier trimestre 2024.

Il a été adopté conforme par l'Assemblée nationale en première et en nouvelle lecture. Il n'a pas été adopté par le Sénat en première lecture.

La commission n'a pas adopté l'article en nouvelle lecture.

I. La disposition votée par l'Assemblée nationale - La poursuite du plafonnement décidé en août 2022 jusqu'au premier trimestre 2024

A. Un plafonnement temporaire décidé par la loi pouvoir d'achat à l'été 2022

Dans le contexte inflationniste provoqué par la guerre en Ukraine, une disposition de plafonnement de la hausse de l'indice des loyers commerciaux (ILC) à 3,5 % a été introduite par un amendement de M. Jean-Baptiste Lemoyne au Sénat (article 14 de la loi). Il s'appliquait jusqu'au premier trimestre 2023 et n'est donc plus en vigueur.

En effet, malgré la modification intervenue courant 2022 dans son mode de calcul, l'ILC paraissait encore trop dynamique, une hausse de 6,3 % étant anticipée au quatrième trimestre 2022.

Cet amendement a été le résultat d'une concertation qui a fait suite aux Assises du commerce et il a été décidé de n'appliquer ce plafonnement qu'aux seules PME, plus vulnérables aux hausses de leurs charges, le loyer pesant en moyenne environ 16 % du chiffre d'affaires d'un commerçant.

B. Le dispositif voté par l'Assemblée nationale - Prolongement du plafonnement

L'article 1er de la proposition de loi vise à prolonger la durée du plafonnement à 3,5 % de l'ILC jusqu'au premier trimestre 2024, alors qu'il aurait dû s'achever au premier trimestre 2023.

Cette mesure est motivée par la dynamique inflationniste persistante qui laisse anticiper une hausse de l'ILC entre 6,5 % et 4,5 % sur la période considérée.

Comme précédemment, le manque à gagner par le plafonnement ne pourra être récupéré ultérieurement.

En première lecture puis en nouvelle lecture, l'article a été adopté sans modification en commission des affaires économiques comme en séance publique.

II. La position du Sénat en première lecture - Une prolongation qui n'est pas une solution aux problèmes du commerce

La commission a tenu à prendre en compte non seulement le contexte inflationniste, mais également les difficultés actuelles du secteur du commerce marqué par la défaillance de plusieurs grandes enseignes.

Selon les éléments transmis au rapporteur, les commerces non alimentaires connaîtraient une baisse de fréquentation de près de 20 %. La question pouvait donc se poser d'étendre la mesure de plafonnement à un plus grand nombre d'entreprises.

Cependant, le plafonnement constitue un préjudice indéniable pour les propriétaires, dont de nombreux anciens commerçants comptant sur les loyers de leurs anciens murs pour compléter leur retraite, sans pour autant apporter de solution réelle face à la baisse de l'activité liée à la perte de pouvoir d'achat des Français.

Il faut noter qu'en dehors de Paris, selon les données transmises au rapporteur par la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (FACT), les valeurs locatives des surfaces commerciales ont baissé entre 2010 et 2023. Par ailleurs, la plupart des baux commerciaux ne sont révisés que tous les trois ans, et le preneur a le droit à une importante indemnité d'éviction si le propriétaire souhaitait lui donner congé. Les loyers représentent entre 5 et 20 % des coûts d'un commerce, le loyer n'est donc pas un facteur déterminant du niveau des prix pratiqués pour le consommateur.

La commission a en outre estimé que les difficultés actuelles du commerce résultaient principalement d'un recul sans précédent du pouvoir d'achat des Français, faute de hausse des salaires en proportion de la hausse des prix. La consommation alimentaire en est le symptôme le plus voyant. Selon les données de l'INSEE en mai 2023, si l'IPC progressait sur un an de 5,1 %, les prix des produits alimentaires progressaient de 14,1 %1(*). Cette très forte hausse a provoqué une baisse tout à fait inédite de l'ordre de 10 % de la consommation de produits alimentaires par les Français, selon les données de l'INSEE publiées en avril 20232(*).

Par ailleurs, les défaillances de certaines enseignes s'expliquent par des causes plus structurelles comme le positionnement commercial ou l'insuffisante prise en compte du virage du commerce en ligne. D'autres fermetures s'expliquent par les choix de redéploiement de groupes internationaux. Le montant du loyer n'apparaît pas comme le facteur déterminant.

La commission puis le Sénat n'a donc pas adopté l'article en première lecture.

II. La position de la commission en nouvelle lecture - Une solution toujours partielle aux problèmes du commerce et du pouvoir d'achat

Suite à l'échec de la commission mixte paritaire, le 12 juin, et la confirmation par l'Assemblée nationale de son vote en nouvelle lecture conduisant à l'adoption de l'article 2 sans modification, le rapporteur a maintenu son analyse.

La solution proposée reste trop partielle au regard des problèmes de pouvoir d'achat des Français et des difficultés structurelles de certains commerces, notamment pour prendre le virage du numérique.

Le rapporteur a en outre regretté l'absence persistance de concertation, l'absence d'évaluation de l'impact de la mesure et la fausse urgence dans laquelle a été examiné ce texte alors que le plafonnement est échu depuis le premier trimestre 2023.

La commission n'a pas adopté l'article en nouvelle lecture.

Article 2

Prolongation du plafonnement de la hausse de l'indice de référence
des loyers à 3,5 %

Cet article vise à prolonger le plafonnement de la hausse de l'indice de référence des loyers à 3,5 % jusqu'au premier trimestre 2024.

Il a été adopté conforme par l'Assemblée nationale en première et en nouvelle lecture. Il n'a pas été adopté par le Sénat en première lecture.

La commission n'a pas adopté l'article en nouvelle lecture.

I. La disposition votée par l'Assemblée nationale - La poursuite du plafonnement décidé en août 2022 jusqu'au premier trimestre 2024

A. Le plafonnement temporaire à 3,5 % de l'IRL par la loi du 16 août 2022

À l'été 2022, en raison de la crise inflationniste notamment provoquée par la guerre en Ukraine, le Parlement a adopté, sur proposition du Gouvernement, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Son article 12 plafonne la hausse de l'IRL à 3,5 % entre le troisième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2023.

Cette évolution est limitée à 2,5 % pour les départements et régions d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution, et peut être modulée d'1,5 point à la baisse en Corse. De fait, un arrêté d'octobre 2022 l'a plafonnée à 2 %.

Cette disposition n'a pas impacté le parc social en 2023 puisque l'évolution des loyers est fondée sur l'indice du 2e trimestre de l'année précédente.

Cette disposition n'a pas non plus porté atteinte à la possibilité d'une revalorisation du loyer en cas de travaux d'amélioration alors que d'importants chantiers d'amélioration énergétique sont à prévoir.

Sur la base d'une hausse de 4,5 % de l'IRL, le Gouvernement estimait que les locataires auraient dû débourser 3,5 milliards d'euros supplémentaires se répartissant entre le parc privé pour 2/3 et le parc social pour 1/3.

Le Gouvernement avait donc proposé de limiter cette hausse à 3,5 % afin de réduire la charge de 536 millions d'euros dans le parc privé et de 248 millions d'euros dans le parc social par rapport à cette anticipation, une augmentation des aides personnelles au logement étant par ailleurs mise en oeuvre.

À l'inverse, le Gouvernement estimait le manque à gagner par les propriétaires à 705 millions d'euros.

Pour l'État, l'impact estimé était une surcharge de 141 millions d'euros.

B. Le dispositif voté à l'Assemblée nationale - La prolongation du plafonnement jusqu'au premier trimestre 2024

L'article 2 propose un prolongement pur et simple du plafonnement de l'augmentation de l'IRL à 3,5 % jusqu'au premier trimestre 2024, compte tenu de la dynamique anticipée de l'inflation qui, quoique décroissante, resterait forte jusqu'au 1er trimestre 2024, selon les prévisions transmises au rapporteur par le ministère du Logement.

Les plafonnements spécifiques pour les DROM et la Corse seraient eux-aussi prolongés pour la même durée.

En première lecture puis en nouvelle lecture, l'article a été adopté sans modification en commission des affaires économiques comme en séance publique.

II. La position du Sénat en première lecture - Le rejet d'une prolongation brusquée et sans garantie

En première lecture, le rapporteur a estimé que cette prolongation posait un problème de méthode : des délais d'examen inacceptables, l'absence d'étude d'impact en raison du recours à une proposition de loi, notamment de ses coûts pour les propriétaires et notamment pour les bailleurs sociaux, alors que le taux du livret A augmente, et l'absence de concertation et une rupture de la parole donnée aux bailleurs privés à l'été 2022.

Le rapporteur a, de plus, regretté l'absence de garanties pour les locataires alors qu'à l'été 2022, le plafonnement de l'IRL s'était accompagné d'une mesure garantissant une hausse parallèle des APL alors que celles-ci couvrent de moins en moins la réalité des charges des locataires. Aucune mesure n'est en outre proposée pour accompagner les propriétaires privés et les bailleurs sociaux face à ce plafonnement, alors que leurs charges fiscales ou d'emprunt augmentent.

En conséquence, la commission puis le Sénat n'ont pas adopté l'article en première lecture.

II. La position de la commission en nouvelle lecture - Une solution insuffisance face aux problèmes de logement des Français

Suite à l'échec de la commission mixte paritaire, le 12 juin, et la confirmation par l'Assemblée nationale de son vote en nouvelle lecture conduisant à l'adoption de l'article 2 sans modification, le rapporteur a maintenu son analyse.

La simple prolongation du plafonnement de la hausse de l'IRL ne peut constituer une réponse suffisante face aux difficultés que rencontrent les Français à se loger, à payer leurs loyers et leurs charges. Cette mesure ne peut masquer l'absence de réponse à la hauteur de la crise du logement et de la chute brutale de la construction et de l'investissement locatif alors que les propriétaires doivent faire face à la rénovation énergétique.

Le rapporteur a en outre regretté l'absence persistance de concertation, l'absence d'évaluation de l'impact de la mesure et la fausse urgence dans laquelle a été examiné ce texte alors que le plafonnement est échu depuis le premier trimestre 2023.

La commission n'a pas adopté l'article en nouvelle lecture.


* 1 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7625 341

* 2 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7625 852