N° 734

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 juin 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche,

Par Mme Catherine PROCACCIA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche, présidente ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, MM. Abdallah Hassani, Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

798, 1005 et T.A. 98

Sénat :

469, 728 et 735 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La commission a adopté la proposition de loi qui vise à ce que le personnel embarqué sur les navires assurant le transport de passagers sur certaines liaisons internationales soit rémunéré au niveau du salaire minimum de branche français et bénéficie d'un temps de repos à terre équivalent à la durée d'embarquement. Elle a sécurisé le dispositif en veillant à la stricte proportionnalité des sanctions prévues en cas de manquement à ces obligations.

I. UNE MESURE DE SAUVEGARDE DES CONDITIONS SOCIALES APPLICABLES AUX MARINS DU TRANSMANCHE

A. UNE PRATIQUE DE « DUMPING SOCIAL » PERMISE PAR LE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN

Le droit international et européen applicable au transport maritime de passagers entre deux États offre une grande liberté aux employeurs dans la détermination des conditions de travail applicables aux employés embarqués sur les navires.

Les armateurs sont libres de choisir le pavillon de leurs navires, sous réserve de respecter les conditions fixées par l'État du pavillon. La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, dite de Montego Bay, stipule à son article 91 que « chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l'attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d'immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu'ils aient le droit de battre son pavillon. » Au sein de l'Union européenne, le principe de la libre prestation des services est applicable au transport maritime international entre États membres et entre ces États et des pays tiers. Les navires assurant des liaisons entre ces États peuvent donc choisir librement leur pavillon.

Concernant le droit social applicable aux employés embarqués sur ces navires, le droit de l'Union européenne prévoit en outre, sur le fondement du règlement dit Rome I, que « le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties. »1(*)

Les employeurs ne sont donc contraints que par les règles imposées par l'État du pavillon. Si ces règles le permettent, la loi applicable au contrat de travail peut donc être celle d'un autre État que l'État du pavillon du navire. En matière de salaire, aucune obligation n'est prévue par le droit international, l'Organisation internationale du travail (OIT) n'ayant émis qu'une recommandation pour que le salaire minimum mensuel des marins soit fixé à au moins 658 dollars américains2(*). Les navires battant pavillon français sont tenus de respecter le droit du travail français, sous réserve des adaptations prévues par le code des transports pour les gens de mer3(*).

Dans ce cadre, certaines compagnies assurant des liaisons entre la France et le Royaume-Uni ont opté pour des pavillons n'offrant que de faibles garanties en matière de droits sociaux, leur permettant ainsi d'optimiser leurs coûts et de baisser leurs tarifs.

Nationalités du pavillon et du personnel des navires
par compagnie opérant des liaisons transmanche

Compagnie

Pavillon des navires

Nationalité des gens de mer

Brittany Ferries

France

France ou UE

DFDS

France
et Royaume-Uni

France ou UE (1)

P&O Ferries

Chypre

Officiers majoritairement britanniques ; marins et personnel d'exécution majoritairement philippins

Irish Ferries

Chypre

Majoritairement d'États membres
de l'est de l'UE

Condor Ferries

Bahamas

Non communiqué

Source : Réponses des services du Gouvernement aux questions du rapporteur

(1) Pour les 5 navires de DFDS battant pavillon français, sur 8 navires opérant sur le transmanche.

Ainsi, le 17 mars 2022, dans le contexte de la baisse d'activité liée au Brexit, la compagnie P&O Ferries a licencié, avec effet immédiat, 786 marins. Ils ont été remplacés par des employés rémunérés à des niveaux bien inférieurs au salaire minimum britannique, avec des conditions de travail dégradées.

Selon Armateurs de France, les compagnies P&O Ferries et Irish Ferries utilisent un modèle social « moins disant » et font appel à des sociétés de placement de gens de mer pour leurs navires, qui emploient du personnel très faiblement rémunéré. Armateurs de France estime ainsi que les salaires de base de ces personnes sont inférieurs de 60 % aux salaires français.

En outre, ces compagnies imposent au personnel navigant des durées d'embarquement bien supérieures aux durées de repos à terre, alors que Brittany Ferries et DFDS respectent une équivalence entre durée d'embarquement et repos à terre4(*).

Si ces pratiques sont légales, elles perturbent significativement le marché du transport maritime transmanche, elles dégradent considérablement les droits sociaux du personnel employé à bord des navires et elles fragilisent la sécurité de la navigation sur l'un des détroits les plus fréquentés au monde.

 

Écart du coût du transport de passagers transmanche entre les navires sous pavillon français et les navires sous pavillon chypriote5(*)

B. GARANTIR DES CONDITIONS SOCIALES MINIMALES POUR LES MARINS PAR UNE LOI DE POLICE

Si le cadre légal et conventionnel permet aux opérateurs de choisir des conditions sociales minimales pour le personnel navigant, il offre aussi la possibilité aux États de faire valoir leurs intérêts nationaux pour imposer certaines règles impératives.

L'article 25 de la Convention de Montego Bay stipule qu'« en ce qui concerne les navires qui se rendent dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, l'État côtier a également le droit de prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute violation des conditions auxquelles est subordonnée l'admission de ces navires dans ces eaux ou cette installation portuaire. » L'article 9 du règlement Rome I définit le régime juridique des « lois de police », considérées comme « une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat ».

Une disposition impérative en matière de droit du travail applicable aux gens de mer assurant le transport de passagers entre la France et le Royaume-Uni, quelle que soit la loi choisie pour régir le contrat de travail, pourrait être considérée comme une loi de police si elle était jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation sociale et économique de notre pays.

Cette restriction de la liberté contractuelle et de la libre prestation des services, garanties par le droit de l'Union européenne, serait conforme au droit de l'Union et revêtirait le caractère d'une loi de police si elle répondait à la sauvegarde d'un intérêt national essentiel qui ne serait pas protégé par une norme déjà applicable, et qu'elle était proportionnée à l'objectif poursuivi.

Dans le contexte du « dumping social » constaté sur les liaisons transmanche et sur le fondement du droit de l'Union européenne autorisant de telles dispositions impératives, l'article 1er de la proposition de loi impose deux obligations aux employeurs du personnel embarqué sur les navires assurant le transport de passagers sur certaines liaisons entre la France et un pays étranger, quelle que soit la loi applicable aux contrats de travail des salariés concernés :

- le versement du salaire minimum horaire de branche applicable en France ;

- une organisation du travail fondée sur l'équivalence entre la durée d'embarquement et le temps de repos à terre.

En cas de manquement à ces obligations, l'article 1er instaure un régime de sanctions pénales. Les employeurs et armateurs en infraction seraient passibles d'une amende de 7 500 euros par salarié concerné puis, en cas de récidive, d'une amende de 15 000 euros par salarié et d'une peine de six mois d'emprisonnement. En cas de troisième infraction constatée à l'obligation de verser le salaire minimum prévu, une peine d'interdiction d'accoster dans un port français pourrait en outre être infligée à l'encontre des navires de la compagnie fautive. L'article 1er prévoit aussi la possibilité d'infliger des sanctions administratives, en l'absence de poursuites pénales, pouvant aller jusqu'à 4 000 euros d'amende par salarié concerné par le manquement constaté.

Cet article prévoit en outre qu'un décret fixe la liste des documents obligatoires qui sont tenus à la disposition des membres de l'équipage et affichés dans les locaux qui leur sont réservés.

Une démarche analogue engagée au Royaume-Uni

Un projet de loi a été adopté par le Parlement britannique le 28 mars dernier (Seaferer's Wages Act). Ce texte sera pleinement en vigueur une fois les textes réglementaires (secondary legislation) adoptés, ce qui devrait être le cas début 2024. Il vise à rendre applicable le salaire minimal horaire britannique sur les navires assurant un service international de transport de passagers ou de marchandises sous réserve que ces navires entrent dans un port britannique au moins 120 fois au cours d'une année considérée.

Source : Réponses des services du Gouvernement au questionnaire du rapporteur.

La commission a considéré que les pratiques de « dumping social » à l'oeuvre déstabilisent le marché du transport maritime transmanche et que la dégradation des conditions de rémunération et de travail du personnel employé sur ces navires n'était pas acceptable : elle ne garantit pas des droits sociaux satisfaisants pour le personnel employé et elle conduit au licenciement de marins français, britanniques ou d'États membres de l'Union européenne. Ces conditions de travail dégradées, notamment par la diminution du temps de repos, fragilisent également la sécurité de la navigation dans une zone très fréquentée.

Elle a donc approuvé le dispositif proposé, estimant que la situation actuelle compromettait la sauvegarde de l'organisation sociale et économique de notre pays et portait atteinte à un intérêt crucial de la France. La commission a toutefois considéré que l'article 1er devait poser des obligations strictement proportionnées à l'objectif poursuivi afin qu'elles ne soient pas jugées contraires au droit de l'Union européenne et à notre Constitution.

En conséquence, la commission a, sur proposition du rapporteur, supprimé la peine d'interdiction d'accoster dans un port français prononcée en cas de troisième infraction au versement du salaire minimum à l'encontre des navires appartenant à la compagnie fautive. En effet, cette sanction risque de méconnaître les principes constitutionnels d'individualisation des peines et de légalité des délits et des peines, et de revêtir un caractère manifestement disproportionné. Les peines prévues en cas de première infraction puis en cas de récidive étant suffisamment dissuasives pour assurer l'effectivité, il n'a pas semblé utile à la commission de prendre le risque que l'article 1er soit considéré comme contraire à la Constitution et au droit de l'Union européenne au motif qu'il comporte cette sanction pénale.

Sur proposition du rapporteur, la commission a prévu que la sécurité de la navigation et la lutte contre les pollutions marines soient concrètement prises en compte pour déterminer par décret la durée maximale d'embarquement. Elle a également prévu que l'autorité administrative puisse prononcer, alternativement à une amende administrative, un avertissement à l'employeur ou à l'armateur en cas de manquement aux obligations posées au présent article, afin d'aligner le régime de sanctions administratives créé à l'article 1er sur le droit commun du travail.

En outre, la commission a fixé au 1er janvier 2024 l'entrée en vigueur de l'article 1er afin de donner aux employeurs une prévisibilité suffisante pour tirer les conséquences des règles de droit du travail imposées au personnel à bord des navires.

II. UN ALIGNEMENT CONTESTABLE DES SANCTIONS SUR LES LIAISONS CORSE-CONTINENT

A. UNE CONCURRENCE SOCIALE LIMITÉE PAR LE DISPOSITIF DE L'ÉTAT D'ACCUEIL

Le dispositif dit « de l'État d'accueil » est un aménagement au principe de libre prestation des services prévu par le règlement européen du 7 décembre 1992. Il vise à garantir l'application de règles uniformes en matière de droit du travail et de protection sociale à bord des navires opérant sur certaines liaisons de cabotage maritime ou réalisant certaines prestations de services à l'intérieur des eaux d'un État membre. En particulier, les lignes de transport de passagers reliant la Corse et la France continentale relèvent du champ d'application du dispositif.

Quel que soit leur pavillon, les navires entrant dans le champ d'application du dispositif sont soumis aux mêmes dispositions relatives à la nationalité des équipages et aux effectifs à bord que les navires battant pavillon français. En matière de droit du travail, les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur les navires relevant du dispositif de l'État d'accueil sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, notamment en matière de libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, de salaire minimum, de durée du travail ou de santé et sécurité au travail.

Par ailleurs, les gens de mer employés à bord d'un navire concerné par le dispositif bénéficient obligatoirement du régime de protection sociale d'un État membre comprenant une couverture des risques santé (prenant en charge les accidents du travail et les maladies professionnelles), maternité-famille, emploi et vieillesse.

Il en résulte que les liaisons maritimes concernées sont largement protégées des pratiques de dumping social contre lesquelles l'article 1er de la proposition de loi entend lutter. En revanche, il peut exister des enjeux de distorsion de concurrence entre les compagnies opérant sous pavillon français et celles qui utilisent un pavillon étranger, notamment le pavillon international italien, et peuvent ainsi bénéficier de conditions fiscales et sociales plus favorables.

B. DES PROPOSITIONS EN DÉCALAGE AVEC L'OBJET DU TEXTE

Les articles 1er bis et 1er ter, introduits en séance publique à l'Assemblée nationale, concernent les sanctions qui peuvent être prononcées dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil.

Ainsi, l'article 1er bis vise à inscrire dans la loi et à renforcer les sanctions pénales applicables en cas de non-respect du salaire minimum légal ou conventionnel. En cas de paiement d'une rémunération inférieure au SMIC, la première infraction serait ainsi punie de 7 500 euros d'amende, contre 1 500 euros actuellement ; la récidive pourrait être punie de six mois d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. L'échelle des sanctions pénales applicables dans ce cadre serait ainsi alignée sur celle qui s'appliquerait dans le cadre de la « loi de police » prévue par l'article 1er et s'écarterait du droit commun du travail.

Quant à l'article 1er ter, il tend à créer un régime de sanctions administratives dans des matières autres que le salaire minimum, pour lequel elles existent déjà. L'autorité administrative pourrait ainsi prononcer une amende d'un montant maximum de 4 000 euros en cas de manquement aux règles relatives au droit du travail, à la protection sociale, mais aussi à la déclaration des accidents survenus à bord, aux personnels désignés pour aider les passagers en situation d'urgence ou aux documents obligatoires.

La commission a considéré que les mesures proposées, qui ne portent que sur les sanctions et ne modifient pas les normes sociales applicables sur les navires concernés, ne sont pas de nature à répondre aux problématiques de concurrence sur le marché des liaisons Corse-continent.

D'une part, ces enjeux de concurrence relèvent du niveau de l'Union européenne, notamment en ce qui concerne l'harmonisation de l'encadrement du recours aux pavillons internationaux sur les liaisons intra-européennes. D'autre part, il serait plus efficace de renforcer les moyens de contrôle et d'appliquer effectivement les sanctions existantes pour veiller au respect des règles de l'État d'accueil.

Au total, les auditions menées par le rapporteur n'ont pas permis de mettre en évidence la nécessité d'introduire ces mesures, dont la rédaction aurait mérité des travaux plus approfondis. Par ailleurs, l'introduction de mesures concernant le cabotage en Méditerranée dans un texte visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche risque de brouiller les intentions du législateur, alors que la situation de ces deux marchés est difficilement comparable.

À l'initiative de son rapporteur, la commission a donc supprimé ces deux articles.

III. LA SÉCURISATION DU CONTRÔLE DE L'APTITUDE MÉDICALE DES MARINS

Les marins et gens de mer doivent remplir des conditions d'aptitude physique afin d'accéder à bord. Si l'aptitude des marins français est contrôlée par le service de santé des gens de mer (SSGM), service de médecine préventive relevant du ministère de la mer, un certificat d'aptitude médicale établi à l'étranger peut être reconnu sous certaines conditions : l'application par l'État étranger d'une convention internationale sur le travail des gens de mer, l' agrément du médecin par les autorités de cet État et le respect par le certificat de normes minimales internationales. L'armateur ou le capitaine qui admet à bord de tout navire battant pavillon français un membre d'équipage ne disposant pas d'un certificat d'aptitude médicale valide, délivré dans les conditions de droit commun, est passible de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Toutefois, cette sanction pénale n'est pas applicable en présence d'un certificat non valide établi à l'étranger.

Afin de pallier cette lacune, l'article 2 prévoit que cette sanction pénale est également applicable dans ce dernier cas.

Si elle a approuvé le dispositif de cet article, la commission a adopté un amendement étendant cette mesure aux gens de mer autres que les marins.

En cohérence avec l'objet de cet article, dont la portée ne se limite pas au transmanche, ainsi qu'avec les objectifs de l'article 1er, la commission a par ailleurs modifié l'intitulé de la proposition de loi pour indiquer qu'elle vise également « à renforcer la sécurité du transport maritime ».

La commission a enfin supprimé les articles 3 et 4 qui consistaient à demander au Gouvernement la remise de rapports.

Réunie le mercredi 14 juin 2023 sous la présidence de Catherine Deroche, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi modifiée par 15 amendements du rapporteur.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Application du salaire minimum conventionnel au personnel
assurant certaines liaisons maritimes internationales

Cet article propose que le salaire minimum de branche s'applique aux employés des navires assurant des liaisons maritimes internationales touchant un port français. Dans sa version transmise au Sénat, il prévoit en outre une équivalence entre la durée d'embarquement et le temps de repos applicables à ces salariés.

La commission a adopté cet article en supprimant la peine d'interdiction d'accoster en cas de troisième infraction à l'obligation de verser le salaire minimum conventionnel et en procédant à divers ajustements rédactionnels.

I - Le dispositif proposé

A. Le droit du travail applicable au personnel à bord des navires assurant le transport de passagers sur des liaisons internationales

1. Le libre pavillonnement des navires et ses conséquences sur le droit social applicable aux gens de mer

Les règles applicables aux navires et à leurs équipages dépendent de la nationalité de leur pavillon, qui correspond à l'État auquel le navire est rattaché, dans lequel il est immatriculé et dont il relève juridiquement en haute mer.

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, dite de Montego Bay, stipule à son article 91 que « chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l'attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d'immatriculation des navires sur son territoire et les conditions requises pour qu'ils aient le droit de battre son pavillon. Les navires possèdent la nationalité de l'État dont ils sont autorisés à battre le pavillon. Il doit exister un lien substantiel entre l'État et le navire. Chaque État délivre aux navires auxquels il a accordé le droit de battre son pavillon des documents à cet effet. »

Cette convention prévoit en outre, à son article 94 que « tout État exerce effectivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif, technique et social sur les navires battant son pavillon. [...] Tout État prend à l'égard des navires battant son pavillon les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mer, notamment en ce qui concerne : [...] la composition, les conditions de travail et la formation des équipages, en tenant compte des instruments internationaux applicables. »

Les navires commerciaux assurant des liaisons internationales sont libres de choisir leur pavillon, sous réserve de respecter les conditions fixées par l'État du pavillon, le lien substantiel entre l'État et le navire étant, en pratique, peu respecté par de nombreux États pour accorder l'octroi de leur pavillon.

Au sein de l'Union européenne, le principe de la libre prestation des services est applicable au transport maritime international entre États membres et entre ces États et des pays tiers6(*). Les navires assurant des liaisons entre ces États peuvent en conséquence choisir librement leur pavillon.

Concernant le droit social applicable aux employés embarqués sur ces navires, le droit de l'Union européenne prévoit en outre, sur le fondement du Règlement dit Rome I, que « le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties. »7(*) Les employeurs ne sont donc contraints que par les règles imposées par l'État du pavillon.

Si les règles découlant du pavillon le permettent, le principe de libre choix de la loi applicable au contrat de travail autorise l'application de la loi d'un autre État que l'État du pavillon du navire. En matière de salaire, aucune obligation n'est prévue par le droit international, l'Organisation internationale du travail n'ayant émis qu'une recommandation pour que le salaire minimum mensuel des marins soit fixé à au moins 658 dollars américains8(*).

Les navires battant pavillon français sont tenus de respecter le code du travail, sous réserve des adaptations prévues par le code des transports pour les gens de mer9(*) en raison des spécificités du travail à bord d'un navire.

2. Le transport de passagers sur les liaisons transmanche : émergence de pratiques de « dumping social »

Ce cadre légal et conventionnel relativement souple a récemment conduit certaines compagnies assurant des liaisons entre la France et le Royaume-Uni à opter pour des pavillons n'offrant que de faibles garanties en matière de droits sociaux, permettant ainsi aux entreprises d'optimiser leurs coûts et de baisser leurs tarifs.

Nationalités du pavillon et du personnel des navires
par compagnie opérant des liaisons transmanche

Compagnie

Pavillon des navires

Nationalité des gens de mer

Brittany Ferries

France

France ou UE

DFDS

France
et Royaume-Uni

France ou UE (1)

P&O Ferries

Chypre

Officiers majoritairement britanniques ; marins et personnel d'exécution majoritairement philippins

Irish Ferries

Chypre

Majoritairement d'États membres
de l'est de l'UE

Condor Ferries

Bahamas

Non communiqué

Source : Réponses des services du Gouvernement aux questions du rapporteur

(2) Pour les 5 navires de DFDS battant pavillon français, sur les 8 navires opérant sur le transmanche.

Ainsi, le 17 mars 2022, la compagnie P&O Ferries a licencié, avec effet immédiat, 786 marins. Ils ont été remplacés par des employés rémunérés à des niveaux bien inférieurs au salaire minimum britannique, avec des conditions de travail dégradées10(*).

Selon Armateurs de France, entendu par le rapporteur, les compagnies P&O Ferries et Irish Ferries disposent de sept navires qui opèrent entre Calais et Douvres en utilisant un modèle social « moins disant ». Ces armateurs font appel à des sociétés de placement de gens de mer pour leurs navires, qui emploient du personnel très faiblement rémunéré comparativement aux salaires minima français ou britanniques. Armateurs de France estime ainsi que les salaires de base de ces personnes sont inférieurs de 60 % aux salaires français. En outre, ces compagnies imposent des durées d'embarquement des employés pouvant aller jusqu'à 12 semaines avec seulement 2 semaines de repos à terre non rémunérées.

À titre de comparaison, Brittany Ferries a indiqué appliquer comme organisation du travail une période de 7 jours d'embarquement, suivie de 7 jours de repos rémunéré. DFDS a indiqué que le rythme de travail des gens de mer à bord de ses navires était de 14 jours embarqués et 14 jours de repos. Cette organisation du travail repose sur des accords d'entreprise sans obligation légale ou conventionnelle au niveau de la branche professionnelle.

L'organisation Armateurs de France estime ainsi que ce « dumping social » aboutit à un écart de 35 % de coût de production du transport entre ces compagnies et celles qui utilisent le pavillon français.

Interrogées par le rapporteur sur la rémunération et les conditions de travail du personnel à bord de leurs navires opérant entre la France et le Royaume-Uni, les deux compagnies mises en cause ont apporté, par écrit, les réponses suivantes :

- P&O Ferries a indiqué : « Le bien-être des marins est primordial pour nous. Nous avons opté pour un modèle d'équipage tiers qui nous incite à garantir des niveaux élevés de bien-être, ce qui est bénéfique non seulement pour les marins, mais favorise également de bons taux de recrutement et de fidélisation » ;

- Irish Ferries a indiqué : « En général, les officiers travaillent 2 semaines à bord, 2 semaines en congé ; le personnel navigant d'exécution travaille 6 semaines à bord, 3 semaines en congé ; nous avons un modèle externalisé à bord de nos navires, nous ne sommes pas l'employeur du personnel à bord, la rémunération est une affaire privée entre employeur et employé. Tous les membres d'équipage sont payés nettement au-dessus du salaire minimum de leur pays de résidence et approximativement au niveau des salaires minima britannique et français.11(*) »

Les armateurs français et les organisations syndicales représentant les marins français dénoncent l'optimisation pratiquée par certaines compagnies pour le transport maritime de passagers entre la France et le Royaume-Uni. Si ces pratiques sont légales, elles perturbent significativement le marché du transport maritime transmanche, elles dégradent considérablement les droits sociaux du personnel employé à bord des navires et elles fragilisent la sécurité de la navigation sur l'un des détroits les plus fréquentés au monde.

3. La loi de police : invoquer un intérêt national pour imposer le respect de normes minimales

Si le cadre légal et conventionnel applicable aux liaisons maritimes internationales permet aux opérateurs de choisir des conditions sociales minimales pour le personnel employé à bord, il offre aussi la possibilité aux États de faire valoir leurs intérêts nationaux pour imposer certaines règles impératives.

D'une part, l'article 25 de la Convention de Montego Bay stipule que « l'État côtier peut prendre, dans sa mer territoriale, les mesures nécessaires pour empêcher tout passage qui n'est pas inoffensif. En ce qui concerne les navires qui se rendent dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, l'État côtier a également le droit de prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute violation des conditions auxquelles est subordonnée l'admission de ces navires dans ces eaux ou cette installation portuaire. »

Il peut être considéré que certaines conditions sociales peuvent, sur ce fondement, être imposées par un État aux navires accostant dans un de ses ports.

D'autre part, l'article 9 du Règlement Rome I définit le régime juridique des « lois de police ». Il prévoit que « 1. Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement. / 2. Les dispositions du présent règlement ne pourront porter atteinte à l'application des lois de police du juge saisi. / 3. Il pourra également être donné effet aux lois de police du pays dans lequel les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées, dans la mesure où lesdites lois de police rendent l'exécution du contrat illégale. Pour décider si effet doit être donné à ces lois de police, il est tenu compte de leur nature et de leur objet, ainsi que des conséquences de leur application ou de leur non-application. »

Une disposition impérative en matière de droit du travail applicable aux gens de mer pourrait être considérée comme une loi de police si elle est jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation sociale et économique de notre pays. Elle pourrait alors s'imposer aux contrats de travail des salariés embarqués sur les navires assurant le transport de passagers entre la France et le Royaume-Uni, quelle que soit la loi choisie pour régir le contrat de travail en application de l'article 8 du Règlement Rome I.

Cette restriction de la liberté contractuelle et de la libre prestation des services, garanties par le droit de l'Union européenne, serait conforme au droit de l'Union et revêtirait le caractère d'une loi de police si le juge du for considère qu'elle répond à la sauvegarde d'un intérêt national essentiel qui ne serait pas protégé par une norme déjà applicable, et qu'elle est proportionnée à l'objectif poursuivi12(*).

Dans le contexte de « dumping social » constaté sur les liaisons transmanche et sur le fondement du droit de l'Union européenne autorisant de telles dispositions impératives, l'article 1er de la proposition de loi entend imposer le respect du salaire minimum de branche applicable en France aux gens de mer employés sur les navires assurant le transport de passagers sur certaines liaisons entre la France et un pays étranger, quelle que soit la loi applicable aux contrats de travail des salariés concernés.

Le Royaume-Uni s'est engagé dans une démarche analogue et concomitante.

Un projet de loi britannique sur le salaire minimum

Le projet de loi britannique a été adopté par le Parlement britannique le 28 mars dernier (Seaferer's Wages Bill). Ce texte législatif sera pleinement en vigueur une fois la secoundary legislation adoptée, ce qui devrait être le cas début 2024. Il vise à rendre applicable le salaire minimal horaire britannique sur les navires assurant un service international de transport de passagers ou de marchandises sous réserve que ces navires entrent dans un port britannique au moins 120 fois au cours d'une année considérée.

Source : Réponses des services du Gouvernement au questionnaire du rapporteur

B. Imposer la rémunération du personnel navigant à un niveau au moins égal au salaire minimum de branche applicable en France

Le présent article crée un titre IX, intitulé « Conditions sociales applicables à certaines dessertes internationales » et composé de cinq chapitres, au sein du livre V de la cinquième partie du code des transports.

Le chapitre Ier définit le champ d'application des dispositions de ce nouveau titre. Il prévoit son application aux navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières internationales touchant un port français. Ces lignes seront déterminées selon des critères d'exploitation, notamment la fréquence de touchée d'un port français, fixés par décret en Conseil d'État (article L. 5591-1). Il prévoit en outre que ce titre s'applique aux contrats de travail des salariés employés sur les navires assurant ces lignes régulières (article L. 5591-2).

Le chapitre II, intitulé « droit des salariés », prévoit que le salaire minimum horaire des salariés employés sur les navires assurant les liaisons visées par le présent article devra être conforme aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France. En conséquence, le personnel à bord de ces navires devra être rémunéré au moins au niveau du salaire minimum de branche. Il est précisé que cette obligation ne sera applicable que pour les périodes au cours desquelles les navires sont exploités sur les lignes régulières visées par le présent article (article L. 5592-1).

Le chapitre III, intitulé « documents obligatoires », prévoit qu'un décret fixe la liste des documents obligatoires qui sont tenus à la disposition des membres de l'équipage et affichés dans les locaux qui leur sont réservés, ainsi que les langues dans lesquelles ces documents doivent être disponibles (article L. 5593-1). Il précise que la liste des documents tenus à la disposition des agents pouvant contrôler le navire et dont ils peuvent prendre copie est fixée par décret (article L. 5593-2).

Le chapitre IV institue un régime de sanctions pénales. Le fait pour l'employer de verser au personnel navigant un salaire minimum horaire inférieur au salaire minimum de branche, tel que prévu au chapitre II, sera puni d'un amende de 3 750 euros, lorsque le navire sera dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux. Les mêmes peines seront applicables à l'armateur du navire à bord duquel est employé le salarié. Il est précisé que la récidive sera punie de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 7 500 euros. Les infractions donneront lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés (article L. 5594-1).

Le chapitre V, intitulé « constatations des infractions », dresse la liste des personnes habilitées à constater les infractions aux dispositions de ce nouveau titre. Il prévoit qu'elles pourront être constatées par les officiers et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer, et par les administrateurs des affaires maritimes, les officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes, le délégué à la mer et au littoral, ainsi que les agents publics commissionnés à cet effet par décision du directeur interrégional de la mer et assermentés13(*) (article L. 5595-1).

Ces personnes seront habilitées à demander à l'employeur, à l'armateur, à la personne faisant fonction, ainsi qu'à toute personne employée à quelque titre que ce soit à bord d'un navire, de justifier de son identité, de son adresse et, le cas échéant, de sa qualité de salarié à bord du navire (article L. 5595-2).

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. En commission

 Les députés ont adopté trois amendements identiques du rapporteur, de MM. Freddy Sertin et Paul Christophe imposant pour les salariés employés sur les navires une durée de repos équivalente à la durée d'embarquement, dans « l'intérêt de la sécurité de la navigation et de la lutte contre les pollutions marines ».

Ces amendements ont été complétés par un sous-amendement de M. Sébastien Jumel qui instaure un régime de sanctions pénales en cas de manquement à cette obligation. Il prévoit que lorsque le navire est dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, est puni d'une amende de 3 750 euros le fait pour l'employeur de ne pas respecter cette obligation. Les mêmes peines sont applicables à l'armateur du navire à bord duquel est employé le salarié. La récidive est punie d'un emprisonnement de 6 mois et d'une amende 7 500 euros. Les infractions donnent lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés.

 Six amendements rédactionnels du rapporteur ont également été adoptés.

B. En séance publique

 L'Assemblée nationale a adopté un amendement de Mme Claudia Rouaux précisant que le décret en Conseil d'État qui fixera les critères retenus pour désigner les liaisons maritimes concernées par l'article 1er sera pris après avis du Conseil supérieur de la marine marchande.

 Un amendement de M. Matthias Tavel précise que les obligations relatives au salaire minimum s'appliqueront aux salariés mis à disposition par les services privés de recrutement et de placement de gens de mer.

 Trois amendements identiques de MM. Freddy Sertin, Paul Christophe et Jimmy Pahun visent à renforcer les sanctions pénales en doublant les montants des amendes pouvant être infligées en cas de méconnaissance des obligations relatives au salaire minimum et à l'équivalence entre temps d'embarquement et temps de repos. Le montant de l'amende serait ainsi porté de 3 750 euros à 7 500 euros en cas de première infraction et de 7 500 euros à 15 000 euros en cas de récidive.

 Un amendement de M. Matthias Tavel crée une sanction pénale en cas de troisième infraction constatée en matière de rémunération minimale. Dans ce cas, une interdiction d'accoster dans un port français pourra être prononcée à l'encontre des navires appartenant à la compagnie maritime en infraction. La durée de l'interdiction sera précisée par décret en Conseil d'État.

 Trois amendements identiques de MM. Freddy Sertin, Paul Christophe et Jimmy Pahun créent un régime de sanctions administratives pouvant être infligées en cas de méconnaissance des obligations relatives au salaire minimum et à l'équivalence entre temps d'embarquement et temps de repos.

Ces amendements introduisent, au sein du titre créé par le présent article, un chapitre VI intitulé « sanctions administratives ». Ce chapitre prévoit que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi pourra, sur le rapport de l'inspection du travail, des personnes habilitées par le présent article à constater les infractions à bord des navires et des commandants ou commandants en second des bâtiments de l'État et des chefs de bord des aéronefs de l'État, prononcer à l'encontre de l'armateur une amende en cas de manquement aux obligations relatives au salaire minimum et à l'équivalence entre temps d'embarquement et temps de repos posées par le présent article, sous réserve de l'absence de poursuites pénales (article L. 5596-1).

Lorsque l'amende sera prononcée, l'autorité administrative devra informer par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport des agents de contrôle (article L. 5596-2).

Le montant maximal de l'amende est fixé à 4 000 euros et pourra être appliqué autant de fois qu'il y a de salariés concernés. Le plafond de l'amende sera doublé en cas de manquement constaté dans un délai de deux ans à compter de la notification de l'amende concernant un précédent manquement de même nature. Ce montant sera majoré de 50 % en cas de nouveau manquement constaté dans un délai d'un an à compter de la notification d'un avertissement concernant un précédent manquement de même nature (article L. 5596-3).

Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative devra prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, ainsi que ses ressources et ses charges (article L. 5596-4). Elle devra, avant toute décision, informer par écrit l'armateur de la sanction envisagée, en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter ses observations dans un délai d'un mois. À l'expiration de ce délai, l'autorité administrative pourra prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant (article L. 5596-5).

La décision d'infliger une amende ne pourra être prise plus de deux ans après le jour où le manquement a été commis (article L. 5596-6). Cette décision ne pourra pas faire l'objet d'un recours hiérarchique (article L. 5596-7). L'amende sera recouvrée selon les modalités prévues pour les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine (article L. 5596-8).

 Cinq amendements rédactionnels du rapporteur ont également été adoptés.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

La situation actuelle du transport de passagers entre la France et le Royaume-Uni présente plusieurs dysfonctionnements et fragilités auxquels le présent article apporte de premières réponses. En effet, les pratiques de « dumping social » à l'oeuvre sur ces liaisons déstabilisent le marché du transport maritime transmanche, dans le cadre d'un marché concurrentiel européen entre compagnies et entre ports, et peut également avoir des effets sur le transport ferroviaire et aérien entre la France et le Royaume-Uni.

En outre, la dégradation des conditions de rémunération et de travail du personnel employé sur ces navires n'est pas acceptable : elle ne garantit pas des droits sociaux satisfaisants pour le personnel employé et elle conduit au licenciement de marins français, britanniques ou d'États membres de l'Union européenne. Enfin, le risque d'accidents peut être accentué en raison de conditions de travail dégradées, notamment par la diminution du temps de repos, fragilisant ainsi la sécurité de la navigation dans une zone très fréquentée.

Pour ces raisons, le rapporteur soutient le dispositif proposé. La situation ainsi décrite compromet la sauvegarde de l'organisation sociale et économique de notre pays et porte atteinte à un intérêt crucial de la France. En conséquence, le rapporteur estime que les dispositions du présent article pourraient revêtir le caractère d'une loi de police.

Toutefois, le rapporteur considère que les mesures du présent article doivent poser des obligations, assorties de sanctions, strictement proportionnées à l'objectif poursuivi afin qu'elles ne soient pas jugées contraires au droit de l'Union européenne et à notre Constitution. Le rapporteur s'est ainsi attaché à solliciter l'avis des administrations centrales compétentes, d'universitaires spécialistes du droit européen et du droit maritime et des services de la Commission européenne14(*). Il ressort de ces sollicitations que le risque qu'une juridiction considère le présent article comme non conforme au droit de l'Union européenne ne peut être écarté. Il est donc apparu nécessaire au rapporteur de limiter ce risque en proposant à la commission d'ajuster les dispositions du présent article afin qu'elles soient proportionnées à l'objectif poursuivi, sans en amoindrir la portée.

 Dès lors, la commission a adopté l'amendement COM-3 du rapporteur qui prévoit que la sécurité de la navigation et la lutte contre les pollutions marines soient concrètement prises en compte pour déterminer par décret la durée maximale d'embarquement, plutôt que d'affirmer dans la loi ces objectifs.

 Sur proposition du rapporteur (amendement COM-4), la commission a supprimé la peine d'interdiction d'accoster dans un port français prononcée en cas de troisième infraction au versement du salaire minimum à l'encontre des navires appartenant à la compagnie fautive.

Cette sanction, créée au sein du régime de sanctions pénales, présente de nombreuses fragilités juridiques, confirmées par les services du Gouvernement interrogés par le rapporteur.

Tout d'abord, la nature de la sanction n'est pas suffisamment précise, la notion de « troisième infraction » étant difficile à caractériser et sans équivalent en droit pénal. Elle pourrait être entendue comme une peine devant être obligatoirement prononcée par le juge, ce qui risque de méconnaitre le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789. En outre, renvoyer à un décret en Conseil d'État le soin de fixer la durée de l'interdiction d'accoster contrevient au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines.

Par ailleurs, alors que la récidive est déjà punie, sur le fondement du présent article, de 15 000 euros d'amende et de six mois d'emprisonnement, ce qui constitue un quantum de peine largement supérieur au droit pénal général, la peine d'accoster pourrait être considérée comme manifestement disproportionnée.

Au total, le rapporteur considère que les peines prévues en cas de première infraction puis en cas de récidive sont suffisamment dissuasives pour assurer l'effectivité du dispositif proposé. Il n'est donc pas utile de prendre le risque que l'article 1er soit considéré comme contraire à la Constitution et au droit de l'Union européenne au motif qu'il comporte une sanction disproportionnée et insuffisamment définie.

 La commission a adopté l'amendement COM-7 du rapporteur qui prévoit que l'autorité administrative pourra prononcer, alternativement à une amende administrative, un avertissement à l'employeur ou à l'armateur en cas de manquement aux obligations posées au présent article. Cette disposition rapproche le régime de sanctions administratives créé à l'article 1er du droit commun du travail, qui prévoit cette procédure d'avertissement, afin de garantir la gradation des sanctions et la proportionnalité des peines.

 En outre, la commission a adopté l'amendement COM-8 du rapporteur qui prévoit que l'article 1er entre en vigueur le 1er janvier 2024. Cette précision donnera aux employeurs une prévisibilité suffisante pour tirer les conséquences des règles de droit du travail imposées au personnel à bord des navires, et évitera ainsi que le texte ne soit applicable sans préavis, au moment de la publication des décrets d'application, aux gens de mer qui seraient embarqués au même moment à bord de navires.

Enfin, la commission a adopté quatre amendements du rapporteur, de portée technique et rédactionnelle, visant à :

- supprimer la mention de l'avis du Conseil supérieur de la marine marchande sur le décret qui déterminera les liaisons maritimes visées par l'article 1er, cette consultation étant déjà prévue par un décret du 29 avril 2002 (amendement COM-1) ;

- préciser le champ d'application de l'article 1er (amendement COM-2) ;

- supprimer un intitulé obsolète et de niveau réglementaire (amendement COM-5) ;

- corriger une erreur de référence (amendement COM-6).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 1er bis
Renforcement des sanctions pénales dans le cadre
du dispositif de l'État d'accueil

Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, tend à alourdir les sanctions pénales applicables en cas de non-respect du salaire minimum aux navires entrant dans le champ d'application du dispositif de l'État d'accueil, notamment ceux transportant des passagers entre la Corse et le continent.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Le dispositif de l'État d'accueil vise à limiter la concurrence sociale intra-européenne dans le transport maritime

1. Un régime applicable sur les liaisons Corse-continent

Le dispositif dit de l'« État d'accueil », prévu par le règlement européen du 7 décembre 199215(*), vise à garantir l'application de règles uniformes en matière de droit du travail et de protection sociale à bord des navires opérant sur certaines liaisons maritimes ou réalisant certaines prestations de services à l'intérieur des eaux d'un État membre.

En droit français, ce dispositif a été codifié aux articles L. 5561-1 et suivants et aux articles R. 5561-1 et suivants du code des transports.

Entrent dans le champ d'application de ce dispositif, quel que soit leur pavillon, les navires16(*) :

- ayant accès au cabotage maritime national et assurant un service de cabotage continental et de croisière d'une jauge brute de moins de 650 ;

- ayant accès au cabotage maritime national et assurant un service de cabotage avec les îles, à l'exception des navires de transport de marchandises d'une jauge brute supérieure à 650 lorsque le voyage concerné suit ou précède un voyage à destination d'un autre État ou à partir d'un autre État ;

- utilisés pour fournir une prestation de service réalisée à titre principal dans les eaux territoriales ou intérieures françaises ;

- utilisés pour toute activité de prestation de service exercée sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive (ZEE) en vue de la construction, de l'installation, de la maintenance et de l'exploitation d'installations relatives à la production d'énergie renouvelable en mer.

En particulier, les lignes de transport de passagers reliant la Corse et la France continentale relèvent du champ d'application du dispositif. En revanche, les navires assurant un service de cabotage entre ports situés dans les outre-mer ou les navires réalisant une prestation de service dans les eaux territoriales ultra-marines ne sont pas concernés.

2. L'application à tous les navires du droit social d'un État membre

Les navires entrant dans le champ d'application du dispositif sont soumis aux mêmes dispositions relatives à la nationalité des équipages et aux effectifs à bord que les navires battant pavillon français immatriculés au 1er registre17(*). Ainsi, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance doivent être ressortissants d'un État membre de l'Union européenne (UE), d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), de la Confédération suisse ou d'un autre État partie à tout accord international ayant la même portée en matière de droit au séjour et au travail.

En matière de droit du travail, les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur les navires relevant du dispositif de l'État d'accueil sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France (voir l'encadré ci-après).

Par ailleurs, les gens de mer employés à bord d'un navire concerné par le dispositif bénéficient obligatoirement du régime de protection sociale de l'un des États membres de l'UE ou d'un État partie à l'accord sur l'EEE comprenant une couverture des risques santé (prenant en charge les accidents du travail et les maladies professionnelles), maternité-famille, emploi et vieillesse18(*).

En conséquence, les liaisons maritimes concernées sont protégées des pratiques de dumping social contre lesquelles l'article 1er de la proposition de loi entend lutter.

L'application des mêmes garanties de protection des salariés
que dans les entreprises françaises de la branche

Les dispositions légales et les stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés sur les navires relevant du dispositif de l'État d'accueil sont celles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, pour les matières suivantes19(*) :

1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;

2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

3° Protection de la maternité, congés de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant, congés pour événements familiaux ;

4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;

5° Exercice du droit de grève ;

6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;

7° Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;

8° Règles relatives à la santé et à la sécurité au travail, âge d'admission au travail, emploi des enfants ;

9° Travail illégal.

3. Le régime des sanctions pénales applicable en matière de salaires

a) Le cadre réglementaire

Les sanctions pénales applicables en cas de non-respect du salaire minimum sont actuellement définies dans la partie réglementaire du code des transports.

Ainsi, l'article R. 5566-4 du code des transports punit de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, soit 1 500 euros20(*), le fait pour l'armateur de payer des salaires inférieurs au salaire minimum de croissance (SMIC) ou des rémunérations inférieures à la rémunération mensuelle minimale prévue par l'article L. 3232-1 du code du travail.

La récidive est punie de 3 000 euros pour les personnes physiques et de 15 000 euros pour les personnes morales, conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal.

Par ailleurs, le fait pour l'armateur de payer des salaires inférieurs à ceux fixés dans la convention collective ou l'accord collectif de travail étendu applicable aux navires battant pavillon français exerçant la même activité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, soit 750 euros21(*).

De même, le fait pour l'armateur de méconnaître les stipulations conventionnelles relatives aux accessoires du salaire prévus par la convention ou l'accord collectif de travail étendu applicable aux navires battant pavillon français est puni d'une amende de 750 euros22(*).

Les amendes sont prononcées autant de fois qu'il y a de salariés concernés.

b) Des sanctions peu dissuasives ?

Les peines applicables en matière de salaires dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil sont identiques à celles qui s'appliquent actuellement dans le droit commun du travail pour des infractions équivalentes23(*).

En revanche, elles peuvent sembler peu élevées en comparaison d'autres sanctions pénales actuellement prévues dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil. Ainsi, l'employeur qui recrute des gens de mer sans avoir établi un contrat de travail écrit, ou en ayant conclu un contrat de travail ne comportant pas les mentions prévues par la loi, est passible d'une amende 3 750 euros, la récidive étant punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende24(*). De même, l'employeur qui méconnaît l'obligation de faire bénéficier les gens de mer d'un régime de protection sociale européen couvrant obligatoirement les risques santé, maternité-famille, emploi et vieillesse risque une amende de 3 750 euros25(*).

Le contrôle du dispositif de l'État d'accueil26(*)

Sur l'ensemble du champ d'application du dispositif de l'État d'accueil, le système d'inspection du travail (SIT) a contrôlé :

- en 2022, 11 navires battant pavillons étrangers : 5 par la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS) de Loire-Atlantique, 5 par la DDETS de Seine-Maritime et 1 par la DDETS des Côtes-d'Armor ;

- en 2021, 11 navires battant pavillons étrangers : 3 par la DDETS de Loire-Atlantique, 4 par la DDETS du Var, 3 par la DDETS des Alpes-Maritimes et 1 par la DDETS du Nord.

Les principales infractions constatées par les agents de contrôle dans le cadre de l'État d'accueil ont été la non-présence à bord des documents utiles au contrôle, le non-respect de la réglementation relative au repos hebdomadaire et le non-respect du salaire minimal.

En 2022, 13 % des navires concernés par le dispositif de l'État d'accueil ont donc fait l'objet d'un contrôle. En comparaison 3,8 % des établissements tout régime confondu ont été contrôlés par l'inspection du travail en 2022.

B. La proposition de loi tend à alourdir les sanctions pénales applicables

L'article 1er bis a été introduit en séance publique à l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement de M. Jean-Marc Zulesi (Renaissance).

Il vise à inscrire dans la loi et à renforcer le régime des sanctions pénales applicables en cas de non-respect du salaire minimum dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil.

Les modifications de l'échelle des sanctions proposées par cet article sont retracées dans le tableau ci-dessous. Il est précisé que les infractions donnent lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés concernés.

Infraction

Sanctions prévues
par le droit existant

Sanctions prévues
par le droit proposé

1ère infraction

Récidive

1ère infraction

Récidive

Paiement de salaires inférieurs au SMIC ou de rémunérations inférieures à la rémunération mensuelle minimale

1 500 euros d'amende

3 000 euros d'amende (15 000 euros pour une personne morale)

7 500 euros d'amende

Six mois d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende

Paiement de salaires inférieurs à ceux fixés par la convention collective applicable aux navires battant pavillon français

750 euros d'amende

750 euros d'amende

7 500 euros d'amende

Six mois d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende

Méconnaissance des stipulations conventionnelles relatives aux accessoires de salaire

750 euros d'amende

750 euros d'amende

7 500 euros d'amende

Six mois d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende

Source : Commission des affaires sociales

II - La position de la commission : une mesure qui ne s'impose pas au sein de ce texte

En première analyse, l'introduction de mesures concernant le cabotage avec les îles françaises, notamment la Corse, dans un texte visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche comporte un risque de brouillage des intentions du législateur à l'égard d'un texte par nature exposé à des contestations27(*). En outre, elle laisse entendre que la situation de ces deux marchés est comparable alors qu'il n'en est rien.

La desserte maritime de la Corse est organisée de manière duale avec, d'une part, une offre contrainte par une délégation de service public (DSP) et, d'autre part, une offre commerciale librement organisée.

L'opérateur français Corsica Ferries, dont les navires arborent le pavillon italien et sont immatriculés au registre international italien (RII), est leader du transport maritime « commercial » de passagers et propose des traversées entre la Corse et les ports de Toulon et Nice. Par ailleurs, les liaisons entre les ports corses et Marseille font l'objet de la DSP attribuée pour la période de 2023 à 2029 à Corsica Linea et à La Méridionale, opérateurs français exploitant des navires sous pavillon français et immatriculés au premier registre.

Le dispositif de l'État d'accueil empêche sur ces liaisons le développement de pratiques de dumping social, quel que soit le pavillon des navires. En revanche, il peut exister des problématiques de compétitivité pour les compagnies opérant sous pavillon français en raison des avantages fiscaux et sociaux et des conditions d'exploitation plus favorables dont bénéficient les compagnies utilisant le RII, qui sont à l'origine de tensions importantes.

Le rapporteur considère que ces enjeux de concurrence, notamment la question de l'harmonisation de l'usage des registres internationaux entre les États membres, doivent faire l'objet d'une réflexion au niveau européen. En revanche, la mesure proposée, qui introduit dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil un régime de sanctions pénales exorbitant du droit commun du travail, ne semble pas de nature à répondre à ces problématiques.

Si l'objectif était de lutter contre d'éventuelles pratiques frauduleuses sur ce marché, il serait plus efficace de renforcer les moyens de contrôle et d'appliquer les sanctions existantes.

À l'initiative du rapporteur, la commission a donc adopté un amendement COM-9 de suppression.

La commission a supprimé cet article.

Article 1er ter
Création d'un régime de sanctions administratives
dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil

Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, tend à créer un régime de sanctions administratives applicable aux navires entrant dans le champ d'application du dispositif de l'État d'accueil.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale : la création d'un régime de sanctions administratives

A. L'absence actuelle de sanctions administratives

Le dispositif dit « de l'État d'accueil » permet de protéger du dumping social certaines liaisons maritimes intérieures, notamment celles reliant la Corse et la France continentale, en soumettant les navires concernés aux normes de droit du travail françaises28(*).

En cas d'infraction à ces normes, le code des transports prévoit un régime de sanctions pénales que l'article 1er bis de la proposition de loi vise à renforcer.

En revanche, le code des transports ne prévoit pas de possibilité d'infliger des sanctions administratives aux employeurs qui méconnaissent leurs obligations liées à l'application des conditions sociales du pays d'accueil. Seul le non-respect du salaire minimum par les employeurs relevant de ce dispositif peut faire l'objet d'une sanction administrative prévue par l'article L. 8115-1 du code du travail.

Introduit en séance publique à l'Assemblée nationale par un amendement de M. Jean-Marc Zulesi (Renaissance), l'article 1er ter vise à pallier cette lacune en complétant le titre du code des transports relatif au dispositif de l'État d'accueil, d'un chapitre VIII relatif aux sanctions administratives.

B. Le régime de sanctions proposé

1. Un champ matériel large qui exclut le salaire minimum

Cet article prévoit que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi - devenu en 2021 le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) - pourra prononcer à l'encontre de l'armateur une amende administrative en cas de manquement aux règles relatives :

- aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France pour les matières mentionnées à l'article L. 5562-1 du code des transports29(*), à l'exception du salaire minimum, et en matière de contrat d'engagement des marins ;

- à la protection sociale30(*) ;

- à la déclaration des accidents survenus à bord31(*) ;

- aux personnels désignés pour aider les passagers en situation d'urgence32(*) ;

- aux documents obligatoires33(*).

L'amende pourrait être prononcée sur le rapport :

- des agents de contrôle de l'inspection du travail ;

- des officiers et des fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes ;

- de certaines autorités habilités à constater les infractions au droit maritime34(*).

L'autorité administrative ne pourrait y recourir que sous réserve de l'absence de poursuites pénales. Lorsqu'une amende serait prononcée, le directeur régional informerait par tout moyen le procureur de la République des suites données au rapport des agents de contrôle.

2. Une échelle de sanctions qui correspond au droit commun du travail

Le texte fixe le montant maximal de l'amende administrative à 4 000 euros. Ce montant pourrait être appliqué autant de fois qu'il y a de manquements constatés aux règles relatives aux documents obligatoires ou de travailleurs concernés.

Ce plafond serait porté au double (soit 8 000 euros) en cas de nouveau manquement constaté dans un délai de deux ans. Il serait majoré de 50 % (soit 6 000 euros) en cas de nouveau manquement constaté dans le délai d'un an à la suite de la notification d'un avertissement concernant un précédent manquement de même nature.

Il est précisé que l'autorité administrative devrait prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, ainsi que ses ressources et ses charges pour fixer le montant de l'amende. Avant toute décision, elle devrait informer par écrit l'armateur de la sanction envisagée, en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter ses observations dans le délai d'un mois.

Le délai de prescription de l'action de l'administration pour la sanction du manquement par une amende administrative serait de deux ans. La décision d'infliger une sanction administrative ne pourrait pas faire l'objet d'un recours hiérarchique.

Ces dispositions, qu'il s'agisse des plafonds des amendes pouvant être infligées ou de la procédure prévue, sont similaires aux dispositions du code du travail en matière de sanctions administratives35(*).

II - La position de la commission : une source de complexité et de confusion

Étant entendu que la possibilité de contrôles et de sanctions administratives existe déjà dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil, les auditions menées par le rapporteur n'ont pas mis en évidence la nécessité de créer un régime de sanctions ad hoc.

En excluant la question du salaire minimum, qui resterait l'apanage de l'administration du travail, cet article introduit en outre une dualité de régimes de contrôle qui semble inutilement complexe.

Comme l'article 1er bis, cet article, qui s'appliquerait notamment sur les liaisons Corse-continent, entretient enfin une confusion avec la situation du transmanche qui n'a rien de comparable.

Pour ces raisons, la commission a adopté sur proposition du rapporteur un amendement COM-10 de suppression.

La commission a supprimé cet article.

Article 2
Contrôle de l'aptitude médicale des gens de mer

Cet article vise à préciser la sanction pénale applicable en cas d'admission à bord d'un marin présentant un certificat médical d'aptitude établi à l'étranger non valide.

La commission a adopté cet article en étendant son dispositif aux gens de mer autres que les marins.

I - Le dispositif proposé

A. Un dispositif incomplet de contrôle de l'aptitude médicale des gens de mer étrangers

1. La sanction prévue en cas d'admission à bord d'un marin dépourvu de certificat d'aptitude valide

L'article L. 5521-1 du code des transports dispose que « nul ne peut accéder à la profession de marin s'il ne remplit des conditions d'aptitude médicale ». Les normes d'aptitude médicale à la navigation des gens de mer sont définies par un arrêté du 3 août 201736(*).

Pour les gens de mer résidents français des navires battant pavillon français, cette condition d'aptitude est contrôlée à titre gratuit par le service de santé des gens de mer (SSGM), service de médecine préventive relevant du ministère de la mer. Par dérogation, l'aptitude médicale des gens de mer employés sur des navires ne battant pas pavillon français en escale dans un port français ou des gens de mer non résidents employés sur des navires battant pavillon français peut être contrôlée par des médecins agréés n'appartenant pas au SSGM.

Le fait, pour l'armateur ou le capitaine, d'admettre à bord un membre de l'équipage ne disposant pas d'un certificat d'aptitude médicale valide délivré dans ces conditions est puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende37(*).

2. Le cas particulier des certificats établis à l'étranger

Par dérogation, les certificats d'aptitude médicale à la navigation des gens de mer à bord d'un navire battant pavillon français délivrés par un médecin sont reconnus lorsque :

- le médecin est établi dans un État étranger faisant application d'une convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) ou de l'Organisation maritime internationale (OMI) comprenant des exigences relatives aux normes minimales d'aptitude médicale des gens de mer et des pêcheurs ;

- ce médecin est agréé à délivrer ces certificats à ce titre par les autorités de cet État ;

- les certificats d'aptitude médicale à la navigation ainsi délivrés respectent les normes minimales internationales, sont établis dans une langue comprenant au moins l'anglais et revêtus des références de l'agrément du médecin38(*).

En cas de fraude détectée avant l'embarquement, le « gens de mer » concerné n'est pas admis à embarquer. Si la fraude est révélée en cours d'embarquement, l'intéressé demeure à bord jusqu'au prochain port d'escale où un rapatriement est possible, sans pouvoir être considéré comme répondant à la fiche d'effectif. Le « gens de mer » concerné et, selon les circonstances, les personnes impliquées, peuvent faire l'objet de poursuites pénales.

S'agissant de l'armateur ou du capitaine, aucune disposition ne prévoit actuellement de sanction en cas de non-respect des conditions de reconnaissance des certificats d'aptitude médicale établis à l'étranger pour les gens de mer travaillant à bord des navires battant pavillon français.

B. La proposition d'étendre la sanction prévue en cas d'absence de certificat d'aptitude français valide

L'article 2 prévoit que la sanction pénale prévue par l'article L. 5523-6 du code des transports est également applicable en cas d'admission à bord d'un membre de l'équipage ne disposant pas d'un certificat médical établi à l'étranger dans les conditions prévues à l'article L. 5521-1-1 du même code ().

Il étend en outre cette disposition à Wallis-et-Futuna (), ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) (). Par ailleurs, il rend applicables aux gens de mer autres que marins :

- à Wallis-et-Futuna, l'article L. 5523-1 du code des transports relatif à la constatation des infractions (b du 2°) ;

- dans les TAAF, l'article L. 5523-5 du même code concernant les sanctions pénales applicables en l'absence de fiche d'effectif minimal (du 3°).

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Aucun amendement n'a été adopté à l'Assemblée nationale sur cet article.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III - La position de la commission : un dispositif à étendre aux gens de mer autres que les marins

Cet article, loin de s'appliquer aux seules liaisons transmanche, concerne tous les navires battant pavillon français.

Le rapporteur considère que ce dispositif, bien qu'il n'ait pas de lien avec la lutte contre le dumping social, est pertinent dans une perspective de sécurisation du contrôle de l'aptitude médicale des marins. En revanche, il pourrait utilement être étendu au cas d'admission à bord de tous gens de mer autres que des marins ne disposant pas d'un certificat d'aptitude médicale valide établi à l'étranger.

Marins et gens de mer

Le code des transports distingue :

- les gens de mer, définis comme toutes les personnes salariées ou non salariées exerçant à bord d'un navire une activité professionnelle à quelque titre que ce soit ;

- les marins, qui sont les gens de mer exerçant une activité directement liée à l'exploitation du navire39(*).

Les personnes exerçant certaines professions énumérées par décret sont toutefois réputées figurer au nombre des marins, notamment, à bord de l'ensemble des navires, les personnes affectées à la préparation ou au service des repas des gens de mer ou, à bord des navires à passagers, les personnes chargées de la propreté ou de l'accueil des passagers40(*).

La commission a donc adopté un amendement COM-11 complétant en ce sens le 2° de l'article L. 5523-6 du code des transports.

Elle a par ailleurs adopté un amendement COM-15 visant à corriger des erreurs de références au sein des coordinations relatives aux outre-mer.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3
Rapport sur le dumping social sur les lignes régulières de ferries
au sein de l'Union européenne

Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif au dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l'Union européenne.

La commission a supprimé cet article

I - Le dispositif introduit par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit lors de l'examen du texte en commission, par l'adoption d'un amendement de M. Sébastien Jumel, sous-amendé par le rapporteur.

Il dispose que dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'état des pratiques relatives au dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l'Union européenne.

II - La position de la commission

La commission n'est pas favorable aux dispositions consistant à demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement, qui sont dépourvues de portée normative, souvent inappliquées et superflues compte tenu des prérogatives d'évaluation et de contrôle dont dispose le Parlement.

La commission a, en conséquence, adopté l'amendement COM-12 du rapporteur tendant à supprimer cet article.

La commission a supprimé cet article.

Article 4
Rapport sur les besoins humains et financiers des services chargés
de l'inspection du travail maritime

Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement recensant les besoins humains et financiers des services chargés de l'inspection du travail maritime pour assurer leurs missions.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif introduit par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit lors de l'examen du texte en commission par l'adoption d'un amendement de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine - NUPES).

Il vise à demander au Gouvernement la remise au Parlement, dans un délai de six mois, d'un rapport recensant les besoins humains et financiers des services chargés de l'inspection du travail maritime pour assurer leurs missions, notamment la lutte contre le phénomène de dumping social. Ce rapport préciserait également les pistes d'amélioration de la formation des agents de ces services en matière de droit du travail maritime.

II - La position de la commission

Fidèle à sa position constante sur les demandes de rapport, qui ne constituent pas une méthode législative satisfaisante, la commission a adopté un amendement COM-13 de suppression de cet article.

La commission a supprimé cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 14 juin 2023, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de Mme Catherine Procaccia, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 469, 2022-2023) visant à lutter contre le dumping social sur le Transmanche.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Cette proposition de loi traite d'un sujet rarement abordé par notre commission : celui du droit du travail des gens de mer embarqués sur des navires assurant le transport international de passagers.

Je tiens à remercier notre présidente, qui m'a fait plonger, pour mes dernières semaines de mandat, dans une proposition de loi qui n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît, surtout quand seules la Marne et la Seine traversent votre département. De plus, j'ai découvert un ovni : la loi de police, sur laquelle je reviendrai.

Je remercie également Nadège Havet, rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, avec laquelle nous avons conduit l'ensemble des auditions, ainsi que Jean-Marie Vanlerenberghe, qui m'a donné des pistes de réflexion intéressantes.

Le droit du travail applicable au personnel embarqué sur des navires assurant le transport international de passagers est différent de celui que nous connaissons. Il est encadré par le droit international et le droit de l'Union européenne (UE), qui laissent peu de marges de manoeuvre aux États pour imposer des normes sociales aux armateurs.

Les compagnies maritimes choisissent librement le pavillon de leurs navires et donc l'État dans lequel ces derniers sont immatriculés.

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982 et dite de Montego Bay, stipule que chaque État fixe les conditions auxquelles il soumet l'attribution de sa nationalité aux navires, les conditions d'immatriculation des navires ainsi que celles qui sont requises pour battre son pavillon. Dans l'UE, le principe de la libre prestation des services permet aux navires de choisir librement leur pavillon.

Concernant le droit social applicable aux employés embarqués sur ces navires, le droit de l'UE prévoit que le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties. La loi applicable au contrat de travail peut donc être celle d'un autre État que celui du pavillon. Les navires battant pavillon français sont tenus de respecter le droit du travail français, mais certains pavillons n'imposent presque aucune garantie sociale.

En matière de salaire, il existe seulement une recommandation de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui indique que le salaire minimum mensuel des marins doit s'élever au moins à 658 dollars américains. Dans ce cadre, certaines compagnies assurant des liaisons entre la France et le Royaume-Uni ont opté pour des pavillons n'offrant que de faibles garanties en matière de droits sociaux, leur permettant ainsi d'optimiser leurs coûts et de baisser leurs tarifs. Si ces choix ont été faits pour le transport de passagers, ils affectent aussi le fret maritime, particulièrement les navires opérant sur la ligne Calais-Douvres, qui combinent généralement les deux prestations.

Le 17 mars 2022, la compagnie P&O Ferries a licencié 786 marins, avec effet immédiat. Ils ont été remplacés par des employés qui sont rémunérés à des niveaux bien inférieurs au salaire minimum britannique et qui subissent des conditions de travail dégradées.

Selon Armateurs de France, les compagnies P&O Ferries et Irish Ferries, dont les navires battent pavillon chypriote, utilisent un modèle social « moins disant » pour leurs liaisons transmanche. Elles font appel à du personnel très faiblement rémunéré, recruté par des sociétés de placement des gens de mer. Les salaires de base pourraient être inférieurs de 60 % aux salaires français et le coût de production du transport est inférieur de 35 % à celui des navires battant pavillon français.

En outre, dans ces compagnies, la durée d'embarquement du personnel navigant est bien supérieure à la durée de repos à terre, alors que Brittany Ferries et DFDS, dont les navires battent pavillon français et britannique, respectent une équivalence entre ces deux durées, sur le fondement d'accords d'entreprise.

Si ces pratiques sont légales, elles perturbent significativement le marché du transport maritime transmanche. Elles se traduisent par des droits sociaux très limités pour le personnel employé et fragilisent la sécurité de la navigation sur l'un des détroits les plus fréquentés au monde.

Que peut faire le législateur français face à cette situation ?

Le droit international et le droit européen offrent la possibilité aux États de faire valoir leurs intérêts nationaux pour imposer certaines règles impératives, dans un cadre bien limité.

Ainsi, l'article 25 de la Convention de Montego Bay prévoit que, pour les navires qui se rendent dans les eaux intérieures ou dans une installation portuaire située en dehors de ces eaux, l'État côtier a le droit de prendre les mesures nécessaires pour prévenir toute violation des conditions auxquelles est subordonnée l'admission de ces navires dans ces eaux ou cette installation portuaire.

En outre, le droit européen donne la possibilité aux États membres d'adopter des lois de police, qui comportent des dispositions impératives dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit, par ailleurs, la loi applicable au contrat.

Une telle restriction des libertés économiques garanties par le droit de l'UE revêt le caractère d'une loi de police conforme au droit de l'Union si elle répond à la sauvegarde d'un intérêt national essentiel qui ne serait pas protégé par une norme déjà applicable et si elle est proportionnée à l'objectif poursuivi.

Dans le contexte du dumping social constaté sur les liaisons transmanche et sur le fondement de la possibilité offerte par le droit européen d'édicter une loi de police, l'article 1er de la proposition de loi vise à imposer deux obligations aux employeurs du personnel embarqué sur les navires assurant le transport de passagers sur certaines liaisons entre la France et un pays étranger, quelle que soit la loi applicable aux contrats de travail des salariés concernés : le versement du salaire minimum horaire de branche applicable en France et une organisation du travail fondée sur l'équivalence entre la durée d'embarquement et le temps de repos à terre.

Si les liaisons transmanche sont visées, la proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les critères qui permettront de déterminer les lignes internationales concernées. Ce décret devra donc veiller à bien circonscrire le dispositif pour rester dans le cadre d'une loi de police.

Le Royaume-Uni s'est engagé dans une démarche analogue et son Parlement a adopté un projet de loi qui rend l'obligation de respecter le salaire minimum horaire britannique applicable aux navires assurant un service international de transport de passagers ou de marchandises, sous réserve que ces navires entrent dans un port britannique au moins 120 fois au cours de l'année considérée. Ce texte, qui n'est pas tout à fait identique aux dispositions de la proposition de loi, devrait entrer en vigueur au début de l'année 2024.

En cas de manquement aux nouvelles obligations, l'article 1er instaure un double régime de sanctions.

D'abord, il prévoit des sanctions pénales. Les employeurs et armateurs en infraction seraient passibles d'une amende de 7 500 euros par salarié concerné. En cas de récidive, ils risqueraient une amende de 15 000 euros par salarié et une peine de six mois d'emprisonnement. À la troisième infraction, le texte prévoit qu'une peine d'interdiction d'accoster dans un port français pourrait être infligée à tous les navires de la compagnie fautive.

Ensuite, en l'absence de poursuites pénales, des sanctions administratives sont prévues, qui peuvent aller jusqu'à 4 000 euros d'amende par salarié concerné.

Les pratiques à l'oeuvre déstabilisent le marché du transport maritime transmanche. En outre, la dégradation des conditions de rémunération et de travail du personnel employé sur ces navires n'est pas acceptable. Ces conditions de travail dégradées, notamment par la diminution du temps de repos, fragilisent la sécurité de la navigation dans une zone très fréquentée. Cette situation compromet la sauvegarde de l'organisation sociale et économique de notre pays, portant ainsi atteinte à un intérêt crucial de la France.

Les dispositions de l'article 1er me semblent justifiées et pourraient revêtir le caractère d'une loi de police. Cependant, pour limiter les risques qu'une juridiction considère cet article comme non conforme au droit de l'UE, je me suis attachée à mesurer la proportionnalité des obligations envisagées. J'ai sollicité l'avis des administrations centrales compétentes, d'universitaires spécialistes du droit européen et du droit maritime, ainsi que des services de la Commission européenne. Cette dernière n'a pas voulu nous répondre et a indiqué qu'elle devait analyser en profondeur la proposition de loi.

Le risque de recours ne pouvant être écarté, je proposerai de le limiter en proportionnant l'article 1er à son objectif. Notre préoccupation est que cette loi soit effective.

À cette fin, je suggérerai de supprimer la peine d'interdiction d'accoster dans un port français prononcée en cas de troisième infraction. Cette sanction risque de méconnaître les principes constitutionnels d'individualisation des peines et de légalité des délits et des peines, et de revêtir un caractère manifestement disproportionné. Les peines prévues en cas de première infraction puis de récidive, qui peuvent aller jusqu'à six mois d'emprisonnement, semblent suffisamment dissuasives.

Je proposerai également que la sécurité de la navigation et la lutte contre les pollutions marines soient concrètement prises en compte pour déterminer par décret la durée maximale d'embarquement. En alternative à une amende, l'autorité administrative pourrait adresser un avertissement à l'employeur ou à l'armateur en cas de manquement aux obligations posées par cet article, afin d'aligner le régime de sanctions administratives créé à l'article 1er sur le droit commun du travail.

En outre, je proposerai de fixer au 1er janvier 2024 l'entrée en vigueur de cet article, afin de donner aux employeurs une prévisibilité suffisante pour tirer les conséquences des règles de droit du travail imposées au personnel à bord des navires.

L'Assemblée nationale a souhaité aller au-delà du sujet déjà complexe du dumping social sur le transmanche en insérant, par voie d'amendements adoptés en séance publique, deux articles additionnels, qui ont trait aux sanctions pouvant être prononcées dans le cadre du dispositif dit de l'État d'accueil.

Ce dispositif, prévu par le règlement européen du 7 décembre 1992, constitue un aménagement au principe de libre prestation des services, qui garantit l'application de règles uniformes en matière de droit du travail et de protection sociale à bord des navires opérant sur certaines liaisons de cabotage maritime, ou réalisant certaines prestations de services à l'intérieur des eaux d'un État membre. Les lignes reliant la Corse et la France continentale relèvent de ce dispositif.

Quel que soit leur pavillon, ces navires sont soumis aux mêmes dispositions que les navires battant pavillon français. En ce qui concerne le droit du travail, les dispositions légales et les stipulations conventionnelles sont celles qui s'appliquent aux salariés employés dans les entreprises de la même branche d'activité établies en France, en matière de salaire minimum, de durée de travail, de santé et de sécurité au travail, ainsi que des libertés individuelles et collectives dans la relation de travail.

Par ailleurs, les gens de mer bénéficient obligatoirement du régime de protection sociale d'un État membre de l'UE.

Il existe bien des enjeux de concurrence entre une compagnie opérant sous pavillon français et une entreprise qui, bien qu'établie en France, a recours au pavillon international italien et bénéficie de conditions fiscales et sociales plus favorables. Mais les liaisons maritimes entre la Corse et le continent sont protégées des pratiques de dumping social contre lesquelles l'article 1er de la proposition de loi entend lutter.

Dans ce contexte, l'article 1er bis vise à renforcer les sanctions pénales applicables en cas de non-respect du salaire minimum légal ou conventionnel et à les aligner sur celles qui sont prévues dans le cadre de la loi de police, s'écartant ainsi du droit commun du travail.

Quant à l'article 1er ter, il crée un régime de sanctions administratives dans d'autres domaines que celui du salaire minimum, pour lequel elles existent déjà.

L'alignement des sanctions applicables pour les liaisons Corse-continent avec le régime proposé pour le transmanche ne va pas de soi et apparaît en décalage avec l'objet du texte. En effet, si de réelles problématiques de concurrence existent sur ce marché, les mesures proposées, qui ne portent que sur les sanctions et ne modifient pas les normes sociales applicables sur les navires concernés, ne sont pas de nature à y répondre, et ce pour deux raisons.

D'une part, ces enjeux de concurrence relèvent essentiellement du niveau de l'UE, notamment en ce qui concerne l'harmonisation de l'encadrement du recours aux pavillons internationaux pour les liaisons internes. D'autre part, il serait plus efficace de renforcer les moyens de contrôle et d'appliquer effectivement les sanctions existantes pour veiller au respect des règles de l'État d'accueil et lutter contre d'éventuelles fraudes.

Les auditions que j'ai menées n'ont pas permis de mettre en évidence la nécessité d'introduire ces mesures adoptées à l'Assemblée nationale en séance publique, dont la rédaction aurait nécessité des travaux plus approfondis. Intégrer des mesures concernant le cabotage en Méditerranée dans un texte visant à lutter contre le dumping social sur les liaisons transmanche risque de brouiller les intentions du législateur, alors que les situations des deux marchés sont difficilement comparables. Je proposerai donc de supprimer ces deux articles, qui fragilisent le texte.

Le dernier volet de la proposition de loi vise à sécuriser le contrôle de l'aptitude médicale des marins.

En principe, leur aptitude est contrôlée par le service de santé des gens de mer, un service de médecine préventive relevant du secrétariat d'État chargé de la mer. Cependant, un certificat d'aptitude médicale établi à l'étranger peut être reconnu sous certaines conditions.

L'armateur ou le capitaine qui admet à bord de tout navire battant pavillon français un membre d'équipage ne disposant pas d'un certificat d'aptitude médicale valide, délivré dans les conditions de droit commun, est passible de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Toutefois, cette sanction pénale n'est pas applicable en présence d'un certificat non valide établi à l'étranger.

Afin de pallier cette lacune, l'article 2 prévoit que la sanction pénale soit également applicable lorsque le certificat d'aptitude a été établi à l'étranger. Ce dispositif me semble bienvenu. Il serait toutefois opportun de l'étendre aux gens de mer autres que les marins.

En cohérence avec l'objet de cet article, dont la portée ne se limite pas aux liaisons transmanche, mais concerne tout navire battant pavillon français, ainsi qu'avec les objectifs poursuivis à l'article 1er, je présenterai un amendement visant à modifier l'intitulé de la proposition de loi pour indiquer qu'elle tend également « à renforcer la sécurité du transport maritime ».

Enfin, suivant la position constante de notre commission, je proposerai de supprimer les articles 3 et 4, qui prévoient la remise de rapports par le Gouvernement au Parlement.

Pour terminer, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Ce périmètre comprend des dispositions relatives à la rémunération des salariés employés sur des navires assurant le transport de passagers sur des liaisons maritimes internationales touchant un port français et aux documents mis à la disposition de ces salariés, ainsi qu'aux sanctions applicables en cas d'admission à bord d'un navire d'un marin présentant un certificat médical d'aptitude non valide. En revanche, des amendements relatifs à la réglementation de la navigation maritime et du statut des navires, aux ports maritimes, à la régulation des entreprises de transport maritime, ainsi qu'au droit commun du travail et à la protection sociale des marins ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé et seront considérés comme irrecevables.

Il en est ainsi décidé.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Ce texte présente effectivement des fragilités, sachant que nous avons, face à nous, des personnes qui ne s'embarrassent ni de considération ni de valeurs, se montrent très attentives à ce texte et ont déjà annoncé qu'elles feraient des recours si la proposition de loi devait être adoptée. Mme Procaccia a donc raison de tenter de sécuriser le texte au maximum.

M. Jean-Luc Fichet. - Il s'agit d'un sujet très important. On imagine la violence de ce qui s'est passé dans l'entreprise P&O Ferries quand près de 800 marins ont appris, par visioconférence, qu'ils étaient licenciés sans préavis. De plus, un tel licenciement a pu avoir lieu sans que l'employeur ne commette de faute, puisqu'il est sous pavillon chypriote. Le Brexit a conduit à ce genre de comportements.

Le trafic transmanche représente un camion toutes les secondes et un navire toutes les trois minutes. Traverser le rail d'Ouessant pour un petit bateau revient à traverser une quatre voies en courant pour un piéton.

Cette proposition de loi contient trois sujets importants. D'abord, elle prévoit le versement du salaire minimum français aux équipages de toutes les compagnies maritimes, peu importe le pavillon, dès lors que des liaisons régulières internationales touchent un port français. Les lignes en question devant être définies par décret, il faudra s'assurer que ces derniers soient pris en temps et en heure.

Ensuite, le texte se penche sur le temps de repos. Dans le cas de Brittany Ferries, les marins passent huit jours en mer et huit jours au sol. Les deux durées sont donc équivalentes, ce qui n'est pas le cas pour d'autres compagnies et crée une concurrence déloyale.

Enfin, le texte prévoit le contrôle du certificat d'aptitude médicale pour l'ensemble des marins. En effet, les compétences et capacités physiques ne sont pas toujours testées, ce qui pose problème, sachant notamment que les conditions de vie sur les navires peuvent être terribles.

Nous soutenons cette proposition de loi, qui représente une première étape importante. Elle constitue également un appel lancé vers l'UE, pour qu'elle fasse évoluer sa législation.

Il s'agit aussi de bien coordonner le processus avec celui que les Britanniques ont entamé, pour que les deux législations soient applicables. Depuis le Brexit, le Royaume-Uni n'est pas tenu d'appliquer la législation européenne, ce qui a contribué à ces dérives.

Dans un deuxième temps, il faudra revenir sur certains sujets, dont l'application du registre international français (RIF).

Considérant qu'il n'était pas nécessaire de complexifier les choses, nous n'avons pas proposé d'amendements et nous soutiendrons le rapport.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Notre objectif est de protéger à la fois les marins et le droit de la concurrence, ce qui est compliqué.

British Ferries a bouleversé les règles qui étaient appliquées, ce qui n'est pas sans lien avec le licenciement d'une grande partie du personnel de P&O Ferries.

Aujourd'hui, la plupart des compagnies travaillent avec des étrangers et notre droit ne s'applique qu'en partie sur les eaux territoriales françaises et dans les ports français, mais pas sur les bateaux lorsqu'ils assurent des liaisons internationales. Brittany Ferries travaille avec une grande partie de marins français ; Irish Ferries emploie essentiellement des Britanniques, en Irlande, mais aussi entre Douvres et Calais, et dit appliquer le droit européen. Cette complexité méritait qu'on s'attarde sur le sujet, ce que fait cette proposition de loi, qui ne pourra pas répondre à toutes les questions.

J'approuve largement l'analyse de Catherine Procaccia. Ses propositions de suppression semblent bienvenues, car il ne faut pas mélanger les sujets. De plus, étendre aux gens de mer le dispositif sur les certificats médicaux me semble souhaitable. En ce qui concerne les demandes de rapports, notre commission a toujours adopté une position claire. Notre groupe soutiendra la proposition de loi ainsi modifiée.

Mme Frédérique Puissat. - Je remercie Catherine Procaccia de vouloir rendre opérationnelle cette proposition de loi. Dans cette perspective, la prise effective et rapide des décrets constituera un enjeu très important.

La question de la cohérence avec le projet de loi britannique se pose, en termes de contenu et de délai. Le processus avance vite au Royaume-Uni, la mise en application du texte étant prévue pour début 2024. Dans quels délais la proposition de loi française, si elle n'était pas votée conforme, pourrait-elle être mise en application ?

Mme Mélanie Vogel. - J'aurai deux questions. D'abord, l'intitulé de la proposition de loi fait référence aux liaisons transmanche, mais, dans le champ d'application, on lit que le texte est applicable « aux navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières internationales touchant un port français ». S'il s'agit de traiter d'autres liaisons entre la France et des pays tiers, il faudrait peut-être l'adapter.

Ensuite, il est écrit à l'article 1er : « Le présent article ne s'applique que pour les périodes au cours desquelles les navires sont exploités sur les lignes régulières internationales mentionnées à l'article L. 5591-1. » Comment cette application fonctionnera-t-elle d'un point de vue pratique ? Si un navire opère des liaisons transmanche pendant une semaine et fait autre chose la semaine suivante, faut-il respecter le salaire minimum pendant une semaine, et plus la suivante ? Comment détermine-t-on la période du transport régulier ?

M. Olivier Henno. - J'avais produit un rapport au nom de la commission des affaires européennes sur la question du droit de la concurrence. L'UE s'est largement construite sur ce droit, auquel une importante direction est consacrée à Bruxelles. Ce droit de la concurrence européen s'est d'abord construit pour assurer un moindre prix au consommateur, ce qui a fonctionné pour certains sujets. Il s'est donc davantage fondé sur cette préoccupation, sur les ententes et les monopoles que sur le souci du respect du droit social.

Ce droit participe-t-il à l'uberisation de la société ? N'est-il pas davantage responsable des difficultés actuelles que le Brexit ?

Mme Brigitte Devésa. - J'ignore si j'aurais soutenu vos amendements de suppression il y a encore quelques jours. En effet, l'alignement des sanctions dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil, qui sont intra-européennes, aux sanctions de transmanche, qui sont extra-européennes, ne me semblait pas entraîner de confusion. L'alignement paraissait justifié et nécessaire, d'autant que les propositions de loi portant sur la mer ne sont pas fréquentes.

Néanmoins, un événement a modifié mon raisonnement : un préavis de grève a été déposé. La grève, qui s'annonce musclée, aura lieu la semaine prochaine et sera liée au sujet transmanche. Corsica Linea nous a signalé son inquiétude, les salariés n'ayant pas compris que la proposition de loi n'aurait aucun impact sur eux. J'ai donc décidé de ne pas m'opposer aux amendements de suppression, pour que le texte soit simplifié. La situation est déjà tendue, et je ne voudrais pas en rajouter.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Le texte a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale et nous ne le modifions pas pour le plaisir de le modifier ; un vote conforme ne m'aurait posé aucun problème. Cependant, les auditions ont démontré la fragilité de cette proposition de loi. Nous craignons tous qu'elle s'applique au 1er janvier et que, deux mois plus tard, elle ne soit annulée par un juge pour des raisons juridiques. Nous avons donc tenté de sécuriser le texte, dont je ne garantis pas qu'il le soit entièrement.

En découvrant le texte, j'ai tout de suite été frappée par la présence de la question de la Méditerranée dans un texte portant initialement sur les liaisons transmanche.

Le Brexit a fragilisé le trafic transmanche, qui a été fortement réduit pendant deux ans. Les navires français et britanniques ont diminué le nombre de navires opérant ces liaisons et, quand le trafic a repris, la compagnie irlandaise a saisi cette occasion pour arriver sur le marché. La fragilisation actuelle vient davantage de cette évolution liée au Brexit qu'au Brexit lui-même.

En ce qui concerne les décrets, j'ai rencontré le secrétaire d'État chargé de la mer, qui rêve d'un accord international et européen alors que, hormis la France, personne n'applique les normes françaises. Penser pouvoir harmoniser toutes ces normes semble optimiste. Par ailleurs, je lui ai demandé si les décrets étaient déjà prêts, le texte ayant été travaillé de manière rapprochée avec le Gouvernement. Il m'a répondu que son ministère y travaillait et que les décrets seraient prêts pour le 1er janvier.

Quant au modèle d'organisation de Brittany Ferries - une semaine à bord, une semaine à terre -, il ne doit pas s'appliquer à toutes les compagnies. Certaines n'emploient que des Européens et, quand ceux-ci viennent par exemple des pays de l'Est, ils ne veulent pas rester une semaine à terre et préfèrent travailler deux ou trois semaines sur le bateau pour rentrer ensuite chez eux. Il s'agit d'étendre à tous les navires un type d'organisation reposant sur une équivalence entre temps de travail et temps de repos, mais le décret ne doit pas imposer un modèle.

J'en viens au certificat d'aptitude médicale, pour lequel les contrôles sont insuffisants. Les représentants de la direction générale du travail (DGT) nous ont expliqué que décortiquer des contrats de travail correspondant aux normes d'autres pays leur prenait un temps fou. Nous souhaitons protéger les marins. Passer sept ou huit semaines sur un bateau, sans temps de repos, c'est beaucoup. Ce n'est pas le Brexit mais le droit européen qui permet ce dumping social, qui existe dans toute la mer du Nord, mais pas vraiment en Méditerranée. Nous voulons aussi privilégier les marins français, mais j'ai compris au cours des auditions qu'il y avait pénurie en la matière. Des marins étrangers sont aussi employés sur nos navires parce qu'on ne parvient pas à recruter en France.

En ce qui concerne la période d'application de l'article 1er, les conditions sociales seront applicables sur toute la durée des traversées transmanche effectuées par les navires concernés. Lorsqu'ils effectueront d'autres traversées, ces obligations ne s'appliqueront pas. Cependant, ces navires sont affectés à une liaison et il est très rare qu'ils en opèrent plusieurs.

L'intention est bien de viser les liaisons entre la France et le Royaume-Uni. Néanmoins, en écrivant « Royaume-Uni », nous fragiliserions la proposition de loi, raison pour laquelle des critères objectifs devront être fixés par décret.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-16 vise à proposer que l'article 1er soit exclusivement applicable aux lignes régulières internationales entre la France et le Royaume-Uni ou les îles anglo-normandes. Les liaisons transmanche sont effectivement visées, mais il ne me paraît ni juridiquement possible ni opportun d'apporter cette précision dans la loi.

En vertu du principe d'égalité, ne viser qu'un seul pays poserait un problème en matière de concurrence. Il est préférable que le décret détermine les lignes concernées en prenant en compte des critères qui ne seront pas exclusivement géographiques, comme les enjeux de sécurité maritime et la fréquence des liaisons. Avis défavorable.

L'amendement COM-16 est retiré.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à supprimer la mention du Conseil supérieur de la marine marchande, l'article 2 du décret n° 2002-647 prévoyant déjà que ce conseil doit être obligatoirement consulté sur les projets de décret.

L'amendement COM-1 est adopté.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement de coordination COM-2 vise à ajuster le champ d'application des dispositions de l'article.

L'amendement COM-2 est adopté.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-3 a trait à la règle d'équivalence entre le temps d'embarquement et le temps de repos, qui nous paraît pouvoir justifier la loi de police. Il s'agit de contribuer à la sécurité de la navigation et de lutter contre les pollutions marines. Il est préférable que ces considérations soient prises en compte pour déterminer le décret portant sur la durée maximale d'embarquement, plutôt que de l'affirmer dans les objectifs de la loi.

L'amendement COM-3 est adopté.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'interdiction d'accoster dans un port français prononcée à l'encontre des navires appartenant à la compagnie fautive. Il s'agit d'un des éléments qui fragilisent le texte.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-5 est adopté.

L'amendement de correction COM-6 est adopté.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-7 vise à introduire la possibilité pour l'autorité administrative de prononcer un avertissement au lieu d'une amende, dans le cadre des sanctions administratives.

L'amendement COM-7 est adopté.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-8 vise à proposer une entrée en vigueur de l'article 1er au 1er janvier 2024.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er bis (nouveau)

L'amendement de suppression COM-9 est adopté.

L'article 1er bis est supprimé.

Article 1er ter (nouveau)

L'amendement de suppression COM-10 est adopté.

L'article 1er ter est supprimé.

Article 2

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-11 vise à étendre les sanctions en cas de certificat non valide établi à l'étranger à tous les gens de mer.

L'amendement COM-11 est adopté.

L'amendement de correction COM-15 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 (nouveau)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-12 vise à supprimer cet article, qui prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

Article 4 (nouveau)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Mon argumentation est identique pour l'amendement COM-13.

L'amendement COM-13 est adopté.

L'article 4 est supprimé.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - L'amendement COM-14 vise à proposer cet intitulé, qui est plus complet : « Proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime. »

L'amendement COM-14 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er
Application du salaire minimum conventionnel au personnel assurant
certaines liaisons maritimes internationales

Mme Mélanie VOGEL

16

Application de l'article 1er aux seules lignes reìgulieÌres internationales entre la France et le Royaume-Uni ou les i?les anglo-normandes

Retiré

Mme PROCACCIA, rapporteur

1

Suppression de la mention de l'avis du Conseil supérieur de la marine marchande

Adopté

Mme PROCACCIA, rapporteur

2

Coordination relative au champ d'application des dispositions de l'article 1er

Adopté

Mme PROCACCIA, rapporteur

3

Prise en compte de la sécurité de la navigation et de la lutte contre les pollutions marines pour déterminer par décret la durée maximale d'embarquement

Adopté

Mme PROCACCIA, rapporteur

4

Suppression de la peine d'interdiction d'accoster dans un port français prononcée à l'encontre des navires appartenant à la compagnie fautive

Adopté

Mme PROCACCIA, rapporteur

5

Rédactionnel

Adopté

Mme PROCACCIA, rapporteur

6

Coordination

Adopté

Mme PROCACCIA, rapporteur

7

Possibilité pour l'autorité administrative de prononcer un avertissement à l'employeur ou à l'armateur fautif

Adopté

Mme PROCACCIA, rapporteur

8

Entrée en vigueur de l'article 1er le 1er janvier 2024

Adopté

Article 1er bis (nouveau)
Renforcement des sanctions pénales dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil

Mme PROCACCIA, rapporteur

9

Suppression de l'article

Adopté

Article 1er ter (nouveau)
Création d'un régime de sanction administratives dans le cadre du dispositif de l'État d'accueil

Mme PROCACCIA, rapporteur

10

Suppression de l'article

Adopté

Article 2
Contrôle de l'aptitude médicale des gens de mer

Mme PROCACCIA, rapporteur

11

Extension aux gens de mer autres que les marins

Adopté

Mme PROCACCIA, rapporteur

15

Correction d'erreurs de référence

Adopté

Article 3 (nouveau)
Rapport sur le dumping social sur les lignes régulières de ferries au sein de l'Union européenne

Mme PROCACCIA, rapporteur

12

Suppression de l'article

Adopté

Article 4 (nouveau)
Rapport sur les besoins humains et financiers des services chargés de l'inspection du travail maritime

Mme PROCACCIA, rapporteur

13

Suppression de l'article

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

Mme PROCACCIA, rapporteur

14

Mention du renforcement de la sécurité du transport maritime dans l'intitulé de la proposition de loi

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 41(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie42(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte43(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial44(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 14 juin 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 469 (2022-2023) visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- à la rémunération des salariés employés sur des navires assurant le transport de passagers sur des liaisons maritimes internationales touchant un port français et aux documents mis à la disposition de ces salariés ;

- aux sanctions applicables en cas d'admission à bord d'un navire d'un marin présentant un certificat médical d'aptitude non valide.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :

- à la réglementation de la navigation maritime et du statut des navires ;

- aux ports maritimes ;

- à la régulation des entreprises de transport maritime ;

- au droit commun du travail ;

- à la protection sociale des marins.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

___________

Auditions

· Union fédérale maritime - UFM-CFDT

Thierry Le Guevel, secrétaire général

Jean-Paul Corbel, délégué

· Force ouvrière - FEETS-FO

Étienne Castillo, secrétaire fédéral

· Getlink Group - Eurotunnel Terminal

John Keefe, Chief Corporate and Public Affairs Officer

· Daniel Fasquelle, professeur à l'Université du Littoral-Côte d'opale

· Corsica Linea

Pierre-Antoine Villanova, directeur général

Mathilde Defarges, consultante Blue Star Strategies

· Corsica Ferries

Pierre Mattei, président

Jean-Philippe Maslin, avocat au barreau de Paris, conseiller en droit social

· Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DG AMPA)

Christophe Lenormand, chef du service flottes et marins

Aurélie Virion, adjointe à la cheffe du bureau du travail maritime

Fabien Joret, chargé de mission à la mission flotte de commerce

· Direction générale du travail (DGT)

Catherine Tindillière, sous-directrice de l'Animation territoriale du système de l'inspection du travail

Dominique Michel, adjointe à la cheffe du bureau du pilotage du système d'inspection du travail

Élodie Boceno, adjointe à la cheffe du bureau des relations individuelles du travail

Florence Fayasson, chargée de mission au bureau des relations individuelles du travail

· Direction des affaires juridiques du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE)

Héloïse Abdalan, conseillère juridique à la sous-direction du droit de la mer, du droit fluvial et des pôles

Valentin Depenne, conseiller juridique à la sous-direction du droit de l'Union européenne et du droit international économique

· Secrétaire général des affaires européennes (SGAE)

Jean-Philippe Dufour, chef du bureau mobilités, mer et territoires

Sébastien Vincent, adjoint au chef du bureau mobilités, mer et territoires

Constance Deler, cheffe du bureau parlements

· Armateurs de France

Jean-Philippe Casanova, délégué général

· Patrick Chaumette, professeur émérite au centre de droit maritime et océanique de l'université de Nantes

· Brittany Ferries

Jean-Marc Roué, président

Bruno Denoyelle, conseiller du président et directeur des affaires publiques et institutionnelles

· DFDS Seaways SAS

Jean-Claude Charlo, directeur général en France

· Irish Ferries

Andrew Sheen, Managing Director

Brian McKenna, Marine & Safety Manager

Patrick Simon, Advisor

· P&O Ferries

Pascal Devaux, Port Manager

Owen Barry, Fleet Director

Leigh Bura, Head of Transformation Portfolio

Alex Hamilton, Head of Communications

· Société d'exploitation des ports du détroit (SEPD)

Benoît Rochet, directeur général

Contributions écrites

· Syndicat national des cadres navigants de la marine marchande - CFE-CGC Marine

· Syndicat national des personnels navigants et sédentaires de la marine marchande - CFTC Marine marchande

· Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) de Gris-Nez

· Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) de Corsen

LA LOI EN CONSTRUCTION

___________

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-469.html


* 1 Art. 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

* 2 Au 1er janvier 2023. D'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur.

* 3 Art. L. 5541-1 du code des transports.

* 4 Cette organisation du travail repose sur des accords d'entreprise sans obligation légale ou conventionnelle.

* 5 Selon les informations communiquées par Armateurs de France au rapporteur.

* 6 Règlement (CEE) n° 4055/86 du Conseil du 22 décembre 1986 portant application du principe de la libre prestation des services aux transports maritimes entre États membres et entre États membres et pays tiers.

* 7 Art. 8 du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

* 8 Au 1er janvier 2023. D'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur.

* 9 Art. L. 5541-1 du code des transports.

* 10 Assemblée nationale, rapport de M. Didier Le Gac, député, au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi de M. Didier Le Gac, Mme Aurore Bergé et plusieurs de leurs collègues visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche (798), n° 1005.

* 11 Réponse apportée en anglais puis traduite en français pour le présent rapport.

* 12 Voir notamment : CJUE, 17 octobre 2013, United Antwerp Maritime Agencies (Unamar) NV contre Navigation Maritime Bulgare, C-184/12, point 50 : « Il revient ainsi au juge national, dans le cadre de son appréciation quant au caractère de « loi de police » de la loi nationale qu'il entend substituer à celle expressément choisie par les parties au contrat, de tenir compte non seulement des termes précis de cette loi, mais aussi de l'économie générale et de l'ensemble des circonstances dans lesquelles ladite loi a été adoptée pour pouvoir en déduire qu'elle revêt un caractère impératif, dans la mesure où il apparaît que le législateur national a adopté celle-ci en vue de protéger un intérêt jugé essentiel par l'État membre concerné. Ainsi que l'a souligné la Commission, un tel cas pourrait être celui où la transposition dans l'État du for offre, par une extension du champ d'application d'une directive ou par le choix d'une utilisation plus étendue de la marge d'appréciation laissée par celle-ci, une protection plus grande des agents commerciaux en vertu de l'intérêt particulier que l'État membre accorde à cette catégorie de ressortissants. »

* 13 Sont visées les personnes mentionnées aux 2°, 3°, 8° et 10° de l'article L. 5222-1 du code des transports.

* 14 Sollicités, les services de la Commission européenne ont indiqué au rapporteur qu'une étude approfondie de la proposition de loi était nécessaire. Ils n'ont pas apporté d'éléments d'appréciation sur la portée du texte avant son examen par la commission des affaires sociales.

* 15 Règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime).

* 16 Art. L. 5561-1 du code des transports.

* 17 Art. L. 5561-2 du code des transports.

* 18 Art. L. 5563-1 du code des transports.

* 19 Art. L. 5561-3 du code des transports.

* 20 Art. 131-13 du code pénal.

* 21 Art. R. 5566-5 du code des transports.

* 22 Art. R. 5566-6 du code des transports.

* 23 Articles R. 2263-3, R. 3233-1 et R. 3246-4 du code du travail.

* 24 Art. L. 5566-1 du code des transports.

* 25 Art. L. 5566-2 du code des transports.

* 26 Source : réponses au questionnaire du rapporteur à la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DG AMPA), à la direction générale du travail (DGT), à la direction des affaires juridiques du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE).

* 27 Pour plus de précisions, le lecteur peut se reporter au commentaire de l'article 1er

* 28 Pour plus de précisions sur ce dispositif, le lecteur peut se reporter au commentaire de l'article 1er bis.

* 29 Il s'agit notamment des libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, des discriminations, de la durée du travail ou des règles relatives à la santé et à la sécurité au travail.

* 30 Art. L. 5563-1 du code des transports.

* 31 Art. L. 5563-2 du code des transports.

* 32 Art. L. 5564-1 du code des transports.

* 33 Art. L. 5565-1 et L. 5565-2 du code des transports.

* 34 Commandants ou commandants en second des bâtiments de l'État et chefs de bord des aéronefs de l'État, administrateurs des affaires maritimes, officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes, fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l'autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer, délégué à la mer et au littoral, agents publics commissionnés à cet effet par décision du directeur interrégional de la mer et assermentés.

* 35 Cf. articles L. 8115-1 et suivants du code du travail.

* 36 Arrêté du 3 août 2017 relatif aux normes d'aptitude médicale à la navigation des gens de mer.

* 37 Art. L. 5523-6 du code des transports.

* 38 Art. L. 5521-1-1 du code des transports.

* 39 Art. L. 5511-1 du code des transports.

* 40 Art. R. 5511-2 du code des transports.

* 41 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 42 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 43 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 44 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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