EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 17 mai 2023, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Marie-Arlette Carlotti sur le projet de loi n° 219 (2022-2023) autorisant la ratification du Protocole du 30 avril 2010 à la Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses.
M. Christian Cambon, président. - Nous examinons maintenant trois rapports, le premier portant sur le projet de loi autorisant la ratification du Protocole du 30 avril 2010 à la Convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses.
Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure. - Le protocole du 30 avril 2010 complète la Convention internationale du 3 mai 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses.
À ce stade, deux questions se posent : pourquoi un examen si tardif par le législateur ? Quel est le texte qui est soumis à notre approbation ? La Convention ou le Protocole ? Sur quoi devons-nous nous prononcer ?
La Convention initiale et le protocole qui la complète sont considérés comme un seul et même ensemble. Ainsi, si le législateur autorise la ratification du protocole, la Convention sera réputée autorisée. C'est du moins l'avis du Conseil d'État du 29 novembre 2022.
Nous examinons ce texte après vingt-sept ans de négociations. Si la gestation a été longue, c'est que l'histoire des travaux préparatoires a été marquée par des péripéties, des échecs et beaucoup de persévérance, particulièrement de la part de la France qui a joué un rôle moteur - pensons à prendre la présidence du fonds qui sera créé.
L'initiative remonte à la fin des années 60. Les États se sont rassemblés au sein de ce qui va devenir l'Organisation maritime internationale (OMI) pour adopter deux conventions, l'une sur la responsabilité civile pour la pollution par les hydrocarbures (CLC, Bruxelles 29 novembre 1969), l'autre portant sur la création d'un fonds d'indemnisation (FC, Bruxelles 18 décembre 1971). La question s'était posée d'y inclure les autres matières dangereuses, mais cette idée a été écartée au regard de sa complexité. Pourtant, il manquait toujours une dernière pièce au puzzle, afin que les victimes d'un sinistre aient accès à un régime d'indemnisation complet. Le choix d'une convention spécifique a donc été retenu.
Dans les années 90, plusieurs incidents liés au déversement en mer de substances dangereuses ont permis de donner un nouveau souffle aux négociations. Toutefois, la convention sortie de la conférence de 1996 n'a satisfait personne, ni les armateurs de navires ni les propriétaires des cargaisons. Elle n'est donc pas entrée en vigueur. La France, qui l'avait signée, ne l'a jamais promulguée.
Toutefois, parce qu'il fallait instaurer, au niveau international, un régime de responsabilité civile et un régime d'indemnisations, la Convention de 1996 a été complétée et modifiée par le protocole, que nous examinons aujourd'hui.
Les principaux produits dangereux visés par la Convention sont : l'acide sulfurique, l'acide chlorhydrique, la soude caustique, l'acide phosphorique, l'acide nitrique, le gaz de pétrole liquéfié (GPL), le gaz naturel liquéfié (GNL), l'ammoniac, le benzène, le xylène, le phénol, etc. Près de 2 000 types de substances nocives sont régulièrement transportées par mer, en colis ou en vrac, sur porte-conteneurs, par navire-citerne ou transporteur de gaz liquéfiés. Tous les navires sont concernés par la Convention à l'exception des navires de guerre.
Entre 1998 et 2013, 1 560 000 m3 de produits dangereux, autres que les hydrocarbures, se sont déversés en mer provoquant 126 accidents graves, ayant eu des effets sur la santé des personnes, sur l'environnement et de lourdes conséquences économiques, très difficiles à mesurer. Pourtant ce type de transport reste indispensable, les produits chimiques et autres substances entrent dans de nombreux procédés de fabrication.
Certes, des règles internationales sont mises en place, particulièrement en matière de prévention, comme lors de la conception des navires, la sécurité à bord ou lors des chargements. Nous avons donc avancé. Cependant, il n'existait aucun régime international uniforme et complet prévoyant une indemnisation pour les dommages causés, y compris les coûts de nettoyage et de remise en état de l'environnement.
Le protocole apporte une réponse en instaurant un régime d'indemnisation à deux niveaux. L'article 7 stipule que le propriétaire du navire est objectivement responsable pour tout dommage causé par le déversement d'une substance nocive et potentiellement dangereuse. L'article 12 l'oblige à souscrire une assurance ou à une garantie financière couvrant sa responsabilité.
Un fonds international est créé, financé par les réceptionnaires de substances nocives et dangereuses. Il intervient lorsque le propriétaire du navire n'est pas responsable, n'est pas en mesure d'indemniser les victimes ou lorsque le montant excède la limite de la responsabilité du propriétaire du navire. Les articles 24 à 36 définissent le fonctionnement du fonds, le rôle de l'Assemblée où siègent tous les États parties, ou de l'administrateur qui en est le représentant légal. Le fonds a la personnalité morale et peut ester en justice.
La Convention couvre plusieurs types de dommages : les décès ou lésions corporelles, les pertes ou dommages causés aux biens, la contamination de l'environnement ainsi que le coût des mesures de sauvegarde. Les dommages causés par les matières rétroactives sont exclus de la Convention - il y a donc des manques.
Une fois que la Convention sera devenue effective, les victimes verront leur sort considérablement amélioré. Ce pourrait être la fin de l'impunité, même si le chemin est encore long.
Les principales dispositions sont très techniques. Je m'arrêterai là, car la Convention comprend cinquante-quatre articles, six chapitres, deux annexes et un protocole, traitant de la responsabilité des navires et de l'indemnisation des victimes. Ce fut extrêmement complexe de décortiquer toutes les mesures.
J'en viens à un dernier point sur les conditions d'entrée en vigueur, incluses dans l'article 48. Il faudra un nombre minimum de ratifications par douze États, dont quatre ayant une flotte de 200 millions de tonnage de jauge brute (TJB) et 40 millions de tonnes de cargaisons. Ainsi, nous ne sommes peut-être pas encore au bout du processus. La France va devoir reprendre son bâton de pèlerin pour vaincre les résistances.
Je vous propose de voter favorablement pour le protocole de 2010 et par ricochet pour la Convention de 1996. En ratifiant cette convention, la France se placerait à l'international comme pays moteur en matière de responsabilité environnementale, dans la lignée de la COP21 de 2015. Elle apparaîtrait comme un acteur diplomatique responsable et responsabilisant, et pourrait entraîner dans son sillage d'autres pays.
En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Son examen est prévu en séance publique le mercredi 24 mai 2023, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.
Grâce à notre modeste contribution, les océans continueront à absorber 93 % du réchauffement et 25 % des émissions de carbone, à freiner le dérèglement climatique, à produire la moitié de l'oxygène que nous respirons et à nourrir un milliard d'êtres humains.
M. Pierre Laurent. - Pourquoi un tel délai ? Qui est responsable ?
Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure. - Un peu tout le monde. Le processus d'autorisations préalables européennes a été extrêmement long. Il était difficile de traiter tous ces produits nocifs dans le même texte. Les armateurs n'avaient pas prévu les normes et les procédures dans leurs budgets. C'est la France qui a été leader, et qui continue à oeuvrer pour combler les manques. La première convention n'a satisfait personne, il a fallu tout renégocier pour aboutir à ce protocole. Les parlementaires interviennent très tardivement. Je le concède, ce délai est choquant.
M. Christian Cambon, président. - Nous déplorons régulièrement de tels retards. Nous nous en plaignons auprès du Secrétariat général du Gouvernement (SGG), du Quai d'Orsay et des ministères concernés.
En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Son examen est prévu en séance publique le mercredi 24 mai 2023, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.
Le projet de loi est adopté sans modification.