N° 425

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d' emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique ,

Par Mme Marta de CIDRAC,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot , président ; M. Didier Mandelli, Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Joël Bigot, Rémy Pointereau, Frédéric Marchand, Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Médevielle, Ronan Dantec , vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Angèle Préville, MM. Pascal Martin, Bruno Belin , secrétaires ; MM. Jean-Claude Anglars, Jean Bacci, Étienne Blanc, François Calvet, Michel Dagbert, Mme Patricia Demas, MM. Stéphane Demilly, Michel Dennemont, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Nassimah Dindar, MM. Gilbert Favreau, Jacques Fernique, Mme Martine Filleul, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Éric Gold, Daniel Gueret, Mmes Nadège Havet, Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Olivier Jacquin, Gérard Lahellec, Mme Laurence Muller-Bronn, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Philippe Pemezec, Mmes Évelyne Perrot, Marie-Laure Phinera-Horth, Kristina Pluchet, MM. Jean-Paul Prince, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Pierre-Jean Verzelen .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

676 , 763 et T.A. 73

Sénat :

305 et 426 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a examiné, le 15 mars 2023, le rapport de Marta de Cidrac sur la proposition de loi déposée par M. Denis Masséglia, Mme Aurore Bergé et plusieurs de leurs collègues, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) d'emballages ménagers et des producteurs de papier et amplification des encarts publicitaires destinés à informer le public sur la transition écologique. Le texte initial de l'Assemblée nationale affichait deux objectifs distincts : exonérer le secteur de la presse du paiement de la contribution financière, en l'excluant de la filière REP et fusionner les filières REP emballages ménagers et papier .

Pour la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, sortir la presse de la REP est un dangereux précédent, crée un manque à gagner pour le service public de gestion des déchets, ainsi qu'une régression environnementale et juridique . Elle a donc modifié le dispositif proposé, afin de mieux concilier protection du service public de gestion des déchets et préservation du secteur de la presse .

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

I. FILIÈRES À RESPONSABILITÉ ÉLARGIE DES PRODUCTEURS (REP) : LE PRINCIPE POLLUEUR-PAYEUR APPLIQUÉ À LA PRÉVENTION ET À LA GESTION DES DÉCHETS

Le dispositif de la responsabilité élargie des producteurs (REP) est une application du principe « pollueur-payeur » , en transférant la responsabilité de la prévention et de la gestion des déchets aux producteurs.

Source : Ministère de la transition écologique

La majorité des producteurs s'acquittent de cette obligation en mettant en place collectivement des éco-organismes dont ils assurent la gouvernance et auxquels ils transfèrent leur obligation et versent en contrepartie une contribution financière appelée éco-contribution .

Les contributions versées aux éco-organismes doivent être modulées sous la forme de primes ou de pénalités, en fonction de critères de performance environnementale des produits.

Deux filières REP sont concernées par la présente proposition de loi : les REP emballages ménagers et papier. Leur rôle principal est de soutenir financièrement le service public de gestion des déchets (SPGD) , géré par les collectivités territoriales.

Ces filières partagent ainsi des similitudes opérationnelles , notamment avec une collecte harmonisée par les collectivités territoriales via le « bac jaune » et un éco-organisme opérant sur les deux gisements, Citeo .

Elles sont toutefois de taille inégale :

REP Emballages (2021)

REP Papier (2020)

II. LA PROPOSITION DE LOI DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE EXCLUSION DE LA PRESSE DE LA FILIÈRE À RESPONSABILITÉ ÉLARGIE DES PRODUCTEURS ET UNE FUSION DES FILIÈRES REP EMBALLAGES MÉNAGERS ET PAPIER

A. EXONÉRER LA PRESSE DU PAIEMENT DE LA CONTRIBUTION FINANCIÈRE PAR UNE EXCLUSION DE LA REP

Le secteur de la presse fait aujourd'hui face à des difficultés conjoncturelles et structurelles .

La proposition de loi propose de remédier à cette situation, en exonérant la presse du paiement de sa contribution financière.

Montant de la contribution financière dont la presse
devait s'acquitter en 2023

Elle prolonge en contrepartie le système existant de la « contribution en nature », qui devait prendre fin au 1 er janvier 2023 en application de la loi « AGEC » de février 2020.

« Contribution en nature » = mise à disposition gratuite d' encarts pour informer le consommateur sur le geste de tri et le recyclage des déchets.

Pour garantir la conformité du dispositif au droit européen, cette « contribution en nature » serait toutefois organisée via une convention de partenariat entre l'État et les syndicats de presse, en dehors de la filière REP.

è la proposition de loi conduit donc à exclure la presse de la REP.

Des critères de performance environnementale que la presse s'engagera à respecter seront également inscrits dans cette convention de partenariat.

B. LA FUSION DES REP EMBALLAGES MÉNAGERS ET PAPIER

La fusion des REP emballages ménagers et papier constitue le deuxième axe de la proposition de loi . Cette fusion vise :

- à apporter une simplification administrative, notamment pour les collectivités territoriales, qui pourront contractualiser avec l'éco-organisme via un contrat unique, en lieu et place de deux contrats distincts ;

- à répondre au mouvement accompagné par la loi « AGEC », qui a permis une harmonisation des systèmes de collecte des déchets d'emballages et de papiers sur l'ensemble du territoire national en 2023 ;

- à renforcer les synergies entre les deux filières, notamment dans un contexte de recours accru aux papiers et cartons pour les emballages en remplacement des emballages plastiques.

III. AU SÉNAT, LA POSITION DE LA COMMISSION : FUSIONNER LES FILIÈRES REP EMBALLAGES MÉNAGERS ET PAPIER, POUR SIMPLIFIER ET RENFORCER LES SYNERGIES, ET MAINTENIR LA PRESSE DANS LA REP, TOUT EN OFFRANT DES GARANTIES AU SECTEUR

A. UNE FUSION DES FILIÈRES REP QUI POURRAIT ÊTRE SOURCE DE SIMPLIFICATION ET DE SYNERGIES

La commission porte un regard favorable à la fusion des filières REP, qui pourrait être source de simplification et de synergies. Dans cette logique, elle a donc adopté un amendement de la rapporteure supprimant le principe de non-mutualisation des coûts entre les filières , introduit par l'Assemblée nationale.

B. EXCLUSION DE LA PRESSE DE LA REP : LA NÉCESSITÉ D'AJUSTER UNE PROPOSITION DÉSÉQUILIBRÉE, POUR MIEUX CONCILIER PROTECTION DU SERVICE PUBLIC DE GESTION DES DÉCHETS ET PRÉSERVATION DU SECTEUR DE LA PRESSE

1. Sortir la presse de la REP : un dangereux précédent, un manque à gagner pour le service public de gestion des déchets, une régression environnementale et juridique

La commission suivant sa rapporteure a pointé les trois écueils majeurs de la proposition de loi adoptée par les députés.

a) Un dangereux précédent, de nature à fragiliser l'ensemble des REP

Sortir la presse de la REP pourrait constituer un dangereux précédent susceptible d'affaiblir l'ensemble des REP.

Ce serait en effet la première fois dans l'histoire de ce système - né en France dans les années 1990 et ayant essaimé partout en Europe - qu' un gisement serait retiré de la REP.

D' autres secteurs pourraient à l'exemple de ce premier régime d'exception demander des aménagements et des exonérations pour l'avenir, au détriment des collectivités territoriales et de la protection de l'environnement.

b) Un manque à gagner pour le service public de gestion des déchets

Le dispositif proposé aura de surcroît un impact financier sur le service public de gestion des déchets (SPGD) géré par les collectivités territoriales.

Si ce manque à gagner ne saurait être surestimé au regard du coût total du SPGD (8,8 milliards d'euros), le texte s'inscrit toutefois dans un contexte d'augmentation des charges du SPGD causée notamment par la hausse des prix de l'énergie ou encore l'augmentation significative de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

c) Une régression environnementale et juridique

La seule condition posée à l'exonération de la presse des obligations de la filière REP est de « participer » à une convention de partenariat . Le texte ne prévoit donc aucune sanction du non-respect des engagements environnementaux par les publications de presse ou de mise à disposition gratuite des encarts , à la différence de ce qui prévalait dans le mécanisme transitoire issu de la loi « AGEC ».

2. Ajuster une proposition déséquilibrée, pour mieux concilier protection du service public de gestion des déchets et préservation du secteur de la presse

La commission a donc fait le choix de proposer une option alternative, conciliant de manière plus satisfaisante protection du service public de gestion des déchets et préservation du secteur de la presse : c'est le sens de l'amendement de la rapporteure qu'elle a adopté.

Cet amendement vise : 1) à maintenir la presse dans le champ de la REP ; 2) mais en permettant de moduler les contributions financières de la filière REP pour les produits contribuant à une information du public d'intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, notamment par la mise à disposition gratuite d'encarts, sous réserve de respecter des critères de performance environnementale fixés par décret.

è Cette modulation des contributions sous forme de prime pourra pleinement bénéficier aux publications de presse.

Les encarts que le secteur de la presse pourra mettre à disposition seront recentrés sur l'objet même des filières REP : la prévention et la gestion des déchets.

Les avantages de cette proposition sont nombreux...

Elle préserve l' intégrité de la REP en réintégrant la presse en son sein.

Elle est financièrement neutre pour le SPGD , car les primes versées devraient être compensées par la filière REP.

Elle offre des garanties environnementales , en conditionnant l'octroi des primes à l'atteinte de critères de performance environnementale.

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