TITRE III BIS

LUTTER CONTRE LA FRAUDE AUX PRESTATIONS SOCIALES À L'ÉTRANGER

Article additionnel après l'article 13
Recours à la biométrie pour le contrôle de l'existence des bénéficiaires de pensions de retraite résidant à l'étranger

Cet article vise à fixer au 1 er septembre 2023 le délai limite accordé au Gouvernement pour l'application des dispositions législatives permettant le recours aux données biométriques dans le cadre du contrôle de l'existence des bénéficiaires de pensions de retraite résidant à l'étranger.

La commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

I - Le contrôle de l'existence des retraités résidant à l'étranger est un outil majeur de lutte contre la fraude sociale

A. Les certificats d'existence constituent un outil d'information sur le décès des bénéficiaires de pensions de retraite résidant à l'étranger

1. Près de quatre milliards d'euros de pensions sont versés chaque année par les régimes obligatoires français à des retraités résidant à l'étranger

D'après la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) 560 ( * ) , sur les 14,9 millions de retraités que comptait le régime général fin 2021, 1,1 million de personnes (7,4 %) résidaient à l'étranger . Il s'agit de retraités français expatriés, d'étrangers ayant travaillé en France et étant retournés dans leur pays d'origine et de veufs ou de veuves de retraités français ou d'étrangers ayant travaillé en France.

89 % de ces assurés résident en Europe (47 %) et en Afrique (42 %) . Les principaux pays concernés sont l'Algérie, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et le Maroc.

Effectifs, pensions mensuelles moyennes et masses annuelles pour les pays comptant le plus de retraités du régime général au 31 décembre 2021

Source : Cnav, Chiffres clés sur les retraités du régime général résidant ou nés à l'étranger au 31 décembre 2021, 3 mars 2022

Au total, 3,8 milliards d'euros de pensions leur ont été versés en 2021 , dont près de 2 milliards aux retraités installés en Europe et 1,5 milliard à ceux qui résident en Afrique.

Répartition et distribution des retraités et des masses annuelles par continent de résidence au 31 décembre 2021

Source : Cnav, Chiffres clés sur les retraités du régime général résidant ou nés à l'étranger au 31 décembre 2021, 3 mars 2022

2. Les retraités résidant à l'étranger doivent justifier chaque année de leur existence

Faute de données d'état-civil fiables permettant un renseignement automatique du système national de gestion des identifiants (SNGI) opéré par la Cnav et exploité par les autres organismes de protection sociale, le bénéficiaire d'une pension de retraite servie par un régime de retraite obligatoire français résidant à l'étranger - ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna - doit justifier chaque année de son existence auprès de la caisse de retraite assurant le service de sa pension 561 ( * ) .

Les régimes obligatoires de retraite mutualisent la gestion de la preuve de l'existence et les modalités de son contrôle dans le cadre du groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite 562 ( * ) . Celui-ci désigne parmi ses membres l'organisme chargé de la gestion mutualisée de la preuve de l'existence - actuellement l'Agirc-Arrco, ce dernier pouvant seul demander au bénéficiaire de fournir, au plus une fois par an, un certificat d'existence 563 ( * ) .

Le GIP définit également les orientations applicables en matière de lutte contre la fraude et de maîtrise des risques afférents aux opérations de contrôle de la preuve de l'existence et désigne parmi ses membres celui qui en est chargé ; il s'agit aujourd'hui de la Cnav à titre principal et de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), et de l'Agirc-Arrco pour les assurés qui ne relèvent pas du régime général.

En pratique, le retraité dispose de deux mois pour faire compléter le certificat d'existence 564 ( * ) . Dans le cas où il n'y procède pas, le versement de la pension est suspendu à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date indiquée pour la réception du certificat d'existence 565 ( * ) . La décision de maintien ou de suspension du versement de la pension prise par l'organisme chargé de la gestion mutualisée de la preuve de l'existence s'impose aux membres du GIP pour les pensions qu'ils servent au bénéficiaire.

Au surplus, le membre du GIP ayant connaissance par tout moyen autre que le certificat d'existence du décès d'un bénéficiaire d'une pension de retraite doit en informer sans délai les autres membres 566 ( * ) .

Chaque année, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et la direction de la sécurité sociale établissent la liste des autorités habilitées à remplir des certificats d'existence en fonction des capacités de traitement par le réseau consulaire français et du degré de confiance dans les autorités locales pour l'exercice de cette fonction. Dans certains pays 567 ( * ) , seules les administrations locales émettent encore des certificats. En revanche, dans d'autres pays 568 ( * ) , les consulats français assurent encore cette mission.

Il convient, du reste, de noter que, pour certains pays européens (Allemagne, Italie, Espagne et Benelux), la Cnav a mis en place des échanges automatiques de données d'état-civil. Les retraités résidant dans ces pays n'ont donc pas formellement à adresser un certificat d'existence au GIP.

B. Les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 permettant le recours à la biométrie dans le cadre du contrôle de l'existence des retraités résidant à l'étranger ne sont toujours pas appliquées

Dans un double souci de lutte contre la fraude aux prestations sociales et de simplification des démarches des retraités résidant à l'étranger, le législateur a prévu, en 2020 569 ( * ) , que la preuve de l'existence puisse être apportée par l'utilisation de dispositifs techniques permettant l'usage de données biométriques adapté à cette preuve 570 ( * ) .

Il s'agirait, en pratique, pour les retraités concernés, d'apporter la preuve de leur existence en envoyant une photographie qui sera comparée à celle qui figure sur leur titre d'identité.

Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, doit, d'une part, préciser les moyens pouvant être utilisés à cette fin et les garanties apportées aux personnes dans l'utilisation de ces dispositifs et l'exercice de leurs droits et, d'autre part, prévoir les conditions d'utilisation par les personnes concernées des outils numériques leur permettant d'effectuer cette démarche.

Toutefois, ce décret, dont la publication était initialement prévue pour l'été 2021, n'a toujours pas été pris à ce jour. En 2022, le Gouvernement justifiait ce retard par la conduite, en 2021, d'une expérimentation visant à assurer la conformité du dispositif aux attentes des retraités concernés et à la règlementation relative à la protection des données personnes. Il était alors indiqué qu'un projet de décret avait été soumis à la Cnil et que celle-ci devait rendre son avis en mai 2022. La publication du décret devait dès lors intervenir à l'été 2022, permettant la désignation par le GIP d'un sous-traitant au cours du second semestre et la mise en oeuvre effectif des dispositions législatives en question début 2023. Aucune justification n'a pu être apportée au rapporteur par le Gouvernement au sujet du retard accusé à ce jour.

II - Ces dispositions doivent entrer en vigueur au plus vite de façon à renforcer les moyens de la lutte contre la fraude aux prestations sociales

La commission a adopté un amendement n° 2183 du rapporteur visant à prévoir que les dispositions de la LFSS pour 2021 permettant le recours aux données biométriques dans le cadre du contrôle de l'existence des bénéficiaires d'une pension de retraite servie par un régime obligatoire français résidant à l'étranger entrent en vigueur le lendemain de la publication du décret d'application et au plus tard le 1 er septembre 2023.

Elle considère en effet que la fraude aux prestations sociales mine le consentement à la cotisation, à l'heure où les Français sont appelés à contribuer par le travail au redressement de la trajectoire financière du système de retraite.

La commission vous demande d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet par l'amendement n° 2183.


* 560 Cnav, Chiffres clés sur les retraités du régime général résidant ou nés à l'étranger au 31 décembre 2021, 3 mars 2022.

* 561 Article L. 161-24 du code de la sécurité sociale.

* 562 Article L. 161-24-3 du code de la sécurité sociale.

* 563 Article D. 161-2-27 du code de la sécurité sociale.

* 564 Ce délai n'étant pas réglementaire, les caisses de retraite peuvent décider, dans le cadre du GIP, de le modifier.

* 565 Articles L. 161-24-2 et D. 161-2-27 du code de la sécurité sociale.

* 566 Article D. 161-2-28 du code de la sécurité sociale.

* 567 Au Canada ou en Argentine, par exemple.

* 568 En Chine ou en Arabie saoudite, par exemple.

* 569 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, article 104.

* 570 Article L. 161-24-1 du code de la sécurité sociale.

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