Rapport n° 155 (2022-2023) de M. Martin LÉVRIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 30 novembre 2022

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N° 155

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 novembre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi, adoptée
par l'Assemblée nationale, visant à
lutter contre la fraude au compte personnel
de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires ,

Par M. Martin LÉVRIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, MM. Abdallah Hassani, Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

212 , 278 et T.A. 19

Sénat :

32 et 156 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi vise à mettre fin au démarchage abusif des titulaires de compte personnel de formation (CPF) et à renforcer l'arsenal législatif de lutte contre la fraude.

Sans préjudice des mesures de régulation du CPF qui devront être prises par ailleurs, la commission a approuvé les dispositifs proposés, qui permettront rendre plus efficaces les efforts déployés pour lutter contre les abus.

I. LA FRAUDE ET LE DÉMARCHAGE ABUSIF, FACE SOMBRE DU SUCCÈS DU CPF

A. RÉNOVÉ EN 2018, LE CPF DÉMOCRATISE L'ACCÈS À LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé le compte personnel de formation (CPF), créé en 2014, avec pour objectif de faciliter l'accès de chaque actif à la formation professionnelle, en prévoyant notamment :

- la monétisation du CPF : le système d'acquisition et de mobilisation des droits en heures a été remplacé par un système en euros dans un objectif d'accessibilité et de lisibilité renforcées ;

- la désintermédiation du dispositif les actifs peuvent directement choisir et payer leur formation via un service dématérialisé, Mon Compte Formation , lancé en novembre 2019 ;

- un financement et une gestion uniques par la Caisse des dépôts et consignations , elle-même bénéficiant d'une dotation financière de France compétences à ce titre.

La réforme a connu un indéniable succès quantitatif : environ 2 100 000 dossiers de formation ont été financés en 2021 par le CPF, contre près d'un million en 2020 et 500 000 en 2019, soit un doublement chaque année. Grâce à un mode d'alimentation favorable aux temps partiels, elle a également permis un rééquilibrage du recours au CPF entre les hommes et les femmes. L'ouverture du dispositif a ouvert la voie à un démarchage agressif et à des pratiques frauduleuses.

Avec 19 millions de profils activés sur Mon Compte Formation , cette réforme a aussi ouvert une brèche dans laquelle divers acteurs, allant d'organismes de formation peu scrupuleux à des spécialistes de la fraude, se sont engouffrés.

La fraude au CPF prend de multiples formes , parmi lesquelles des pratiques commerciales agressives visant à pousser les titulaires d'un compte à acheter une formation contre leur gré ; des irrégularités à l'éligibilité des formations au CPF ou à l'habilitation de l'organisme de formation à dispenser la formation proposée ; ou encore de fausses entrées en formation validées sur la plateforme Mon Compte Formation à la suite d'une usurpation d'identité voire, dans certains cas, d'une collusion entre le titulaire du CPF et le prétendu organisme de formation.

La Caisse des dépôts et consignations évalue entre 40 millions et 60 millions d'euros le préjudice financier lié à ces pratiques, à rapporter aux dépenses totales occasionnées par le dispositif (2,85 milliards d'euros en 2021).

Toutefois, au-delà de leur impact financier, ces pratiques nuisent à l'image du dispositif et, plus généralement, à celle de l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle, brouillant ainsi le message des pouvoirs publics en faveur du développement des compétences.

II. UNE ACTION RÉSOLUE CONTRE LES ABUS MAIS UN ARSENAL LÉGISLATIF À COMPLÉTER

A. LA MOBILISATION DE L'ÉTAT ET DE LA CAISSE DES DÉPÔTS CONTRE LA FRAUDE COMMENCE À PORTER SES FRUITS

Dès octobre 2019, les services de l'État et la Caisse des dépôts et consignations ont défini une stratégie commune en matière de lutte contre la fraude. Leurs efforts se sont amplifiés depuis 2021 en raison de l'aggravation du phénomène.

L'action de la Caisse des dépôts se déploie principalement sur deux axes :

- le traitement des signalements : via un formulaire lancé en septembre 2021 sur Mon Compte Formation , la Caisse a reçu, depuis le 1 er janvier 2022, 50 000 signalements qui ont conduit à la restitution de 620 314 euros de droits CPF à 535 titulaires de compte ;

- le contrôle du service fait : la Caisse peut demander à l'organisme de formation toutes pièces justifiant la réalisation de la formation, l'accompagnement du stagiaire ou la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la réalisation de la formation. Elle a ainsi repéré 350 organismes de formation présentant un nombre significatif de contrôles non concluants.

Les alertes identifiées par la Caisse des dépôts, que ce soit à la suite d'un signalement ou à l'occasion d'un contrôle du service fait, donnent lieu à une procédure contradictoire. Les sanctions, appliquées selon une grille graduée, sont débattues au sein d'une commission d'arbitrage. Au total, en 2021, 153 organismes de formation ont été déréférencés de la plateforme Mon Compte Formation , 945 ont vu une partie de leurs actions de formation être déréférencées et 130 ont fait l'objet d'une suspension de paiements pour un montant total de 31,2 millions d'euros.

Les conditions générales d'utilisation (CGU) de la plateforme ont été modifiées à plusieurs reprises afin de prévenir la fraude et de compléter l'arsenal de la Caisse des dépôts : ainsi, en juin 2021, a été instauré un délai obligatoire de 11 jours ouvrés entre la date d'envoi d'une proposition de commande par un organisme de formation et le début de la formation correspondante ; en octobre 2022, a été mis en place un contrôle des organismes de formation en amont de leur référencement sur la plateforme.

Depuis le 25 octobre dernier, afin de prévenir les usurpations d'identité et les utilisations frauduleuses de compte, l'accès des utilisateurs à la plateforme a été sécurisé par la mise en place de la solution FranceConnect+ , qui nécessite de disposer d'une identité numérique La Poste. Si elle est efficace, cette solution qui alourdit le processus de connexion comporte des effets de bord non négligeables. Depuis un mois, une baisse de 30 % à 35 % du volume de dossiers a été constatée. Si le libre accès à la plateforme doit continuer à être garanti, il convient d'interpréter cette donnée avec prudence car elle résulte de l'effet combiné de plusieurs mesures de régulation.

B. DES OBSTACLES LÉGISLATIFS DEMEURENT

Les décisions de la Caisse des dépôts impliquant des sommes à rembourser par les organismes de formation ne permettent pas d'obtenir l'exécution forcée des créances. La Caisse doit saisir le tribunal administratif afin d'obtenir un titre exécutoire, ce qui permet aux organismes concernés de gagner du temps, voire d'organiser l'évasion des fonds.

De plus, si les échanges d'informations entre les services de l'État, France compétences et la Caisse des dépôts et consignations permettent d'identifier les fraudeurs, la Caisse des dépôts ne peut, en l'absence de fondement légal, les invoquer devant le tribunal administratif ni les utiliser pour motiver des sanctions.

III. FACE AUX EXCÈS DU DÉMARCHAGE, POSER UN INTERDIT CLAIR

A. L'ENCADREMENT DU DÉMARCHAGE TÉLÉPHONIQUE NE S'AVÈRE PAS SUFFISAMMENT DISSUASIF

En matière de démarchage téléphonique , la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a mis en place un régime d'opposition à travers la possibilité de s'inscrire gratuitement à la liste Bloctel . Ce régime a été renforcé par la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique qui a rendu obligatoire la consultation par les centres d'appel de la liste d'opposition et alourdi les sanctions applicables.

Pour les courriers électroniques et les SMS, un régime de consentement préalable et explicite opt-in ») s'applique : la prospection directe d'une personne physique par ces moyens de communication est interdite si cette dernière n'a pas préalablement accepté d'être sollicitée.

Ces dispositifs n'ont pas empêché la prolifération de pratiques agressives de démarchage, notamment téléphonique, relatif au CPF.

B. LA PROPOSITION DE LOI INTRODUIT UN PRINCIPE D'INTERDICTION DU DÉMARCHAGE RELATIF AU CPF

L'article 1 er de la proposition de loi tend à interdire la prospection commerciale - par téléphone, SMS, courriel ou sur les réseaux sociaux - des titulaires d'un CPF visant à collecter leurs données à caractère personnel ou à conclure des contrats portant sur des actions de formation, sauf si la sollicitation intervient dans le cadre d'une action de formation en cours et présentant un lien direct avec son objet. Afin de contrôler le respect de ces dispositions, il habilite les agents de la DGCCRF à rechercher et à constater ces infractions et prévoit des sanctions administratives.

Cette mesure stricte n'empêchera pas les organismes de formation de communiquer mais permettra de faire cesser le démarchage abusif en clarifiant les règles applicables.

IV. RENFORCER LES MOYENS D'ACTION DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS FACE À LA FRAUDE

A. DONNER UNE BASE LÉGALE AUX ÉCHANGES D'INFORMATIONS ENTRE LES ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE

L'article 2 prévoit que la Caisse des dépôts et consignations, France compétences, les services de l'État compétents, mais aussi les organismes financeurs, les organismes délivrant la certification Qualiopi et les ministères et organismes délivrant des certifications professionnelles peuvent échanger tous documents et informations détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et utiles à leur accomplissement. Il autorise également la cellule nationale de renseignement financier TRACFIN à transmettre des informations à la Caisse des dépôts et consignations ainsi qu'à l'Agence de services et de paiement (ASP). Ces échanges d'informations permettront de faire gagner un temps précieux à la Caisse des dépôts pour l'accomplissement de sa mission de lutte contre la fraude.

B. RENFORCER LES POUVOIRS DE RECOUVREMENT DES INDUS DE LA CAISSE DES DÉPÔTS

L'article 2 bis , inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, donne à la Caisse des dépôts et consignations les moyens de mettre en oeuvre un recouvrement forcé des sommes indûment versées à un organisme de formation . À cet effet, le directeur général de la Caisse des dépôts pourra délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du prestataire devant la juridiction compétente, comportera tous les effets d'un jugement. En outre, lorsqu'elle constatera la mobilisation par le titulaire d'un CPF de droits indus ou une utilisation contraire à la réglementation, la Caisse des dépôts pourra procéder au recouvrement de l'indu par retenue sur les droits inscrits ou sur les droits futurs du titulaire .

Comme le prévoit l'article 2, la Caisse pourra recevoir de l'administration fiscale communication de tous documents ou renseignements nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues ainsi qu'à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées au titre du CPF.

C. PERMETTRE UN CONTRÔLE PRÉALABLE AU RÉFÉRENCEMENT SUR LA PLATEFORME

L'article 3 , qui tend à inscrire dans la loi les conditions du référencement sur Mon Compte Formation , vise à fonder le refus par la Caisse des dépôts de référencer un organisme de formation qui ne remplirait pas ces conditions. Il serait notamment vérifié que l'organisme propose des formations éligibles à un financement CPF, dispose de la certification qualité Qualiopi , respecte les prescriptions de la législation fiscale et de sécurité sociale et satisfait aux CGU. La Caisse pourrait procéder à la même vérification pour les organismes de formation déjà référencés sur la plateforme avant la publication de la loi. Afin d'assurer l'opérationnalité de la mesure, des échanges de données pourraient être organisés entre la Caisse des dépôts et consignations, les Urssaf et l'administration fiscale.

Afin de mettre fin à certaines dérives de nature à tromper les titulaires de CPF, l'article 4 vise à encadrer le recours à des sous-traitants en soumettant ces derniers aux mêmes obligations que les donneurs d'ordre. Cette mesure, appliquée indistinctement à tous les sous-traitants, notamment les indépendants, pourrait mettre en péril une partie du secteur. Le décret d'application devra bien préciser la portée de ces obligations selon le degré d'implication des sous-traitants dans l'exécution des actions de formation.

Réunie le mercredi 30 novembre 2022 sous la présidence de Chantal Deseyne, vice-président, la commission des affaires sociales a, sur le rapport de Martin Lévrier, adopté sans modification la proposition de loi .

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Interdiction de la prospection commerciale des titulaires
d'un compte personnel de formation

Cet article tend à interdire tout démarchage, par téléphone, SMS, courriel ou sur les réseaux sociaux, des titulaires de CPF en vue de collecter des données personnelles ou de conclure des contrats portant sur des actions de formation.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé : une prohibition de la prospection commerciale relative au CPF

A. Un cadre juridique insuffisant pour réguler le démarchage lié au CPF

1. L'encadrement actuel de la prospection commerciale

a) Le régime d'opposition au démarchage téléphonique

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation 1 ( * ) a prévu la création de la liste d'opposition au démarchage téléphonique Bloctel . Les consommateurs qui s'inscrivent gratuitement sur cette liste ne doivent plus recevoir d'appels commerciaux des entreprises avec lesquelles ils ne sont pas liés par contrat. Si une entreprise ne respecte pas cette liste d'opposition, le consommateur inscrit sur la liste peut faire un signalement via son compte Bloctel.

La loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique 2 ( * ) a renforcé ce régime en imposant au professionnel qui contacte un consommateur par téléphone de lui indiquer qu'il peut s'inscrire gratuitement sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique. Avant toute opération de démarchage téléphonique, et au moins une fois par mois si elle exerce à titre habituel une activité de démarchage, l'entreprise doit s'assurer auprès du service Bloctel que les consommateurs qu'il entend prospecter ne sont pas inscrits sur la liste d'opposition. La loi a alourdi les sanctions administratives en cas d'abus ou d'utilisation d'un numéro masqué en les portant à un maximum de 75 000 euros pour les personnes physiques et 375 000 euros pour les personnes morales.

Depuis le 1 er janvier 2022, les particuliers peuvent bénéficier de la reconduction tacite, par période de trois ans, de leur inscription à la liste Bloctel 3 ( * ) .

À compter du 1 er mars 2023, le démarchage téléphonique des consommateurs sera autorisé uniquement sur certaines plages horaires : du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures. Il sera, en revanche, interdit le samedi, le dimanche et les jours fériés 4 ( * ) .

Enfin, en application de la loi « Chaize » du 15 novembre 2021 5 ( * ) , l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a décidé d'interdire l'usage des numéros « géographiques » (commençant par les indicatifs « 01 » à « 05 ») aux systèmes automatisés de démarchage téléphonique, les numéros en « 09 » pouvant toujours être utilisés par les plateformes.

b) Les règles particulières applicables à certains secteurs

• La loi du 24 juillet 2020 a prévu que la faculté pour l'abonné de s'inscrire gratuitement sur Bloctel doit figurer parmi les mentions obligatoires des contrats des fournisseurs de services de communications électroniques .

• La même loi a interdit tout démarchage téléphonique ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables , à l'exception des sollicitations intervenant dans le cadre de l'exécution d'un contrat en cours 6 ( * ) .

En matière d'assurances , la loi du 8 avril 2021 a fixé plusieurs limites au démarchage téléphonique 7 ( * ) :

- l'accord du consommateur doit être demandé au début de l'appel pour pouvoir poursuivre l'échange téléphonique ;

- l'échange téléphonique doit être arrêté si le consommateur indique, au cours de la communication, qu'il n'est pas intéressé par la proposition commerciale ;

- la conclusion d'un contrat ne peut intervenir au cours d'un appel téléphonique et un délai de 24 heures doit être observé entre un accord donné par téléphone et la signature du contrat 8 ( * ) .

c) Le régime d'autorisation en matière de démarchage par voie électronique

Pour les courriers électroniques et les SMS, un régime d' opt-in s'applique : la prospection directe d'une personne physique par ces moyens de communication est interdite si cette dernière n'a pas exprimé préalablement son consentement 9 ( * ) .

Les manquements sont sanctionnés par une amende administrative d'un montant maximum de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.

En cas de réception de SMS indésirables, les consommateurs peuvent les signaler grâce au dispositif « 33700 ». Ces signalements sont transmis à l'opérateur de l'émetteur des SMS ainsi qu'à celui du consommateur.

2. Une explosion du démarchage lié au CPF en lien avec la fraude

La réforme du compte personnel de formation (CPF) de septembre 2018, qui a notamment prévu la monétisation et la désintermédiation du dispositif, et le lancement en novembre 2019 de la plateforme Mon Compte Formation , connaît un succès quantitatif : environ 2 100 000 dossiers de formation ont été financés en 2021 par le CPF , contre près d'un million en 2020 et 500 000 en 2019 10 ( * ) , pour un prix moyen de 1 358 euros.

La rénovation du compte personnel de formation

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel 11 ( * ) a réformé le CPF , créé en 2014 , avec pour « objectif fondamental de créer une liberté de formation pour chaque actif, par un compte personnel de formation facile d'accès, financé, opérationnel et ouvert sur des formations de qualité » 12 ( * ) .

Les principales modifications apportées au dispositif par l'article 1 er de la loi de 2018 concernent :

- la monétisation du CPF : le système d'acquisition et de mobilisation des droits en heures a été remplacé par un système en euros dans un objectif d'accessibilité et de lisibilité renforcées pour le titulaire ;

- la simplification de l'éligibilité des formations : le système, jugé complexe et inéquitable, de listes de formations éligibles au CPF a été supprimé. Sont désormais éligibles de plein droit les actions de formation sanctionnées par les diplômes et titres à finalité professionnelle enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), au répertoire spécifique (RS) ou permettant d'obtenir un bloc de compétences de certifications professionnelles ;

- la désintermédiation du CPF : les actifs peuvent directement choisir et payer leur formation via une application numérique, Mon Compte Formation ;

- l'élargissement des personnes et organismes pouvant apporter des abondements au CPF à toutes les collectivités territoriales ainsi qu'à l'Unédic, de même qu'aux nouveaux opérateurs de compétences (OPCO) ;

- un financement et une gestion uniques par la Caisse des dépôts et consignations, elle-même bénéficiant d'une dotation financière de France compétences à ce titre.

Cette réforme a aussi ouvert une brèche dans laquelle divers acteurs, allant d'organismes de formation peu scrupuleux à des spécialistes de la fraude, se sont engouffrés, entraînant une recrudescence de sollicitations par téléphone ou par voie électronique.

La plateforme SignalConso , lancée en février 2020 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), permet de remonter les anomalies rencontrées par les consommateurs dans leurs relations avec un professionnel. Selon la DGCCRF, les signalements liés au démarchage sur le CPF ont fortement augmenté entre fin 2021 et début 2022 . Entre le lancement de la plateforme Mon Compte Formation et le 31 janvier 2022, 10 725 plaintes relatives au CPF avaient été recueillies sur SignalConso , le seul mois de janvier 2022 représentant plus de la moitié de ces plaintes. Leur nombre a ensuite diminué tout en restant élevé, les signalements d'appels téléphoniques sur les plateformes SignalConso et Bloctel passant de 6 494 en mars 2022 à 2 529 en octobre 2022. Elles sont passées de 40 697 en mai 2022 à 25 811 en octobre pour les SMS signalés sur SignalConso et le « 33700 ».

La Caisse des dépôts et consignations a également déployé en septembre 2021 un formulaire permettant aux titulaires d'un CPF de signaler des agissements d'organismes de formation dont ils auraient été les victimes et qui sont de nature à constituer des manquements aux conditions générales d'utilisation (CGU) de Mon Compte Formation . L'analyse des données issues des signalements de 2021 permet de constater que le téléphone est effectivement le principal vecteur de prise de contact entre l'organisme de formation et le titulaire de compte . Des informations personnelles (numéro de sécurité sociale, identifiants de compte) ont été fournies par le titulaire dans les deux tiers des cas. 59 % des victimes déclarent s'être inscrites à la formation proposée, ce qui démontre l'efficacité du démarchage. La vente forcée apparaît comme l'abus le plus fréquemment signalé 13 ( * ) .

Les alertes identifiées par la Caisse des dépôts, que ce soit à l'occasion d'un contrôle ou à la suite d'un signalement, donnent lieu à une procédure contradictoire au cours de laquelle l'organisme de formation est appelé à apporter ses observations. Les sanctions, appliquées selon une grille graduée, sont débattues au sein d'une commission d'arbitrage réunie à un rythme hebdomadaire. En matière de démarchage, 100 % des procédures contradictoires ouvertes ont conduit à des déréférencements de la plateforme Mon Compte Formation allant de 3 à 6 mois 14 ( * ) .

En novembre 2021, la Caisse des dépôts a transmis à la DGCCRF un fichier de 271 organismes de formation repérés pour « démarchage agressif »Près de 10 % de ces organismes cumulaient plus de 10 signalements.

B. La proposition d'interdire le démarchage des titulaires d'un CPF

Le II de l'article 1 er crée un nouvel article L. 6323-8-1 du code du travail afin d' interdire la prospection commerciale - par téléphone, SMS ou courriel - des titulaires d'un CPF 15 ( * ) visant à :

- collecter leurs données à caractère personnel , notamment le montant des droits inscrits sur leur CPF et leurs données d'identification permettant d'accéder au service Mon Compte Formation ;

- conclure des contrats portant sur des actions de formation , sauf s'il s'agit d'une sollicitation intervenant dans le cadre d'une action de formation en cours et présentant un lien direct avec son objet.

Le 1° du I précise par ailleurs, à l'article L. 223-1 du code de la consommation, que toute prospection commerciale de consommateurs par des professionnels, par voie téléphonique, ayant pour objet la vente d'actions de formations financées dans le cadre du CPF est interdite.

Afin de contrôler le respect de ces dispositions, le 2° du I habilite les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à rechercher et à constater ces infractions.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. Les modifications adoptées en commission

En commission, deux amendements identiques de MM. Thomas Mesnier (Horizons) et Sylvain Maillard (MoDem) ont étendu l'interdiction du démarchage aux réseaux sociaux en ligne .

En outre, un amendement du rapporteur Bruno Fuchs a supprimé l'insertion, à l'article L. 223-1 du code de la consommation, de l'interdiction du démarchage téléphonique sur le CPF. Il a précisé que les infractions à l'interdiction de la prospection commerciale prévue dans le nouvel article L. 6323-8-14 du code du travail seraient passibles d'une amende administrative d'un montant maximal de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. L'amende serait prononcée par l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation suivant la procédure prévue au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation.

La commission a enfin adopté quatre amendements rédactionnels du rapporteur.

B. Les modifications adoptées en séance

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission : un régime d'interdiction approprié à la philosophie du dispositif

Le démarchage intempestif des titulaires de CPF est devenu une nuisance pour de très nombreux citoyens, une partie d'entre eux ayant été victimes de véritables escroqueries à la suite d'une sollicitation téléphonique.

Au-delà de la fraude proprement dite, qui entraîne un préjudice financier somme toute limitée au regard de la croissance du CPF, ces pratiques nuisent à l'image du dispositif et, plus généralement, à celle de l'ensemble de l'écosystème de la formation professionnelle, brouillant ainsi le message des pouvoirs publics en faveur du développement des compétences.

Le rapporteur est donc favorable à une mesure d'interdiction stricte du démarchage en dehors d'un contrat en cours, qui n'empêchera pas les organismes de formation de communiquer mais permettra aux actifs de prendre des décisions réfléchies sur l'utilisation de leur CPF et le choix de leur avenir professionnel. En rendant illicite l'objet même des contrats des organismes de formation avec des centres d'appel, cette mesure clarifiera le régime applicable à la prospection commerciale dans ce secteur.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2
Sécurisation des échanges d'informations entre les autorités concernées par la lutte contre la fraude au compte personnel de formation

Cet article vise à donner une base légale aux échanges de documents et d'informations, détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives, entre les acteurs de la lutte contre la fraude au compte personnel de formation (CPF).

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé : inscrire les échanges d'informations entre services dans un cadre commun

A. Des échanges déjà pratiqués entre les acteurs de la lutte contre la fraude

1. Le développement de partenariats contre la fraude

Afin de lutter contre la fraude au compte personnel de formation (CPF) et les pratiques commerciales illicites, des échanges d'informations entre la Caisse des dépôts et consignations, les services de l'État, France compétences et les autres acteurs concernés se sont développés dès le lancement du service Mon Compte Formation .

Les mécanismes de la fraude au CPF 16 ( * )

Selon la Caisse des dépôts et consignations, quatre mécanismes principaux de fraude au CPF ont été identifiés en 2021 :

- la fraude reposant sur une entente illicite entre le titulaire du compte et l'organisme de formation afin de permettre au titulaire d'obtenir un montant de droits plus importants et de le mobiliser dans le cadre de formations proposées par l'organisme ;

- la fraude consistant à faire financer par le CPF des formations réelles mais non éligibles à des financements publics ;

- la fraude impliquant l'organisation de formations fictives, soit en ayant recours à l'usurpation de comptes, soit par le biais de rétro-commissions au bénéfice du titulaire du CPF ;

- la fraude impliquant l'usurpation d'identité d'une personne publique (Caisse des dépôts, ministère du travail, préfecture...) par l'usage de son nom, de son logo ou de sa marque.

a) La définition d'une stratégie commune entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations

Des travaux partenariaux engagés en octobre 2019 ont permis de rédiger un protocole de coopération tripartite entre la Caisse des dépôts, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Celui-ci a défini les actions communes à mener en matière de contrôle, de communication, de formation et de veille juridique et mis en place une instance de suivi pérenne permettant un dialogue continu entre ces acteurs.

Par ailleurs, un comité de pilotage interministériel de lutte contre la fraude a été institué par les ministres du travail et des finances. Dans ce cadre, la Caisse des dépôts s'est rapprochée de la Mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF) , créée en 2020.

Enfin, des rapprochements entre la Caisse des dépôts et la cellule nationale de renseignement financier TRACFIN ont été opérés en vue de renforcer les contrôles : en 2021, la Caisse a ainsi répondu à 84 saisines TRACFIN.

b) Les échanges avec les services déconcentrés en charge du contrôle de la formation professionnelle

Au niveau déconcentré, les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) sont dotées d'unités chargées du contrôle de la réalisation des actions de formation .

En application de l'article R. 6333-6 du code du travail, la Caisse des dépôts et consignations effectue auprès de ces services tout signalement utile et étayé des manquements qu'elle constate. À la demande des agents de contrôle des Dreets, la Caisse leur communique les renseignements nécessaires à l'accomplissement de leur mission 17 ( * ) . En sens contraire, lorsque les contrôles ont porté sur des actions financées par le CPF, la Dreets informe la Caisse des dépôts des constats opérés 18 ( * ) .

c) La collaboration avec France compétences en matière de régulation du catalogue

La surveillance du catalogue des offres de formation proposées par les organismes de formation sur la plateforme est un axe important de l'action de la Caisse des dépôts.

Établissement public chargé de la régulation de la formation professionnelle, France compétences transmet à la Caisse des dépôts et consignations des alertes concernant les organismes de formation partenaires de certificateurs habilités au répertoire spécifique qui ne respectent pas le cadre réglementaire. Sur cette base, la Caisse des dépôts peut diligenter des contrôles auprès de ces organismes de formation.

d) Les échanges entre la Caisse des dépôts et les organismes financeurs

La Caisse des dépôts et consignations a ouvert en janvier 2021 le service des abondements automatisés de la plateforme Mon Compte Formation . Lorsqu'un usager veut acheter une formation sur Mon Compte Formation et que le solde de son CPF est insuffisant, il peut ainsi se voir proposer automatiquement, par l'application mobile ou le site internet, les compléments de financement disponibles en fonction de sa formation et de son profil. À cette fin, la Caisse des dépôts a conclu des conventions avec plusieurs co-financeurs : État, régions et opérateurs de compétences (OPCO). Dans ce cadre, des échanges réguliers ont lieu entre la Caisse et ces financeurs afin de lutter contre la fraude.

Selon les informations transmises par la DGEFP, 42 993 dossiers avaient été validés, fin septembre 2022, avec des règles d'abondement définies conventionnellement propres à chaque financeur, soit un engagement total de 57,8 millions d'euros. Au sein de cet ensemble, 4 600 dossiers de formation, soit 11 % des dossiers , représentant un montant de 6,03 millions d'euros, sont considérés comme potentiellement frauduleux et ont été bloqués en paiement.

2. Des obstacles juridiques à une utilisation efficace des informations transmises

Les échanges d'informations qui se sont développés entre la Caisse des dépôts et consignations et les autres acteurs concernés par la fraude au CPF sont indispensables. Toutefois, en l'état actuel du droit, la Caisse des dépôts ne peut pas pleinement les utiliser .

Si les échanges inter-services permettent d'identifier des fraudeurs, la Caisse des dépôts ne peut pas les invoquer devant le tribunal administratif en l'absence de fondement légal. En outre, les informations collectées par TRACFIN dans le cadre d'enquêtes en cours peuvent être protégées par le secret professionnel.

Une intervention législative apparaît donc nécessaire afin d'inscrire ces échanges d'informations dans un cadre commun.

B. La proposition de donner une base légale aux échanges d'information

Dans sa rédaction initiale, l'article 2 de la proposition de loi prévoit que la Caisse des dépôts et consignations, France compétences, les services de l'État chargés de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et ceux chargés des contrôles de la formation professionnelle peuvent échanger, spontanément ou sur demande, tous documents et informations détenus ou recueillis dans le cadre leurs missions respectives et utiles à leur accomplissement ( I ).

En outre, le II autorise TRACFIN à transmettre des informations à la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre de ses missions de lutte contre la fraude.

Il autorise également la transmission d'informations de TRACFIN à l'Agence de services et de paiement (ASP), chargée de verser les aides aux employeurs qui recrutent en apprentissage 19 ( * ) .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

A. Les modifications adoptées en commission

Deux amendements rédactionnels du rapporteur Bruno Fuchs ont été adoptés par la commission.

B. Les modifications adoptées en séance

En séance publique, deux amendements de M. Christophe Naegelen (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) et de Mme Maud Petit (MoDem), sous-amendés par le rapporteur, ont étendu le champ des acteurs concernés par les échanges d'informations utiles à la lutte contre la fraude afin d'y intégrer les organismes financeurs, les organismes et instances délivrant la certification Qualiopi ainsi que les ministères et organismes délivrant des certifications professionnelles ( I ). Ils ont également introduit un III tendant à autoriser des échanges réciproques de renseignements et de documents entre les agents de la Caisse des dépôts et consignations et les agents de contrôle chargé de la lutte contre le travail illégal.

Deux autres amendements identiques de M. Christophe Naegelen et Mme Maud Petit ont ajouté un IV permettant aux agents de la Caisse des dépôts et consignations d'obtenir de l'administration fiscale les informations contenues dans le fichier des comptes bancaires (Ficoba). En outre, ces amendements tendent à permettre à la Caisse des dépôts de recevoir de l'administration fiscale , spontanément ou sur demande, communication de tous documents ou renseignements nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues ainsi qu'à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées au titre du CPF.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission : un arsenal juridique qui permettra d'accélérer la lutte contre la fraude

Faciliter les échanges d'informations entre les autorités participant à la lutte contre la fraude peut permettre de prendre de vitesse les fraudeurs. Le rapporteur est donc favorable à l'ensemble des dispositions de cet article.

Les échanges entre la Caisse des dépôts et les agents de contrôle compétents en matière de travail illégal permettront non seulement à la première de déréférencer des organismes qui ne respectent pas leurs obligations sociales 20 ( * ) , mais aussi aux seconds de bénéficier d'informations utiles à leur mission en cas de détection par la Caisse d'acquisitions frauduleuses de droits CPF.

Quant à l'ouverture à la Caisse des dépôts de l'accès au Ficoba et aux données de l'administration fiscale, elle lui permettra de tracer la destination des fonds qui ont été versés à un organisme de formation en cas de fraude avérée. Elle lui sera également utile en vue d'exercer ses prérogatives, prévue à l'article 2 bi s de la proposition de loi, de recouvrement forcé des sommes indument versées.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 bis
Renforcement des pouvoirs de recouvrement des indus de
la Caisse des dépôts et consignations

Cet article donne à la Caisse des dépôts et consignations des pouvoirs de recouvrement forcé des sommes indûment versées à un organisme de formation et de recouvrement de l'indu par retenu sur les droits inscrits sur le CPF.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé : un renforcement des pouvoirs de recouvrement de la Caisse des dépôts et consignations

A. Les limites actuelles des pouvoirs de contrainte de la Caisse des dépôts

En l'état actuel du droit, lorsque la Caisse des dépôts et consignations prend une décision impliquant le remboursement par un organisme de formation de sommes indûment versées au titre du compte personnel de formation (CPF), elle ne dispose pas des moyens d'obtenir l'exécution forcée de la créance. Elle peut alors faire face à des organismes de formation qui opposent le silence à ses demandes.

La Caisse doit alors saisir la juridiction administrative afin d'obtenir un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution. Or, le délai moyen de jugement devant le tribunal administratif est compris entre sept mois et deux ans. Ce délai peut laisser le temps à un fraudeur d'organiser l'évasion des fonds.

B. La proposition de permettre une exécution forcée par la Caisse

L'article 2 bis , inséré en séance publique à l'initiative du Gouvernement, donne à la Caisse des dépôts et consignations les moyens de mettre en oeuvre un recouvrement forcé des sommes indûment versées à un organisme de formation, sans avoir à saisir la juridiction administrative. À cet effet, le directeur général de la Caisse des dépôts pourrait délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du prestataire devant la juridiction compétente, comporterait tous les effets d'un jugement.

Le code du travail donne déjà une semblable prérogative au directeur général de Pôle emploi pour le recouvrement des allocations, aides et prestations indûment versées 21 ( * ) .

En outre, lorsqu'elle constaterait la mobilisation par le titulaire d'un CPF de droits indus ou une utilisation contraire à la réglementation, la Caisse des dépôts pourrait procéder au recouvrement de l'indu par retenue sur les droits inscrits ou sur les droits futurs du titulaire.

II - La position de la commission : une source d'efficacité et d'économies

Au vu de l'ampleur prise par la fraude au CPF, il paraît nécessaire de donner à la Caisse des dépôts et consignations les moyens de recouvrer effectivement les sommes indûment perçues par certains organismes de formation. À cet effet, elle pourra recevoir de l'administration fiscale communication de tous documents ou renseignements nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues ainsi qu'à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées au titre du CPF, comme le prévoit l'article 2 de la proposition de loi.

Il s'agit non seulement d'une source d'efficacité mais aussi d'une mesure d'économie : la conduite de procédures contentieuses engendre systématiquement des dépenses pour le fonds dédié au financement du CPF. Elle contribuera donc à la sécurisation des fonds publics dont la gestion est confiée à la Caisse des dépôts et consignations.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3
Référencement des organismes de formation sur le service
Mon Compte Formation

Cet article vise à encadrer la procédure de référencement par la Caisse des dépôts et consignations des organismes de formation sur le service dématérialisé Mon Compte Formation .

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé : renforcer les conditions du référencement des organismes de formation

A. Une procédure de référencement définie par les conditions générales d'utilisation

1. Le fonctionnement de Mon Compte Formation

L'article L. 6323-8 du code du travail prévoit que chaque titulaire d'un compte personnel de formation (CPF) a connaissance du montant des droits inscrits sur son compte et des abondements dont il peut bénéficier en accédant à un service dématérialisé gratuit . Ce service donne également les informations sur les formations éligibles et assure la prise en charge des actions de formation, de l'inscription du titulaire du compte aux formations jusqu'au paiement des prestataires.

Lancé en novembre 2019, le service Mon Compte Formation est géré, comme le prévoit la loi 22 ( * ) , par la Caisse des dépôts et consignations. Celle-ci établit ses conditions générales d'utilisation (CGU), qui précisent les engagements souscrits par les titulaires de CPF et les organismes de formation dans leur utilisation de la plateforme, et en contrôle le respect.

19 millions de comptes activés sont ainsi gérés et alimentés chaque année par la Caisse des dépôts via ce service.

Le site internet et l'application mobile ont été conçus dans un souci d'optimisation du parcours utilisateur, à la manière d'une plateforme d'achat grand public. Depuis fin février 2021, l'évaluation des formations réalisées sur Mon Compte Formation par les usagers depuis l'ouverture du service est rendue publique sur la plateforme.

Environ 420 000 formations , proposées par plus de 21 000 organismes , figuraient fin 2021 au catalogue des formations finançables via le CPF 23 ( * ) .

2. Les conditions du référencement sur Mon Compte Formation

Les CGU de Mon Compte Formation ont été modifiées en octobre 2022 afin d'instaurer un contrôle des organismes de formation en amont de leur référencement sur la plateforme en vue de limiter la fraude et les pratiques commerciales déloyales ou illicites.

Elles prévoient que, lorsqu'ils proposent une formation sur la plateforme, les organismes de formation référencés doivent attester qu'ils remplissent les conditions suivantes :

- détenir un numéro de déclaration d'activité attribué par les pouvoirs publics ;

- être à jour de leurs obligations légales (transmission à l'autorité administrative du bilan pédagogique et financier, respect des obligations comptables) ;

- disposer des autorisations nécessaires du porteur de la certification lorsqu'ils proposent une action menant à une certification enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et au répertoire spécifique (RS) ;

- à compter du 1 er janvier 2022, être certifié Qualiopi 24 ( * ) .

Les organismes de formation s'engagent en outre à ne pas mettre en oeuvre de pratiques commerciales interdites.

Les CGU précisent qu'une procédure de vérification est mise en oeuvre par la Caisse des dépôts et consignations préalablement au référencement et pendant toute sa durée. À ce titre, la Caisse peut notamment effectuer des contrôles automatisés du numéro de déclaration d'activité, effectuer auprès des administrations compétentes toutes diligences nécessaires pour s'assurer que l'organisme de formation est à jour de ses obligations légales et procéder à une vérification de la certification Qualiopi de l'organisme.

B. L'inscription dans la loi de la procédure de référencement

Introduit en commission à l'Assemblée nationale par deux amendements identiques de MM. Thomas Mesnier (Horizons) et Sylvain Maillard (Renaissance), sous-amendés par le rapporteur Bruno Fuchs, l'article 3 tend à inscrire dans un nouvel article L. 6323-9-1 du code du travail les conditions du référencement d'un organisme de formation sur le service dématérialisé.

Pour être référencé à sa demande par la Caisse des dépôts et consignations, un prestataire devra respecter les conditions suivantes :

- être enregistré en tant qu'organisme de formation et justifier du respect des obligations applicables à tous les organismes de formation : l'organisme doit justifier des titres et qualités des formateurs 25 ( * ) ; il doit adresser chaque année à l'autorité administrative un document retraçant l'emploi des sommes reçues et dressant un bilan pédagogique et financier de son activité 26 ( * ) ; son directeur ne doit pas avoir été condamné pour des faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs et à l'honneur 27 ( * ) ;

- satisfaire aux conditions d'exercice dans le cadre du portail Mon compte formation : éligibilité des actions de formation au CPF, détention des autorisations et certifications nécessaires, dont la certification Qualiopi , ainsi que des habilitations délivrées par les ministères et organismes certificateurs ;

- respecter les prescriptions de la législation fiscale et de sécurité sociale : pour contrôler ce critère, des traitements automatisés de données pourraient être organisés entre la Caisse des dépôts et consignations, les Urssaf et l'administration fiscale ;

- avoir produit toutes les pièces justificatives requises ;

- satisfaire aux CGU du service dématérialisé.

Est concernée toute personne qui réalise des actions de formation, des bilans de compétences ou des actions en vue de la validation des acquis de l'expérience (VAE).

La Caisse des dépôts et consignations pourrait refuser de référencer un prestataire ayant, au cours des deux années précédentes, fait l'objet d'une sanction du fait d'un manquement aux conditions générales d'utilisation.

Il est prévu que la Caisse des dépôts procède au déférencement du prestataire dès lors que les conditions pour qu'il soit référencé cessent d'être remplies, y compris s'il est déjà référencé à la date de publication de la loi ( II ).

Un décret en Conseil d'État précisera les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions.

Le volet contentieux de l'action contre la fraude

Pour les faits pouvant relever d'une caractérisation d'infraction pénale, notamment des faits d'usurpation d'identité ou d'escroquerie, la Caisse des dépôts et consignations a systématiquement déposé plainte.

Au titre de l'année 2021, 20 plaintes ont ainsi été déposées, correspondant à un préjudice global estimé à 12 millions d'euros.

En outre, la Caisse des dépôts a traité 156 réquisitions judiciaires adressées par des services de police et de gendarmerie entre le 1 er janvier et le 31 septembre 2021 28 ( * ) .

Ces actions en justice commencent à porter leurs fruits : pour la première fois, le 20 septembre 2022, le tribunal correctionnel de Saint-Omer (Pas-de-Calais) a condamné pour fraude un organisme de formation qui avait organisé des sessions de formation « fantômes » en 2020 et 2021. La société a été condamnée à verser plus de 3 millions d'euros à la Caisse des dépôts et consignations. Au plan pénal, le dirigeant a été condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis avec interdiction d'exercer une activité de formation pendant cinq ans et interdiction de gérer une entreprise pendant 10 ans 29 ( * ) .

II - La position de la commission : un levier de prévention de la fraude

Cet article a d'abord le mérite de clarifier les obligations applicables aux organismes de formation référencées sur la plateforme Mon Compte Formation en les inscrivant dans un même article du code du travail.

De plus, il renforce ces obligations en ajoutant aux exigences prévues par les CGU une condition de moralité fiscale et sociale semblable à celle qui existe dans le code de la commande publique.

Il permet enfin de fonder juridiquement les mesures de refus de référencement qui pourraient être prises par la Caisse des dépôts, notamment lorsqu'un prestataire aura déjà fait l'objet de sanctions en raison de manquements aux CGU.

Le rapporteur considère donc que ces dispositions renforceront utilement la capacité de la Caisse des dépôts à contrôler la conformité des organismes de formation présents sur la plateforme et, partant, à prévenir la fraude et à réguler la qualité de l'offre de formation.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4
Encadrement du recours à la sous-traitance sur le service
Mon Compte Formation

Cet article tend à encadrer les conditions du recours à des sous-traitants par les organismes de formation pour l'exécution des prestations proposées dans le cadre du compte personnel de formation.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé : l'affirmation de la responsabilité du donneur d'ordre en cas de recours à la sous-traitance

A. Un recours non régulé à la sous-traitance

Les organismes de formation référencés sur la plateforme Mon Compte Formation peuvent avoir recours à des sous-traitants pour exécuter les actions de formation proposées dans leur catalogue.

Ces sous-traitants n'ayant pas l'obligation d'être eux-mêmes référencés sur la plateforme, ils ne sont pas tenus d'en respecter les conditions générales d'utilisation (CGU).

Selon la Caisse des dépôts et consignations, ce recours légal mais non régulé donne lieu à des dérives . Par exemple, des organismes de formation déréférencés continueraient à exercer dans le cadre du compte personnel de formation (CPF) en tant que sous-traitants. Par ailleurs, certains organismes de formation référencés sur Mon Compte Formation , qualifiés d'organismes de « portage » ou « brokers », ne sont que des intermédiaires qui sous-traitent l'intégralité des formations qu'ils vendent et n'exercent aucun contrôle sur leur qualité.

Dans ces conditions, le contrôle des organismes de formation et de la qualité de leur offre est rendu plus complexe. En l'état actuel du droit, la Caisse des dépôts peut difficilement engager la responsabilité du donneur d'ordre.

Depuis une modification intervenue en juin 2021, les CGU stipulent néanmoins que « l'organisme de formation donneur d'ordre reste intégralement responsable des agissements de son sous-traitant ». Par ailleurs, le référentiel national qualité Qualiopi précise que, « lorsque le prestataire fait appel à la sous-traitance ou au portage salarial, il s'assure du respect de la conformité au présent référentiel » 30 ( * ) .

B. Une reconnaissance de la sous-traitance dans un cadre strict

L'article 4 , inséré en séance publique à l'initiative du Gouvernement, vise à encadrer le recours à la sous-traitance par les organismes de formation inscrits sur la plateforme Mon compte formation .

Il prévoit explicitement, dans un nouvel article L. 6323-9-2 du code du travail, qu' un prestataire inscrit sur la plateforme peut confier à un sous-traitant, par contrat et sous sa responsabilité, l'exécution des actions de formation , dans des conditions définies par voie réglementaire.

Ces sous-traitants devraient avoir déposé une déclaration d'activité auprès de l'autorité administrative et satisfaire aux mêmes exigences que les organismes inscrits sur le service dématérialisé , sauf celle d'avoir produit les pièces justificatives requises, à savoir 31 ( * ) :

- être enregistré en tant qu'organisme de formation et justifier du respect des obligations applicables à tous les organismes de formation ;

- satisfaire aux conditions d'exercice dans le cadre du portail Mon compte formation : éligibilité des actions de formation au CPF, détention des autorisations et certifications nécessaires, dont la certification Qualiopi , ainsi que des habilitations délivrées par les ministères et organismes certificateurs ;

- respecter les prescriptions de la législation fiscale et de sécurité sociale ;

- satisfaire aux CGU.

Si une ou plusieurs de ces conditions cessaient d'être remplies par un sous-traitant, la Caisse des dépôts et consignations, après avoir mis en demeure l'organisme de formation donneur d'ordre, procèderait au déréférencement de ce dernier.

II - La position de la commission : une mesure forte dont l'application devra être proportionnée

Le recours à la sous-traitance, qui est répandu et ancien, n'est pas, en soi, synonyme de dégradation de la qualité de la formation. Ce sont les abus survenant dans le cadre du CPF, notamment la pratique du « portage », qui sont visés par cet article.

La mesure proposée pour mettre fin à ces abus est forte. Pour Les Acteurs de la compétence, auditionnés par le rapporteur, le respect des conditions prévues par cet article risque de ne pas être à la portée des plus petits organismes de formation compte tenu de la lourdeur administrative et du coût qu'elles représentent, à l'image de l'obtention de la certification Qualiopi . Il en va de même de l'obligation de disposer des autorisations écrites des certificateurs pour former ou évaluer aux certifications professionnelles enregistrées aux répertoires nationaux. Or, selon Les Acteurs de la compétence, 38 % des organismes de formation recensés en 2021 étaient des formateurs indépendants, dont 60 % exerçaient en sous-traitance.

Cette mesure, appliquée indistinctement à tous les sous-traitants, notamment aux indépendants, pourrait donc mettre en péril une partie du secteur de la formation professionnelle . Il importe de ne pas priver les organismes de formation de la souplesse que permet le recours, ponctuel ou récurrent, à des ressources externes pour répondre aux besoins en compétences de l'économie.

Le décret en Conseil d'État prévu pour l'application de cet article devra donc bien préciser la portée de ces obligations selon le degré d'implication des sous-traitants dans l'exécution des actions de formation et la nature du prestataire concerné.

Sous ces réserves, le rapporteur approuve le dispositif introduit par cet article.

La commission a adopté cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 30 novembre 2022, sous la présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-président, la commission examine le rapport de M. Martin Lévrier, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 32, 2022-2023) visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires.

Mme Chantal Deseyne , président . - Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation (CPF) et à interdire le démarchage téléphonique de ses titulaires.

M. Martin Lévrier , rapporteur . - La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé le CPF, créé en 2014, avec pour objectif de faciliter l'accès de chaque actif à la formation professionnelle.

Premièrement, dans un objectif d'accessibilité et de lisibilité renforcées pour le titulaire d'un CPF, le principe d'acquisition et de mobilisation des droits en heures a été remplacé par un dispositif monétisé en euros.

Deuxièmement, le système complexe et inéquitable de listes de formations éligibles au CPF a été supprimé. Sont désormais éligibles de plein droit les actions de formation préparant aux diplômes et titres à finalité professionnelle enregistrés aux répertoires nationaux gérés par France compétences - le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique (RS) - ou permettant d'obtenir un bloc de compétences de certifications professionnelles.

Une autre innovation importante est la désintermédiation du dispositif. Désormais, les actifs peuvent directement choisir et payer leur formation via un service dématérialisé, « Mon compte formation », lancé en novembre 2019.

Enfin, la loi a confié le financement et la gestion du CPF à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui bénéficie elle-même à ce titre d'une dotation financière de France compétences.

La réforme a connu un indéniable succès quantitatif : environ 2,1 millions de dossiers de formation ont été financés en 2021 par le CPF, contre près de 1 million en 2020 et 500 000 en 2019, soit un doublement chaque année. Grâce à un mode d'alimentation favorable aux temps partiels, elle a également permis un rééquilibrage du recours au CPF entre les hommes et les femmes.

Toutefois, avec 19 millions de profils activés sur « Mon compte formation », cette réforme a aussi ouvert une brèche dans laquelle divers acteurs, allant d'organismes de formation peu scrupuleux à des spécialistes de la fraude, se sont engouffrés.

La fraude au CPF est protéiforme. Il peut s'agir de pratiques commerciales agressives visant à pousser les titulaires d'un compte à acheter une formation contre leur gré ; d'irrégularités à l'éligibilité des formations au CPF ou à l'habilitation de l'organisme de formation à dispenser la formation proposée ; ou encore, de fausses entrées en formation validées sur la plateforme « Mon compte formation » à la suite d'une usurpation d'identité, voire, dans certains cas, d'une collusion entre le titulaire du CPF et le prétendu organisme de formation.

La CDC évalue entre 40 et 60 millions d'euros le préjudice financier lié à ces pratiques. Si ces montants peuvent sembler importants, il convient de les rapporter aux dépenses totales occasionnées par le dispositif, qui se sont élevées à 2,85 milliards d'euros en 2021.

Au-delà de leur impact financier, ces pratiques nuisent à l'image du CPF et, plus généralement, à celle de l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle, brouillant ainsi le message des pouvoirs publics en faveur du développement des compétences.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, déposée par les députés Bruno Fuchs, Sylvain Maillard et Thomas Mesnier, et adoptée par l'Assemblée nationale le 6 octobre dernier, vise à rendre plus efficaces les efforts déployés pour lutter contre ces abus.

Naturellement, l'action des pouvoirs publics contre la fraude au CPF n'a pas attendu ce texte. Dès le lancement de « Mon compte formation », la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la CDC ont défini une stratégie commune en matière de lutte contre la fraude. Leurs efforts se sont amplifiés depuis 2021 en raison de l'aggravation du phénomène.

L'action de la CDC se déploie principalement sur deux axes.

Le premier axe concerne le traitement des signalements. La CDC a notamment lancé en septembre 2021, sur la plateforme « Mon compte formation », un formulaire permettant aux titulaires d'un CPF de signaler des agissements d'organismes de formation contraires aux conditions générales d'utilisation (CGU) dont ils auraient été les victimes ; depuis le 1 er janvier 2022, 50 000 signalements ont été reçus par la CDC, qui ont conduit à la restitution de 620 314 euros de droits CPF à 535 titulaires de compte.

Le second axe concerne le contrôle du service fait. La CDC peut demander à l'organisme de formation toutes pièces justifiant la réalisation de la formation, l'accompagnement du stagiaire ou la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la réalisation de la formation. Elle a ainsi repéré 350 organismes de formation présentant un nombre significatif de contrôles non concluants.

Les alertes identifiées par la CDC, que ce soit à l'occasion d'un contrôle ou à la suite d'un signalement, donnent lieu à une procédure contradictoire au cours de laquelle l'organisme de formation est appelé à apporter ses observations. Les sanctions, appliquées selon une grille graduée, sont débattues au sein d'une commission d'arbitrage réunie à un rythme hebdomadaire. Au total, en 2021, 153 organismes de formation ont été déréférencés de la plateforme « Mon compte formation » ; 945 ont vu une partie de leurs actions de formation être déréférencées et 130 ont fait l'objet d'une suspension de paiement, pour un montant total de 31,2 millions d'euros.

Les CGU de la plateforme ont été modifiées à plusieurs reprises afin de prévenir la fraude et de compléter l'arsenal de la CDC. Ainsi, en juin 2021, a été instauré un délai obligatoire de onze jours ouvrés entre la date d'envoi d'une proposition de commande par un organisme de formation et le début de la formation correspondante. En octobre 2022, a été mis en place un contrôle des organismes de formation en amont de leur référencement sur la plateforme.

Depuis le 25 octobre dernier, afin de prévenir les usurpations d'identité et les utilisations frauduleuses de compte, l'accès des utilisateurs à la plateforme a été sécurisé par la mise en place de la solution FranceConnect+, qui nécessite de disposer d'une identité numérique La Poste. Si elle est efficace, cette solution qui alourdit le processus de connexion comporte des effets de bord non négligeables, notamment vis-à-vis de personnes en difficulté avec le numérique. Depuis un mois, une diminution de 30 à 35 % du volume de dossiers a été constatée. Si le libre accès à la plateforme doit continuer à être garanti, il convient d'interpréter cette donnée avec prudence, car elle résulte de l'effet combiné de plusieurs mesures de régulation.

En parallèle, le ministère du travail a réalisé une campagne de communication grand public afin de mettre en garde les titulaires de CPF contre les appels téléphoniques, les courriels et les SMS frauduleux. Des messages de prévention sont diffusés régulièrement au sujet des arnaques au CPF, rappelant aux titulaires de ne pas communiquer leurs identifiants personnels et de ne pas souscrire à des formations promettant des cadeaux ou des compensations financières. Il reste néanmoins des obstacles législatifs à lever pour permettre à ces actions de prendre leur pleine mesure.

Des échanges d'informations entre les services de l'État, France compétences et la CDC se sont activement développés afin de lutter contre la fraude. Toutefois, en l'état actuel du droit, la CDC ne peut en faire usage afin de recouvrer les sommes indûment perçues par des organismes de formation. En effet, les décisions de la CDC impliquant des sommes à rembourser par les organismes de formation ne permettent pas d'obtenir l'exécution forcée des créances. La CDC doit saisir le tribunal administratif afin d'obtenir un titre exécutoire, ce qui permet aux organismes concernés de gagner du temps, voire d'organiser l'évasion des fonds.

De plus, si les échanges entre services permettent d'identifier les fraudeurs, la CDC ne peut pas les invoquer devant le tribunal administratif en l'absence de fondement légal. En matière de démarchage téléphonique, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a mis en place un régime d'opposition avec la possibilité de s'inscrire gratuitement à la liste Bloctel. Ce régime a été renforcé par la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, qui a rendu obligatoire la consultation par les centres d'appel de la liste d'opposition et alourdi les sanctions applicables.

La même loi a interdit tout démarchage téléphonique ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables ; dans ce secteur aussi, la politique publique en faveur de la transition énergétique avait donné lieu à une recrudescence de pratiques de démarchage frauduleux.

Pour les courriers électroniques et les SMS, un régime de consentement préalable et explicite, ou opt-in , s'applique. La prospection directe d'une personne physique par ces moyens de communication est interdite si cette dernière n'a pas préalablement accepté d'être sollicitée.

Ces dispositifs n'ont pas empêché la prolifération de pratiques agressives de démarchage, notamment téléphonique, relatif au CPF. L'analyse des signalements déposés sur « Mon compte formation » permet de constater que, en cas d'abus, le téléphone est effectivement le principal vecteur de prise de contact entre l'organisme de formation et le titulaire de compte.

Face à ce constat, l'article 1 er de la proposition de loi tend à interdire la prospection commerciale - par téléphone, par SMS, par courriel ou sur les réseaux sociaux - des titulaires d'un CPF visant à collecter leurs données à caractère personnel ou à conclure des contrats portant sur des actions de formation, sauf si la sollicitation intervient dans le cadre d'une action de formation en cours et présentant un lien direct avec son objet.

Afin de contrôler le respect de ces dispositions, il habilite les agents de la DGCCRF à rechercher et à constater ces infractions, et prévoit des sanctions administratives d'un montant maximal de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Cette mesure stricte n'empêchera pas les organismes de formation de communiquer, mais permettra de faire cesser le démarchage abusif en clarifiant les règles. Elle aidera également les actifs à prendre des décisions réfléchies sur l'utilisation de leur CPF et le choix de leur avenir professionnel.

La proposition de loi vise, par ailleurs, à renforcer les moyens d'action de la CDC face à la fraude. À cette fin, elle donne une base légale à la communication d'informations entre les acteurs de la lutte contre la fraude. L'article 2 prévoit ainsi que la CDC, France compétences, les services de l'État chargés de la répression des fraudes et ceux qui sont chargés des contrôles de la formation professionnelle, mais aussi les organismes financeurs, les organismes délivrant la certification Qualiopi et les ministères ou organismes propriétaires de certifications professionnelles peuvent échanger tous les documents et informations détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et utiles à leur accomplissement.

Il autorise également la cellule nationale de renseignement financier, Tracfin, à transmettre des informations à la CDC ainsi qu'à l'Agence de services et de paiement (ASP), chargée de verser les aides à l'embauche d'apprentis. Ces échanges d'informations permettront de faire gagner un temps précieux à la CDC pour l'accomplissement de sa mission de lutte contre la fraude.

L'article 2 bis , inséré à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, donne à la CDC les moyens de mettre en oeuvre un recouvrement forcé des sommes indûment versées à un organisme de formation. À cet effet, le directeur général de la CDC pourra délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du prestataire devant la juridiction compétente, comportera tous les effets d'un jugement. En outre, lorsqu'elle constatera la mobilisation par le titulaire d'un CPF de droits indus ou une utilisation contraire à la réglementation, la CDC pourra procéder au recouvrement de l'indu par retenue sur les droits inscrits ou sur les droits futurs du titulaire.

Comme le prévoit l'article 2, les agents de la CDC pourront obtenir de l'administration fiscale les informations contenues dans le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). En outre, la CDC pourra recevoir de l'administration fiscale communication de tous documents ou renseignements nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues, ainsi qu'à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées au titre du CPF.

L'article 3 tend à inscrire dans la loi les conditions du référencement sur « Mon compte formation », ce qui permettra de fonder le refus par la CDC de référencer un organisme de formation qui ne remplirait pas ces conditions. Il serait notamment vérifié que l'organisme propose des formations éligibles à un financement CPF, dispose de la certification qualité Qualiopi, respecte les prescriptions de la législation fiscale et sociale et satisfait aux CGU. La CDC pourrait procéder à la même vérification pour les organismes de formation déjà référencés sur la plateforme avant la publication de la loi. Afin d'assurer l'opérationnalité de la mesure, des échanges de données pourraient être organisés entre la CDC, les Urssaf et l'administration fiscale.

Afin de mettre fin à certaines dérives de nature à tromper les titulaires de CPF, l'article 4 vise à encadrer le recours à des sous-traitants en soumettant ces derniers aux mêmes obligations que les donneurs d'ordre. Cette dernière mesure appelle une vigilance particulière. Appliquée indistinctement à tous les sous-traitants, notamment les travailleurs indépendants et les micro-entrepreneurs, elle pourrait mettre en péril une partie du secteur. Le décret en Conseil d'État prévu pour son application devra bien préciser la portée de ces obligations selon le degré d'implication dans l'exécution des actions de formation et la nature du prestataire concerné.

En matière de lutte contre la fraude, il n'existe pas de solution infaillible. Il s'agit de mettre en place des barrages filtrants qui rendront plus compliqués les contournements. La proposition de loi, très attendue, répond à cette logique, et le rapport d'information que nous vous avons présenté, en juin dernier, avec Frédérique Puissat et Corinne Féret soutenait déjà ces objectifs.

Je considère que la lutte contre la fraude et l'amélioration de la qualité de la formation professionnelle forment un continuum. À cet égard, je salue le travail réalisé en matière de certifications professionnelles par France compétences, qui représente en soi un levier de prévention des abus. Ce texte ne prétend pas épuiser le sujet des ajustements à apporter au CPF, puisque des réflexions sont en cours, en concertation avec les partenaires sociaux et dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, sur la mise en place d'un mécanisme de régulation du dispositif. Je vous invite donc à adopter sans modification cette proposition de loi, ce qui permettra son entrée en vigueur immédiate.

Enfin, il m'appartient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère que cette proposition de loi comprend des dispositions relatives à l'interdiction de la prospection commerciale des titulaires d'un CPF ; aux échanges d'informations et de documents entre les autorités compétentes en matière de lutte contre la fraude au CPF ; aux modalités de recouvrement des sommes versées indûment au titre du CPF ; et aux conditions de référencement des organismes de formation sur le service dématérialisé « Mon compte formation » et de recours à la sous-traitance par les organismes référencés sur ce service.

En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé des amendements relatifs aux règles d'acquisition, de mobilisation et d'abondement des droits inscrits sur le CPF, ainsi qu'à l'organisation et au financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Il en est ainsi décidé.

Mme Frédérique Puissat . - Les auditions du rapporteur sont venues compléter le travail effectué dans le cadre de notre mission d'information sur France compétences. Le CPF est issu de la loi votée en 2018. À l'époque, Michel Forissier et Catherine Fournier s'étaient montrés réservés sur la monétisation et la désintermédiation du CPF, et je me rappelle que la ministre avait déclaré qu'il s'agissait d'un « pari ». Celui-ci était peut-être audacieux ; il a permis à un plus large public d'accéder à la formation, mais a également occasionné des dérives que l'on s'efforce de traiter avec ce texte.

Nous sommes tous contactés par des organismes qui nous proposent on ne sait quoi ; il est donc urgent de prendre certaines décisions. Avec Corinne Féret et Martin Lévrier, dans le cadre de notre mission d'information, nous nous étions montrés favorables à l'élaboration d'une loi qui viendrait corriger ces dérives. Ce texte est donc bienvenu ; nous avons bien compris qu'il ne fallait pas apporter de modifications, sous peine de voir son application reportée.

Ma première interrogation concerne le dispositif FranceConnect+. Sa mise en place devait sécuriser l'accès à la plateforme ; or, de nombreux acteurs ont évoqué un dispositif plus contraignant, source de dysfonctionnements. A-t-on une idée de l'évolution de ce dispositif ? Il ne doit pas freiner l'intéressante progression de la formation à la fois chez les demandeurs d'emploi et les personnes en activité.

Ma deuxième interrogation porte sur les sous-traitants. Beaucoup de personnes ayant un statut d'indépendant, avec des compétences très pointues, pouvant intervenir pour le compte d'organismes de formation, sont affolées par l'encadrement prévu par le Gouvernement. Il semblerait que la ministre ait évoqué un décret pour les rassurer. Nous sommes toujours très prudents concernant les décrets. Disposez-vous d'éléments susceptibles de les rassurer davantage ?

Notre groupe va voter cette proposition de loi sans la modifier, même si quelques interrogations demeurent.

Mme Brigitte Micouleau . - Je suis régulièrement sollicitée par des habitants de Haute-Garonne - le plus souvent, des personnes âgées de plus de 75 ans - qui reçoivent des appels intempestifs liés au CPF. Comment les données sont-elles récupérées ?

Mme Monique Lubin . - Le ver était dans le fruit depuis longtemps. Il est dommage que l'on soit obligé d'en passer par un tel arsenal juridique. Sous couvert de modernité, on en arrive à changer des dispositifs qui fonctionnent. Certes, des efforts étaient nécessaires en matière de formation, mais la dématérialisation et le recours à une plateforme ont entraîné des abus et des fraudes qui nous contraignent aujourd'hui à légiférer. Il s'agit de faire quelque chose contre ce fléau et notre groupe votera ce texte. Espérons que cela serve de leçon pour d'autres sujets.

M. René-Paul Savary . - Monsieur le rapporteur, nous recevons tous des messages sur notre téléphone nous informant que notre CPF est arrivé à échéance et qu'il nous reste vingt-quatre heures pour réclamer nos droits. Le vote de cette loi empêchera-t-il que l'on nous adresse ce type de messages ? Si tel est le cas, je voterai ce texte.

M. Daniel Chasseing . - Le nombre de dossiers liés au CPF double chaque année, ce qui est une très bonne chose. Auparavant - et sans doute encore aujourd'hui -, des organismes de formation intervenaient, de manière souvent peu efficace, quand il y avait des licenciements. Ce CPF, d'ailleurs plébiscité, est donc une solution intéressante. Alors, certes, on observe des fraudes ; je voterai pour ce texte qui s'efforcera de les limiter.

Mme Corinne Imbert . - La prospection sur le CPF sera interdite sur les réseaux sociaux ; cela englobe-t-il les plateformes vidéo ? Ce type de plateformes est, en effet, un outil de communication pour ces formations qui sont en fait des arnaques.

Mme Jocelyne Guidez . - Peut-on faire don de tout ou partie de son CPF à un proche ? Au moment de la retraite par exemple, peut-on transférer ses droits à la formation à son petit-fils ?

M. Martin Lévrier , rapporteur . - Madame Puissat, la monétisation du CPF doit être évaluée en comparaison du préjudice lié à la fraude. Le préjudice financier lié à ces pratiques se situe entre 40 et 60 millions d'euros, sachant que les dépenses totales occasionnées par le dispositif s'élèvent à 2,85 milliards d'euros en 2022. La fraude représente donc une faible part des dépenses pour le moment, mais elle pourrait s'aggraver très vite. Nous savions, en passant à la monétisation, que ce genre de risques existait. Cette loi devrait limiter fortement les abus.

Je ne regrette pas la monétisation. Nous avons démultiplié le nombre de formations, en particulier auprès des non-cadres, ce qui est une nouveauté. La monétisation a permis à chaque salarié de gérer son propre parcours professionnel et largement contribué à démocratiser le système. La ministre nous avait dit, en effet, qu'il s'agissait d'un pari, au même titre que la réforme de l'apprentissage. Il faut savoir être disruptif pour réussir, et ces réformes ont été, globalement, de belles réussites.

J'ai alerté très tôt le ministère sur le sujet des sous-traitants. On ne peut pas demander à des personnes ayant un statut d'autoentrepreneur, simplement parce qu'elles dispensent quelques heures de formation dans un centre, de rentrer dans les critères de la certification qualité Qualiopi ; cela n'aurait pas de sens. Le Gouvernement a été prévenu, il est entré en discussion avec les opérateurs et s'est engagé à proposer un décret. En asséchant la sous-traitance, on détruirait en grande partie la formation. Le décret a un avantage : on peut le modifier au fur et à mesure en cas de besoin. Tout en restant vigilants, faisons confiance à la concertation engagée en ce sens.

Le dispositif FranceConnect+ est devenu indispensable. Compte tenu des sommes considérables en jeu, les moyens de sécurisation doivent être plus importants afin de répondre aux normes en matière de cybersécurité. Certes, cela prend du temps. La Poste est actuellement le seul opérateur pouvant délivrer une identité numérique, d'autres arriveront bientôt sur le marché. On recense actuellement 10 000 personnes par jour qui créent des comptes FranceConnect+.

Un problème technique demeure concernant les ressortissants de l'espace Schengen qui ne sont pas français. Par exemple, un Italien travaillant en France ne peut pas se connecter à FranceConnect+, car il n'a pas de pièce nationale d'identité française. La CDC est en train de chercher la solution.

Madame Micouleau, les escrocs récupèrent les données en achetant des fichiers. Et ensuite, ils inondent de coups de téléphone - ce que l'on appelle le phishing .

Madame Lubin, il s'agit d'une plateforme d'État, non commerciale donc. Si l'on prend l'exemple des arnaques liées à la rénovation énergétique, il n'y avait pas de plateforme. Ce n'est pas la plateforme qui pose problème, mais les appels intempestifs et les techniques des fraudeurs. Le seul moyen est de bloquer la fraude en filtrant au maximum les risques connus.

Monsieur Savary, je ne peux pas garantir à 100 % que les messages cesseront. Mais, avec la loi votée à l'Assemblée nationale et la mise en service de FranceConnect+, nous avons déjà pu observer une diminution de plus de 60 % des appels.

Concernant les plateformes vidéo, elles peuvent être concernées en tant que réseaux sociaux. En revanche, les influenceurs ne sont pas concernés car leur activité n'est pas assimilable à du démarchage. La DGCCRF a toutefois accru sa vigilance.

Mme Corinne Imbert . - J'ai bien entendu le message d'une adoption conforme et m'abstiendrai de déposer un amendement sur ce point. Mais il y a une faille du côté des plateformes vidéo et de ces influenceurs, dans laquelle les escrocs risquent de s'engouffrer.

M. Martin Lévrier , rapporteur . - Il y a toujours un risque. La fraude est souvent très organisée. Il serait assez compliqué pour des fraudeurs de ce type de faire appel à des influenceurs ; ils prendraient des risques autrement plus importants.

Enfin, pour répondre à madame Guidez, on ne peut pas faire don de son CPF. Il s'agit d'un droit personnel alimenté par des fonds publics. À partir du moment où l'on quitte la vie professionnelle, on n'a plus de raison d'en bénéficier ou d'en faire bénéficier quelqu'un de son entourage.

Mme Chantal Deseyne , président . - Nous allons maintenant procéder au vote sur les articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 2 bis (nouveau)

L'article 2 bis est adopté sans modification.

Article 3 (nouveau)

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4 (nouveau)

L'article 4 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 32 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 33 ( * ) .

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 34 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 35 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 30 novembre 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi , adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- à l'interdiction de la prospection commerciale des titulaires d'un compte personnel de formation (CPF) ;

- aux échanges d'informations et de documents entre les autorités compétentes en matière de lutte contre la fraude au CPF ;

- aux modalités de recouvrement des sommes versées indûment au titre du CPF ;

- aux conditions de référencement des organismes de formation sur le service dématérialisé Mon Compte Formation et de recours à la sous-traitance par les organismes référencés sur ce service.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé , des amendements relatifs :

- aux règles d'acquisition, de mobilisation et d'abondement des droits inscrits sur le CPF ;

- à l'organisation et au financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

• Syndicat national des organismes de formation (Synofdes)

Benoît Bermond , délégué Île-de-France

• Les Acteurs de la compétence

Vincent Chevillot, élu du bureau

Geoffroy Vignoles , membre permanent

• Anaïs Prétot , cofondatrice et directrice générale de LiveMentor

• Dario Spagnolo , cofondateur et directeur général de O'Clock

• Caisse des dépôts et consignations

Michel Yahiel, directeur des politiques sociales

Laurent Durain, directeur de la formation professionnelle et des compétences (direction des politiques sociales)

Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

• Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF)

Nadine Mouy, sous-directrice « Services, réseaux et numérique »

Emmanuelle Grimault , rédactrice au bureau « Médias, communications électroniques, secteur culturel, économie de la donnée »

• France compétences

Mikaël Charbit, directeur de la certification professionnelle

• Direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

Rachel Becuwe, adjointe au délégué général

Stéphane Remy, sous-directeur en charge des politiques de formation et du contrôle

Cécile Bertrand, chargée de mission suivi du CPF et des travailleurs indépendants

LA LOI EN CONSTRUCTION

___________

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-032.html


* 1 Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation - Article 9.

* 2 Loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.

* 3 Décret n° 2021-1528 du 26 novembre 2021 relatif aux conditions de reconduction tacite de l'inscription sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique et à la nature des données essentielles devant être rendues publiques par le gestionnaire de cette liste.

* 4 Décret n° 2022-1313 du 13 octobre 2022 relatif à l'encadrement des jours, horaires et fréquence des appels téléphoniques à des fins de prospection commerciale non-sollicitée.

* 5 Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France - Article 24.

* 6 Art. L. 223-1 du code de la consommation.

* 7 Loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement.

* 8 Art. L. 112-2-2 du code des assurances.

* 9 Art. L. 34-5 du code des postes et communications électroniques.

* 10 Source : rapport annuel Mon Compte Formation 2021, Caisse des dépôts et consignations.

* 11 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel - Article 1 er .

* 12 Étude d'impact du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 13 Source : rapport annuel Mon Compte Formation 2021, Caisse des dépôts et consignations.

* 14 Ibid.

* 15 En application des articles L. 5151-2 et L. 5151-5 du code du travail, un CPF est ouvert à toute personne âgée d'au moins seize ans et occupant un emploi, à la recherche d'un emploi ou accompagnée dans un projet d'orientation et d'insertion professionnelles, accueillie dans un établissement et service d'aide par le travail ou ayant fait valoir ses droits à la retraite.

* 16 Source : rapport annuel Mon Compte Formation 2021, Caisse des dépôts et consignations.

* 17 Art. L. 6362-1 du code du travail.

* 18 Art. L. 6362-11 du code du travail.

* 19 S'il n'a pas de lien avec le CPF, ces dispositifs peuvent aussi être générateurs de fraudes.

* 20 Pour plus de précisions sur ce point, le lecteur peut se reporter au commentaire de l'article 3.

* 21 Art. L. 5426-8-2 du code du travail.

* 22 Art. L. 6323-9 du code du travail.

* 23 Source : rapport annuel Mon Compte Formation 2021, Caisse des dépôts et consignations.

* 24 En application de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, tous les organismes dispensant des actions de formation professionnelle ou d'apprentissage et bénéficiant des fonds mutualisés doivent disposer d'une certification qualité à compter du 1 er janvier 2022. La certification, dénommée « Qualiopi », est délivrée pour une durée de trois ans aux organismes de formation par des organismes certificateurs accrédités par le Comité français d'accréditation (Cofrac). Elle peut également être délivrée par une instance de labellisation reconnue par France compétences pour certains dispositifs ou secteurs particuliers.

* 25 Art. L. 6352-1 du code du travail.

* 26 Art. L. 6352-6 et L. 6352-11 du code du travail.

* 27 Art. L. 6352-2 du code du travail.

* 28 Source : rapport annuel Mon Compte Formation 2021, Caisse des dépôts et consignations.

* 29 « Fraude au CPF : Première condamnation d'un organisme de formation frauduleux à Saint-Omer », communiqué du ministère du travail, du plein-emploi et de l'insertion, 21 septembre 2022.

* 30 Cf. critère 6, indicateur 27 du référentiel national qualité.

* 31 Pour plus de précisions, le lecteur peut se reporter au commentaire de l'article 3.

* 32 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 33 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 34 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 35 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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