III. LE POIDS CROISSANT DU SOUTIEN À L'ALTERNANCE DANS LES CRÉDITS DE LA MISSION
A. LES AIDES AUX EMPLOYEURS D'ALTERNANTS : UNE RÉVISION DE L'AIDE EXCEPTIONNELLE AUX CONTOURS ENCORE INDÉFINIS
Jusqu'en 2019, les aides aux employeurs d'apprentis prenaient des formes diverses : prime à l'apprentissage, aide spécifique aux très petites entreprises, crédit d'impôt, exonération de cotisations sociales.
En 2019, ce régime d'aide a été simplifié et la plupart d'entre elles ont été remplacées par une aide unique ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et les diplômes de niveau inférieur ou égal au baccalauréat.
Les exonérations de cotisations sociales n'ont été maintenues que pour les cotisations salariales des apprentis et pour les cotisations patronales des employeurs publics, ceux-ci ne bénéficiant pas de l'aide unique. Leur compensation aux organismes sociaux est à la charge de la mission « Travail et emploi ». Un crédit de 901 millions d'euros avait été inscrit à ce titre en loi de finances initiale pour 2022, mais une dotation supplémentaire, dont le montant n'est pas précisé mais peut être évalué entre 250 et 300 millions d'euros, est incluse dans les ouvertures de crédits de 500 millions d'euros demandées pour l'ensemble des compensations d'exonérations, par le projet de loi de finances rectificative de fin de gestion.
Dans le contexte de la crise sanitaire, en juillet 2020, une aide exceptionnelle beaucoup plus large et plus avantageuse que l'aide unique a été mise en place. Elle concerne toutes les entreprises, y compris, sous certaines conditions, celles de plus de 250 salariés, et les formations allant jusqu'au niveau bac + 5.
Régime des aides à l'embauche des alternants |
|
Aide unique |
Aide exceptionnelle |
Contrats conclus à compter du 1 er janvier 2019 |
Contrats conclus entre le 1 er juillet 2020 et le 31 décembre 2022 |
Entreprises du secteur privé de moins de 250 salariés |
Entreprises du secteur privé - de moins de 250 salariés ; - de plus de 250 salariés atteignant le seuil de 5 % de contrats favorisant l'insertion professionnelle* ou de 3 % d'alternants** avec une progression de 10 % sur un an. |
Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle de niveau inférieur ou égal au bac |
Contrat d'apprentissage pour la préparation d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle jusqu'au niveau bac + 5 |
4 125 euros la 1 ère année 2 000 euros la 2 ème année 1 200 euros la 3 ème année |
Uniquement la 1 ère année du contrat 5 000 euros pour un mineur 8 000 euros pour un majeur À compter de la 2 ème année, seules perçoivent une aide les entreprises éligibles à l'aide unique, sous les conditions et le barème prévus pour celle-ci |
* Salariés en contrats d'apprentissage et de professionnalisation, volontariat international en entreprise (VIE), convention industrielle de formation par la recherche (Cifre)
** Salariés en contrats d'apprentissage et de professionnalisation
Le montant total des aides à l'embauche qui s'élevait à près de 1,3 milliard d'euros en 2020 , répartis à quasi-égalité entre l'aide unique et l'aide exceptionnelle, a dépassé 4,5 milliards d'euros en 2021 , dont 214 millions d'euros pour l'aide unique et un peu plus de 4,3 milliards d'euros pour l'aide exceptionnelle , l'aide unique n'étant de fait plus versée aux entreprises éligibles que pour les deuxième et troisièmes années d'exécution de contrat. En mars 2021, le Gouvernement a décidé la prolongation de l'aide exceptionnelle pour les contrats conclus jusqu'en fin d'année 2021.
Le projet de loi de finances initiale pour 2022 comportait sur la mission « Travail et emploi » une dotation de 1,141 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 505 millions d'euros en crédits pour l'aide unique, appelée à redevenir l'aide de droit commun. L'aide exceptionnelle, financée sur la mission « Plan de relance », ne faisait l'objet, dans le texte initial, d'aucune autorisation d'engagement, dans la mesure où elle ne devait couvrir que les contrats conclus jusqu'à la fin de l'année 2021. Seuls figuraient des crédits de paiement, à hauteur de 1,893 milliard d'euros au titre de l'exécution des contrats conclus avant fin décembre 2021.
Par un décret du 10 novembre 2021, le Gouvernement a prolongé l'aide exceptionnelle pour tous les contrats conclus jusqu'au 30 juin 2022. Des dotations supplémentaires ont été inscrites sur la mission « Plan de relance » par voie d'amendement lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, le 10 décembre. Elles se limitent à 270 millions d'euros en autorisations d'engagement et 100 millions d'euros en crédits de paiement. Il est vrai que dans leur grande majorité, les contrats d'alternance sont conclus au second et non au premier semestre de l'année.
Une seconde prolongation de l'aide exceptionnelle , jusqu'au 31 décembre 2022 , est intervenue par un décret du 29 juin 2022. Cette fois ci, l'impact financier est beaucoup plus important puisqu'elle concerne les contrats conclus au second semestre. Une ouverture de crédits a été opérée par la loi de finances rectificative du 16 août 2022 sur la mission « Travail et emploi » à hauteur de 5,134 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 743 millions d'euros en crédits de paiement 24 ( * ) .
Alors que l'aide unique et l'aide exceptionnelle ont représenté une dépense de 4,5 milliards d'euros en 2021, le coût total de ces dispositifs pour l'année 2022 est difficile à établir, 70 % des contrats étant signés entre les mois de septembre et décembre . Un niveau au moins égal à celui de 2021 peut être anticipé.
Pour 2023 , les crédits la mission « Travail et emploi » destinés aux aides financières aux employeurs d'alternants s'élèvent à 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,5 milliards d'euros en crédits de paiement .
En outre, 155 millions d'euros de crédits de paiement figurent sur la mission « Plan de relance ». Ils couvrent les restes à payer de l'aide exceptionnelle pour les contrats conclus avant le 1 er juillet 2022.
Les dotations prévues pour 2023 en autorisations d'engagement sont pratiquement divisées par trois par rapport à celles ouvertes par en 2022, qui s'élevaient au total à 6,5 milliards d'euros.
On en déduit que l'aide exceptionnelle, applicable aux contrats conclus jusqu'au 31 décembre prochain, ne sera pas reconduite telle quelle.
À ce stade, la définition de nouveaux paramètres est en discussion entre le Gouvernement et les partenaires sociaux , sans qu'aient été précisées les options privilégiées : diminution du montant de l'aide actuelle ou ciblage sur certaines entreprises ou certains niveaux de formation.
Le Parlement doit ainsi se prononcer sur une enveloppe intégrant une redéfinition des aides à l'embauche des alternants sans connaître, même dans leurs grandes lignes, les critères qui conduiraient à une forte réduction de la charge budgétaire, qu'ils soient relatifs au champ des entreprises bénéficiaires ou des niveaux de formation concernés.
Alors que 740 000 entrées en apprentissage ont été enregistrées en 2021 , soit 208 000 de plus qu'en 2020, et que leur nombre sera du même ordre, voire supérieur en 2022, une cible de 800 000 contrats d'apprentissage conclus à la fin 2023 figure dans le projet annuel de performance, en rapport avec l'objectif de 1 million d'entrées en apprentissage en 2027.
La progression du nombre de contrats d'apprentissage étant principalement due à l'augmentation du nombre d'apprentis pour des formations de niveaux supérieurs au baccalauréat (62 % du total des contrats d'apprentissage conclus en 2021), le projet annuel de performances annonce un objectif de rééquilibrage de l'apprentissage au profit des premiers niveaux de qualification , pour rétablir en 2025 la proportion constatée en 2020, au moyen d'« une politique volontariste de ciblage ».
Il est opportun que ces questions soient d'abord discutées avec les partenaires sociaux, pour faire la part entre de probables effets d'aubaine et les incitations vraiment utiles au maintien de la dynamique actuelle de l'apprentissage.
En tout état de cause, tous les contrats conclus avant la fin de l'année 2022 bénéficieront pour un an de l'actuel régime des aides à l'embauche . Une révision à la baisse de leurs paramètres ne produira d'effet sur la charge budgétaire qu'à l'échéance des contrats actuels et à la conclusion de nouveaux contrats, c'est-à-dire, en large partie, sur les quatre derniers mois de 2023.
* 24 Annexe « Formation professionnelle » au projet de loi de finances pour 2023.