Rapport général n° 115 (2022-2023) de MM. Arnaud BAZIN et Éric BOCQUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 30

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Rapporteurs spéciaux : MM. Arnaud BAZIN et Éric BOCQUET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

I. L'IMPORTANTE DYNAMIQUE CONSTATÉE DES CRÉDITS DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES » SUR LES DERNIÈRES ANNÉES EST RÉVÉLATRICE DE NOS FRAGILITÉS

Les crédits demandés au titre de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2023 s'élèvent à 30 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Plus des trois quarts de ce total sont consacrés respectivement au financement de la prime d'activité (10,9 milliards d'euros) et de l'allocation aux adultes handicapés (12,05 milliards d'euros) , dont la « déconjugalisation » - réforme attendue de la part des associations et longtemps repoussée par le Gouvernement consistant à exclure les revenus du conjoint du calcul de la prestation - devrait intervenir à compter du 1 er octobre 2023.

En 2023 et à périmètre constant, les crédits demandés sont en hausse de 8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 . Cette hausse est notamment imputable à la revalorisation légale en fonction de l'inflation des prestations sociales financées par la mission.

Décomposition de la hausse des crédits de la mission en PLF 2023
à périmètre constant (CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits de la mission se caractérisent par une dynamique importante sur la période récente, liée à sa mobilisation face aux crises avec l'augmentation pérenne de la prime d'activité décidée en réponse à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes » (+ 4,4 milliards d'euros annuels), avec le versement d'aides exceptionnelles de solidarité (AES) en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire (1,9 milliard d'euros), et avec l'indemnité inflation (3,2 milliards d'euros) et l'aide exceptionnelle de rentrée (1,2 milliard d'euros) visant à aider les ménages modestes à faire face à la hausse des prix.

Évolution des crédits de la mission à périmètre courant
entre 2018 et 2023 (CP)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La nécessité d'inscrire sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », chaque année depuis 2019, des dépenses nouvelles visant à répondre à des situations d'urgence sociale est révélatrice d'un problème de fond . Après les deux AES « Covid » et l'indemnité inflation, l'aide exceptionnelle de rentrée pour 2022 est donc le quatrième dispositif ponctuel mis en place en un peu plus de deux ans. Par-delà les aléas conjoncturels cette « politique du chèque », qui permet juste aux plus pauvres de nos concitoyens de passer le mois en cas de crise aigüe sans leur donner la moindre perspective , traduit la vulnérabilité de notre modèle social et l'impuissance dans laquelle sont plongées nos politiques de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le budget de l'État ne peut pas, à lui seul, absorber des chocs sociaux qui trouvent leur racine dans nos fragilités structurelles : le chômage - en particulier le chômage de longue durée et le chômage des jeunes -, le sous-emploi et la faiblesse des salaires.

II. FOCUS : LE SYSTÈME FRANÇAIS D'AIDE ALIMENTAIRE À L'ÉPREUVE DE LA CRISE INFLATIONNISTE

Dans la période récente et en particulier depuis la crise sanitaire, on assiste à une forte aggravation de la précarité alimentaire en France. En 2020, le système d'information de l'aide alimentaire élaboré par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dénombrait 5,6 millions de personnes inscrites auprès d'une association d'aide alimentaire habilitée .

Dans le contexte actuel, les associations doivent faire face à un afflux sans précédent de demandes tout en étant affectées par les difficultés d'approvisionnement liées aux tensions sur les marchés agricoles, à l'origine de lots infructueux, et à la hausse des prix de l'énergie.

Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'important effort national et européen dans le cadre du FSE + annoncé en faveur de l'aide alimentaire pour la programmation 2022-2027, plusieurs menaces continuent cependant de peser sur l'approvisionnement des associations. En premier lieu, la programmation a été adoptée avant la poussée inflationniste qui a débuté fin 2021. En termes réels, la dotation annuelle diminuerait donc de 12 % à l'horizon 2027 , réduisant donc d'autant les quantités de denrées pouvant être achetées.

Programmation 2022-2027 du FSE + pour l'aide alimentaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

En second lieu, les tensions très importantes observables sur les marchés agricoles, en particulier depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, ont provoqué plusieurs marchés infructueux représentant un volume de denrées de 67 millions d'euros depuis 2021. Il est à noter que la première loi de finances rectificative pour 2022, sur proposition de la commission des finances du Sénat, a ouvert 40 millions d'euros de crédits supplémentaires pour compenser les associations des marchés infructueux intervenus et pour les soutenir financièrement face à la hausse des prix.

Les crédits budgétaires dédiés à cette politique s'élèveraient à 117,2 millions d'euros en PLF 2023, intégrant une mesure nouvelle avec le financement d'un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires (+ 60 millions d'euros) , devant financer des projets de transformation visant notamment à concilier les objectifs des politiques d'aide alimentaire et de soutien aux filières agricoles durables. Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent que saluer le renforcement des crédits dédiés à la lutte contre la précarité alimentaire, ce nouveau dispositif interroge à plusieurs égards, et ses modalités de fonctionnement ne sont pas connues à ce jour. Compte tenu de la situation actuelle, il serait préférable d'utiliser ces nouveaux moyens de façon pragmatique, sur le modèle de l'enveloppe prévue par la LFR 2022, en constituant une réserve pour compenser, le cas échéant, de nouveaux marchés infructueux ou bien, en l'absence d'évènement de ce type, en soutenant directement le fonctionnement des associations et leurs projets déjà existants.

III. FOCUS : LA CONTRACTUALISATION ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LE CADRE DE LA STRATÉGIE PAUVRETÉ

Lancées en 2019 pour une durée initiale de trois ans, les conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (Calpae) constituent le volet local de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Elles s'adressent principalement aux départements et s'articulent autour d'objectifs socles nationaux (prévention des sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance, insertion des bénéficiaires du revenu de solidarité active...) et d'initiatives locales.

Si ces moyens nouveaux sont bienvenus, les rapporteurs spéciaux tiennent néanmoins à souligner que la nécessité pour les départements de bénéficier de crédits d'État pour mener à bien leurs politiques d'action sociale est le révélateur du sous-financement de cette compétence , avec notamment une problématique de reste à charge croissant pour le financement des allocations individuelles de solidarité limitant les possibilités de mener des politiques d'insertion ambitieuses. Les Calpae ont été étendues aux métropoles et aux régions à compter de 2020.

Sur 2019-2021, les crédits annuels consacrés aux Calpae sont passés de 78 millions d'euros à 178 millions d'euros, traduisant leur montée en puissance. Prolongées pour un an en 2022, elles ont fait l'objet d'une ouverture de crédits en LFI 2022 à hauteur de 225 millions d'euros. Les Calpae ont à nouveau été prolongées en 2023, année de transition dédiée à l'élaboration d'une nouvelle génération de conventions.

Évolution des crédits consacrés aux Calpae sur la période 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

S'il est trop tôt pour conduire une évaluation globale du dispositif, les rapporteurs spéciaux ont pu apprécier localement les effets de la Calpae dans le cadre d'un déplacement dans le département de Seine-Saint-Denis , au sein duquel ces conventions ont permis le financement de projets remarquables en faveur de l'inclusion dans l'emploi et d'accès aux droits des publics en difficulté.

S'ils n'entendent pas préempter les négociations devant se tenir en vue d'une nouvelle génération de contrats, les rapporteurs spéciaux proposent trois principes directeurs :

- mieux anticiper et concerter , en accordant un temps suffisant à la concertation sur les modalités concrètes de mise en oeuvre des contrats et en particulier sur la question des indicateurs ;

- assouplir la gestion des contrats , en donnant une véritable visibilité pluriannuelle aux collectivités territoriales sur l'évolution de leurs moyens et en laissant davantage de place aux initiatives locales ;

- simplifier le paysage contractuel , marqué par une multiplication de dispositifs se superposant aux Calpae en matière d'action sociale (service public de l'insertion et de l'emploi, stratégie de prévention et de protection de l'enfance...).

Réunie le mercredi 26 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission. Elle a proposé l'adoption sans modification de l'article 46 quater .

Au 10 octobre 2022, date limite, en application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 47 % des réponses portant sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux.

PREMIÈRE PARTIE :

LES GRANDS ENJEUX BUDGÉTAIRES
DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION
ET ÉGALITÉ DES CHANCES » EN 2023

I. LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2023 S'ÉLÈVENT À PRÈS DE 30 MILLIARDS D'EUROS, PRINCIPALEMENT AU TITRE DE LA PRIME D'ACTIVITÉ ET DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

A. UNE MISSION PERMETTANT LE FINANCEMENT DE DIVERSES POLITIQUES DANS LE DOMAINE DE L'INCLUSION SOCIALE, DU HANDICAP ET DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles.

Les autorisations d'engagement (AE) demandées s'élèvent à 29,8 milliards d'euros en projet de loi de finances (PLF) pour 2023 contre 28 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2022 soit une hausse de 6,6 % .

Les crédits de paiement (CP) demandés s'élèvent quant à eux à 29,9 milliards d'euros en PLF 2023 contre 27,6 milliards d'euros en LFI 2022, soit une hausse de 8,3 % .

Pour mémoire, la mission se décompose en quatre programmes :

- le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » porte notamment les crédits de la prime d'activité . Il concourt entre autres à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il permet enfin de financer les politiques d'aide alimentaire, les actions relatives à la qualification en travail social, les mesures de protection juridique des majeurs, des actions de protection et d'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, ainsi que l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine. Les crédits demandés s'élèvent à 14,5 milliards d'euros en AE et en CP, soit une hausse de 10,1 % par rapport à la LFI 2022 à périmètre courant ;

- le programme 157 « Handicap et dépendance » porte notamment les crédits de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il assure également le financement de l'aide au poste versée aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ainsi que le dispositif d'emploi accompagné. Le programme finance en outre des actions de lutte contre la maltraitance des personnes dépendantes. Les crédits demandés pour 2023 s'élèvent à 14,1 milliards d'euros en AE comme CP, soit une hausse de 6,4 % par rapport à la LFI 2022 à périmètre courant ;

- le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » vise notamment à financer des actions d'accès au droit, de lutte contre les violences faites aux femmes et destinées à favoriser l'émancipation économique des femmes. Les crédits demandés pour 2023 s'élèvent à 54,5 millions d'euros en AE et à 57,7 millions d'euros en CP, soit une nette hausse d'environ 15 % à périmètre courant ;

- enfin, le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » constitue le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère des solidarités et de la santé, portant l'ensemble des emplois de la mission. Il finance également la subvention pour charges de service public allouée aux agences régionales de santé (ARS). Les crédits demandés pour 2023 s'élèvent à 1,2 milliard d'euros en AE, soit une baisse de 21,6 % et 1,3 milliard d'euros en CP, soit une hausse 9,8 % par rapport à la LFI 2022 à périmètre courant .

Les crédits des programmes de la mission « Solidarité, insertion
et égalité des chances » en LFI 2022 et en PLF 2023 à périmètre courant

(en milliers d'euros et en pourcentage)

Programme

LFI 2022

PLF 2023

Variation 2023/2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

13 144 327,9

13 144 327,9

14 469 745,7

14 469 745,7

+ 10,08 %

+ 10,08 %

Programme 157 « Handicap et dépendance »

13 237 188,0

13 238 484,5

14 082 165,7

14 083 462,1

+ 6,38 %

+ 6,38 %

Programme 137
« Égalité entre les femmes et les hommes »

47 388,6

50 609,4

54 472,8

57 693,7

+ 14,95 %

+ 14,00 %

Programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales »

1 578 160,5

1 213 018,8

1 237 562,4

1 332 256,4

- 21,58 %

+ 9,83 %

TOTAL

28 007 065,0

27 646 440,6

29 843 946,6

29 943 157,9?

+ 6,56 %

+ 8,31 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA PRIME D'ACTIVITÉ ET L'AAH, QUI REPRÉSENTENT L'ESSENTIEL DES CRÉDITS DE LA MISSION, SERAIENT MARQUÉS PAR UN FORT DYNAMISME EN 2023

1. Le coût de la prime d'activité, qui permet de soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes, dépasserait le seuil des 10 milliards d'euros
a) La prime d'activité avait constitué un puissant instrument de pouvoir d'achat pour répondre aux demandes exprimées par le mouvement des « gilets jaunes »

La prime d'activité , créée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, a remplacé au 1 er janvier 2016 la part « activité » du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la prime pour l'emploi (PPE). Cette prime est versée aux personnes en activité professionnelle dont les ressources sont inférieures à un certain montant garanti - pour une personne célibataire sans enfant, ce montant est égal à environ 1 885 euros net par mois. Son montant est revalorisé automatiquement au 1 er avril de chaque année en application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Formule de calcul de la prime d'activité

Le montant de la prime d'activité est calculé sur la base d'un montant forfaitaire variable en fonction de la composition du foyer (dont le nombre d'enfants à charge), auquel s'ajoutent les revenus professionnels pris en compte à hauteur de 61 % afin de favoriser l'activité . Pour mémoire, le montant forfaitaire de la prime d'activité s'élève à 586,23 euros (depuis le 1 er juillet 2022) pour un foyer composé d'une personne seule sans enfant.

Le montant forfaitaire de la prime d'activité peut être bonifié selon le salaire mensuel de chaque membre du foyer (moyenne sur les 3 derniers mois), à condition que ces revenus soient supérieurs à 653,13 euros . Le montant de la bonification est croissant à partir de ce montant. Il s'échelonne entre quelques euros, comme 26,30 euros pour un salaire net mensuel de 700 euros , et plus d'une centaine d'euros, comme 170,60 euros pour un salaire moyen supérieur à 1 328,40 euros . Au-delà de ce salaire, le montant de la bonification demeure constant.

La prime d'activité est ouverte aux jeunes actifs dès 18 ans , ainsi qu'aux étudiants et aux apprentis ayant perçu, au cours des trois derniers mois, un salaire mensuel supérieur à 78 % du SMIC. Elle a également été ouverte à compter du 1 er juillet 2016 1 ( * ) aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire.

Les dépenses liées à la prime d'activité ont fortement augmenté à compter de 2019, le dispositif ayant constitué l'un des principaux vecteurs utilisés par le Gouvernement pour répondre à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes ». Par ailleurs, la communication qui a entouré la mise en oeuvre de cette réforme a conduit à augmenter le taux de recours de personnes déjà éligibles mais qui n'avaient pas sollicité la prime d'activité. Les effectifs ont connu une croissance très dynamique à partir de janvier 2019 et ce, jusqu'à mars 2020, sous l'effet de la mise en oeuvre de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité en application de la
loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales.

Les revalorisations de prime d'activité décidées
en 2018, 2019 et 2022

La prime d'activité a été revalorisée afin de soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes et particulièrement ceux rémunérés au Smic :

- le montant forfaitaire de la prime d'activité a été revalorisé de 20 euros à compter du 1 er août ;

- le montant maximal de la composante individuelle de la prime d'activité, le bonus, a été revalorisé de 90 euros à compter du 1 er janvier 2019, passant de 70,49 euros à 160,49 euros, en application du décret n° 2018-1197 du 21 décembre 2018 relatif à la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité. Versé à chaque membre du foyer dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic, le montant du bonus est croissant jusqu'à 1 Smic où il atteint son point maximal. Il reste stable au-delà ;

- le montant forfaitaire de la prime d'activité a été revalorisé, à hauteur de 4 %, suite à la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat adoptée à l'été 2022. Cette hausse anticipée pour faire face à l'inflation fait suite à une précédente revalorisation à hauteur de 1,8 % à compter d'avril 2022. Ces deux revalorisations ont porté le montant de base du calcul de la prime d'activité à 563,68 euros puis 586,23 euros.

Tableau : Impact des mesures réglementaires de revalorisation de la prime d'activité
en masses financières, tous régimes

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Fin décembre 2021, près de 4,6 millions de foyers sont bénéficiaires de la prime d'activité, tous régimes confondus. Selon les dernières prévisions de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), les effectifs de foyers bénéficiaires se stabiliseraient sur la période 2022-2025.

Effectifs des bénéficiaires de la prime d'activité depuis 2016

(nombre de bénéficiaires)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

b) Un montant prévisionnel de 10,9 milliards d'euros en 2023, en forte hausse compte tenu de la dynamique sur le marché du travail

À sa mise en place en 2016, la prime d'activité présentait un bilan légèrement supérieur à 5 milliards d'euros de dépenses. En 2019, la hausse du nombre d'allocataires liée aux revalorisations du montant forfaitaire de la prime d'activité a conduit à une augmentation de la dépense à près de 9,8 milliards d'euros.

Selon les dernières prévisions de la CNAF, les masses financières versées au titre de la prime d'activité atteindraient ainsi plus de 10,1 milliards d'euros en 2022, soit une hausse de 2,3 % par rapport à 2021, pour l'ensemble des régimes et en France entière. Ainsi, pour la première fois, en 2022, les dépenses de prime d'activité pourraient dépasser le seuil des 10 milliards d'euros.

En PLF 2023, 10,9 milliards d'euros en AE et CP sont prévus au titre de ce dispositif, soit une hausse de 8 % par rapport à la prévision 2022.

Les dépenses augmenteraient jusqu'en 2025, dans un premier temps du fait de la dynamique de l'emploi salarié et via une accélération de l'évolution des barèmes liée à la reprise de l'inflation.

Évolution des crédits prévus et consommés au titre de la prime d'activité (CP)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Il est à noter, au 1 er juillet 2022, une revalorisation anticipée des prestations (dont la prime d'activité) à hauteur de 4 % dans le cadre de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Le montant forfaitaire est passé de 563,68 euros à 586,23 euros . Les premiers travaux engagés entre la direction du budget et la DGCS indiquent une hausse de dépenses de prime d'activité de 190 millions d'euros en 2022 et de 660 millions d'euros en 2023 du fait des mesures de revalorisation à l'inflation.

2. L'AAH, qui permet de garantir un revenu minimum aux personnes en situation de handicap, poursuit sa dynamique dans un contexte marqué par sa « déconjugalisation »
a) Une dépense structurellement dynamique

L'allocation aux adultes handicapés (AAH) est un minimum social versé, sous conditions de ressources, aux personnes handicapées de plus de vingt ans 2 ( * ) . Elle est subsidiaire par rapport à d'autres prestations, comme les pensions d'invalidité, les rentes d'accident du travail ou les avantages vieillesse. Elle peut se cumuler avec des ressources personnelles, y compris des revenus d'activité 3 ( * ) , dans la limite d'un plafond annuel, fixé à 11 480 euros pour une personne seule sans enfant depuis le 1 er juillet 2022 4 ( * ) (soit 956 euros par mois en prenant compte des revalorisations de 2022). Son montant est revalorisé automatiquement au 1 er avril de chaque année en application de l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Afin de bénéficier de l'AAH, la personne handicapée doit être atteinte :

- soit d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % (« AAH 1 ») ;

- soit d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 %, et présenter une restriction substantielle et durable 5 ( * ) pour l'accès à l'emploi (RSDAE) ne pouvant être compensée par des mesures d'aménagement du poste du travail (« AAH 2 »).

Ces conditions sont appréciées par les commissions départementales des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) après instruction par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Les dépenses d'AAH sont structurellement orientées à la hausse , en raison :

- des évolutions démographiques, avec le vieillissement de la population. Le risque de survenance d'un handicap et le taux de prévalence de l'AAH augmentent avec l'âge ;

- de la mise en oeuvre de différentes réformes favorables aux bénéficiaires de l'AAH, bien que celles-ci aient été modérées par d'autres mesures d'économies (voir infra ) ;

- du faible taux de sortie du dispositif pour l'AAH : seuls 7,7 % des bénéficiaires sont sortis en 2017 ;

- de l'extension du champ et de la reconnaissance du handicap, qui a joué un rôle non négligeable dans l'augmentation des dépenses d'AAH.

Ainsi, selon les dernières prévisions, le nombre de bénéficiaires progresserait de 28,5 % depuis 2012, pour s'établir à environ 1,28 million en 2021. Dans sa dernière note de prévision d'octobre 2021, la CNAF estimait la dépense d'AAH pour 2022 (en année pleine) à hauteur de 11,65 milliards d'euros et 12,05 milliards d'euros en 2023.

Depuis 2018, la dépense aurait ainsi connu une progression de 28 % pour s'établir à 12,05 milliards d'euros en 2023 selon les dernières estimations de la CNAF , avec un taux de croissance annuelle moyen de 4,9 %.

Croissance de la dépense d'AAH depuis 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La revalorisation anticipée à hauteur de 4 % des prestations sociales au 1 er juillet 2022 prévue par la loi du 16 août 2022 a également été appliquée à l'AAH, représentant un surcoût par rapport aux revalorisations de droit commun de 192 millions d'euros en 2022 et 186 millions d'euros en 2023 . Le montant forfaitaire de l'AAH a ainsi augmenté au 1 er juillet 2022 de 36,79 euros, avec un gain moyen estimé par bénéficiaire de l'AAH d'environ 30,24 euros par mois.

Lors de l'examen du PLF pour 2022 rapporteurs spéciaux avaient porté sur le précédent quinquennat un bilan mitigé : en effet, la revalorisation significative du montant à taux plein de l'AAH, porté de 820 à 900 euros, qui représente une dépense de 3 milliards d'euros a été modérée par de discrets « coups de rabot », les conduisant à la conclusion qu'en matière d'AAH, l'État a tendance à « donner d'une main et reprendre de l'autre » 6 ( * ) . Il s'agit en particulier de :

- la réforme du plafond de ressources pour les bénéficiaires de l'AAH en couple , traduisant un rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH avec celles d'un couple au RSA ;

- la disparition du complément de ressources au 1 er janvier 2020 . Ce complément de ressource - d'un montant de 179 euros mensuel - était versé à près de 67 000 bénéficiaires. Il bénéficiait aux personnes handicapées qui ont un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %, qui reçoivent une allocation à taux plein et vivent dans un logement indépendant (sans percevoir d'aide au logement) et qui ont une capacité de travail inférieure à 5 % ;

- la sous-indexation de la revalorisation légale annuelle de l'AAH par rapport à l'évolution des prix en 2019 et en 2020, limitée à 0,3 % en lieu et place de l'indexation sur l'inflation. Cette mesure a permis de générer en 2019 et en 2020 une économie de 100 millions d'euros.

Ces mesures sont destinées à modérer l'impact budgétaire de la revalorisation, absorbant in fine plus du tiers de la hausse des dépenses qu'elle aurait spontanément provoquées (voir tableau infra ). Selon les caractéristiques des bénéficiaires, elles peuvent avoir pour effet d'en atténuer considérablement la portée.

Estimation de l'impact budgétaire des mesures positives et négatives
prises ou proposées sur 2018-2022 en matière d'AAH

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

Total
2018-2022

Mesures positives

52

648

775

775

1 152

3 402

Revalorisation plafond

52

648

775

775

775

3025

Abattement forfaitaire revenus du conjoint

185

185

Revalorisation anticipée au 1 er juillet 2022

192

192

Mesures négatives

- 10

- 250,5

- 375,7

- 275,7

- 275,7

- 1 187,6

Réforme plafond de ressources couples

- 10

- 150

- 270

- 270

-270

- 970

Suppression complément de ressources

- 0,5

- 5,7

- 5,7

-5,7

- 17,6

Sous-indexation revalorisation légale

-100

- 100

- 200

Bilan

42

397,5

399,3

499,3

876,3

2 214,4

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

b) Un exercice marqué par la mise en oeuvre de la « déconjugalisation » de l'AAH

L'exercice 2023 sera enfin marqué par la mise en oeuvre de la « déconjugalisation » de l'AAH en application de l'article 10 de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Cette mesure implique d'exclure les revenus du conjoint des ressources prises en compte pour déterminer l'éligibilité et le cas échéant le montant de l'AAH.

Celle-ci doit être mise en oeuvre à une date fixée par un décret, et au plus tard le 1 er octobre 2023, son entrée en vigueur dès le début de l'année se heurtant à des obstacles techniques importants. Auditionné sur ce point par les rapporteurs spéciaux, la DGCS a en effet indiqué que l'ensemble des systèmes d'information relatifs aux prestations sociales étaient à ce jour fondés sur une logique familialisée et que la mesure impliquait à cet égard d'importants travaux d'adaptation.

Son coût est évalué à 93 millions d'euros pour le dernier trimestre 2023 puis 400 millions d'euros en année pleine . La possibilité ouverte par la loi précitée aux ménages déjà bénéficiaires de l'AAH et qui « perdraient » à la mise en oeuvre de la mesure (soit dans le cas où les revenus du conjoint seraient inférieurs à ceux du bénéficiaire) d'opter pour le maintien du mode de calcul antérieur représenterait quant à elle un coût estimé à 160 millions d'euros , portant le coût global du dispositif à 560 millions d'euros en année pleine . La mesure devrait permettre à 160 000 ménages de voir leur AAH augmenter de 300 euros en moyenne , dont 80 000 nouveaux bénéficiaires .

Demandée de longue date par les associations de défense des droits des personnes en situation de handicap - mais également par le Sénat 7 ( * ) , la mesure est pleinement soutenue par les rapporteurs spéciaux qui relevaient dans leur rapport relatif au PLF pour 2022 qu'elle « témoignerait de la pleine reconnaissance de la spécificité du public ciblé par l'AAH, qui, en raison de son montant et de ses conditions d'accès plus favorables, ne saurait être regardée comme un minimum social comme un autre. Elle permettrait de clarifier la nature du dispositif en faisant de l'AAH une véritable prestation de compensation de l'éloignement de l'emploi provoqué par le handicap, et d'accès à l'autonomie. En risquant d'accroître la dépendance de la personne handicapée aux revenus de son conjoint, la conjugalisation constitue en effet un frein à cette logique d'autonomie » 8 ( * ) .

Il est regrettable qu'il ait fallu tant d'années au président de la République pour soutenir la mise en oeuvre de cette mesure de justice, qui semble lui avoir été « arrachée » à la faveur de la campagne présidentielle.

3. La prime d'activité et l'AAH représentent plus des trois quarts des crédits de la mission

À elles seules, la prime d'activité (10,9 milliards d'euros) et l'AAH (12,05 milliards d'euros) représentent à elles seules plus des trois quarts des crédits demandés pour la mission en PLF 2023 (76,9 %).

Part de la prime d'activité et de l'AAH
dans les crédits demandés pour la mission en PLF 2023 (CP)

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

II. L'IMPORTANTE DYNAMIQUE CONSTATÉE DES CRÉDITS DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES » SUR LES DERNIÈRES ANNÉES EST RÉVÉLATRICE DE NOS FRAGILITÉS

A. LA SUCCESSION DE DISPOSITIFS D'URGENCE NE FAIT PAS UNE POLITIQUE SOCIALE

Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se caractérisent par un taux de croissance annuel moyen très élevé (10 %).

Comme l'illustre le graphique ci-après, cette dynamique est largement liée à la mobilisation de la mission pour financer la réponse à des situations d'urgence économique et sociale .

L'augmentation à 90 euros du bonus individuel de la prime d'activité avait ainsi constitué en 2019 l'un des principaux vecteurs utilisés par le Gouvernement pour répondre à l'urgence sociale exprimée par le mouvement des « gilets jaunes ». Cette mesure représente un coût annuel pérenne d'environ 4,4 milliards d'euros.

L'exercice 2020 avait ensuite été marqué par le financement d'une série de mesures d'urgence en réponse à la crise sanitaire, avec l'ouverture de 2,7 milliards d'euros en lois de finances rectificatives , au premier rang desquelles les aides exceptionnelles de solidarité (AES) en faveur des ménages modestes (1,9 milliard d'euros) , ainsi qu'un plan d'urgence en faveur de l'aide alimentaire (94 millions d'euros), de l'aide sociale à l'enfance (50 millions d'euros) et de lutte contre les violences conjugales dans le contexte des confinements (4 millions d'euros).

Dans le contexte de la forte poussée inflationniste, particulièrement sensible sur les produits énergétiques, amorcée à l'automne 2021 et intensifiée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022 , la mission a permis le financement de plusieurs mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat des ménages.

La seconde loi de finances rectificative pour 2021 9 ( * ) a d'abord prévu une indemnité inflation de 100 euros devant être versée à toute personne percevant moins de 2 000 euros de revenu net mensuel 10 ( * ) . Cette indemnité exceptionnelle a concerné 38 millions de personnes et représenté un coût de 3,8 milliards d'euros pour l'État, dont 3,2 milliards financés sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » au titre de la compensation des caisses de sécurité sociale chargées du remboursement de l'indemnité versée par les employeurs aux salariés du secteur privé.

Les crédits ouverts en cours d'année au titre de la
loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 ont ensuite permis le financement d'une aide exceptionnelle de rentrée destinée aux ménages les plus modestes bénéficiaires des minima sociaux et de la prime d'activité, représentant un coût de 1,2 milliard d'euros. Mise en oeuvre par le décret n° 2022-1234 du 14 septembre 2022, bénéficiant aux allocataires des minima sociaux 11 ( * ) , celle-ci a été fixée à 100 euros, auxquels s'ajoutent 50 euros par enfant à charge effective et permanente . Elle concerne environ 10 millions de foyers. Pour les bénéficiaires de la seule prime d'activité, le montant de l'aide s'élève à 28 euros, majoré de 14 euros par enfant à charge.

Évolution des crédits de la missionà périmètre courant entre 2018 et 2023 (CP)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La nécessité d'inscrire sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », chaque année depuis 2019, des dépenses nouvelles visant à répondre à des situations d'urgence sociale est révélatrice d'un problème de fond . Après les deux AES « Covid » et l'indemnité inflation, l'aide exceptionnelle de rentrée pour 2022 est donc le quatrième dispositif ponctuel mis en place en un peu plus de deux ans. Par-delà les aléas conjoncturels, cette « politique du chèque », qui permet juste aux plus pauvres de nos concitoyens de passer le mois en cas de crise aigüe sans leur donner la moindre perspective, traduit la vulnérabilité de notre modèle social et l'impuissance dans laquelle sont plongées nos politiques de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Le budget de l'État ne peut pas, à lui seul, absorber des chocs sociaux qui trouvent leur racine dans nos fragilités structurelles : le chômage - en particulier le chômage de longue durée et le chômage des jeunes -, le sous-emploi et la faiblesse des salaires.

B. UNE HAUSSE IMPORTANTE DES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2023, PRINCIPALEMENT LIÉE À L'INDEXATION DES PRESTATIONS SOCIALES SUR L'INFLATION

1. Des évolutions de périmètre limitées

La mission est affectée à la marge par des mouvements de périmètre et de transferts représentant un montant global de 140,7 millions d'euros en AE et en CP.

Le programme 304 comporte une mesure de périmètre de 138 millions d'euros au titre de la mise en oeuvre de l'expérimentation de recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA) dans les Pyrénées orientales (voir infra ).

Le programme 137 comporte deux mesures de transferts sortants représentant un total de 225 750 euros , au titre de la contribution au contrat de convergence et de transformation (CCT) de la Guyane, transférée sur le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (200 000 euros en AE et CP) et des crédits consacrés au financement du fonctionnement courant des directions régionales aux droits des femmes et à l'égalité (DRDFE) ultramarines, transférés sur le programme 354 « Administration générale et territoriale de l'État ».

Le programme 124 comporte également différentes mesures de transferts sortants représentant un total de 637 026 euros. Enfin, il comprend un transfert entrant de 157 939 euros correspondant aux crédits de fonctionnement de la direction de la cohésion sociale, du travail, de l'emploi et des populations (DCSTEP) de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu'une mesure de périmètre positive à hauteur de 1 531 521 euros en AE et CP, dans le cadre de la redéfinition de l'imputation des dépenses de fonctionnement liées à la lutte antivectorielle (LAV) dans les ARS de Guadeloupe, Mayotte et la Réunion.

La recentralisation du RSA
en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées-Orientales

L'article 43 de la loi de finances initiale pour 2023 permet aux départements qui le souhaitent d'expérimenter, pendant cinq ans, une recentralisation du RSA. L'État assure alors le financement du RSA ainsi que l'instruction, l'attribution et le service de cette prestation qui seront exercés par délégation par les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de mutualité sociale agricole (MSA). Les départements conservent donc la compétence liée à l'orientation ainsi que celle liée à l'insertion. En contrepartie, l'État bénéficie d'un droit à compensation calculé sur la base de la moyenne des dépenses de RSA sur la période 2018-2020, financée par la reprise aux départements des ressources qui avaient été transférées en compensation du transfert de compétence RSA, complétées par certaines ressources tirées du produit des droits de mutation à titre onéreux, de la dotation globale de fonctionnement et le cas échéant de la fraction de TVA perçue en compensation de la perte de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Au moment de l'élaboration de la loi de finances pour 2022, seul le département de la Seine-Saint-Denis avait officiellement manifesté sa volonté de participer à cette expérimentation. Ainsi, le montant de l'enveloppe budgétaire en PLF 2022 était de 564,9 millions d'euros .

La première loi de finances rectificative pour 2022 a quant à elle prévu une ouverture de crédits à hauteur de 149,4 millions d'euros pour financer l'entrée dans l''expérimentation du département des Pyrénées-Orientales.

L'objectif de l'expérimentation est d'analyser si, sans supporter la gestion et le financement du RSA, les départements pourront accroitre l'efficacité de l'orientation et de l'insertion des bénéficiaires du RSA dans l'emploi. Ils s'engagent ainsi à renforcer leur politique d'insertion, au travers d'une convention signée avec l'État qui fixe les modalités de suivi ainsi que les engagements du département en matière d'accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Les accords conclus avec les départements de Seine-Saint-Denis et des Pyrénées-Orientales fixent les engagements des parties en matière d'insertion en mettant en place des indicateurs de suivi ainsi qu'une gouvernance au niveau départemental. Ceux-ci doivent permettre d'apprécier de façon concertée les résultats atteints et les mesures correctrices éventuellement nécessaires.

Grâce aux moyens financiers dégagés par la recentralisation du financement du RSA, les départements se sont engagés à augmenter leurs dépenses d'insertion (+ 23 millions d'euros à horizon 2026 en Seine-Saint-Denis et + 24 millions d'euros dans les Pyrénées-Orientales).

En 2023, le financement du RSA recentralisé dans ces deux départements représenterait une dépense brute de 1,5 milliard d'euros pour l'État.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

2. À périmètre constant, les crédits de la mission connaîtraient une hausse de 8 % en 2023

À périmètre constant, les crédits de la mission connaissent entre 2022 et 2023 une progression de 1,8 milliard d'euros en AE (+ 6,6 %) et de 2,2 milliards d'euros en CP (+ 8 %).

Évolution des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Exécution 2021 (hors P371)

LFI 2022

PLF 2023 courant

PLF 2023 constant

Evolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Evolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

48,5

47,4

54,5

54,7

+ 7,3

+ 15,4

0

CP

41,9

50,6

57,7

57,9

+ 7,3

+ 14,4

0

157 - Handicap et dépendance

AE

12 833,0

13 237,2

14 082,2

14 082,2

+ 845,0

+ 6,4

0

CP

12 831,9

13 238,5

14 083,5

14 083,5

+ 845,0

+ 6,4

0

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

AE

1 141,0

1 578,2

1 237,6

1 236,6

- 341,6

- 21,6

11,2

CP

1 176,5

1 213,0

1 332,3

1 331,3

+ 118,3

+ 9,8

11,2

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

12 428,4

13 144,3

14 469,7

14 331,6

+ 1 187,3

+ 9,0

0

CP

12 425,8

13 144,3

14 469,7

14 331,6

+ 1 187,3

+ 9,0

0

Total mission

AE

26450,9

28 007,1

29 844,0

29 705,1

+ 1 698,0

+ 6,1

11,2

CP

26476,1

27 646,4

29 943,2

29 804,3

+ 2 157,9

+ 7,8

11,2

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits. La différence entre les montants courants et constants correspond aux évolutions de périmètre présentées dans le PAP et détaillées ci-dessus. Les différences et pourcentages correspondent à l'évolution en termes constants.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les principaux facteurs de la hausse des crédits de paiement demandés en PLF 2023 sont :

- les revalorisations, notamment anticipées, de prestations sociales (AAH, prime d'activité, RSA) : 1,6 milliard d'euros ;

- la déconjugalisation de l'AAH , effective à compter du 1 er octobre 2023 : 93 millions d'euros ;

- la mise en place du nouveau fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires : 60 millions d'euros ;

- la mise en oeuvre des revalorisations décidées lors de la conférence des métiers (Ségur médico-éducatif) en faveur des personnels de la protection juridique des majeurs : 62 millions d'euros ;

- l' impact de la hausse du Smic sur la rémunération des personnes handicapées travaillant en ESAT conduit à une hausse des crédits de l'aide au poste pour la garantie de ressource des travailleurs handicapés (GRTH) : 87 millions d'euros ;

- l' accompagnement financier des départements au titre de la mise en oeuvre de la nouvelle obligation de prise en charge des jeunes majeurs à l'aide sociale à l'enfance : 50 millions d'euros ;

- la hausse de la subvention pour charges de service public (SCSP) aux Agences régionales de santé (ARS) permettant notamment de financer des renforts d'emplois au sein de l'inspection de contrôle des établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et pour la préparation des Jeux Olympiques de Paris 2024 : 22,5 millions d'euros ;

- la hausse des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » : 7,3 millions d'euros.

Décomposition de la hausse des crédits de la mission en PLF 2023
à périmètre constant (CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

3. Une hausse des emplois rémunérés par la mission, liée à la volonté de pérenniser la capacité de réaction du ministère face aux crises

Les dépenses de personnel représentent 416,7 millions d'euros en PLF 2023, soit une augmentation de 7,6 % par rapport au PLF 2022. Ces crédits ne représentent que 1,4 % des CP de la mission, qui est essentiellement composée de dépenses d'intervention. Il est à noter que l'ensemble des crédits du T2 sont ouverts sur le programme support 124.

Évolution du plafond d'emploi à périmètre constant depuis 2019
(base 2023, hors opérateurs)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Depuis 2019, le plafond d'emplois de la mission (hors opérateurs) a diminué de 165 équivalents temps plein travaillé (ETPT) à périmètre constant. Après une phase de diminution des effectifs entre 2018 et 2021, décidée dans un souci de maîtrise de la dépense publique, on observe néanmoins une hausse du plafond d'emplois à périmètre constant depuis la LFI 2022 (+ 143 ETPT), notamment imputable à une nouvelle hausse du schéma d'emplois prévu pour 2023 (+ 53 ETP) après celle constatée en 2022.

Ces hausses ont notamment permis de renforcer les équipes d'appui à la cellule de crise sanitaire , ainsi que de couvrir les besoins du nouveau Conseil stratégique des industries de santé. En effet, de l'aveu même du ministère des solidarités et de la santé, « la crise sanitaire due au coronavirus en 2020 a montré que le programme 124 ne pouvait plus diminuer ses effectifs » 12 ( * ) . Dans le cadre du schéma d'emploi 2022, 45 ETP sont ainsi consacrés au « réarmement » des services des ministères sociaux, en « soclant » une partie des renforts temporaires recrutés durant la pandémie de covid-19 afin de renforcer de façon pérenne les compétences de gestion de crise.

4. Focus : la poursuite du renforcement des crédits dédiés à la lutte contre les violences faites aux femmes, mais une transparence des crédits à améliorer

Les politiques de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences faites aux femmes sont retracées, pour ce qui relève de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », sur le programme 137. Ce programme intervient principalement par des subventions versées à des associations assurant des missions de service public ou d'intérêt collectif, qui interviennent tant en matière de lutte contre les violences sexistes que pour promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes.

Dans un rapport publié en juillet 2020 et intitulé : « Le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes : une priorité politique qui doit passer de la parole aux actes » 13 ( * ) , les rapporteurs spéciaux ont dressé deux principaux constats :

- d'abord celui d' une politique publique budgétairement contrainte, souffrant d'un morcellement des crédits, qui nuit à la lisibilité et à l'efficacité de mesures mises en oeuvre ;

- ensuite, celui d' une politique insuffisamment portée et inégalement appliquée sur le territoire . L'administration et les associations, véritables pivots de cette politique, ne sont pas assez outillées, ni dotées pour mener à bien une politique, dont les demandes et les enjeux sont grandissants et qui requiert une capacité d'action interministérielle.

Les rapporteurs spéciaux relèvent la poursuite de l'augmentation des crédits en 2023. Les crédits demandés s'élèvent en effet à 54,5 millions d'euros en AE (soit une augmentation de 15 % par rapport à la LFI 2022) et 57,7 millions d'euros en CP (soit une hausse de 14 % par rapport à 2021).

Le financement par le programme 137 des politiques de lutte contre les violences faites aux femmes s'élève en PLF 2023 à 29,2 millions d'euros en AE et 32,4 millions d'euros en CP. Les crédits auraient ainsi connu une progression de 140 % (+ 18,9 %) entre 2019 et 2023.

Évolution des crédits destinés spécifiquement à la lutte
contre les violences faites aux femmes

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

2023

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Crédits ouverts en LFI

13,7

13,5

13,5

13,8

29,5

22,3

24,9

28

29,2

32,4

Crédits consommés

13,9

13,3

19,9

20,1

32,1

25,5

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Cette hausse des crédits s'explique notamment par le financement de de deux mesures du Grenelle de lutte contre les violences conjugales du 25 novembre 2019 :

- l'ouverture de 30 centres de prise en charge psychologique et sociale des auteurs de violences conjugales (CPCA) , financés à hauteur de 5,9 millions d'euros par le programme 137 en PLF 2023, qui, dans une logique de prévention des violences, ont permis l'accompagnement de 6 000 auteurs de violence en 2021. En termes d'affichage, les associations entendues ont regretté que son financement soit assuré par le programme 137 - qui devrait être dédié uniquement aux victimes - et non par la mission « Justice », dans la mesure où le placement dans ces structures relève dans la majorité des cas de décisions judiciaires (92 %) ;

- le financement du passage, depuis 2021, à un fonctionnement 24h/24 et 7j/7 de la plateforme d'écoute « 39.19 - Violences femmes infos » gérée par la Fédération nationale solidarité femmes FNSF) , à laquelle serait attribuée une dotation dédiée de 2,9 millions d'euros en 2023. Cette extension permet notamment de renforcer son accessibilité pour les femmes victimes outre-mer. En 2021, le taux de réponse est de 75 %, ce qui constitue un progrès par rapport aux années précédentes mais reste inférieur à la cible (85 %). Des difficultés subsistent en matière de recrutement et de formation des écoutantes, qui doivent de surcroît traiter un trafic d'appels très soutenu (149 794 appels en 2021, soit 54,7 % de plus qu'en 2019).

Il convient également de noter la légère augmentation de l'enveloppe allouée à l'aide financière pour l'insertion sociale (AFIS) destinée aux personnes en parcours de sortie de prostitution (+ 0,3 million d'euros). Le dynamisme du dispositif, avec un quasi-triplement du nombre de bénéficiaires entre 2018 et 2021 (passage de 108 à 456) témoigne d'un meilleur accès aux droits et accompagnement des personnes en parcours de sortie de la prostitution. Le montant de l'AFIS (363 euros en moyenne) reste très faible, et insuffisamment incitatif à l'engagement dans un tel parcours.

C. COMME PAR LE PASSÉ, LE RESPECT DE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION EN COURS D'EXAMEN DÉPENDRA EN PRATIQUE DES ALÉAS CONJONCTURELS

Hors contribution au CAS Pensions (101,4 millions d'euros en PLF 2023), le budget demandé pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représente un total de 29,8 milliards d'euros , soit le montant du plafond des crédits alloués à cette mission pour 2023 par le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027 en cours d'examen.

Trajectoire prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire

En 2023, 2024 et 2025, les plafonds de crédits alloués à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », hors contribution du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions », hors charges de la dette et hors remboursements et dégrèvements, ne peuvent, à périmètre constant, excéder 30,3 milliards d'euros pour 2024 et 31,1 milliards d'euros pour 2025. Cette trajectoire représenterait donc une hausse notable des crédits par rapport à 2022 en euros courants (+ 12 %), qui est toutefois à relativiser en euros constants (+ 2 %). On peut en déduire que la hausse vise ainsi principalement à financer l'indexation automatique à l'inflation de la prime d'activité et de l'AAH pour les années à venir.

L'expérience des derniers exercices invite pourtant à la prudence quant au respect de cette trajectoire, car les nombreuses incertitudes qui entourent l'évolution de la situation économique et sociale conduiront très probablement le Gouvernement à proposer, comme les années précédentes, le financement d'aides monétaires votées en urgence.

DEUXIÈME PARTIE :
LE SYSTÈME FRANÇAIS D'AIDE ALIMENTAIRE À L'ÉPREUVE DE LA CRISE INFLATIONNISTE

I. UNE HAUSSE PRÉOCCUPANTE DE LA PRÉCARITÉ ALIMENTAIRE EN FRANCE

Dans la période récente et en particulier depuis la crise sanitaire, on assiste à une forte aggravation de la précarité alimentaire en France.

Dès 2017, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) estimait que 11 % de la population se trouvait en situation d'insécurité alimentaire, soit 7 à 8 millions de personnes 14 ( * ) .

Insécurité alimentaire, lutte contre la précarité alimentaire
et aide alimentaire

L'insécurité alimentaire est une notion utilisée dans les enquêtes statistiques. Elle renvoie au manque de moyens pour acheter de la nourriture, pour faire des repas équilibrés, pour manger à sa faim, ou encore à l'obligation de sauter des repas ou de manger moins par manque d'argent. Toutes les personnes en situation d'insécurité alimentaire ne font pas systématiquement appel à l'aide alimentaire.

La lutte contre la précarité alimentaire , au sens de l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles, vise à favoriser l'accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Elle mobilise l'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les associations, dans le cadre de leur objet ou projet associatif, ainsi que les centres communaux et intercommunaux d'action sociale, en y associant les personnes concernées. L'aide alimentaire constitue le principal dispositif de lutte contre la précarité alimentaire.

L'aide alimentaire , au sens de l'article L. 266-2 du même code a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, assortie de la proposition d'un accompagnement. Elle est principalement mise en oeuvre par des associations habilitées - en particulier les quatre têtes de réseaux nationales : la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du Coeur, le Secours populaire et la Croix Rouge française - ainsi que par les épiceries sociales. Le fonctionnement de ces structures repose sur des moyens privés (dons en nature et numéraires des particuliers et entreprises), des financements publics (aides européennes, dépenses budgétaires de l'État et des collectivités territoriales, dépenses fiscales), et l'action bénévole de leurs membres.

Source : commission des finances du Sénat

En 2020, le système d'information de l'aide alimentaire élaboré par la DGCS dénombrait 5,6 millions de personnes inscrites auprès d'une association d'aide alimentaire habilitée .

La fermeture des cantines scolaires et durant la pandémie, puis l'inflation sur les prix des produits alimentaires depuis l'automne 2021, et plus généralement la fragilisation sociale résultant de la multiplication des crises entraîne une hausse sensible du recours à l'aide alimentaire, attestée par l'ensemble des acteurs auditionnés par les rapporteurs spéciaux.

À titre d'exemple, la Fédération française des banques alimentaires a recensé une augmentation de 6 % des demandes en 2020, de 4 % en 2021 et de 9 % sur un an au deuxième trimestre 2022 (+ 200 000 personnes). Il s'agit notamment de familles ou de femmes seules avec des enfants en bas âge, y compris des personnes qui travaillent mais ne parviennent pas « à boucler leurs fins de mois ». La présence d'étudiants dans les files actives, qui est notamment apparue massivement durant la crise sanitaire, s'est installée. Suite à une étude menée auprès des personnes qu'elle accompagne, cette association met plus particulièrement en avant plusieurs constats sur l'impact de l'inflation actuelle :

- une hausse du budget alimentation pour la moitié des ménages interrogés ;

- une hausse des prix qui affecte davantage les familles avec enfants ;

- un report massif sur les produits discount ;

- des restrictions très fortes sur les produits non alimentaires, en particulier sur les vêtements et les loisirs ;

- un recours à l'aide alimentaire accru pour les personnes qui y faisaient déjà appel.

L'association nationale des épiceries solidaires (Andes) dénombre quant à elle une augmentation moyenne de 51 % de bénéficiaires depuis le début de l'année 2022.

L'ensemble des associations auditionnées constatent ainsi une forme d'effet ciseaux, qui affecte aussi bien les bénéficiaires que les associations elles-mêmes . D'un côté, les personnes soutenues, dont les revenus ont été fragilisés par les crises qui se sont succédé, font face à une hausse des prix alimentaires. De l'autre, les associations doivent, à moyens constants voire même en diminution du fait de lots infructueux (voir infra ), faire face à un afflux sans précédent de demandes tout en étant fortement affectées par la hausse des prix de l'énergie (et en particulier du prix des carburants pour les bénévoles devant se rendre sur les sites de distribution). Toutes craignent en outre une saturation de leurs capacités d'accueil . Selon l'Andes, 90 % des épiceries solidaires indiquent avoir subi une fragilisation de leurs approvisionnements et 40 % d'entre elles ont dû réduire la quantité ou la qualité des produits vendus.

II. FACE À L'URGENCE, LA NÉCESSITÉ DE SOUTENIR EFFICACEMENT LES ASSOCIATIONS DOIT PRIMER DEVANT TOUTE AUTRE CONSIDÉRATION

A. LES FONDS EUROPÉENS : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS FRAGILISÉE PAR L'INFLATION ET LA PROBLÉMATIQUE CROISSANTE DES MARCHÉS INFRUCTUEUX

Pour la programmation 2022-2027, le fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) a été intégré au nouveau Fonds social européen plus (FSE +). La France a ainsi reçu une dotation de 647 millions d'euros dans le cadre du nouveau FSE + (dont 65 millions d'euros relevant du cofinancement national) , contre 587 millions d'euros pour la campagne 2014-2020 du FEAD. Le taux de co-financement national sur les achats de denrées a également été relevé à 90 % (contre 85 % sur la précédente campagne).

Par ailleurs, la Commission européenne a lancé fin mai 2020 une initiative REACT-EU visant à abonder les fonds de cohésion pour la période 2020-2022 en réponse à la crise sanitaire et économique. Cela a permis d'allouer au FEAD français 132 millions d'euros de crédits financés à 100 % par l'UE permettant à l'opérateur FranceAgriMer - l'opérateur du programme 304 en charge de la passation des marchés d'achats publics de denrées pour le compte des associations d'aide alimentaire éligibles au FSE + d'effectuer des achats complémentaires de denrées. Sur cette initiative , 106 millions d'euros ont été engagés .

Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que se féliciter de l'important effort national et européen annoncé en faveur de l'aide alimentaire pour la programmation 2022-2027. Plusieurs menaces continuent cependant de peser sur l'approvisionnement des associations.

En premier lieu, la programmation a été adoptée avant la poussée inflationniste qui a débuté fin 2021. En termes réels, la dotation annuelle diminuerait donc de 12 % à l'horizon 2027 d'après les hypothèses d'inflations figurant au rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi de finances, diminuant donc d'autant les quantités de denrées pouvant être achetées.

Programmation 2022-2027 du FSE + pour l'aide alimentaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

En second lieu, les tensions très importantes observables sur les marchés agricoles, en particulier depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, ont provoqué plusieurs marchés infructueux - soit des marchés n'ayant fait l'objet d'aucune offre ou ayant fait l'objet de demandes de résiliation pour force majeure par les fournisseurs sélectionnés, finalement dans l'incapacité d'honorer leurs livraisons. Les lots infructueux ont, à date, représenté un volume de denrées de 67 millions d'euros depuis 2021. Cette situation est particulièrement préoccupante pour les associations qui, en l'absence de compensation, se verraient ainsi privées des denrées sur lesquelles elles comptaient.

Plusieurs leviers sont mis en avant par FranceAgriMer pour limiter les marchés infructueux :

- le renforcement de ses capacités de sourcing des produits . La subvention pour charges de service public a connu une progression en LFI 2022 visant à lui permettre de recruter un expert en la matière, recrutement qui n'a pas pu être réalisé à ce jour du fait de la rareté de la compétence recherchée sur le marché du travail et d'une attractivité du poste vraisemblablement insuffisante ;

- la passation de marchés pluriannuels assortis de clauses de révision annuelles, destinés à donner de la visibilité aux fournisseurs comme à l'ensemble des réseaux associatifs. Des marchés pluriannuels ont été signés pour cinq produits début 2022. Une telle évolution ne peut cependant qu'être progressive dans les mesure où les associations doivent adapter leurs process en conséquence ;

- la poursuite du travail d'alerte mené par FranceAgriMer auprès des associations sur les marchés à risque.

Enfin, l'accès aux fonds européens est encore trop souvent obéré par un cadre normatif excessivement contraignant . À cet égard, les constats formulés par les rapporteurs spéciaux dans le rapport qu'ils avaient consacré au sujet en 2018 restent malheureusement toujours valables 15 ( * ) . Les contrôles de conformité aux normes européennes, assurés par commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), qui opère pour le compte de la Commission européenne comme autorité de certification nationale des marchés passés par FranceAgriMer, sont encore excessivement tatillons, voire drastiques . Ces contrôles aboutissent à ce que 15 % des montants engagés par FranceAgriMer en 2022 soient rendus inéligibles au financement FSE +, devant en conséquence faire l'objet d'une compensation par l'État. Ce taux dit « d'auto-apurement » est d'ailleurs en hausse puisqu'il était encore de 12 % en 2019. Les irrégularités en cause sont généralement imputables à des erreurs d'ordre logistique.

Afin de renforcer la sécurité juridique des marchés, une dissociation entre le marché logistique (géré avec l'appui d'un logisticien professionnel recruté par FranceAgriMer en 2022 grâce à la hausse de sa subvention pour charges de service public) et le marché de l'achat de denrées a été expérimentée sur cinq produits, avec des résultats jugés très positifs par l'ensemble des acteurs, y compris associatifs.

De manière générale, les associations auditionnées ont fait part aux rapporteurs spéciaux de la nécessité de simplifier les charges administratives pour leurs bénévoles , même si des améliorations ont pu être constatées, notamment grâce à l'expérimentation de la dissociation des marchés logistiques et d'achats de denrées. Les obligations déclaratives ont toutefois été considérablement complexifiées par les nouvelles exigences posées par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, avec la déclaration du nombre de reçus fiscaux émis et du montant total des dons, et l'introduction de nouvelles informations obligatoires sur les reçus, notamment la valeur monétaire s'agissant du don en nature. Ces contraintes nouvelles affectent également les donateurs, de sorte que les associations craignent un recul des dons dans une période où leurs besoins augmentent. Il s'agit pour les rapporteurs spéciaux d'un effet de bord regrettable de cette loi, qui n'avait pas pour vocation de renforcer les exigences à l'égard des associations d'aide alimentaire.

B. UNE HAUSSE DES CRÉDITS NATIONAUX BIENVENUE MAIS QU'IL CONVIENDRAIT D'AFFECTER PRIORITAIREMENT AU SOUTIEN AUX STRUCTURES

1. Dans la loi de finances rectificative d'août 2022, le soutien aux associations a été renforcé de façon significative à l'initiative du Sénat

Il est à noter que la première loi de finances rectificative pour 2022, sur proposition de la commission des finances du Sénat, a ouvert 40 millions d'euros de crédits supplémentaires sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour compenser les associations des marchés infructueux intervenus et pour les soutenir financièrement face à la hausse des prix. En incluant une enveloppe de 15 millions d'euros dédiée à l'aide alimentaire outre-mer prévue par cette même loi, transférée en gestion sur le programme 304, les moyens de l'aide alimentaire ont été renforcés à hauteur de 55 millions d'euros en 2022.

D'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, l'enveloppe de 40 millions d'euros doit être répartie entre :

- un volet national, avec 28,5 millions d'euros dédiés à la compensation des lots infructueux pour les quatre têtes de réseaux, leur permettant d'acheter directement les produits dont ils ont besoin ;

- un volet local, avec 11,5 millions d'euros gérés par les services déconcentrés pour soutenir localement le tissu associatif (y compris hors tête de réseaux).

2. La hausse des crédits demandés pour 2023 est principalement liée au financement d'un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, dont les modalités de fonctionnement sont inconnues à ce jour

Le PLF 2023 prévoit d'ouvrir 117,2 millions d'euros de crédits sur l'action n° 14 « Aide alimentaire » du programme 304, soit une progression de 60,5 millions d'euros par rapport à la LFI 2022, correspondant essentiellement au financement d'une mesure nouvelle, le fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires (voir infra ) .

Outre le cofinancement des crédits FSE + et les remboursements des dépenses déclarées inéligibles à FranceAgriMer, ces crédits permettent de financer au niveau national le fonctionnement des quatre têtes de réseau associatives ainsi que des projets d'approvisionnement en denrées, et au niveau régional le fonctionnement des associations habilitées localement.

Le reste des crédits est destiné à soutenir les épiceries sociales
- celles-ci n'étant pas éligibles au FSE + 16 ( * ) -, à subventionner les têtes de réseau associatives nationales afin de prendre en charge une partie de leurs coûts de fonctionnement au titre de l'aide alimentaire (logistique, formation des bénévoles, etc .), à financer les services déconcentrés qui mettent en oeuvre la distribution de l'aide alimentaire, ainsi qu'à verser une subvention pour charges de service public à FranceAgriMer en tant qu'organisme intermédiaire de gestion du FSE +.

Outre le financement du nouveau fonds pour les nouvelles solidarités actives, la stabilité des crédits « soclés » peut néanmoins poser question dans le contexte rappelé supra , notamment pour ce qui concerne les épiceries sociales qui ne sont pas concernées par le FSE +, ce qui paraît contradictoire avec l'impulsion donnée par le Gouvernement en faveur de la création de ces structures . D'après les projections de l'Andes, entendue par les rapporteurs spéciaux, le contraste entre la forte hausse prévisionnelle du nombre des structures d'une part et la stabilité de l'enveloppe aboutirait à une diminution de 35 % de la dotation par structure entre 2019 à 2023.

Évolution des crédits nationaux en faveur de l'aide alimentaire
entre la LFI 2022 et le PLF 2023

(en millions d'euros)

LFI 2022

PLF 2022

P.304 - Action 14

56,7

117,2

dont contribution nationale au FSE +

12,3

11,5

Prise en charge des dépenses inéligibles au titre des exercices précédents

8,9
(exercices 2019 et 2020)

10,2
(exercices 2020 et 2021)

dont épiceries sociales

9,1

9,1

dont subventions aux têtes de réseau associatives nationales

4,8

4,8

dont aide alimentaire déconcentrée

18,7

18,7

dont subvention pour charge de service public à FranceAgriMer

2,9

2,9

dont Fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires

-

60

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le nouveau fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires est doté de 60 millions d'euros , et s'inscrit dans la suite des travaux de la convention citoyenne pour le climat et de la loi « Egalim » 17 ( * ) , avec les objectifs suivants :

- améliorer la qualité nutritionnelle et gustative de l'approvisionnement en denrées de l'aide alimentaire ;

- réduire l'impact environnemental du système d'aide alimentaire ;

- permettre le renforcement et l'évolution des dispositifs locaux afin de répondre aux objectifs de la lutte contre la précarité alimentaire (ancrage territorial, couverture des zones sous-équipées, approvisionnements durables et de qualité, émancipation et autonomisation des personnes, dignité, insertion sociale) et aux objectifs de la politique de l'alimentation.

La DGCS a indiqué aux rapporteurs spéciaux que les crédits du fonds seront répartis sur appel à projets pour financer des initiatives portées par les associations répondant à ces objectifs.

Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent que saluer le renforcement des crédits dédiés à la lutte contre la précarité alimentaire, ce nouveau dispositif interroge à plusieurs égards .

Il convient en effet de rappeler que celui-ci est directement issu du débat qui s'est fait jour, suite à la Convention citoyenne pour le climat, autour de la mise en place d'un chèque alimentaire . Comme le projet de chèque alimentaire, celui-ci poursuit simultanément deux objectifs de politique publique distincts : la lutte contre la précarité alimentaire et le soutien aux filières agricoles durables. Si l'on ne peut que partager l'objectif d'une meilleure qualité des produits distribués aux personnes ayant recours à l'aide alimentaire, il est toutefois à craindre que la logique économique et écologique de soutien à l'agriculture responsable puisse entrer en conflit avec l'efficacité de la logique sociale de soutien aux personnes précaires.

En tout état de cause, ce dispositif reste une situation bien préférable à celle du chèque alimentaire, qui tourne le dos au modèle français d'aide alimentaire ayant pour pilier les associations qui assurent, en parallèle de la distribution de denrées, un accueil et un accompagnement social indispensable .

En termes de méthode, il n'est pas non plus assuré que ce fonds, qui porte en lui une ambition de transformation profonde de l'action des structures d'aide alimentaire, soit adapté à la situation actuelle . Auditionnées par les rapporteurs spéciaux, les associations n'ont à ce jour aucune visibilité sur le fonctionnement de ce fonds et le type de projets précis qu'il pourra financer, ces questions devant être tranchées ultérieurement par le comité de coordination de lutte contre la précarité alimentaire (Cocolupa). La logique d'appel à projets conduira inévitablement à leur ajouter une charge d'ingénierie dans une période où leur activité est déjà sous forte tension.

Les rapporteurs spéciaux considèrent donc que le moment n'est en tout état de cause pas opportun pour engager un tel plan de transformation de cette politique publique. Il serait préférable d'utiliser ces nouveaux moyens de façon pragmatique, sur le modèle de l'enveloppe prévue par la première loi de finances rectificative pour 2022, en constituant une réserve pour compenser, le cas échéant, de nouveaux marchés infructueux ou bien, en l'absence d'évènement de ce type, en soutenant directement le fonctionnement des associations et leurs projets déjà existants.

TROISIÈME PARTIE :
LA CONTRACTUALISATION ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LE CADRE DE LA STRATÉGIE PAUVRETÉ

I. LES CONVENTIONS D'ACCÈS À L'EMPLOI ET DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : UNE NOUVELLE MÉTHODE PARTENARIALE RENDUE NÉCESSAIRE PAR L'IMPASSE FINANCIÈRE DANS LAQUELLE LES DÉPARTEMENTS SE TROUVAIENT

A. LE BESOIN DE FINANCEMENTS DE L'ÉTAT EN MATIÈRE D'ACTION SOCIALE TROUVE SON ORIGINE DANS L'INSUFFISANCE DES RESSOURCES TRANSFÉRÉES EN COMPENSATION

En 2018, année de lancement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SPLP) 2018-2022 (voir encadré infra ), les dépenses des départements au titre de l'action sociale s'élevaient à 37,9 milliards d'euros, soit 58,3 % leurs recettes de fonctionnement. Les transferts financiers de l'État dédiés à cette compétence se limitaient à 8,4 milliards d'euros, d'où un reste à charge de 29,5 milliards d'euros 18 ( * ) .

Si le poids de ces dépenses dans les budgets des départements n'est pas un problème en soi compte tenu de la vocation sociale de ces collectivités territoriales, il est néanmoins source de difficultés au regard de la structure de recettes des départements.

En effet, tant les dépenses sociales des départements que leurs recettes sont soumises à la conjoncture, d'où les risques souvent identifiés d' « effet ciseaux » .

Un retournement de la conjoncture économique entraîne logiquement une hausse durable des besoins d'assistance aux publics les plus en difficulté, comme le montre bien le graphique ci-après.

Évolution du nombre d'allocataires du RMI et du RSA socle non-majoré

(base 100 en 1995)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et de la santé (DREES) et de l'INSEE

Par ailleurs, la majorité des recettes fiscales des départements sont également corrélées à la conjoncture , à l'instar des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui dépendent de la situation du marché immobilier, mais également de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Depuis 2021, s'ajoute à cette liste la TVA, qui est elle aussi fortement sensible à la conjoncture, contrairement à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont elle compense la perte. La fiscalité liée à la conjoncture économique représenterait ainsi 55 % des dépenses de fonctionnement et 78 % des recettes fiscales des départements en 2021 19 ( * ) .

La situation est encore complexifiée par le fait que, suite à la réforme de la fiscalité locale et la perte de leurs recettes de TFPB, les départements ont perdu l'essentiel de leurs pouvoirs de taux et d'assiette , cette ressource de fiscalité directe locale ayant été remplacée par le versement d'une fraction d'un impôt national. Par ailleurs, le taux de la CVAE est fixé au niveau national et le pouvoir de taux des conseils départementaux sur les DMTO est à la fois encadré, puisque ce taux est plafonné à 4,5 %, et désormais largement théorique, puisque la quasi-totalité des départements ont atteint ce plafond 20 ( * ) .

Outre la problématique de l' « effet ciseaux », les départements sont confrontés, notamment en matière de RSA, à un « reste à charge » croissant .

Évolution de la dépense et de la charge du RSA de 2014 à 2018

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : ODAS

Les données présentées dans le tableau ci-dessus appellent en effet deux séries d'observations.

Premièrement, elles montrent le contraste entre la forte croissance des dépenses de RSA et la stabilité des compensations « historiques » , qui entraînent un reste à charge passé de 3,7 milliards d'euros en 2016 à 4,8 milliards d'euros en 2020.

Deuxièmement, elles montrent que la nécessité de financer les allocations du RSA de moins en moins bien compensées a abouti à une forte contraction des dépenses en faveur de l'insertion des bénéficiaires , qui sont passées de 760 millions d'euros en 2014 à 670 millions d'euros en 2020.

Devant la difficulté pour les départements d'assumer de façon satisfaisante leur mission d'action sociale, Frédéric Bierry, alors président du conseil départemental du Bas-Rhin, s'est vu confier en 2018, dans le cadre du lancement de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, la conduite de travaux visant à définir précisément un nouveau référentiel de contractualisation entre l'État et les départements dans l'objectif de leur octroyer des moyens nouveaux pour le financement d'actions s'inscrivant dans une logique partagée.

Les rapporteurs spéciaux tenaient ainsi à rappeler, avant de décrire la mise en oeuvre desdits contrats devenus conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (Calpae), que les limites des politiques d'insertion départementales ne procédaient pas d'une mauvaise gestion de ces derniers mais d'un financement qui n'était pas à la hauteur des compétences qui leur avaient été transférées.

B. LE LANCEMENT DES CALPAE : UNE FORTE ADHÉSION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, MALGRÉ QUELQUES DIFFÉRENDS INITIAUX

1. Une démarche qui s'adresse principalement aux départements

Lancées en 2019 pour la période 2019-2021, les Calpae constituent le volet local de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018-2022.

La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté

Annoncée par le Président de la République le 13 septembre 2018, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté s'articule autour de cinq objectifs :

- l'égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté ;

- garantir au quotidien les droits fondamentaux de tous les enfants ;

- un parcours de formation garanti pour tous les jeunes ;

- assurer l'émancipation sociale par l'activité ;

- rendre les minima sociaux plus simples, plus lisibles et plus incitatifs à l'activité.

Elle s'appuie sur trois leviers de transformation :

- un « choc de participation » et la rénovation du travail social ;

- un pilotage de la stratégie à partir des territoires ;

- un engagement des entreprises.

Ses deux principaux piliers étaient :

- la refonte de plusieurs prestations sociales existantes, dont le RSA, au sein d'un revenu universel d'activité (RUA) ;

- la création d'un service public de l'insertion.

Elles s'adressaient, logiquement, aux départements. Comme l'a relevé l'inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport récent consacré aux Calpae 21 ( * ) , ils ont été dès l'origine tiraillés entre deux logiques : une logique de contrats de moyens, en soutien aux initiatives locales, et une logique de contrats de performance, avec des objectifs et des indicateurs définis nationalement .

La contractualisation porte donc sur deux volets, le premier correspondant à des objectifs socles relevant de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté :

- l'accompagnement des sorties de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ;

- l'insertion, en améliorant le processus d'orientation des allocataires du RSA et en mettant en place une garantie d'activité départementale (offre d'accompagnement intensif) ;

- la refondation du travail social par la généralisation les démarches de premier accueil social et de référent de parcours ;

- la création ou le renforcement de maraudes mixtes ;

- la création ou le renforcement d'actions de terrain relevant de la prévention spécialisée.

Le second volet est quant à lui dédié à des initiatives locales . Un principe de fongibilité asymétrique a été posé, avec la possibilité de transférer des crédits prévus pour les initiatives locales pour renforcer les actions du socle.

Il existe un co-financement par le département à hauteur de 50 % de chacune des actions prévues dans la convention, l'objectif étant d'induire un « effet-levier » financier. Les collectivités mobilisent ainsi de nouveaux crédits pour porter les actions de la Calpae ou réorientent des financements existants vers ces mesures.

La performance devait être mesurée par une série d'indicateurs, présentés dans les rapports annuels d'exécution. S'agissant des objectifs socles, les indicateurs ont été définis nationalement, assorties de lourdes exigences de reporting pour les départements. Auditionnée par les rapporteurs spéciaux, l'Assemblée des départements de France (ADF) a regretté une absence de réelle concertation sur la définition des indicateurs, à rebours de la logique partenariale affichée . Après négociations, il convient de noter que ces indicateurs nationaux ont pu être modifiés et simplifiés en 2019 puis en 2020. S'agissant des actions d'initiative départementale, les indicateurs sont définis entre le conseil départemental, le commissaire à la lutte contre la pauvreté (CLP) placé auprès du représentant de l'État dans la région, les services déconcentrés de l'État dans le département.

L'adhésion des départements à la démarche a in fine été forte, puisque 99 ont conclu une Calpae 22 ( * ) . L'ADF, comme la plupart des organisations entendues par les rapporteurs spéciaux, a cependant regretté la précipitation dans laquelle les Calpae ont été conclues en 2019.

2. Une démarche étendue aux métropoles et aux régions, avec des résultats contrastés

En 2020, la contractualisation a été étendue aux métropoles (sans que ne soient définis d'objectifs socles au regard de la disparité des compétences exercées) et aux régions afin de développer l'articulation entre l'objectif socle d'insertion et leurs compétences en matière d'emploi et de formation professionnelle.

L'extension aux métropoles, qui se sont toutes engagées dans la démarche a été un succès. Auditionnée par les rapporteurs spéciaux, France urbaine a assuré que les concertations autour de la mise en place du dispositif ont permis de laisser une certaine souplesse dans la définition des objectifs et des indicateurs .

À l'inverse, seules sept régions se sont emparées du dispositif, qui n'a pas été véritablement porté au sein de Régions de France. Une explication pourrait résider dans la faiblesse des enveloppes allouées aux Calpae régionales, trop peu incitatives.

II. DES MOYENS QUI RESTENT LIMITÉS POUR DES PREMIERS RÉSULTATS ENCOURAGEANTS

A. LES CALPAE APPORTENT DES FINANCEMENTS UTILES MAIS QUI RESTENT MARGINAUX AU SEIN DES BUDGETS DÉPARTEMENTAUX

Sur 2019-2021, les crédits annuels consacrés aux Calpae sont passés de 78 à 178 millions d'euros, traduisant leur montée en puissance . Prolongés pour un an en 2022, ils ont fait l'objet d'une ouverture de crédits en LFI 2022 à hauteur de 225 millions d'euros. Les Calpae ont fait l'objet d'une nouvelle prolongation en 2023, année de transition dédiée à l'élaboration d'une nouvelle génération de contrats (voir infra ). La diminution des crédits prévus, liée à l'extinction des dispositifs lancés dans le cadre de la Calpae, tient également à une mesure de périmètre, puisque le soutien aux départements au titre de la prévention des sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance (ASE) font désormais l'objet d'un financement distinct (50 millions d'euros proposés en PLF 2023).

Évolution des crédits consacrés aux Calpae sur la période 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Si ces moyens ne sont pas négligeables et contribuent à permettre aux départements de réinvestir leurs politiques d'insertion en exerçant un effet-levier sur des initiatives nouvelles, force est toutefois de constater qu'ils restent marginaux au regard des dépenses sociales des départements (40,4 milliards d'euros en 2021 selon l'Observatoire national de l'action sociale).

B. S'IL EST TROP TÔT POUR ÉVALUER L'IMPACT DES CALPAE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ, DES INITIATIVES LOCALES INÉRESSANTES PEUVENT ÊTRE RELEVÉES

1. Une évaluation globale devra être conduite au terme des Calpae

Comme le relève l'Igas dans son rapport précité, « il n'est pas encore possible de mesurer les effets de la contractualisation sur la situation des personnes en situation de pauvreté (...) De surcroît, les effets sociaux de la crise sanitaire sont susceptibles de neutraliser certains des effets positifs de la contractualisation ».

Plus fondamentalement, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'eu égard aux montants en jeu, évaluer les Calpae à l'aune des indicateurs nationaux de lutte contre la pauvreté (taux et intensité de la pauvreté, taux de chômage de longue durée...) est illusoire. Ce dispositif n'est qu'un volet de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la
pauvreté 2018-2022, dont l'impact socio-économique devra être évalué dans son ensemble par France Stratégie.

L'Igas relève néanmoins quelques signaux positifs quant à l'impact des Calpae sur certains indicateurs d'activité départementale notamment entre 2019 et 2020, comme l'indique le tableau ci-dessous. À titre d'exemple, le taux d'orientation des bénéficiaires du RSA en moins de 30 jours a progressé de 7 points, pour atteindre 53 %.

Résultats sur les principaux indicateurs d'activité départementale
sur le socle commun d'objectifs en 2019 et 2020

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

2. Focus sur la Calpae conclue avec le département de la Seine-Saint-Denis

Pour apprécier localement les effets de la Calpae, les rapporteurs spéciaux ont fait le choix d'effectuer un déplacement dans le département de Seine-Saint-Denis , département qui se caractérise par le taux de pauvreté le plus élevé de l'hexagone (27,9 % en 2019), près de deux fois supérieur à la moyenne nationale (14,6 %) 23 ( * ) . En exécution 2021, il s'agit du second département ayant bénéficié du montant le plus élevé de crédits de l'État au titre des Calpae (9,3 millions d'euros) après le département du Nord (13,3 millions d'euros).

Ils ont dans ce cadre mené une série de visites de terrain auprès de services départementaux et d'associations ayant bénéficié de crédits issus des Calpae.

À titre d'exemple, la Calpae a permis le financement d'une équipe administrative de protection maternelle et infantile (PMI) chargée, dans une logique « d'aller vers » et d'accès aux droits, d'accompagner les femmes enceintes en situation de difficultés, souvent de nationalité étrangère, dans leurs démarches. Pour cela, les agents tiennent des permanences d'accès aux droits en santé directement sur les lieux de consultations de ces femmes et assurent le lien avec la CPAM pour le suivi des dossiers. Elle agit en coordination avec une équipe mobile, constituée d'une sage-femme, d'une puéricultrice, d'une assistante de service social et d'une médiatrice en santé, mobilisée spécifiquement pour des interventions dans les bidonvilles, les campements, les centres d'hébergement ou encore les hôtels sociaux dont l'objectif est de permettre à la population concernée d'accéder à un parcours de soin de droit commun. Bénéficiant de 215 600 euros de la part de l'État en 2021, ce dispositif a permis d'accompagner dans leurs démarches plus de 800 femmes enceintes.

La Calpae a également permis de soutenir l'action de l'association C2DI 93, accomplissant un remarquable travail d'accompagnement vers l'emploi fondé sur la méthode innovante d'intervention sur l'offre et la demande (IOD), en assurant une médiation active entre les personnes en recherche d'emploi reçues et les employeurs, en s'appuyant à la fois sur son expertise d'accompagnement social et professionnel et sur un réseau d'entreprises diversifié. L'association a bénéficié en 2021 d'un financement de 250 000 euros.

L'association Solidarité formation mobilisation accueil et développement (SFMAD)a quant à elle bénéficié de plusieurs financements en faveur d'initiatives destinées à aider les bénéficiaires du RSA à lever leurs freins périphériques à l'emploi , via notamment l'orientation vers des cours de français et l'aide à l'accès à un mode de garde pour leurs enfants en bas âge.

À travers ces visites, les rapporteurs spéciaux ont pu constater par eux-mêmes le dévouement des acteurs mobilisés, comme l'esprit d'innovation et d'efficacité qui les anime. Tous ont souligné l'utilité des financements Calpae pour le lancement de leurs projets de développement de leur offre d'accompagnement.

III. QUELQUES ENSEIGNEMENTS EN VUE D'UNE PROCHAINE GÉNÉRATION DE CONTRATS

Les administrations auditionnées par les rapporteurs spéciaux ont indiqué que l'année 2023 devait permettre d'engager une concertation pour une nouvelle contractualisation pour la période 2017-2022. Si celle-ci devra faire l'objet d'une analyse et d'une négociation entre les parties qu'ils n'entendent pas préempter, les rapporteurs spéciaux proposent de poser plusieurs principes directeurs.

A. MIEUX ANTICIPER ET CONCERTER

La conclusion de ces contrats en urgence en 2019, puis la nécessité de les proroger d'un an par deux fois en 2022 et 2023, atteste d'une forme de manque d'anticipation de la part de l'administration. L'année qui s'ouvre doit impérativement donner lieu à un travail approfondi et concerté pour la définition de leur gouvernance et de leurs objectifs.

Premièrement, il convient de mieux anticiper les difficultés susceptibles de surgir entre les parties, en accordant un temps suffisant à la concertation sur les modalités concrètes de mise en oeuvre des contrats et en particulier sur la question des indicateurs mis en place pour mesurer la performance des actions. Non seulement ces indicateurs devront être rationalisés et faire l'objet d'un diagnostic partagé sur les finalités de l'action et les cibles crédibles au vu des moyens apportés, mais également tenir compte des possibilités actuelles des systèmes d'information des collectivités territoriales afin de limiter leur charge administrative et de reporting .

B. ASSOUPLIR LA GESTION DES CONTRATS ET LAISSER DAVANTAGE DE PLACE AUX INITIATIVES LOCALES

L'assouplissement de la gestion des contrats est perçu comme une nécessité par l'ensemble des parties prenantes.

En particulier, le caractère annualisé des enveloppes qui caractérisait les Calpae ne donne pas aux collectivités territoriales une visibilité suffisante sur les financements dont elles pourront disposer pour accompagner les projets soutenus sur leur territoire.

Dans le système actuel, les enveloppes annuelles sont calculées sur la base de leur rapport d'exécution présentant les résultats obtenus l'année N-1, de telle sorte que les collectivités territoriales ne connaissent l'enveloppe dont elles pourront disposer qu'au second semestre de l'année N. Ce système est à l'origine d'importants retards dans le versement des crédits aux bénéficiaires, mettant parfois en tension la trésorerie des associations.

Pour la prochaine génération de contrats, un engagement pluriannuel sur les montants annuels de financement doit être privilégié , avec une programmation pour l'ensemble de la période couverte, avec, le cas échéant, une clause de revoyure à mi-parcours, fixée de façon cohérente par rapport au calendrier budgétaire des collectivités territoriales .

L'assouplissement des contrats passe également par la possibilité de laisser davantage de place aux initiatives locales.

L'analyse de l'exécution 2021 montre également la part minoritaire laissée aux initiatives locales (un peu plus d'un quart). Parmi les actions relevant des objectifs socles, la majeure partie est dédiée aux actions d'insertion.

Ventilation des crédits des Calpae départementales en exécution 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Un rééquilibrage doit être envisagé pour la prochaine génération de contrats. La fongibilité des crédits entre objectifs nationaux et initiatives locales gagnerait également à être symétrisée, avec l'accord des deux parties.

Ces assouplissements sont de nature à permettre une meilleure réactivité du dispositif en fonction de l'évolution des priorités des politiques d'action sociale. Dans la période actuelle marquée par l'inflation, le soutien à l'aide alimentaire pourrait constituer une nouvelle priorité, aujourd'hui absente des objectifs socles.

C. RATIONALISER LE PAYSAGE CONTRACTUEL

L'exécution des Calpae a été marquée par la multiplication de dispositifs intervenant dans un champ similaire , avec notamment le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE) en matière d'insertion, les maisons France service en matière d'accès aux droits ou encore la stratégie de prévention et de protection de l'enfance, faisant l'objet d'une contractualisation entre l'État, les départements et les ARS.

Si la constitution d'un contrat unique appelé de ses voeux par l'Igas en matière d'action sociale peut s'avérer complexe compte tenu des différences entre les objectifs et les publics concernés, les rapporteurs spéciaux souscrivent pleinement à l'esprit de sa recommandation intermédiaire consistant à « veiller à l'harmonisation des calendriers et des clauses administratives et financières entre les différents contrats passés entre l'État et les collectivités dans le champ social ».

Les contrats passés avec les différentes catégories de collectivités sur un même territoire (département, métropole, région) pourraient être mieux articulés entre eux. La recherche de cette coordination renforcée pourrait constituer un levier pour renforcer l'intérêt de la démarche pour les conseils régionaux, dont les compétences en matière d'insertion et la connaissance du tissu économique pourraient être précieuses.

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Le Gouvernement, dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, a retenu l'amendement n° II-2621 de la députée Aurore Bergé et plusieurs de ses collègues, qui vise à majorer de 2,9 millions d'euros en AE et en CP les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » afin d'augmenter les moyens accordés à la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), en charge de la gestion de la plateforme téléphonique 39.19 , ligne d'écoute destinée aux femmes victimes de violences.

Le Gouvernement a également retenu l'amendement n° II-2777 de la députée Perrine Goulet et plusieurs de ses collègues, qui vise à majorer de 1,5 million d'euros en AE et en CP les crédits du programme 304 « inclusion sociale et protection des personnes » afin de financer la création d'une cellule de soutien pour les professionnels intervenant pour l'accompagnement des enfants victimes d'inceste, conformément aux recommandations de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants installée en mars 2021.

En conséquence le Gouvernement a également retenu son amendement n° II-3273 visant à lever les gages financiers de ces deux amendements.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 46 quater (nouveau)

Report de la mise en oeuvre du principe de parité totale entre les départements et l'État pour le financement du groupement
d'intérêt public « France enfance protégée »

. Le présent article prévoit d'autoriser à titre transitoire un report d'un an de la mise en oeuvre du principe de parité totale entre les départements et l'État pour le financement du futur groupement d'intérêt public (GIP) « France enfance protégée », issu de la fusion de plusieurs structures existantes et notamment du GIP « Enfance en danger ».

En effet, l'application de ce principe, posé par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, entraînerait dès 2023 un ressaut sur les charges des départements qui ne contribuaient antérieurement qu'au financement du GIP « Enfance en danger ».

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE NOUVEAU GROUPEMENT D'INTÉRÊT PUBLIC « FRANCE ENFANCE PROTÉGÉE » DOIT EN PRINCIPE ÊTRE FINANCÉ À PARTS ÉGALES PAR L'ÉTAT ET LES DÉPARTEMENTS À COMPTER DE 2023

L'article L. 147-15 du code de l'action sociale et des familles, issu de l'article 36 de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants , prévoit que le groupement d'intérêt public (GIP) « Enfance en danger » est financé à parts égales par l'État et les départements. La contribution financière des départements est fixée par voie réglementaire en fonction de l'importance de la population et constitue pour eux une dépense obligatoire.

Le GIP « France enfance protégée » résultera de la fusion, à compter du 1 er janvier 2023, de l'agence française de l'adoption (AFA) , du groupement d'intérêt public pour l'enfance en danger (GIPED) composé du service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) et de l'observatoire national pour la protection de l'enfance (ONPE) , du conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP) et du conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) . L'article L. 147-15 du code de l'action sociale et des familles précise que le GIP est présidé par un président de conseil départemental.

Le 29 septembre 2022, Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre chargée de l'Enfance, François Sauvadet, Président de Départements de France et Florence Dabin, Présidente du groupement d'intérêt public « Enfance en danger » ont signé une convention constitutive du nouveau GIP. La convention s'inscrit dans l'objectif de tenir l'engagement, posé par la loi précitée, d'améliorer la gouvernance nationale de la protection de l'enfance et de mieux appuyer l'État et les conseils départementaux dans leur action. Le nouveau GIP sera ainsi compétent en matière de protection de l'enfance, d'adoption nationale et internationale et d'accès aux origines personnelles. La convention doit encore être soumise à la signature de tous les départements, ainsi que des associations et des administrations qui rejoindront le nouveau groupement.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : L'AUTORISATION À TITRE TRANSITOIRE D'UN REPORT D'UN AN DE LA MISE EN OEUVRE DU PRINCIPE DE PARITÉ TOTALE ENTRE LES DÉPARTEMENTS ET L'ÉTAT POUR LE FINANCEMENT DU FUTUR GIP « FRANCE ENFANCE PROTÉGÉE »

Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution .

Il vise à autoriser, à titre transitoire, un report de la mise en oeuvre du principe, posé par l'article L. 147-15 précité du code de l'action sociale et des familles , de parité totale entre les départements et l'État pour le financement du groupement d'intérêt public « France enfance protégée ».

Ainsi, en 2023, l'État pourrait apporter une contribution supérieure à celle du département.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN REPORT NÉCESSAIRE POUR PRÉSERVER LES FINANCES DES DÉPARTEMENTS

Selon l'exposé sommaire de l'amendement dont est issu le présent article, l'application du principe de parité entraînerait dès 2023 un ressaut sur les charges des départements , qui ne contribuaient antérieurement qu'au financement du groupement « Enfance en danger », et non à celui des autres instances regroupées au sein du nouveau GIP. En effet, en loi de finances initiale pour 2022, la contribution des départements au GIP « Enfance en danger », égale à la subvention pour charges de service public de l'État financée sur le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », s'élevait à 2,5 millions d'euros. Au vu du montant inscrit en projet de loi de finances pour 2023 au titre de la subvention pour charges de service public au nouveau GIP, qui s'élève à 4,8 millions d'euros, ce ressaut aurait été de 2,3 millions d'euros en 2023 .

Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'être favorables à cette mesure protectrice des budgets départementaux en 2023, force est de constater que le dispositif ne résout pas la question du financement du GIP pour les années ultérieures . Cette question constituera donc un point de vigilance du projet de loi de finances pour 2024.

Décision de la commission : la commission propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 octobre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Nous vous présentons ce matin, avec Éric Bocquet, nos principales observations sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Dans un second temps, nous vous présenterons également les principales conclusions du contrôle budgétaire que nous avons mené cette année, portant sur la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Le projet de loi de finances pour 2023 propose d'ouvrir 30 milliards d'euros en autorisations d'engagements (AE) et en crédits de paiement (CP) au titre de la mission. Cela représente une hausse conséquente de plus de deux milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, soit environ 8 %, qui s'explique principalement par l'indexation à l'inflation du montant des prestations sociales financées par la mission, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d'activité, auxquelles il faut désormais ajouter le RSA dans les départements où son financement a été recentralisé. À elles seules, ces prestations représentent plus des trois quarts des crédits de la mission.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Nous nous sommes intéressés à la dynamique importante des crédits de la mission depuis 2019. Si nous tirons le bilan de la période récente, nous constatons que chaque année, depuis 2019, des enveloppes supplémentaires ont été ouvertes en urgence sur la mission. D'abord, en réaction au mouvement dit des gilets jaunes, avec une majoration de la prime d'activité, qui représente un coût pérenne pour l'État d'environ 4,4 milliards d'euros par an. Ensuite, pendant la crise sanitaire, avec le versement au printemps puis à l'automne 2020 de deux aides exceptionnelles de solidarité en faveur des bénéficiaires des minima sociaux et des aides au logement, d'un montant de 150 euros avec une majoration de 100 euros par enfant à charge et représentant un coût de près de 2 milliards d'euros.

Enfin, en réaction à la forte accélération de l'inflation qui fragilise considérablement le pouvoir d'achat de nos concitoyens les plus modestes, deux nouveaux dispositifs d'urgence ont successivement été financés sur la mission. D'abord l'indemnité inflation fin 2021, qui cumule le défaut d'une aide à la fois limitée - 100 euros -, très peu ciblée - elle s'adresse à toutes les personnes percevant moins de 2 000 euros de revenus mensuels sans considération des revenus du foyer -, et très coûteuse pour le budget de l'État : 3,8 milliards d'euros, dont 3,2 milliards d'euros financés par la mission. Plus récemment, en LFR 2022, une aide exceptionnelle de rentrée de 1,2 milliard d'euros a ensuite été votée.

Nous avons dans cette commission, assurément, des visions très divergentes de la politique économique et budgétaire. Je pense cependant que nous pourrons tous nous accorder sur un point : cette politique du chèque ne constitue pas une politique sociale. Elle aide uniquement les plus pauvres de nos concitoyens à passer le mois, sans leur donner la moindre perspective, et ne résout en rien le problème de fond. Le budget de la mission ne peut pas, à lui seul, absorber des chocs sociaux qui trouvent leur racine dans nos fragilités structurelles. Je pense, en particulier, à la faiblesse des salaires.

Il y a certes des points positifs dans ce budget, tels que la déconjugalisation de l'AAH prévue à compter du 1 er octobre 2023. Cette mesure était très attendue. On ne peut que regretter le temps perdu avant que cette réforme ne soit enfin arrachée au Gouvernement à la faveur de la campagne présidentielle.

Je m'en remettrai pour ma part à la sagesse de la commission quant à sa position sur l'adoption des crédits.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Je souhaite évoquer le budget de l'aide alimentaire. Cette politique ne représente qu'une faible part des crédits de la mission, avec 117,2 millions d'euros inscrits au PLF 2023, mais le sujet est crucial dans la période actuelle. En 2020, année marquée par la crise sanitaire, on estimait que 5,6 millions de personnes avaient fait appel à l'aide alimentaire. Le problème s'intensifie, car l'inflation très forte sur les produits alimentaires fragilise considérablement nos concitoyens les plus modestes.

La situation est également préoccupante pour les associations d'aide alimentaire. Celles-ci sont victimes d'un effet ciseaux entre un afflux de demandes qui ne faiblit pas et des moyens de plus en plus contraints. D'abord, l'envolée des prix de l'électricité alourdit fortement leurs charges de fonctionnement, tandis que la hausse des prix des carburants affecte les bénévoles se rendant sur les sites de distribution. Surtout, les tensions mondiales sur les marchés agroalimentaires sont à l'origine de nombreux lots infructueux dans les marchés passés pour leur compte par FranceAgriMer pour l'achat de denrées.

Ces achats sont en principe éligibles à un remboursement par l'Union européenne dans le cadre du FSE +. En pratique, les contrôles effectués en la matière sont si pointilleux qu'une partie significative des produits achetés est finalement déclarée inéligible au remboursement. Ce phénomène est désigné sous le terme délicieusement technocratique d'auto-apurement. La simplification des procédures est absolument indispensable. Cela fait maintenant plusieurs années que nous lançons l'alerte sur le sujet.

Dans ce contexte, il est indispensable de prendre des mesures de soutien efficace. À cet égard, nous nous félicitons que ce PLF prévoie de renforcer de 60 millions d'euros les crédits de l'aide alimentaire. Nous avons cependant des divergences quant à la méthode retenue puisque cette enveloppe est destinée à la création d'un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires afin de financer des projets de transformation des structures en liant lutte contre la précarité alimentaire et soutien aux filières agricoles durables. Cela constitue une issue au débat qui a eu lieu à la suite de la Convention citoyenne pour le climat autour de l'introduction d'un chèque alimentaire, proposition que nous ne soutenons pas, car elle tourne le dos au modèle associatif français fondé sur le couplage de l'aide alimentaire et de l'accompagnement social. Nous considérons qu'il conviendrait de se montrer davantage pragmatique et d'utiliser cette enveloppe nouvelle pour soutenir directement le fonctionnement des structures, voire pour compenser de possibles lots infructueux, dans l'esprit de l'enveloppe de 40 millions d'euros qui avait pu être adoptée cette année en LFR sur une initiative de notre rapporteur général.

Pour le reste, je m'associe pleinement au constat dressé à l'instant par Éric Bocquet. Ce sont les revenus du travail qui permettent de sortir de la pauvreté et non des chèques distribués par l'État de temps à autre.

Néanmoins, en responsabilité et afin d'assurer le financement de la prime d'activité et de l'AAH, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Nous allons passer maintenant aux principales conclusions de notre contrôle budgétaire sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté lancée en 2018 par le Gouvernement, qui s'est déclinée localement par une contractualisation entre l'État et les départements, pour le cofinancement de projets relevant de leurs compétences d'action sociale, donnant naissance aux conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (Calpae). La démarche a ensuite été étendue aux métropoles puis aux régions, avec moins de succès. Si l'on peut se féliciter des moyens nouveaux octroyés dans ce cadre aux départements, il nous semble important de rappeler que la mise en place d'un tel dispositif n'aurait pas été nécessaire si les départements avaient pu bénéficier d'une réelle compensation financière par l'État de l'exercice de leurs compétences sociales.

La contractualisation a porté sur deux volets : le premier correspond à des objectifs socles relevant de la stratégie pauvreté tandis que le second est dédié à des initiatives locales décidées par le département. Des tensions s'étaient d'emblée fait ressentir sur la question des indicateurs de performance nationaux adossés à ces contrats, trop nombreux, mal adaptés aux services d'information des départements, et dont la définition n'a pas fait l'objet d'une réelle concertation avec l'Association des départements de France. Il faut également rappeler que les Calpae apportent des financements utiles, mais marginaux au sein des budgets départementaux, même si leurs crédits annuels sont passés de 78 à 178 millions d'euros sur la période 2019-2021.

Il est encore trop tôt pour réellement évaluer l'impact des Calpae. Néanmoins, nous avons pu, à l'occasion d'un déplacement en Seine-Saint-Denis, constater le financement de projets tout à fait remarquables et innovants en faveur de l'inclusion dans l'emploi et de l'accès aux droits de publics en difficulté. Nous avons rencontré une équipe mobile de protection maternelle et infantile (PMI) chargée d'accompagner partout dans le département des femmes enceintes en difficulté dans l'ensemble de leurs démarches. Nous avons également visité deux associations innovantes. La première se concentrait sur la levée des freins périphériques à l'emploi. La seconde accomplissait un remarquable travail d'accompagnement vers l'emploi fondé en assurant une médiation entre les personnes en recherche d'emploi et les employeurs. Il faut saluer le dévouement admirable des acteurs mobilisés. Tous ont souligné l'utilité des financements Calpae.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Si nous devions tirer quelques enseignements en vue d'une prochaine génération de contrats, ils pourraient se résumer en trois axes.

Tout d'abord, il faut mieux anticiper et développer la concertation. La conclusion dans la précipitation des contrats en 2019, puis la nécessité de les proroger d'un an par deux fois en 2022 et 2023 attestent d'une forme de manque d'anticipation de la part de l'administration. Il faudrait accorder un temps suffisant à la concertation sur les modalités concrètes de mise en oeuvre des contrats et en particulier sur la question des indicateurs.

Ensuite, il convient d'assouplir la gestion des contrats. Le caractère annualisé des enveloppes calculées sur la base des résultats obtenus en année N-1 ne permet pas aux collectivités de connaître le montant dont elles disposeront au deuxième trimestre de l'année N. Un engagement pluriannuel sur les montants annuels de financement doit être privilégié. Il faut également laisser davantage de place aux initiatives locales, auxquelles ne sont aujourd'hui qu'une fraction minoritaire des enveloppes.

Enfin, il faut rationaliser le paysage contractuel. L'exécution des Calpae a été marquée par la multiplication de dispositifs analogues. À défaut d'un contrat unique, il faudrait au minimum articuler leurs objectifs et harmoniser leur calendrier.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je suis également favorable à l'adoption des crédits, en dépit des remarques formulées par nos rapporteurs. En PLFR, il a fallu, pour tenir compte des difficultés qu'elles rencontraient, soutenir les associations d'aide alimentaire à hauteur de 40 millions d'euros. Je souscris aux propos des rapporteurs sur l'importance de préserver notre système associatif, reposant sur des bénévoles qui manifestent au quotidien leur engagement et leur solidarité, et assurent un contact humain et de la proximité.

Sur les Calpae : les collectivités, en lien avec l'État, mettent des moyens supplémentaires au bénéfice de la politique de lutte contre la pauvreté. L' « inflation » des actions lancées correspond certes à l'importante variété des besoins en la matière, mais les collectivités et les opérateurs concernés risquent parfois de se perdre dans ce maquis de dispositifs. La proposition de simplification des rapporteurs est à cet égard bienvenue, mais quel serait le chef de file ? Quelle proposition de gouvernance formuleriez-vous ?

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Notre constat est celui d'une forte adhésion des départements. Ils seraient les mieux placés pour assurer le rôle de chef de file - à condition de recevoir les ressources financières nécessaires -, en raison de leur proximité et de leur réactivité, en lien avec les associations, qui font preuve d'un grand engagement et d'une grande efficacité.

M. Rémi Féraud . - Ce budget est très politique. Les rapporteurs ont montré les conséquences budgétaires des choix faits. Quoi que l'on pense de la politique des chèques, une seule promesse du candidat Macron est assurée de ne pas être tenue : celle d'instaurer un chèque alimentaire. Il est abandonné sans discussion.

Les rapporteurs indiquent une augmentation des crédits de 8 %. Dans ce contexte, quel serait le cadre pour renouveler la « politique des chèques » de 2022 ? Les crédits demandés permettent-t-ils la mise en place d'un nouveau chèque de rentrée scolaire pour faire face à l'inflation ou un projet de loi de finances rectificative serait à nouveau nécessaire ?

Quel est le coût de la recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis ?

Les accords entre banques alimentaires et filières agricoles locales existent déjà. Ils sont une bonne idée. J'ai le sentiment que les rapporteurs n'y sont pas favorables. Pourquoi ? Si ce n'est qu'une possibilité, pourquoi s'y opposer ?

Mme Christine Lavarde . - Merci aux rapporteurs pour leur présentation équilibrée. Notre commission ne regrettera pas l'abandon du chèque alimentaire, au vu de ce que nos travaux ont montré sur son coût potentiel et le manque de préparation !

Nos rapporteurs ont comparé le budget pour 2023 au budget initial pour 2022, mais beaucoup de crédits ont été ajoutés au cours de l'année. Si l'on compare le budget pour 2023 avec le budget exécuté en 2022, on constaterait une quasi-stabilité. De nouvelles ouvertures de crédits sont-elles prévues en PLFR de fin de gestion pour 2022, ce qui augmenterait encore le budget de 2022 ?

Quel est l'impact de la revalorisation anticipée des allocations décidée en juillet ?

M. Jérôme Bascher . - Je suis effaré par les chiffres annoncés : la dotation annuelle pour l'aide alimentaire diminuerait de 12 % d'ici 2027 en termes réels. Sur quels chiffres de l'inflation sont-ils basés ? On a l'impression que l'inflation est supérieure sur l'alimentaire. Dans ces conditions, le chiffre de 12 % ne constitue-t-il pas une sous-estimation ?

Le chèque individuel est très efficace du point de vue électoral. Je suis moins sûr qu'il le soit du point de vue de l'accompagnement social ! Il me paraît plus judicieux de passer par les associations locales, qui repèrent les personnes qui en ont besoin et peuvent également apporter des conseils pour améliorer leurs habitudes de consommation alimentaire. Il est dommage de se passer d'elles et de leur rôle de cohésion, alors qu'on les subventionne par ailleurs, notamment par des crédits d'impôts.

L'État doit-il donner directement ou ne devrait-il pas s'appuyer davantage sur les collectivités locales ? Évidemment, la pauvreté n'est pas la même en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine.

M. Marc Laménie . - L'AAH représenterait un coût de 12 milliards d'euros en 2023. Son montant évolue-t-il ? Il manque toujours des places dans les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et dans les entreprises adaptées.

Je souscris aux constats des rapporteurs quant à la situation difficile de certains départements en raison de la charge des allocations de solidarité et de la faiblesse des compensations perçues.

M. Pascal Savoldelli . - Au-delà du débat autour du chèque alimentaire, on devrait inventer une sécurité sociale alimentaire. Le problème est structurel. L'accès à une quantité de nourriture suffisante est primordial, mais la question du bien manger doit également être posée.

Les rapporteurs spéciaux évoquent l'effort national et européen sur l'aide alimentaire dans le cadre du FSE + et les menaces qui pèsent sur l'approvisionnement des associations. Lors des entretiens de Rungis, plusieurs associations dont les Restos du Coeur et le Secours populaire se sont alarmées d'une baisse de 50 % des dotations européennes. Ce serait catastrophique. Qu'en pensent nos rapporteurs spéciaux ?

Mme Isabelle Briquet . - Merci aux rapporteurs, en particulier pour leur focus sur l'aide alimentaire. Pourquoi sont-ils défavorables au lien entre aide alimentaire et soutien aux filières agricoles ? Certains projets fonctionnent très bien, entre des banques alimentaires et des producteurs locaux, dont certains voient leurs produits refusés par les grandes surfaces. Bien sûr, il ne faut pas créer de conditionnalité, mais ce peut être une démarche gagnant-gagnant, en permettant aux associations d'obtenir de qualité et donner des débouchés à certains petits producteurs.

M. Michel Canévet . - Quelle est l'évolution globale des dépenses des départements en matière de RSA ? Si la situation de l'emploi s'améliore, ils pourraient dégager des moyens pour d'autres politiques, en réalisant des économies sur le RSA.

Les associations d'aide alimentaire craignent la hausse de leur facture énergétique, alors que le respect de la chaîne du froid est absolument nécessaire. Des crédits sont-ils prévus pour les accompagner sur ce point ?

Tous les départements sont-ils signataires de conventions relatives à la lutte contre la pauvreté ? Aborde-t-on bien les questions de logement en lien avec les questions de pauvreté ou déplore-t-on, comme souvent, un fonctionnement en silo sur ces questions-là ?

M. Patrice Joly . - En 2020, la prime d'activité a été perçue par 4,5 millions de foyers. Quelque 10,8 millions de personnes ont reçu l'aide exceptionnelle de solidarité ; 38 millions ont reçu la prime d'inflation ; 5,6 millions de personnes fréquentent les associations d'aide alimentaire. Pas moins de 15 % de la population, soit 10 millions de personnes, sont concernées par la pauvreté.

La polémique sur la rémunération du travail pose la question de la répartition de la valeur. Cela a été mis en exergue par M. Pouyanné, président-directeur général de Total, dénonçant les affres subies par sa rémunération, passée de six millions d'euros à trois millions d'euros, pour se rétablir, à nouveau cette année, à six millions d'euros.

M. Sébastien Meurant . - Quel est le rôle des caisses d'allocations familiales (CAF) dans le versement des différentes aides ?

M. Claude Raynal , président . - La « politique des chèques » ne me pose pas de difficulté particulière, du moins à court terme. Elle correspond à un besoin précis à un moment précis, mais elle ne peut répondre, il est vrai, aux enjeux de fond que sont l'emploi, les salaires, etc.

L'action du secteur caritatif est utile, mais elle ne saurait être qu'un complément, et non constituer une politique en tant que telle. Il est bon que la population sache que c'est l'État qui lui vient en aide. La DGFiP a montré qu'elle était capable de payer les chèques relativement vite, alors que ce n'est pas sa vocation initiale.

Je suis plus inquiet en ce qui concerne la prime d'activité. Ce dispositif vise à faire en sorte finalement que la rémunération soit à la hauteur du travail fourni : cela signifie qu'il n'y a plus d'équilibre entre la production fournie par le travail et sa rémunération. Est-il normal qu'un travail qui a une utilité sociale et répond aux besoins d'une clientèle ne soit pas rémunéré à sa juste valeur ? Le déséquilibre semble s'accroître. Cela m'inquiète quant à la manière dont on conçoit le travail et les idées de juste rémunération et d'autonomie.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Je ne peux que partager vos propos sur la prime d'activité comme symptôme de l'insuffisance de la rémunération par le salaire. Il ne faut pas perdre de vue que, compte tenu de notre niveau de déficit, ce complément de salaire versé par l'État est payé à crédit au détriment des générations futures.

Certes la politique du chèque peut répondre à un besoin ponctuel, mais elle semble s'installer dans la durée depuis plusieurs années. Cela devient problématique.

Nous avons exprimé nos réticences à remplacer le système de l'aide alimentaire existant par un chèque alimentaire : les associations mettent en avant l'accompagnement social qui est lié aux distributions alimentaires ; elles soulignent aussi l'engagement des bénévoles. Certains pays européens ont fait des choix différents avec la distribution de chèques alimentaires, mais nous restons pour notre part attaché à notre modèle français, qui a des vertus de cohésion sociale beaucoup plus fortes., Ce système est aujourd'hui menacé par la hausse du coût de l'énergie, alors que les besoins des associations en la matière sont très importants, notamment au vu de la nécessité de faire fonctionner les chambres froides, par l'inflation sur les denrées alimentaires, et par le phénomène de lots infructueux dans le cadre des appels d'offres de France AgriMer. C'est pourquoi nous plaidons pour davantage de souplesse dans l'utilisation du fonds doté de 60 millions d'euros : nous ne sommes pas opposés par principe à un tel fonds pour de nouvelles solidarités alimentaires, organisées autour des filières et des circuits courts, mais cela passe en pratique par des appels à projets, un fonctionnement bureaucratique, des capacités de traitement locales, etc. Bref cela entraîne des délais ; or l'urgence est que les associations puissent payer leurs factures, acheter des denrées pour compenser les lots infructueux. Nous devons donc faire preuve de pragmatisme.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Nous sommes d'accord sur ce point. L'annonce de la création d'un fonds de 60 millions d'euros pour les nouvelles solidarités alimentaires est plutôt une bonne nouvelle, mais les associations ont besoin d'une aide urgente. Nous n'avons pas d'opposition de principe au développement des circuits courts entre les associations d'aide alimentaires d'un territoire et les producteurs locaux, mais il faudrait simplifier le dispositif.

Monsieur Bascher, vous avez raison d'être inquiet pour l'évolution de la dotation pour l'aide alimentaire ; avec une inflation de 6 % aujourd'hui, on peut s'attendre à une baisse en termes réels importante, probablement supérieure à 12 % sur 5 ans. On doit s'attendre à des problèmes très rapidement.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Si une nouvelle politique de chèques en 2023 devait avoir lieu, il faudrait une loi de finances rectificative, car rien n'est prévu dans le PLF actuellement. Madame Lavarde, la comparaison des budgets que nous vous avons présentée a été faite « à périmètre constant » entre la loi de finances initiale pour 2022 et le projet de loi de finances pour2023, et n'inclue donc pas les crédits votés en loi de finances rectificative pour l'aide exceptionnelle de rentrée.

La recentralisation du RSA représente un montant de 1,5 milliard d'euros, mais l'État reprend parallèlement des crédits aux départements en fonction de la moyenne des dépenses des trois années antérieures. La situation des départements pour le RSA est très variable. La recentralisation a surtout été envisagée pour les départements où le reste à charge était trop important : Mayotte, La Réunion ou la Guyane. Une expérimentation a aussi été lancée en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées-Orientales, qui étaient volontaires. Dans l'ensemble, les dépenses pour le RSA sont plutôt stables, après une période de forte croissance les années passées.

Pour l'aide alimentaire, ce sont surtout les associations qui sont à la manoeuvre, en lien éventuellement avec les centres communaux d'action sociale (CCAS) ; certaines communes s'efforcent de nouer des partenariats intelligents entre leur CCAS et les associations, comme le Secours populaire, les Restos du Coeur, le Secours Catholique, etc., afin de cibler tous les publics.

Pascal Savoldelli a évoqué un risque de baisse des dotations européennes, mais nous n'avons rien entendu de tel. Les associations se plaignent aussi de la croissance des exigences bureaucratiques, car la loi dite « séparatisme » impose désormais aux associations qui reçoivent des dons en nature de les évaluer, ce qui comporte un risque d'erreur, tandis que la charge de travail pour les bénévoles augmente.

La perspective de manquer de denrées est réelle en raison des appels d'offres infructueux de FranceAgriMer. L'organisme s'efforce de passer des marchés pluriannuels, mais l'exercice est rendue périlleux par la situation internationale actuelle, avec des tensions importantes sur certaines denrées. Cela plaide pour du pragmatisme dans l'usage du fonds de 60 millions d'euros, car il n'est pas envisageable que les associations se trouvent à court de denrées. Aucun crédit n'est prévu actuellement pour aider les associations à surmonter la hausse de l'énergie.

Vous avez raison quant au fonctionnement en silo du dispositif de prévention de la pauvreté : oui, il faudrait simplifier, en confiant un rôle central au département, que de multiplier les dispositifs.

Marc Laménie, la mission finance la garantie de ressources des personnes accueillies en ESAT, mais la politique ESAT en elle-même ne relève pas de la mission. La situation des départements en fonction du poids de leurs dépenses sociales est là aussi très hétérogène. On peut s'inquiéter en raison du retournement du marché immobilier, car les recettes des départements en dépendent beaucoup.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Les dépenses d'AAH ont augmenté de près de 30 % entre 2018 et 2023. En réponse à la question de Sébastien Meurant, ce sont bien les CAF qui versent toutes les prestations financées par la mission.

Le montant forfaitaire de la prime d'activité est passé de 563,68 euros à 586,23 euros. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) estime que la hausse des dépenses sera de 190 millions en 2022, tandis que le coût total des revalorisations, notamment anticipées, atteindrait 660 millions d'euros l'an prochain.

Pour l'AAH, le montant forfaitaire est passé de 919,86 euros à 956,65 euros - les associations répètent que cela demeure inférieur au seuil de pauvreté. Le gain moyen par bénéficiaire est de 30,24 euros par mois. La DGCS évalue le surcoût par rapport aux revalorisations de droit commun à 192 millions cette année, et 186 millions d'euros l'an prochain.

L'impact budgétaire total des revalorisations de l'AAH, de la prime d'activité et du RSA est estimé à 1,6 milliard d'euros en 2023. Il explique en grande partie la hausse des crédits demandés en 2023.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Nous notons depuis quelques années un effort de sincérisation budgétaire. Les hausses ont été prises en compte dans le budget.

Je rappelle mon avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Je m'en remets pour ma part à la sagesse de la commission et m'abstiendrai à titre personnel.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Réunie le 26 octobre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission. En application de l'article 49-3 de la Constitution, les crédits de la mission sont considérés avoir été adoptés tels que modifiés par trois amendements de crédits par l'Assemblée nationale ; un nouvel article rattaché - l'article 46 quater - a également été ajouté.

Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, les rapporteurs spéciaux, MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, proposent de confirmer l'adoption sans modification des crédits de la mission.

L'article 46 quater autorise, à titre transitoire, un report de l'application du principe de parité totale entre les départements et l'État pour le financement du futur groupement d'intérêt public (GIP) « France enfance protégée », qui aurait pour conséquence l'augmentation de la contribution financière des départements par rapport à celle qui était versée au titre de l'ancien GIP « Enfance en danger ».

Il s'agit d'un dispositif favorable aux départements, ce qui conduit les rapporteurs spéciaux à proposer d'adopter l'article sans modification.

Après avoir pris acte des modifications considérées comme adoptées par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Elle a également proposé d'adopter sans modification l'article 46 quater.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

- M. Jean-Benoît DUJOL, directeur général ;

- Mme Hélène FURNON-PETRESCU, cheffe de service des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- M. Jean-François BOURDAIS, adjoint des affaires financières et de la modernisation ;

- M. Mehdi KAFFAF, chargé de mission au bureau des budgets et de la performance ;

- M. Denis DARNAND, sous-directeur de l'inclusion sociale, insertion, lutte contre la pauvreté.

? Audition relative au contrôle budgétaire sur la mise en oeuvre des contrats entre l'État et les collectivités territoriales, dans le cadre de la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté :

- Madame Ghislaine PALIX-CANTONE, cheffe de bureau de l'accès aux droits, insertion et économie sociale et solidaire.

Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté

(DIPLP)

- M. Francis BOUYER, secrétaire général ;

- Mme Laure BERTHINIER, conseillère territoires et contractualisation.

Direction des finances, des achats et des services (DFAS)

- M. Francis LE GALLOU, directeur ;

- M. Christophe TASSART, sous-directeur des affaires financières ;

- Mme Fanny VERMOREL, chef du bureau de la synthèse et des programmes soutien.

FranceAgriMer

- Mme Christine AVELIN, directrice générale ;

- Mme Véronique BORZEIX, adjointe de la directrice générale.

Inspection générale des affaires sociales (IGAS)

- M. Thierry PAUX, membre de l'IGAS.

France urbaine

- M. Mathieu KLEIN, président du Grand Nancy et co-président de la commission solidarités de France urbaine ;

- M. Gabriel ANDRÉ, collaborateur de M. Mathieu KLEIN.

Assemblée des départements de France (ADF)

? Audition relative au contrôle budgétaire sur la mise en oeuvre des contrats entre l'État et les collectivités territoriales, dans le cadre de la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté :

- M. Jean-Michel RAPINAT, directeur des politiques sociales.

- Table ronde avec les associations d'aide alimentaire -

Les Restos du Coeur

- M. Louis CANTUEL, responsable des relations institutionnelles.

Fédération française des banques alimentaires

- Mme Laurence CHAMPIER, directrice fédérale ;

- Mme Barbara MAUVILAIN, responsable du service des relations institutionnelles.

Secours populaire français

- M. Sébastien THOLLOT, secrétaire national du Secours populaire français en charge des solidarités en France et en Europe.

Croix-Rouge française

- Mme Chloé SIMEHA, directrice de l'inclusion.

Association nationale de développement des épiceries Solidaires (ANDES)

- M. Yann AUGER, directeur général.

Fédération des acteurs de la solidarité

- M. Rémi BOURA, responsable de mission auprès de la direction générale, responsable des relations parlementaires.

- Table ronde avec les associations de défense des droits des femmes
et de lutte contre les violences faites aux femmes-

Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis

- Mme Ernestine RONAI, responsable.

Fédération nationale solidarité femmes (FNSF)

- Mme Farida DAMMENE DEBBIH, vice-présidente.

Collectif féministe contre le viol (CFCV)

- Mme Emmanuelle PIET, présidente.

- Table ronde avec les associations de défense
des droits des personnes handicapées -

APF France handicap

- Mme Carole SALERES, conseillère nationale Travail, emploi, formation et ressources.

Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH)

- M. Pascal SILLOU, vice-président ;

- Mme Mélanie BOURJAL, directrice générale adjointe ;

- M. Guillaume QUERCY, directeur Recherches, développement, qualité.

Association des accidentés de la vie - Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH)

- Mme Sophie CRABETTE, chargée de plaidoyer ;

- M. Karim FELISSI, avocat conseil.

- Contribution écrite -

Assemblée des départements de France

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Déplacement en Seine-Saint-Denis

Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis

- Mme Magalie THIBAULT, vice-présidente chargée des solidarités et de la santé, Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis ;

- M. Benjamin VOISIN, directeur général adjoint, conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

Préfecture de la Seine-Saint-Denis

- Mme Isabelle PANTÈBRE, préfète déléguée pour l'égalité des chances, préfecture de la Seine-Saint-Denis ;

- Mme Cécile TAGLIANA, commissaire à la lutte contre la pauvreté, préfecture de la région Île-de-France ;

- M. Lou ZAÏD-CHAVANNE, chargé de mission, cabinet de madame la préfète déléguée pour l'égalité des chances.

Direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS)

- M. Eloy DORADO, directeur régional adjoint de la DRIEETS, directeur de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis ;

- M. Clément DE PAMPELONNE, chargé de mission.

- Visites de terrain -

- Équipe mobile de Protection maternelle et infantile (PMI) Papillons , à Montreuil ;

- Association Solidarité formation mobilisation accueil et développement (SFMAD) , à Épinay-sur-Seine ;

- Association C2DI 93 , à Aulnay-sous-Bois.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 À compter rétroactivement du 1 er janvier 2016.

* 2 Ou plus de 16 ans pour un jeune qui n'est plus considéré à la charge des parents pour le bénéfice des prestations familiales .

* 3 Les modalités de cumul de l'allocation avec des revenus d'activité sont précisées par le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010, et visent à encourager l'accès durable à l'emploi : pendant six mois au maximum à compter de la reprise d'un emploi, puis partiel sans limite dans le temps.

* 4 Ce plafond est multiplié par 1,81 pour un couple et majoré de 50 % par enfant à charge.

* 5 Elle est durable dès lors qu'elle est d'une durée prévisible d'au moins un an à partir du dépôt de la demande.

* 6 MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, Annexe n° 30 « Solidarité, insertion et égalité des chances » au Rapport général n° 163 (2021-2022) fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021.

* 7 La proposition de déconjugalisation de l'AAH avait fait l'objet de la première pétition à recueillir plus de 100 000 signatures sur la plateforme dédiée du Sénat en février 2021. L'atteinte de ce seuil avait ainsi entraîné l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale des députés Jeanine Dubié, Charles de Courson, Yannick Favennec et plusieurs de leurs collègues, ce qui a conduit le Sénat à adopter une disposition tendant à la déconjugalisation de l'AAH en première lecture le 9 mars 2021.

* 8 MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, Annexe n° 30 « Solidarité, insertion et égalité des chances » au Rapport général n° 163 (2021-2022) fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021.

* 9 Article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 10 Conformément à l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 et au décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021

* 11 Bénéficiaires d'une aide personnelle au logement (APL), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de la prime forfaitaire pour reprise d'activité, de l'allocation équivalent retraite (AER), du revenu de solidarité active (RSA), du revenu de solidarité (RSO), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et des anciennes allocations du minimum vieillesse, de l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (AVFS), de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) et de l'allocation simple pour personnes âgées.

* 12 Source : réponse au questionnaire budgétaire.

* 13 Rapport d'information de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances, n° 602 (2019-2020) - 8 juillet 2020.

* 14 Anses, Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3), juillet 2017.

* 15 « Aide alimentaire : un dispositif vital, un financement menacé ? Un modèle associatif fondé sur le bénévolat à préserver », rapport d'information d'Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances du Sénat octobre 2018.

* 16 La gratuité de la distribution des denrées est imposée par le règlement du FSE +, ce qui exclut les épiceries sociales, qui soutiennent les personnes en difficulté contre une participation financière symbolique.

* 17 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

* 18 Sources : Observatoire national de l'action sociale (Odas) pour les dépenses d'action sociale ; Observatoire des finances et de la gestion publiques locales (OFGL) pour les recettes de fonctionnement.

* 19 Source : Cour des comptes, Les finances publiques locales 2021, juin 2021.

* 20 Le taux de DMTO reste à 3,8 % dans les départements de l'Indre, de l'Isère, du Morbihan et de Mayotte.

* 21 Igas, Évaluation de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, juillet 2021.

* 22 Seuls les Hauts-de-Seine et les Yvelines n'ont pas participé.

* 23 Source : Insee.

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