LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION
Dans le texte considéré comme adopté en première lecture par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, l' état G annexé au projet de loi définissant les objectifs et les indicateurs associés, a été modifié au titre de la mission « Santé », par l' amendement II-2911 du Gouvernement afin d'intégrer les objectifs et indicateurs de performance du nouveau programme 379 « Compensation à la sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience ».
En application du 4° bis du II de l'article 34 de la LOLF, introduit par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, les objectifs de performance et les indicateurs associés à ces objectifs sont désormais inclus, en seconde partie, dans les dispositions normatives de la loi de finances.
S'agissant du volet sanitaire du soutien à l'investissement financé par ce programme, les deux indicateurs proposés sont :
- le nombre d'établissements de santé soutenus dans leurs investissements du quotidien ;
- le nombre de projets d'investissement dans la construction, la rénovation énergétique et la modernisation d'établissements de santé supérieurs à 20 millions d'euros.
S'agissant du volet médico-social , l'indicateur proposé est le nombre de places construites ou rénovées en établissement d'hébergement pour personnes âgées.
Ces indicateurs sont cohérents avec ceux figurant au plan national de relance et de résilience et sur lesquels la France rendra régulièrement compte aux instances européennes des résultats obtenus.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 46 bis (nouveau)
Réorganisation de la
sécurité sanitaire
des produits cosmétiques et de
tatouage
. Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement inséré lors de l'examen à l'Assemblée nationale, vise à réorganiser le dispositif de sécurité sanitaire des produits cosmétiques et de tatouage, dans le prolongement de travaux menés par la Cour des comptes et les corps d'inspection.
Il propose de transférer, à compter de 2024, des compétences jusqu'alors exercées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS) d'une part et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d'autre part.
La commission des finances propose de modifier cet article par un amendement strictement rédactionnel.
I. LE DROIT EXISTANT : LA SURVEILLANCE SANITAIRE DES COSMÉTIQUES ET PRODUITS DE TATOUAGE RELÈVE DE L'AGENCE EN CHARGE DE LA SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA CONCURRENCE ET DE LA CONSOMMATION
Une modification intervenue en 1993 de la directive européenne relative aux cosmétiques 24 ( * ) a imposé à chaque État membre de disposer d'une autorité d'évaluation de la sécurité pour tout produit cosmétique placé sur le marché.
Pour se conformer à ces dispositions, la France a donné compétence à l' Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) , dès sa création en 1998 25 ( * ) , en matière d'application des lois et règlements relatifs aux produits cosmétiques . Cette mission a été étendue, en 2004, aux produits de tatouage 26 ( * ) . L' Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a repris les compétences de l'AFSSAPS en la matière lorsqu'elle lui a succédé en 2011.
Par ailleurs, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont qualité pour rechercher et constater les infractions aux lois et règlements relatifs aux produits cosmétiques et de tatouage, au titre de leur mission générale de surveillance du marché et de protection des consommateurs. Des pouvoirs élargis en matière de cosmétiques ont également été conférés à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) par la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016 27 ( * ) .
S'agissant des cosmétiques , la cadre règlementaire actuellement applicable découle du règlement européen (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Celui-ci vise à protéger le consommateur sous l'angle de la santé humaine. Le règlement REACH 28 ( * ) leur est cependant applicable au titre de la sécurité environnementale et de la sécurité au travail.
Les produits de tatouage relèvent principalement d'une réglementation nationale établie en 2014 29 ( * ) et largement inspirée de celle régissant les cosmétiques. Toutefois, les encres de tatouage font l'objet depuis le 4 janvier 2022 d'une réglementation européenne 30 ( * ) intégrée dans le règlement REACH et imposant des restrictions à l'utilisation de certaines substances ou de certains pigments.
Les compétences de l'ANSM portent essentiellement sur l'évaluation du risque (expertise des substances utilisées, gestion des déclarations d'effets indésirables), l'inspection des opérateurs des filières « cosmétiques » et « tatouages » et le contrôle des produits en laboratoires.
La DGCCRF exerce un rôle de surveillance du marché, adossé aux capacités d'analyse des produits du service commun des laboratoires (SCL), résultant de la fusion du laboratoire des douanes et de celui de la concurrence et de la répression des fraudes.
La DGDDI contrôle les importateurs et les produits lors de leur entrée ou de leur transit sur le territoire national.
II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN TRANSFERT DES MISSIONS D'EXPERTISE À L'AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL
Dans une enquête réalisée à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat et remise en novembre 2019, la Cour des comptes 31 ( * ) a souligné que la vigilance sur les produits cosmétiques était éloignée du champ d'action historique de l'ANSM, dans la mesure où les produits cosmétiques ne sont destinés ni à des professionnels ni à des usagers du système de santé, et ne répondent pas, contrairement aux produits de santé, à une logique d'équilibre bénéfice/risque 32 ( * ) . Ainsi, l'ANSM n'a jamais considéré cette compétence comme une priorité , « laissant de fait ce secteur très insuffisamment suivi ». La Cour des comptes appelait à « mettre un terme à cette situation de quasi-abandon, dans un secteur qui n'est pas exempt de risques ».
En mars 2020, un rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des finances 33 ( * ) confirmait ce désinvestissement de l'ANSM. Il insistait sur la nécessité d'une remobilisation , au regard des enjeux sanitaires, mais également réglementaires au niveau européen, liés aux produits cosmétiques et aux produits de tatouage. Considérant qu'aucune solution d'organisation ne s'imposait avec évidence et qu'aucun acteur ne pouvait concentrer l'essentiel des missions, il estimait que celles-ci devaient être réparties entre un acteur « expert » en charge de l'évaluation a priori des risques et du traitement des signaux et un ou des acteurs de surveillance . S'agissant de l'expertise scientifique, il soulignait les atouts de l'ANSM , malgré son désengagement, mais jugeait supérieurs ceux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS) , compte tenu de sa connaissance des substances et de sa capacité à repérer et traiter les effets indésirables. Il considérait que l'essentiel, voire une part accrue, de la surveillance du marché devait reposer sur la DGCCRF et le service commun des laboratoires (SCL), les importations relevant des douanes.
Le Gouvernement , suivant les conclusions de ces travaux, a déposé un amendement au projet de loi de finances , inclus dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, visant à réorganiser la gouvernance de la sécurité sanitaire des produits cosmétiques et des produits de tatouage autour de deux acteurs principaux : l'ANSéS pour les missions d'expertise et de vigilance actuellement du ressort de l'ANSM, la DGCCRF pour les missions de déclaration des établissements, d'inspection, de contrôle et de surveillance du marché, qu'elle partageait précédemment avec l'ANSM.
Plus précisément, l'article 46 bis :
- confie à l'ANSéS la vigilance sur les produits cosmétiques et les produits de tatouage (article L. 1313-1 du code de la santé publique) et lui transfère la compétence , relevant actuellement de l'ANSM, pour recevoir les déclarations d'effets indésirables (articles L. 5131-5 et L. 513-10-8 du code de la santé publique) et mettre en demeure la personne responsable de communiquer les informations nécessaires en cas de doute sérieux quant à la sécurité d'une substance entrant dans la composition d'un produit (articles L. 5131-6 et L. 513-10-9 du code de la santé publique) ;
- confie à l'autorité en charge de la concurrence et de la consommation (DGCCRF) le contrôle , actuellement exercé par l'ANSM, de la déclaration d'ouverture et d'exploitation des établissements fabriquant des produits cosmétiques et des produits de tatouage (articles L. 5131-2 et L. 513-10-2 du code de la santé publique) ;
- maintient la compétence de l'ANSM pour publier les principes de bonnes pratiques de laboratoire applicables aux études de sécurité non cliniques destinées à évaluer la sécurité des produits cosmétiques (articles L. 5131-4 du code de la santé publique) et à l'évaluation de la sécurité des produits de tatouage pour la santé humaine, son rôle étant cependant ramené à la formulation d'un simple avis, et non d'une proposition, dans l'énonciation des bonnes pratiques de fabrication de ces produits, lesquelles sont toujours arrêtées par les ministres chargés de la consommation et de la santé (article L. 513-10-3 du code de la santé publique) ;
- maintient les compétences des différentes catégories d'agents habilités à mener des inspections en matière de produits cosmétiques et produits de tatouage (articles L. 5411-1, L. 5412-1, L. 5413-1 et L. 5414-1 du code de la santé publique) ;
- modifie en conséquence les dispositions mentionnant les compétences des différents organismes concernés (articles L. 5131-3, L. 531-1, L. 5312-4-3 et L. 5313-1 du code de la santé publique et article L. 521-2 du code de l'environnement) et fixant le régime des sanctions pénales (articles L. 5431-2, L. 5431-8 ; L. 5431-9, L. 5437-2 et L. 5437-5 du code de la santé publique).
Par ailleurs, le III de l'article 46 bis habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai d'un an suivant la promulgation de la loi de finances les mesures :
- mettant en cohérence les codes et lois non codifiées avec les dispositions précédentes ;
- établissant un dispositif de certification des établissements de fabrication ou de conditionnement de produits cosmétiques attestant du respect des bonnes pratiques de fabrication des produits cosmétiques afin d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine.
Le projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
Enfin, l'article 46 bis fixe la date d'entrée en vigueur des nouvelles attributions de compétences au 1 er janvier 2024 .
Toutefois, il est proposé que l'ANSM demeure compétente pour prendre les décisions concernant l'enregistrement des déclarations d'ouverture ou d'exploitation d'établissements de fabrication ou de conditionnement de produits cosmétiques ou de produits de tatouage déposées avant le 1 er janvier 2024.
III . LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RÉFORME S'APPUYANT SUR DES CONSTATS ÉTAYÉS MAIS MENÉE SELON UNE PROCÉDURE DISCUTABLE
La nécessité d'une réorganisation de la gouvernance de la sécurité sanitaire des produits cosmétiques et des produits de tatouage a été mise en évidence à plusieurs reprises, en particulier par la Cour des comptes et le rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF.
Le transfert à l'ANSéS de la plupart des missions d'expertise jusqu'ici confiées à l'ANSM et le renforcement du rôle de la DGCCRF découlent des conclusions de ces travaux. Ceux-ci ont également souligné la nécessité de rehausser l'effort budgétaire, notamment pour les ressources humaines affectées aux missions d'expertise.
Les nouvelles compétences confiées à l'ANSéS auront un impact sur la mission « Santé » . Le projet annuel de performance relatif à cette mission et annexé au projet de loi de finances pour 2023 précise qu'une « dotation d'amorçage » de 0,2 million d'euros est prévue à ce titre en 2023, des compléments de dotation devant intervenir à hauteur de 1,8 million d'euros en 2024 puis de 2,3 millions d'euros en 2025.
Il est toutefois discutable qu'une telle réforme soit proposée dans un projet de loi de finances par la voie d'un amendement tardivement déposé, alors que les constats et les options d'évolution ont été formulés il y a près de trois ans.
La commission des finances a adopté un amendement de précision légistique n° II-26 et, sous réserve des observations qui précèdent, propose d'adopter l'article ainsi modifié.
Décision de la commission des finances : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS
L'ARTICLE 46 bis (nouveau)
Transformation de l'aide médicale
d'État
en aide médicale de santé publique
. La commission des finances propose d'adopter un article additionnel transformant l'aide médicale d'État en aide médicale de santé publique couvrant une gamme de soins comparable à celle prise en charge pour les étrangers en situation irrégulière dans la plupart des pays européens.
Les modifications législatives et règlementaires apportées en 2020 au dispositif de l'aide médicale d'État (AME) sont insuffisantes pour véritablement maîtriser la charge budgétaire de l'AME dont le montant atteindrait 1,2 milliard d'euros pour 2023, soit une augmentation de 133 millions d'euros (+ 12,4 %) par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2022.
Cette augmentation continue et non maîtrisée des dépenses rend d'autant moins justifiée la singularité du dispositif de l'AME qui se caractérise par une étendue des soins pris en charge notablement plus large que celle assurée dans les autres pays européens pour les étrangers en situation irrégulière.
Dans la plupart des pays voisins, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans des programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement
La commission des finances propose, dans ces conditions, de remplacer l'AME par une aide médicale de santé publique.
Ce dispositif a été adopté par le Sénat, sur proposition de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, dans le projet de loi de finances pour 2021, mais n'a pas été retenu dans le texte définitivement adopté par l'Assemblée nationale.
Il reprend les contours d'un amendement précédemment adopté à deux reprises par le Sénat mais non retenu par l'Assemblée nationale, en juin 2018 à l'initiative de Roger Karoutchi, dans le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie et à l'initiative de la commission des finances dans le projet de loi de finances pour 2020.
L'aide médicale de santé publique assurerait une prise en charge couvrant :
1° la prophylaxie et le traitement des maladies graves et les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ;
2° les soins liés à la grossesse et ses suites ;
3° les vaccinations réglementaires ;
4° les examens de médecine préventive.
Le dispositif, applicable au 1 er janvier 2023, reprendrait les conditions de résidence, d'obligation de comparution physique et, pour les soins non-vitaux, de délai d'ancienneté et d'accord préalable introduits dans le code de l'action sociale et des familles par la loi de finances pour 2020.
Décision de la commission des finances : la commission des finances propose d'adopter cet article additionnel.
* 24 Directive 93/35/CEE du Conseil du 14 juin 1993 modifiant, pour la sixième fois, la directive 76/768/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques.
* 25 Par la loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
* 26 Article 149 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
* 27 17° du 4 de l'article 38 du code des douanes.
* 28 Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) et instituant une agence européenne des produits chimiques.
* 29 Articles L. 513-10-1 à L. 513-10-10 du Code de la santé publique issus de la loi n° 2014-201 du 24 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la santé.
* 30 Règlement (UE) n° 2020/2081 du 14/12/20 modifiant l'annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne les substances contenues dans les encres de tatouage et les maquillages permanents.
* 31 Rapport d'information n° 187 (2019-2020) de Mme Martine Berthet - 11 décembre 2019.
* 32 Les produits cosmétiques et les produits de tatouage s'adressent à l'ensemble de la population et la réglementation prévoit qu'ils ne doivent emporter aucun risque pour le consommateur et ce, quelque soient les bénéfices revendiqués par leur fabricant.
* 33 Organisation de la sécurité sanitaire des produits cosmétiques et de tatouage : état des lieux et évolutions souhaitables - rapport conjoint IGAS et IGF - mars 2020.