C. UNE STRATÉGIE QUI PÉNALISE LA FRANCE AU PLAN EUROPÉEN
La trajectoire de consolidation des comptes publics qui est proposée par le Gouvernement nous écarte d'une application normale de nos engagements européens et nous distingue négativement de nos partenaires.
La trajectoire d'ajustement de solde structurel qui est proposée au projet de loi de programmation apparait reposer sur une lecture très favorable des dispositions du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).
En effet, son article 3 prescrit que les États parties se fixent - lorsque leur endettement public est supérieur à 60 % du PIB - un objectif de moyen terme de solde structurel supérieur à - 0,5 % du PIB potentiel, d'une part, et « veillent à assurer une convergence rapide » vers cet objectif.
Le calendrier de cette convergence doit être proposé par la Commission européenne « compte tenu des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques », ce qui offre des flexibilités dans la réalisation de la trajectoire.
Or, si le contexte macroéconomique particulièrement défavorable et la situation particulièrement dégradée des finances publiques post-crises devraient très certainement être prises en compte par la Commission européenne, la seule mise en oeuvre des flexibilités devrait difficilement rendre acceptable la trajectoire française.
Ainsi, alors que le traité prescrit une convergence « rapide » vers l'objectif de moyen terme, au rythme proposé par le Gouvernement il ne serait pas atteint avant 2035.
Évolution du solde structurel
(en point de PIB potentiel)
Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
L'activation, par la Commission européenne, en 2020 et
jusqu'en 2024, de
la clause dérogatoire du Pacte de
stabilité et de croissance
conduit, toutefois, à ce que
la France ne soit, à ce jour, pas concernée par un
objectif quantitatif en matière de solde et d'endettement public.
Ainsi, dans sa recommandation du 23 mai 2022 concernant le programme national de réforme pour la France pour 2022 6 ( * ) , le Conseil de l'Union européenne se borne à recommander que « la France s'attache (...) à mener une politique budgétaire prudente » en 2023 et dans les années à venir.
Par ailleurs, une revue du Pacte de stabilité et de croissance est actuellement en cours au niveau européen. Il pourrait aboutir à des règles moins en contradiction avec la trajectoire budgétaire française.
Pour autant, cela n'est pas garanti et la trajectoire française ne pourrait, en cas de réactivation sans réforme des règles budgétaires, être regardée comme conforme aux engagements européens qu'à la suite d' un dialogue avec la Commission européenne dont l'issue demeure incertaine.
Cette situation fragilise d'autant plus la France que nos principaux partenaires ont prévu de consolider leurs comptes publics à un rythme bien plus rapide.
Ainsi, parmi le groupe de pays constitués de l'Allemagne, des Pays-Bas, de l'Autriche, de l'Italie, de l'Espagne et de la Grèce, la France est le seul État membre dont le déficit public ne sera pas revenu sous les 3 % du PIB en 2025.
Trajectoire des déficits publics en Europe
(en point de PIB)
Source : commission des finances d'après les programmes de stabilité et les projets de budget pour l'année 2023 des États concernés
* 6 COM (2022) 612 final.