EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 27 septembre 2022, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. André Vallini sur le projet de loi n° 604 (2021-2022) autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives.
M. Christian Cambon, président . - Nous examinons le projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur la manipulation de compétitions sportives, sur le rapport de notre collègue André Vallini.
M. André Vallini, rapporteur . - Des études conduites dans les années 2000 et consacrées à la manipulation des compétitions sportives, notamment liée aux paris sportifs, ont mis en évidence l'action de réseaux internationaux de criminalité organisée. Les États ont alors pris conscience du caractère transfrontalier du phénomène des manipulations des compétitions sportives et, partant, de la nécessité d'une coopération internationale efficace.
Les manipulations des compétitions sportives sont généralement liées aux paris sportifs et peuvent conduire à des fraudes et au blanchiment de capitaux. Europol évalue les recettes criminelles mondiales provenant des paris truqués à 120 millions d'euros pour la seule année 2020. Au-delà des considérations économiques, le phénomène porte également atteinte à l'intégrité des compétitions sportives.
Face à ce phénomène, qui n'épargne pas la France, le Conseil de l'Europe a proposé d'apporter une réponse harmonisée, sous la forme d'un instrument juridiquement contraignant : c'est ainsi que la Convention de Macolin a vu le jour en septembre 2014. La France a joué un rôle actif dans l'élaboration de ce premier instrument international visant le trucage de matchs et de paris.
Cette convention traite de la manipulation des rencontres sportives dans son ensemble, sans se limiter à la question des paris sportifs ; son champ d'application est donc très large et concerne tous les sports et toutes les compétitions. Son objectif est d'apporter une réponse commune à la manipulation des compétitions sportives afin de contribuer efficacement à la lutte contre ce phénomène à l'échelle mondiale, en invitant notamment les États à renforcer leur politique en la matière. Pour ce faire, les parties doivent se doter de moyens pour prévenir, détecter et sanctionner toute tricherie dans le cadre de compétitions sportives et prévoir des mesures visant à renforcer l'échange d'informations, ainsi que la coopération nationale et internationale. À cet égard, la convention tend à impliquer tous les acteurs intéressés par la lutte contre la manipulation des compétitions sportives, à savoir les autorités publiques, les organisations sportives, les organisateurs de compétitions, les sportifs eux-mêmes et les opérateurs de paris.
Dans le volet préventif du texte, l'autonomie des organisations sportives en matière de sensibilisation est reconnue, mais la responsabilité des opérateurs de paris pour prévenir la manipulation des compétitions est soulignée.
Le volet répressif de la convention établit un cadre minimal identifiant les comportements répréhensibles et la nature des sanctions pouvant être prononcées, sans toutefois créer d'incrimination. En effet, eu égard à la volonté d'harmonisation, le but de la convention est de permettre une reconnaissance mutuelle des décisions et des sanctions prises par les États, sans les cantonner à un seul territoire.
L'une des mesures phares de la Convention de Macolin est l'encouragement à la mise en place d'une plateforme de lutte contre la manipulation des compétitions sportives au sein de chaque pays, pour fluidifier les échanges d'informations détenues par chaque acteur d'une compétition. La France fut l'une des premières à lancer sa plateforme, dès janvier 2016. La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France lui a donné une assise législative ; ses missions, sa composition et ses modalités de fonctionnement seront prochainement fixées par décret en Conseil d'État.
À la faveur de récentes évolutions, la plupart des stipulations de la convention trouvent une traduction en droit français. Toutefois, certaines dispositions existantes peuvent paraître trop vagues et nécessiter une adaptation législative pour être en parfaite conformité avec la convention : c'est le cas par exemple de certaines définitions telles que « l'information d'initié », ou de dispositions ayant trait aux infractions pénales et à la responsabilité des personnes morales.
En outre, certaines des dispositions de la convention ne trouvent pas de pendant exact en droit interne mais sont considérées par la France comme étant appliquées par des pratiques existantes ou des mécanismes détournés. Ainsi, bien que le gouvernement français le juge superfétatoire, il semblerait utile de créer un dispositif de lanceur d'alerte propre à la manipulation des compétitions sportives, tout en mettant l'accent sur la sensibilisation à ce phénomène auprès de tous les acteurs du sport, professionnels comme amateurs, par une meilleure formation aux outils mis à leur disposition tels que la plateforme de signalement, encore trop méconnue.
La France a signé la convention en 2014 mais elle n'a engagé la procédure de ratification que huit ans plus tard. En effet, cette procédure a longtemps été freinée par l'opposition de Malte, qui bloque l'accord commun des États membres pour l'adhésion de l'Union européenne à la convention. Pour comprendre les raisons de ce blocage, qui porte sur la définition des paris illégaux, il convient de rappeler le poids économique des paris sportifs pour cet État, qui abrite de nombreuses sociétés du secteur, auxquelles il accorde des conditions fiscales avantageuses. Malte s'est hissée au premier rang européen dans ce domaine ; les jeux en ligne représenteraient 12 % de son produit intérieur brut !
La France accueillera prochainement deux événements sportifs majeurs : la Coupe du monde de rugby l'an prochain et les jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. La popularité et la grande médiatisation qui entourent ces compétitions exigent de protéger l'intégrité tant des sportifs que des compétitions elles-mêmes. En conséquence, il me paraît important que la France ratifie la convention, sans attendre la ratification coordonnée des vingt-sept États membres de l'Union européenne - comme elle l'a fait par le passé pour la Convention d'Istanbul.
Compte tenu, d'une part, de l'intérêt d'un instrument international pour lutter contre le trucage des matchs et des paris et, d'autre part, des échéances sportives que je viens d'évoquer, je préconise l'adoption de ce projet de loi. Son examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 27 octobre prochain, selon la procédure d'examen simplifié, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.
Mme Michelle Gréaume . - Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera bien entendu en faveur de la ratification de cette convention. Aujourd'hui, il s'agit du seul instrument de droit contraignant qui permette de lutter contre la fraude dans les compétitions sportives.
M. André Vallini, rapporteur . - Ces fraudes touchent tous les pays, tous les sports et toutes les compétitions, même les plus petites d'entre elles, dans de « petits » pays. En 2021, une joueuse russe a été arrêtée à Roland-Garros dans le cadre d'une enquête préliminaire pour corruption sportive et escroquerie en bande organisée. Par ailleurs, un gardien de but suédois a été placé sous protection policière car il était menacé, ainsi que sa famille, par la mafia après avoir refusé d'encaisser volontairement des buts.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.