C. LES INVESTISSEMENTS DE VOIES NAVIGABLES DE FRANCE DANS SON RÉSEAU SONT FORTEMENT STIMULÉS PAR LES CRÉDITS DU PLAN DE RELANCE
1. Une baisse des effectifs qui se poursuit et des recettes toujours affectées par les répercussions de la crise
Voies navigables de France (VNF) , établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire, gère le réseau de voies navigables français . Il est chargé de son exploitation , de son entretien , de sa maintenance , de son amélioration ainsi que de son extension .
La loi n° 2012-77 du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France lui a transféré au 1 er janvier 2013 les services de navigation de l'État, jusqu'alors mis à sa disposition, et qui comptaient quelque 4 000 agents.
Le réseau géré par l'établissement comprend 6 700 kilomètres de voies navigables , plus de 4 000 ouvrages d'art et 40 000 hectares de domaine public en bordure de voie d'eau.
Le projet stratégique de VNF pour la période 2015-2020 vise notamment à hiérarchiser les différents segments du réseau , avec une offre de service fret sur le réseau à grand gabarit, une offre touristique sur les voies navigables plus modestes qui s'y prêtent et une offre de gestion hydraulique pour les autres usages de l'eau (agriculture, industrie, etc .). VNF intègre par ailleurs les enjeux écologiques , comme en atteste sa démarche de labellisation ISO 14 000, le déploiement d'un label « développement durable » et sa coopération accrue avec les agences de l'eau.
L'article L. 4311-8 du code des transports introduit par la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) prévoit la conclusion d'un contrat d'objectifs et de performance (COP) entre l'État et Voies navigables de France (VNF) d'une durée de 10 ans, actualisé tous les 3 ans et assorti d'une trajectoire financière. Les rapporteurs spéciaux se félicitent qu'il ait pu être finalisé et signé le 30 avril 2021 .
Ce contrat comprend en annexe un cadrage des moyens financiers et humains et détermine la trajectoire de la subvention versée à VNF par l'AFITF en conformité avec les dispositions de la LOM. Ainsi, le contrat porte un programme d'investissement global de 3 milliards d'euros sur dix ans .
Le projet de loi de finances prévoit que VNF compte 4 103 ETPT en 2022, dont 4 068 sous plafond et 35 hors plafond 25 ( * ) . Le schéma d'emplois de l'établissement pour 2022 est de - 30 ETP contre des diminutions de 99 et 112 ETP respectivement en 2021 et 2020.
Dans le cadre d' Action publique 2022 , il était prévu que VNF diminue ses effectifs d'une centaine d'ETPT par an , pour passer sous la barre des 4 000 ETPT d'ici la fin de la législature. Les rapporteurs notent que l'objectif initial ne sera pas atteint . Ils considèrent que c'est là une évolution raisonnable et rappellent qu' ils avaient fait part , dans leur rapport sur le projet de loi de finances pour 2021, de leurs préoccupations quant à l'ampleur des diminutions de postes qui étaient prévues au sein de l'établissement et des inquiétudes légitimes qu'elles suscitaient dans la mesure où beaucoup d'installations nécessitent des interventions humaines.
En 2021, les dépenses de personnel de l'établissement devraient s'élever à 253,8 millions d'euros , soit 37 % de son budget. Elles sont stables par rapport à 2020 dans la mesure où les économies réalisées par la baisse d'effectifs ont été contrebalancées par le glissement vieillesse technicité (GVT) et l'impact en année pleine des tickets restaurant accordés en 2020 aux personnels publics. Ses dépenses de fonctionnement hors charges de personnel devraient quant à elles s'établir à 133,8 millions d'euros , soit 19 % du budget.
La subvention pour charges de service public (SCSP) perçue par l'établissement compte pour environ 40 % du total de ses ressources . Le projet de loi de finances prévoit une stabilité de cette subvention entre 2021 et 2022 à 248,2 millions d'euros (AE=CP). Le montant prévoit une réserve de précaution de 4,2 millions d'euros. Cette subvention est suffisante pour couvrir les dépenses de personnel de l'opérateur qui devraient s'établir à 239,1 millions d'euros en 2021. Pour mémoire, cette subvention avait été réduite de 2,2 million d'euros en 2021.
Depuis le 1 er janvier 2020, la taxe hydraulique que percevait VNF a été remplacée par une redevance domaniale , créée par voie réglementaire 26 ( * ) . Son fait générateur est le même que celui de la taxe hydraulique, à savoir le prélèvement ou le rejet d'eau. Son rendement total avoisine les 244 millions d'euros par an. L'article 46 de la loi de finances pour 2012 plafonne à 127,5 millions d'euros l'affectation de cette redevance à VNF. Le projet de loi de finances pour 2022 ne prévoit pas de modifier ce montant.
Les recettes propres de l'établissement, qui correspondent à ses redevances domaniales et à ses péages devraient s'élever à 38 millions d'euros en 2021. Depuis 2020, elles sont affectées par les conséquences de la crise 27 ( * ) . Aussi, bien qu'en légère augmentation (+ 5,6 %) par rapport à 2020, elles restent inférieures de 15,6 % aux recettes constatées en 2019. Ces ressources sont attendues en légère hausse en 2022.
Évolution des ressources propres de VNF
(redevances domaniales et péages) entre 2019 et 2021
(en millions d'euros)
Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Les recettes de péages et les recettes domaniales de VNF sont toujours affectées par la crise en 2021
Si les autres catégories de ressources de l'établissement ne sont pas affectées par les conséquences de la crise, ses recettes de péages et ses recettes domaniales restent, en 2021, inférieures à leurs montants nominaux . Plusieurs causes sont à l'origine de ce phénomène.
Bien que le budget 2021 ait été construit en tenant compte des incertitudes liées à l'évolution de la crise sanitaire, des éléments complémentaires sont venus perturber l'exécution des recettes.
S'agissant de la plaisance privée , les estimations étaient construites sur l'hypothèse d'une saison estivale 2021 réussie . Cependant, l'évolution de la crise au cours de l'été a eu un effet négatif à hauteur de 10 à 15 % des prévisions de recettes initiales attendues pour cette activité. En outre, lors de la réunion de son Conseil d'administration de décembre 2020, VNF a adopté une série de mesures de soutien en faveur des entreprises du tourisme fluvial , dont l'adoption d'un tarif spécial pour la plaisance professionnelle basé sur une réduction exceptionnelle de 65 % du forfait annuel et une généralisation de ce tarif forfaitaire annuel, alors qu'en 2020, il s'agissait d'un péage forfaitaire à la journée. Sur ces bases, les premiers exercices d'atterrissage indiquent que les recettes de péage pour 2021 pourraient être de l'ordre de 1,6 million d'euros pour la plaisance privée (contre respectivement 1,8 et 2,6 millions d'euros réalisés en 2020 et en 2019) et de 1 million d'euros pour la plaisance professionnelle (contre respectivement 0,6 et 4,2 millions d'euros en 2020 et en 2019).
S'agissant des péages marchandises , l'activité semble avoir redémarré. Toutefois, une cyberattaque dont a été victime l'établissement public au printemps 2021 a empêché les transporteurs d'accéder aux services de déclaration de chargement. VNF régularise ces situations a posteriori et, sur ces bases, les prévisions de recettes attendues pour 2021 sont de l'ordre de 6,6 millions d'euros contre respectivement 5,6 et 7,9 millions d'euros réalisés en 2020 et en 2019.
Enfin, les redevances domaniales sont évaluées à 29,1 millions d'euros pour 2021. Cette prévision est en légère progression par rapport à la réalisation de 2020 (28,2 millions d'euros) mais reste inférieure à la somme perçue en 2019 (30,9 millions d'euros). En effet, VNF a décidé de reconduire les mesures de soutien prises en 2020, à savoir une réduction exceptionnelle de 50 % des redevances domaniales (COT et AOT) pour les activités de tourisme, dont le coût est estimé entre 1 et 1,5 millions d'euros.
Source : réponses au questionnaire budgétaire
Au cours de l'année 2021 VNF doit également percevoir des subventions de l'Union Européenne (UE) et des collectivités territoriales pour environ 66,6 millions d'euros au titre d'opérations en cours ou déjà terminées, dont 29,6 millions d'euros de crédits européens dans le cadre du projet Seine-Escaut.
2. Les investissements de VNF ont significativement augmenté depuis 2017 et sont renforcés par le plan de relance
Ces dernières années, les conséquences de certaines crues ont révélé les fragilités du vieillissant réseau de voies navigables géré par VNF. Un audit réalisé par le cabinet MENSIA et le bureau d'études ARCADIS a souligné l'insuffisance des investissements consentis pendant de nombreuses années . Il a conclu à un besoin d'investissement de l'ordre de 245 millions d'euros par an pendant dix ans 28 ( * ) , dont 120 millions d'euros pour le réseau à grand gabarit.
La LOM prévoit que l'État augmente les crédits de l'AFITF consacrés à la régénération et à la modernisation du réseau fluvial pour atteindre en moyenne 110 millions d'euros par an entre 2019 et 2022 puis 130 millions d'euros par an entre 2023 et 2027 pour parvenir à un montant d'investissement total moyen de 190 millions d'euros par an, en intégrant les capacités d'investissement propres de VNF ainsi que les fonds apportés par les collectivités territoriales.
Les subventions d'investissement de l'AFITF à VNF devraient atteindre 117 millions d'euros en 2021. Elles poursuivent ainsi leur augmentation après avoir été réévaluées de 26 % en 2020. Pour 2022 , d'après les réponses apportées par l'AFITF au questionnaire des rapporteurs spéciaux, le montant de subvention devrait atteindre 114 millions d'euros . À compter de 2023 et jusqu'en 2027 , cette subvention doit s'établir à 130 millions d'euros .
Évolution de la subvention de l'AFITF versée à VNF (2019 et 2022)
(en millions d'euros)
Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Hors plan de relance, l'établissement doit investir 212 millions d'euros de CP dans le réseau en 2021, dont 74 millions d'euros pour sa régénération , 65 millions d'euros pour son développement et 42 millions d'euros pour sa modernisation . Les dépenses d'investissement hors plan de relance devraient se stabiliser en 2022 à 211,2 millions d'euros .
Dépenses d'investissement de VNF en 2021 en AE et CP
(en millions d'euros)
Source : Commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
En matière de développement , le projet européen Seine-Escaut Canal Seine Nord Europe, cofinancé par l'État, l'Europe et les régions est un poste d'investissements significatif pour VNF. En 2021, 37 millions d'euros de CP doivent lui être consacrés.
Concernant la modernisation , les principales opérations de VNF en 2021 concernent la reconstruction du barrage de Meaux pour 13,5 millions d'euros et le partenariat public privé (PPP) signé avec la société BAMEO pour la modernisation de 31 barrages fluviaux sur l'Aisne et la Meuse pour 12,8 millions d'euros .
Les rapporteurs spéciaux notent l'augmentation notable des dépenses d'investissement de VNF depuis 2017 et le fait que depuis 2020, leur niveau annuel a dépassé l'objectif de 190 millions d'euros. Cet effort sans précédent de régénération et de modernisation du réseau fluvial doit être poursuivi sur la durée pour tenir les engagements de la LOM et la trajectoire formalisée dans le contrat d'objectif et de performance 2020-2029.
Évolution des dépenses d'investissement
de VNF (hors plan de relance)
en CP (2017-2021)
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
L'année dernière, les rapporteurs spéciaux s'étaient félicités que le plan de relance prévoit de consacrer 175 millions d'euros pour anticiper la réalisation d'environ 160 projets portés par VNF. En 2021 , ces crédits doivent permettre à l'établissement d'accroître ses dépenses d'investissement de 89,1 millions d'euros en AE et de 62,1 millions d'euros en CP , portant ainsi le total des dépenses d'investissement de VNF en 2021 à 287 millions d'euros en AE et 274 millions d'euros en CP .
En 2022 , en CP, les dépenses d'investissements totales de VNF devraient s'établir à 296,6 millions d'euros dont 85,4 millions d'euros au titre du plan de relance .
Total des dépenses d'investissements de VNF en 2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Les AE relatives aux 175 millions d'euros de crédits attribués à VNF dans le cadre du plan de relance doivent être exécutées d'ici la fin de l'année 2022. Les derniers CP seront quant à eux consommés en 2023.
Consommation prévisionnelle des crédits du plan de relance 29 ( * )
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Les moyens complémentaires apportés par le plan de relance doivent permettre de réaliser des travaux sur des écluses de petit gabarit (Saône, Canal de la Marne au Rhin, Marne...) mais également sur le réseau grand gabarit, notamment les écluses de Jaulnes et de Villiers-sur-Seine situées sur la Seine amont, ou encore celle d'Amfreville sur la Seine aval.
3. Un résultat net négatif du fait du poids des dotations aux amortissements mais une situation patrimoniale saine
En 2021, VNF devrait présenter un résultat négatif d'environ 5,2 millions d'euros en raison notamment de l'importance de ses dotations aux amortissements (216 millions d'euros).
Sa situation financière n'apparaît en revanche pas préoccupante. Ainsi, en 2021, l'établissement devrait dégager une capacité d'autofinancement de 37,8 millions d'euros . Son fonds de roulement devrait s'établir à 137,1 millions d'euros et sa trésorerie au 31 décembre atteindre 71,6 millions d'euros soit plus de deux mois de charges de personnel.
* 25 Relatifs à des contrats d'apprentissage.
* 26 La taxe hydraulique, dont le rendement tendait à se réduire sous l'effet de la diminution du nombre de centrales thermiques et nucléaires d'EDF, principal redevable, et qui, de plus, voyait sa conformité au droit européen remise en cause dans le cadre de plusieurs contentieux, a été supprimée à compter du 1er janvier 2020 par la loi de finances pour 2019.
* 27 Le montant perçu au titre des redevances domaniales a été affecté par des mesures adoptées pour soutenir le tourisme fluvial tandis que le produit des péages souffre d'un moindre usage du réseau et de l'effet de mesures décidées par VNF pour préserver l'écosystème économique fluvial.
* 28 Parmi ces 245 millions d'euros par an, les trois cinquième correspondent à la seule gestion hydraulique du réseau, les deux cinquièmes restants correspondant aux investissements pour la navigation.
* 29 D'après la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), en raison de cofinancements obtenus des régions Île-de-France et Bourgogne Franche-Comté, les crédits relatifs aux opérations portées par le plan de relance ont été portés à 184 millions d'euros.