LA MISSION « ÉCONOMIE »
La mission « Économie » rassemble les crédits de politiques publiques visant à favoriser l'emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises, le développement des exportations, la concurrence et la protection des consommateurs.
Elle est composée de quatre programmes :
- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » regroupe les instruments de soutien aux entreprises, notamment sous forme de dépenses d'intervention au profit des petites et moyennes entreprises (PME), de l'industrie, du commerce, de l'artisanat et - en partie - du tourisme . Il porte également les crédits des administrations en charge de ces politiques publiques, de deux autorités administratives indépendantes (AAI) et de trois opérateurs ;
- le programme 343 « Plan France très haut débit », créé en 2015, porte les financements de l'État en vue d'assurer la couverture intégrale du territoire par le réseau de fibre optique d'ici 2022 ;
- le programme 220 « Statistiques et études économiques » porte principalement les crédits de l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) ;
- le programme 305 « Stratégie économique et fiscale » porte essentiellement les crédits de la direction générale du Trésor et de son réseau international, les crédits de la direction de la législation fiscale (DLF), ainsi que les crédits de plusieurs opérateurs et la subvention versée à la Banque de France au titre des prestations qu'elle effectue pour le compte de l'État.
La mission « Économie » porte en outre une part importante des dépenses fiscales du budget de l'État, les 77 dépenses fiscales rattachées au programme représentant un coût total de 16,5 milliards d'euros, en très nette baisse (- 40,1 %) par rapport à 2019 du fait de l'extinction progressive du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE).
Comme le souligne la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire sur la mission, « les dépenses fiscales de la mission Économie devraient faire l'objet d'un programme d'évaluation plus ambitieux, et voir leur présentation améliorée dans les documents budgétaires de la mission, en regroupant par exemple les dépenses fiscales en fonction des objectifs qu'elles poursuivent . » 1 ( * )
I. SI LA CRISE SANITAIRE A ENTRAINÉ DES OUVERTURES MASSIVES DE CRÉDITS, LES DÉPENSES DES ADMINISTRATIONS DE LA MISSION ONT ÉTÉ PLUTÔT BIEN MAÎTRISÉES
A. LA MISSION « ÉCONOMIE » A ÉTÉ FORTEMENT MOBILISÉE POUR APPORTER DES RÉPONSES D'URGENCE À LA CRISE SANITAIRE
1. Une exécution très éloignée des montants prévus par la loi de programmation des finances publiques
Le plafond des crédits votés dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 pour 2020 s'élevait à 2 150 millions d'euros en crédits de paiement (à périmètre constant, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions »). Du fait de la crise sanitaire et des différents dispositifs ouverts, en particulier sur le programme 134, l'exécution s'est finalement élevée à 2 919 millions d'euros.
Plafond des crédits inscrits dans la LPFP
2018-2022
et exécution 2020
(en CP, en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le plafond fixé en LPFP a donc été très largement dépassé, les dégels et les ouvertures de crédits en cours d'année ayant été encore plus conséquents en autorisations d'engagement (AE). En effet, alors que la loi de finances initiale prévoyait 1,91 milliard d'euros en AE, ce sont finalement 3,4 milliards d'euros d'AE qui ont été consommés par la mission (+ 78 %).
La forte hausse des AE résulte principalement de la logique d'appel à projet des dispositifs de soutien aux entreprises dans le cadre de l'anticipation des dispositifs du plan de relance. Le programme 134 a en effet constitué le vecteur budgétaire permettant d'anticiper les appels à projet qui sont désormais portés par la mission « Plan de relance ».
Par ailleurs, le programme 134 a également permis de compléter les différents dispositifs de soutien aux entreprises mis en oeuvre au sein de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». En effet, alors que les dispositifs de soutien les plus importants ont été portés par cette mission budgétaire « ad hoc » créée dès le début de la crise, les dispositifs d'intervention sectoriels ( cf. infra ) ont principalement été portées par la mission « Économie ».
Évolution des crédits de la mission « Économie » en 2020
(en millions d'euros et en pourcentage)
2019 |
2020 |
Exécution / prévision 2020 |
Exécution 2020 / 2019 |
||||||||
Prévision |
Exécution |
Prévision |
Exécution |
en volume |
en % |
en volume |
en % |
||||
134 - Développement des entreprises et régulations |
AE |
906,2 |
872,7 |
- 3,7 % |
1 066,8 |
2 562,4 |
+ 1 495,5 |
+ 140,2 % |
+ 1 689,7 |
+ 193,6 % |
|
CP |
920,3 |
902,3 |
- 1,9 % |
1 080,3 |
1 862,9 |
+ 782,5 |
+ 72,4 % |
+ 960,6 |
+ 106,5 % |
||
343 - Plan France Très haut débit |
AE |
5,0 |
0,0 |
- 100,0 % |
3,3 |
0,0 |
- 3,3 |
- 100,0 % |
0,0 |
0,0 % |
|
CP |
163,4 |
30,0 |
- 81,6 % |
440,0 |
225,0 |
- 215,0 |
- 48,9 % |
+ 195,0 |
+ 650,0 % |
||
220 - Statistiques et études économiques |
AE |
449,8 |
444,3 |
- 1,2 % |
437,5 |
435,2 |
- 2,3 |
- 0,5 % |
- 9,1 |
- 2,0 % |
|
CP |
448,3 |
443,8 |
- 1,0 % |
440,0 |
434,8 |
- 5,2 |
- 1,2 % |
- 9,0 |
- 2,0 % |
||
305 - Stratégie économique et fiscale |
AE |
428,5 |
415,8 |
- 3,0 % |
402,6 |
393,3 |
- 9,3 |
- 2,3 % |
- 22,5 |
- 5,4 % |
|
CP |
424,0 |
410,0 |
- 3,3 % |
405,0 |
396,9 |
- 8,0 |
- 2,0 % |
- 13,0 |
- 3,2 % |
||
Total mission |
AE |
1 789,5 |
1 732,8 |
- 3,2 % |
1 910,2 |
3 390,8 |
+ 1 480,6 |
+ 77,5 % |
+ 1 658,1 |
+ 95,7 % |
|
CP |
1 955,9 |
1 786,1 |
- 8,7 % |
2 365,3 |
2 919,7 |
+ 554,3 |
+ 23,4 % |
+ 1 133,5 |
+ 63,5 % |
AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Sur le programme 343 dédié au plan France très haut débit (FTHD), les crédits ont été fortement sous-consommés (à peine plus de la moitié des CP autorisés en loi de finances initiale), signe des retards engendrés par la crise sanitaire, mais également d'importantes lacunes dans la programmation budgétaire.
Pour les programmes 220 et 305, respectivement dédiés à l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) d'une part et à la direction générale du Trésor et à la direction de la législation fiscale (DLF) d'autre part, l'exécution des crédits, bien qu'affectée par la crise, s'est peu éloignée des autorisations accordées en loi de finances initiale.
Pour couvrir les dépenses nouvelles, d'importantes ouvertures de crédit ont eu lieu en cours d'année. Ces dispositifs ont conduit à multiplier par trois le niveau des autorisations d'engagement sur le programme 134 entre 2019 et 2020 , expliquant l'essentiel de la dynamique de la mission.
Évolution des crédits en cours de gestion en 2020
(AE, en millions d'euros)
NB : * La mention « Autres » désigne à la fois la dotation pour dépenses imprévisibles 2 ( * ) , les fonds de concours et les blocages pour les retraits d'engagements juridiques antérieurs (négatif).
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
2. Des dépenses d'intervention indispensables pour faire face à la crise sanitaire
Alors que les dépenses d'intervention du programme étaient en très forte baisse depuis 2017, elles ont été multipliées par cinq en 2020. Cette augmentation des dépenses tient :
- au renforcement des crédits dédiés à l'industrie et aux services, de 862 millions d'euros en AE et 245 millions d'euros en CP ;
- à la création d'une nouvelle action relative aux « mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire », dont les crédits se sont élevés à 514 millions d'euros en AE et à 428 millions d'euros en CP ;
- à une hausse de plus de 100 millions d'euros des crédits ouverts en faveur du développement international des entreprises et de l'attractivité du territoire.
a) Des crédits dédiés à l'industrie et aux services
L'action n° 23, « Industrie et services » a fait l'objet d'une ouverture de 809 millions d'euros en AE et 224 millions d'euros en CP par la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020. Ces crédits ont permis de soutenir les filières aéronautiques et automobiles et d'anticiper les dispositifs du plan de relance, en particulier concernant les relocalisations, la décarbonation de l'industrie et l'industrie du futur et de couvrir les frais de gestion inhérents au lancement des différents appels à projet (entre 1 et 5 millions d'euros), poursuivis ensuite dans le plan de relance.
Les crédits consommés sur le plan de soutien au secteur automobile se sont élevés à 231 millions d'euros en AE et 128 millions d'euros en CP. Il ont en particulier permis d'accompagner les sous-traitants de la filière dans leur diversification et leurs investissements (à hauteur de 31 millions d'euros en AE et de 29,6 millions d'euros en CP) et de soutenir, via Bpifrance, les investissements des autres entreprises du secteur (200 millions d'euros en AE et 98,8 millions d'euros en CP).
Concernant la filière aéronautique, celle-ci a bénéficié d'un plan de soutien de 105 millions d'euros en AE et de 56 millions d'euros en CP. Par ailleurs, le volet relocalisations et soutien aux projets industriels a représenté 313 millions d'euros en AE et 94 millions d'euros en CP.
La quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a également ouvert 60 millions d'euros (en AE = CP) pour la digitalisation des commerçants et des artisans et 82 millions d'euros (en AE = CP) pour les relocalisations et la modernisation de l'industrie.
Au sein de la loi de finances pour l'année 2021, les crédits afférents à ces actions sont désormais retracés au sein de la mission « Plan de relance » et en particulier au sein des programmes 362 « Écologie » et 363 « Compétitivité ». Les crédits ouverts sur la mission « Économie » et non consommés fin 2020 ont été reportés sur cette mission.
b) Des crédits « mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire »
L'action n°25, « Mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire », a constitué un deuxième support pour les ouvertures de crédits sur le programme, en dépenses de fonctionnement et d'intervention.
En effet, 462 millions d'euros en AE et 395 millions d'euros en CP ont été débloqués pour financer l'achat de masques textiles, grâce au dégel de la réserve de précaution et à une ouverture de crédits par la deuxième loi de finance rectificative pour 2020 du 25 avril 2020. Cette dépense explique l'essentiel de l'augmentation (+ 89 %) des dépenses de fonctionnement du programme 134. D'après la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire sur la mission, ces dépenses ont permis l'acquisition de 333 millions de masques au printemps et 102 millions à l'automne.
Les dépenses d'intervention de l'action ont d'une part concerné le soutien à l'investissement dans des matériels sanitaires (23 millions d'euros en AE et 3 millions d'euros en CP) et des dispositifs sectoriels de soutien aux zoos, refuges et cirques familiaux (16 millions d'euros en AE = CP) et aux centres équestres (13,6 millions d'euros en AE = CP).
c) Des crédits dédiés au développement international des entreprises et à l'attractivité du territoire
Sans que ceux-ci n'aient de lien direct avec l'objet de l'action 07 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire », les fonds de garantie de Bpifrance financement ont été renforcés au cours de l'année 2020 sur cette action, à hauteur de 100 millions d'euros (en AE = CP). Ces crédits ont contribué au déploiement des prêts « Atout », octroyés aux entreprises sans garantie.
Cette dotation a été complétée par d'importants redéploiements de crédits internes à Bpifrance. En effet, la fusion absorption de Bpifrance SA par Bpifrance financement a contribué massivement à l'abondement de ces fonds. D'après l'intervention de Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, du fait de la fusion, « on peut changer le seuil de redéploiement des fonds de garantie » 3 ( * ) . En 2020, les redéploiements auraient ainsi permis de dégager 400 millions d'euros, également consommés lors de la mise en oeuvre des prêts « Atout ».
Les redéploiements de crédits ne sont aucunement mentionnés dans les documents budgétaires, de sorte que cette part de la réponse à la crise s'est faite avec une information très limitée des parlementaires . Il apparait nécessaire, à tout le moins, que les crédits affectés aux fonds de garantie fassent l'objet d'une information précise aux parlementaires et que les rapports annuels de performance précisent les dotations publiques mobilisées .
Les rapporteurs spéciaux l'ont souligné à de nombreuses reprises, l'absence de budgétisation des crédits dédiés au financement des garanties aux entreprises par Bpifrance nuit à la lisibilité budgétaire et au suivi par le Parlement de l'emploi de ces crédits .
Par ailleurs, des crédits ont également été déployés sur l'action 07 pour soutenir l'opérateur Business France, en particulier pour financer la distribution des premiers Chèques relance export et chèques relances volontariat international en entreprise (VIE), respectivement à compter d'octobre et de décembre 2020.
* 1 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire sur la mission « Économie ».
* 2 Ouverture par de crédits par le décret n° 2020-584 du 18 mai 2020.
* 3 Audition de Nicolas Dufourcq par la commission des finances de l'Assemblée nationale, mercredi 20 janvier 2021