N° 656
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juin 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi visant à créer un ticket restaurant étudiant ,
Par M. Jean HINGRAY,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mmes Laure Darcos, Catherine Dumas, M. Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Michel Savin, Mmes Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Abdallah Hassani, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Mme Else Joseph, MM. Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Mme Claudine Lepage, MM. Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .
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Sénat : |
422 et 657 (2020-2021) |
AVANT-PROPOS
Réunie le 2 juin 2021, sous la présidence de Laurent Lafon (UC - Val-de-Marne), la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné le rapport de Jean Hingray (UC - Vosges) sur la proposition de loi n° 422 (2020-2021) déposée par Pierre-Antoine Levi (UC - Tarn-et-Garonne) visant à créer un ticket restaurant étudiant .
S'inscrivant dans le contexte d'aggravation de la précarité étudiante consécutive à l'irruption de la crise sanitaire, cette proposition de loi entend redonner du pouvoir d'achat, sur le plan alimentaire, à l'ensemble des étudiants . Pour ce faire, elle instaure, sur le modèle des titres-restaurant des salariés, un ticket restaurant au bénéfice de tous les étudiants afin de leur permettre de se restaurer ou de faire des achats alimentaires à tarif social .
Après une analyse approfondie des bénéfices d'une telle mesure, mais aussi des points de vigilance qu'elle suscite, la commission a, à l'initiative de son rapporteur, estimé opportun de centrer la proposition de loi sur la problématique de l'accès à la restauration universitaire , qui constitue aujourd'hui la principale pierre d'achoppement pour les étudiants. L'existence de « zones blanches » en matière de restauration universitaire place en effet les étudiants concernés en situation d'inégalité d'accès à ce service public.
Sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté un amendement ciblant le dispositif du ticket restaurant étudiant sur ceux d'entre eux qui sont éloignés des structures de restauration universitaire .
I. UNE RESTAURATION UNIVERSITAIRE À LA CROISÉE DES CHEMINS
A. UN RÔLE CENTRAL MAIS UNE FRAGILITÉ STRUCTURELLE
1. La mission historiquement structurante de la restauration universitaire
La restauration universitaire est un service fondamental dans la vie quotidienne des étudiants . Créée dans les années 1920 par des associations étudiantes, son rôle s'est structuré après la Seconde Guerre mondiale lorsque l'État a confié, par la loi du 16 avril 1955, sa gestion au réseau des oeuvres universitaires et scolaires, constitué du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et des Centres régionaux (Crous) .
La mission de la restauration universitaire consiste à proposer aux étudiants une alimentation à un tarif social fixé nationalement , sous la forme de repas servis dans les restaurants universitaires ou de prestations de restauration rapide disponibles dans les cafétérias et les unités mobiles. De manière secondaire, la restauration universitaire s'étend à la restauration non étudiante (personnels des établissements, passagers) et aux prestations traiteurs.
Son organisation repose sur le réseau des oeuvres universitaires : actuellement, 26 Crous gèrent en régie 801 points de vente (restaurants ou cafétérias), répartis dans 701 lieux de restauration (un même bâtiment peut en effet accueillir plusieurs structures, par exemple un restaurant et une cafétéria).
2. Un modèle économique intrinsèquement déficitaire
Le modèle économique de la restauration des Crous est structurellement déficitaire puisque son objectif est de proposer une offre à tarif social aux étudiants, quelle que soit leur situation financière .
Ce tarif social est fixé par le ministre en charge de l'enseignement supérieur, après avis du conseil d'administration du Cnous. Il est valable sur la France entière et s'applique du 1 er août de l'année considérée au 31 juillet de l'année suivante. Après avoir augmenté de cinq centimes entre la rentrée universitaire 2018 et la rentrée universitaire 2019, il s'est stabilisé à 3,30 euros .
Évolution du tarif social du repas en restaurant universitaire entre 2016 et 2021
2016-2017 |
2017-2018 |
2018-2019 |
2019-2020 |
2020-2021 |
3,25 € |
3,25 € |
3,25 € |
3,30 € |
3,30 € |
Source : Cnous
Le coût complet de production d'un repas s'établissant entre 7 et 8 euros , le prix de vente de celui-ci à l'étudiant ne permet pas à l'activité de restauration des Crous d'être à l'équilibre.
Cet équilibre est prioritairement assuré par l'État , grâce à la subvention pour charge de service public (SCSP) versée chaque année au réseau. Cette subvention permet à la fois aux Crous d'assurer leurs activités dites « non marchandes » (instruction et paiement des bourses sur critères sociaux et des aides financières, activités des services sociaux) et de compenser le besoin de financement de l'activité de restauration. L'État attribue également des crédits d'investissement qui, s'ils sont très majoritairement utilisés pour la réhabilitation des logements étudiants, peuvent également financer des opérations de maintenance lourde, de réhabilitation ou de construction de structures de restauration.
Les Crous assurent l'autre partie de cet équilibre :
- d'une part, grâce à une stratégie de diversification des recettes de restauration (développement des cafétérias et des ventes hors repas à tarif social, restauration administrative, activité traiteur, etc.) et à une politique offensive de réduction des dépenses (sur les marchés nationaux alimentaires) ;
- d'autre part, et pour certains Crous, grâce aux résultats tirés de l'activité hébergement.
Depuis plusieurs années, la hausse des dépenses en restauration est tendanciellement supérieure à celle des recettes en raison d'importants coûts de fonctionnement (principalement la masse salariale) mais également de facteurs de hausse partagés par l'ensemble des acteurs de la restauration collective (conséquences de la loi EGalim 1 ( * ) , hausse du coût des fluides frigorigènes) dans un contexte de quasi stabilité du tarif social. Le besoin de financement par repas servi est donc structurellement orienté à la hausse .
* 1 La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous dite « loi EGalim » prévoit notamment que les services de restauration universitaire, comme d'autres services de restauration collective, doivent proposer au moins 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques.