II. UN TEXTE REMANIÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE DANS LE RESPECT DES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE SÉNAT

Les réactions parfois négatives suscitées par la fixation d'un seuil d'âge à treize ans ont incité l'Assemblée nationale à rechercher une autre solution pour renforcer la protection des mineurs, dans le respect de nos principes constitutionnels. Avec l'appui de la Chancellerie, elle a fait preuve d'une créativité rigoureuse qui a permis de faire émerger une solution originale acceptable pour le Sénat, et mieux accueillie dans le milieu associatif, comme les auditions auxquelles a procédé le rapporteur l'ont montré.

A. LA FIXATION D'UN SEUIL D'ÂGE À QUINZE ANS ASSORTI D'UN ÉCART D'ÂGE DE CINQ ANS

La majorité à l'Assemblée nationale était attachée à la fixation d'un seuil d'âge à quinze ans mais elle a entendu les arguments développés par le Sénat en décidant que ce seuil d'âge serait assorti d'un écart d'au moins cinq ans entre l'auteur des faits et la victime mineure.

Ainsi, un mineur de quatorze ans et demi pourrait avoir un rapport sexuel avec un majeur de dix-huit ans sans que leur rapport soit automatiquement qualifié de crime, ce qui paraîtrait excessif. Il pourra l'être naturellement si un élément permettant de caractériser un viol, à savoir une contrainte, menace, violence ou surprise, est mis en évidence.

La proposition de loi d'Annick Billon avait veillé à créer une infraction autonome, distincte du viol, ce qui avait suscité des regrets chez certaines personnes engagées en faveur de la protection de l'enfance. Le juge Édouard Durand, co-président de la commission indépendante sur l'inceste, avait ainsi reproché à la solution de l'infraction autonome d'évacuer la dimension violente du passage à l'acte, qui est en revanche bien prise en compte avec la qualification de viol ou d'agression sexuelle. Il conviendrait, selon lui, de ne pas donner l'impression que la victime aurait pu donner son consentement et d'affirmer sans ambiguïté qu'elle a été contrainte à l'acte sexuel.

Sur ce point également, l'Assemblée nationale a fait preuve d'esprit de synthèse en décidant de qualifier de viol la nouvelle infraction sur mineur de quinze ans créée par la proposition de loi .

Il arrive que certaines infractions prévues par le code pénal renvoient à plusieurs définitions. Tel serait donc désormais le cas pour le crime de viol : à la définition classique, qui suppose un élément de contrainte, menace, violence ou surprise, s'ajouterait une nouvelle définition, applicable seulement si la victime est un mineur de quinze ans. Le mineur de quinze ans pourra ainsi se dire victime de viol, avec toute la dimension symbolique qui s'attache à cette qualification, sans qu'il soit besoin de démontrer son absence de consentement.

Comme l'a noté le garde des sceaux lors des débats à l'Assemblée nationale, cette solution permettrait, dans l'hypothèse où une victime de quatorze ans serait violée successivement par un majeur de vingt ans puis par un majeur de dix-huit ans, de qualifier les deux crimes de viol, ce qui a l'avantage de la simplicité et de la lisibilité.

L'Assemblée nationale a en outre conservé l'apport du Sénat tendant à élargir la définition du viol aux actes bucco-génitaux .

En l'absence de pénétration ou d'acte bucco-génital, la qualification d' agression sexuelle pourra être retenue si la victime est un mineur de quinze ans, même en l'absence de contrainte, menace, violence ou surprise.

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