EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 10 mars 2021, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Édouard Courtial sur le projet de loi n° 298 (2020-2021) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire.
M. Christian Cambon, président . - Je vais demander à Édouard Courtial de nous présenter le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire.
M. Édouard Courtial, rapporteur . - Comme vous venez de le rappeler, nous examinons ce matin un projet de loi autorisant l'approbation d'une convention d'extradition, conclue avec l'Algérie.
La France est déjà liée à ce pays par une convention couvrant l'extradition et l'exequatur, signé en 1964. Toutefois, le cadre juridique en vigueur parait aujourd'hui obsolète et appelle une révision destinée à y inclure des stipulations plus adaptées et plus « modernes ».
La France et l'Algérie ont signé cette convention à Alger, le 27 janvier 2019. Elle s'inscrit dans le contexte de rénovation de la coopération judiciaire en matière pénale, puisqu'en 2017, notre commission avait déjà autorisé la ratification d'une nouvelle convention dans le domaine de l'entraide pénale, en remplacement d'un protocole judiciaire de 1962.
Voyons tout d'abord le contexte de la négociation de cette convention.
Compte tenu du nombre important d'Algériens en France, le nombre de ressortissants algériens détenus par les autorités françaises est de 2 450. Inversement, environ 50 Français étaient détenus en Algérie en mars 2020. Le plus souvent, ces personnes sont incarcérées en raison d'infractions qu'ils ont commises, ou supposés avoir commises sur le territoire où ils sont détenus. La convention d'extradition, qui concerne des personnes en fuite, ne leur est donc pas applicable.
En ce qui concerne les demandes d'extradition, l'étude d'impact annexé au présent projet de loi relève le « volume important de demandes échangées entre la France et l'Algérie ».
Entre 2014 et 2019, 38 demandes d'extradition ont été finalisées entre la France et l'Algérie, dont 30 demandes vers la France et 8 demandes vers l'Algérie. Il faut noter qu'entre le 1 er janvier 2010 et le 30 juillet 2020, sur les 62 demandes d'extradition émanant de la France, seuls 3 dossiers portaient sur des faits de terrorisme.
Les relations avec l'Algérie en matière d'extradition se heurtent aujourd'hui à deux difficultés.
D'abord, les autorités françaises déplorent que certaines demandes d'extradition ne soient pas traitées par les autorités algériennes. Inversement, les dossiers présentés par les autorités algériennes sont souvent incomplets et donnent lieu à des demandes de compléments, ce qui ralentit la procédure.
Ensuite, le code pénal algérien prévoit à son article 5 la peine de mort comme peine principale en matière criminelle. Même si dans les faits un moratoire sur l'exécution des peines a été déclaré en 1993, les juridictions algériennes continuent de prononcer des condamnations à mort. Or, la France exige, selon une jurisprudence maintenant bien établie par le Conseil d'État, une garantie de non-application de la peine de mort dans les demandes d'extradition. En accord avec cette jurisprudence, la garantie consiste en ce que, si la peine est requise et prononcée, les autorités algériennes doivent s'engager à ce que cette peine ne soit pas exécutée.
Absente de la convention de 1964, cette formulation de la garantie de non-application de la peine de mort, est prévue dans la nouvelle convention. Il s'agit là d'un de ses principaux apports. On retrouve cette clause de garantie dans les conventions d'extradition que la France signe dorénavant avec les États n'ayant pas aboli la peine de mort.
Nous allons maintenant examiner le contenu de cette convention, qui s'inspire largement de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et intègre nos standards nationaux et internationaux.
En premier lieu, les parties s'engagent réciproquement à se livrer des personnes poursuivies ou condamnées. Les infractions qui peuvent donner lieu à extradition sont celles qui peuvent donner lieu à une peine privative de liberté d'au moins un an.
En deuxième lieu, les motifs de refus sont explicités, afin de garantir le respect de nos valeurs et droits fondamentaux. La convention prévoit deux types de motifs de refus : les motifs obligatoires et les motifs facultatifs.
Pour ce qui est du premier type, les dispositions sont habituelles : refus si l'infraction alléguée est considérée comme reposant sur des faits de nature militaire ou politique. L'extradition est également refusée si elle apparaît motivée par la volonté de poursuivre ou de punir une personne en raison de sa race, de son sexe, de sa nationalité ou de ses opinions politiques. L'extradition n'est pas non plus accordée lorsque s'applique le principe non bis in idem . C'est-à-dire, que lorsque la personne réclamée a été définitivement jugée par la partie requise, elle ne peut pas être extradée dans le but d'être jugée deux fois pour les mêmes faits.
Figure également parmi les motifs obligatoires de refus, l'absence de garantie de non-application de la peine de mort, dont j'ai parlé tout à l'heure.
Enfin, de façon traditionnelle, la remise n'est pas accordée lorsque la personne réclamée a la nationalité de la partie requise. Afin d'éviter toute impunité, la partie qui refuse d'extrader pour cette raison, doit soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour que les poursuites puissent être exercées.
Les binationaux sont traités par chaque partie comme des nationaux.
En ce qui concerne les motifs de refus facultatifs, deux motifs sont nouveaux par rapport à la convention en vigueur.
Lorsque l'infraction a été commise en tout ou partie sur le territoire de la partie requise, ou lorsque des poursuites ont déjà été engagées par la partie requise ou au contraire, lorsqu'elle a décidé de ne pas les engager, ou d'y mettre un terme, pour les mêmes faits, l'extradition peut être refusée.
Le nouveau texte contient également une clause humanitaire, permettant de refuser l'extradition lorsque la remise de la personne réclamée serait de nature à avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.
D'autres garanties sont prévues par la nouvelle convention : le respect des droits et engagements des parties, résultant des accords multilatéraux auxquels l'une ou l'autre est partie.
La convention prévoit aussi une clause qui tire les conséquences de la règlementation française et européenne, en matière de protection des données.
Enfin, en troisième lieu, la nouvelle convention prévoit une adaptation des règles de procédure pour fluidifier les échanges entre les parties.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, puisque la nouvelle convention permettra une plus grande lisibilité des garanties qui permettent d'extrader dans le respect de nos valeurs et droits fondamentaux, et qu'elle prévoit des échanges plus fluides et, par voie de conséquence, des délais de procédure réduits.
L'examen en séance publique est prévu le mercredi 17 mars, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris. Ce texte sera alors définitivement adopté, puisque l'Assemblée nationale l'a déjà adopté, le 20 janvier dernier, également après un examen en procédure simplifiée.
Mme Sylvie Goy-Chavent . - Ce rapport est très intéressant.
Notre rapporteur nous a donné des chiffres au début de son intervention, mentionnant une cinquantaine de Français détenue en Algérie et plus de 2 000 Algériens incarcérés en France.
Pourrait-on compléter en donnant le chiffre des binationaux incarcérés en France, qui sont traités comme des nationaux ?
M. Édouard Courtial, rapporteur . - Je vous les adresse rapidement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.
Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.