II. UNE TRAJECTOIRE PRÉVUE EN LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE (LPM) RESPECTÉE EN APPARENCE

A. UN LÉGER ÉCART PERSISTANT EN RAISON DE CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE

Hors contribution au CAS « Pensions », les CP de la mission « Défense » augmenteront de 1,7 milliard d'euros en 2021, passant de 37,5 milliards d'euros à 39,2 milliards d'euros .

Comme en 2020, le projet de loi de finances pour 2021 présente un écart de 0,1 milliard d'euros avec la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 2 ( * ) et par la LPM 2019-2025 précitée .

Comparaison des dépenses prévues en loi de finances initiale et par la LPM depuis 2018

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cet écart s'explique en réalité par la suppression en 2020 pour le ministère des armées du mécanisme interministériel des « loyers budgétaires », qui fut supprimé en 2019 pour l'ensemble des autres ministères.

B. UNE FAIBLE COUVERTURE DES ENGAGEMENTS ET UNE ÉVOLUTION DES RESTES À PAYER SUSCEPTIBLE DE DIMINUER LES MARGES DE MANoeUVRE FUTURES

La LPM 2019-2025 prévoit une hausse importante des crédits de la mission « Défense » entre 2019 et 2023, soit 9,8 milliards d'euros .

Trajectoire d'évolution des crédits de la mission « Défense »
prévue par la LPM 2019-2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Néanmoins, comme le relevait le rapporteur spécial dans son avis sur le projet de LPM 2019-2025 3 ( * ) , cet effort, significatif, est inégalement réparti, la « marche » la plus importante ne devant être gravie qu'en 2023 (+ 3 milliards d'euros, contre + 1,7 milliard d'euros par an entre 2019 et 2022).

Près du tiers de l'effort prévu entre 2018 et 2023 est donc renvoyé au prochain quinquennat . Il s'agit par conséquent d' un « pari » qui n'engage que la majorité actuelle.

Le rapporteur spécial est conscient qu'une augmentation massive des crédits dès la première année de mise en oeuvre de la LPM n'aurait pu être « absorbée » ni par le ministère des armées, ni par les industriels . Le changement de paradigme opéré depuis 2015 et accentué par la présente LPM nécessitait un temps d'adaptation .

Néanmoins, comme il l'a indiqué dans son rapport pour avis précité, il considère qu'une augmentation plus progressive, à partir de 2020, aurait été souhaitable et « absorbable » .

Par ailleurs, la trajectoire inscrite dans la LPM ne couvre de manière « ferme » que la période 2019-2023 , renvoyant à une clause de rendez-vous le soin de déterminer la trajectoire financière et des effectifs pour les annuités 2024 et 2025 4 ( * ) . Au total, seuls 67 % des besoins exprimés (295 milliards d'euros) sur la période 2019-2025 sont donc couverts de manière ferme par la LPM .

Comme en 2020, le présent projet de loi de finances comprend une part élevée d'autorisations d'engagement, relatives à des programmes susceptibles d'engendrer des paiements bien après l'année 2023. À titre de comparaison, l'aboutissement du système de combat aérien du futur (SCAF), dont les AE sont prévues en 2020, est l'année 2040. Si cette évolution est conforme à l'esprit de la LPM, elle ne fait qu'accentuer le report de dépenses qui devront être réalisées après 2023 5 ( * ) .

Le ratio de couverture des AE par des CP est en baisse durable depuis le début du cycle issu de la LPM, il atteignait 0,81 en 2019, a depuis subi une baisse de dix points entre 2019 et 2020. Il se maintient à ce niveau pour 2021, soit 0,73.

Évolution du ratio de couverture des AE par des CP

(millions d'euros, en %)

Source : commission des finances du Sénat

L'évolution continue à la hausse des restes à payer est le reflet de cette trajectoire d'investissement portée en AE mais dont la déclinaison en CP est reportée aux exercices futurs. Les restes à payer atteindraient, selon les prévisions reprises dans le PLF 2021, près de 72,7 milliards d'euros au 31 décembre 2020 , soit une augmentation de 21,8 % entre 2019 et 2020 .

Évolution des restes à payer de la mission « Défense »

(millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Cette dynamique d'investissement procède du caractère pluriannuel des investissements consentis , notamment les contrats d'équipement.


* 2 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 3 Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, avis n° 473 (2017-2018) de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 mai 2018.

* 4 Son article 7 prévoit ainsi que « la présente programmation fera l'objet d'actualisations, dont l'une sera mise en oeuvre avant la fin de l'année 2021 . Cette dernière aura notamment pour objet de consolider la trajectoire financière et l'évolution des effectifs jusqu'en 2025. Ces actualisations permettront de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés. Ces actualisations permettront également de vérifier l'amélioration de la préparation opérationnelle et de la disponibilité technique des équipements et fixeront des objectifs annuels dans ces domaines ».

* 5 Le paragraphe 4.3 du rapport annexé à la LPM 2019-2025 prévoit ainsi qu' « en matière de ratio de couverture des autorisations d'engagement par des crédits de paiement, les moyens programmés dans la LPM 2019-2025 et la modernisation des équipements impliquent des investissements importants dès le début de période , afin de réaliser les commandes nécessaires au modèle d'armée défini par l'Ambition 2030. La loi de programmation des finances publiques (LPFP) prévoit, en son article 17, une disposition visant à permettre un suivi par le Parlement des restes à payer de l'État. Compte tenu de l'augmentation des engagements prévue sur la période de la LPM, l'évolution du reste à payer du ministère des armées augmente mécaniquement. Pour cette raison, cette disposition programmatique de la LPFP ne contraindra pas les investissements du ministère des armées. »

Page mise à jour le

Partager cette page