Rapport général n° 138 (2020-2021) de MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020

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N° 138

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 8

CULTURE

Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean Bizet, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1 . Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 3,236 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,209 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une nette progression par rapport à la loi de finances pour 2020, l'écart entre les deux textes s'élevant à 8,07 % en autorisations d'engagement et 8,38 % en crédits de paiement. À périmètre constant, la progression des crédits de paiement de la mission entre la loi de finances pour 2020 et le projet de loi de finances pour 2021 est ramenée à 4,65 %.

2. La gestion des crédits de la mission « Culture » est répartie entre trois niveaux : administration centrale, opérateurs de la mission et directions régionales des affaires culturelles (DRAC), soit l'échelon déconcentré. Au total, seuls 20,69 % des crédits de la mission, hors dépenses de personnel, sont gérés au niveau central .

3. La mission « Plan de relance » prévoit, quant à elle, 973 millions d'euros en AE et 572,6 millions d'euros en CP afin de compléter les crédits de la mission « Culture ».

4. La mission « Culture » ne résume pas le financement public en faveur de la culture . L'effort de l'État en faveur de la culture et de la communication devrait atteindre 14,6 milliards d'euros en 2021, soit un montant relativement stable par rapport à 2019. Ce montant intègre l'ensemble des crédits des missions budgétaires mais aussi les dépenses fiscales destinées directement et indirectement à la culture et à la communication.

5. Le présent projet de loi de finances se traduit par une majoration des crédits de paiement en faveur du programme « Création » de 4,46 %. Cette progression de 36,8 millions d'euros est largement complétée par la mission « Plan relance » qui prévoit 177,9 millions d'euros en faveur du spectacle vivant, des arts visuels et des artistes auteurs.

6. Une large partie des crédits du Plan de relance seront dédiés au renflouement des opérateurs du programme « Création » (81,9 millions d'euros en CP). Cette aide exceptionnelle doit être saluée, tant elle permet d'éviter le spectre d'une cessation de paiement pour ces établissements. Elle risque cependant d'être insuffisante au regard des incertitudes entourant la poursuite de la saison culturelle.

7. Le programme 175 « Patrimoines » devrait être doté en 2021 de 1,010 milliard d'euros en AE et 1,016 milliard d'euros en CP, soit une progression de 44,3 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2020 (+4,6 %). Ces crédits sont complétés par un plan d'investissement culturel en faveur des patrimoines et pour l'emploi, intégré dans le plan de relance et doté de 344,7 millions d'euros en CP.

8. Les deux tiers des crédits de paiement du plan d'investissement (231,7 millions d'euros) sont fléchés vers le nécessaire réarmement budgétaire des établissements patrimoniaux , afin de relancer leur activité, fragilisée par la crise. Là encore l'aléa sanitaire et une réorientation du mécénat vers des causes sanitaires pourrait fragiliser la portée de cette aide.

9. La répartition des crédits au sein du programme 175 traduit une meilleure prise en compte des collectivités territoriales qui bénéficient de nouveaux moyens (22,1 millions d'euros) en vue de préserver le patrimoine local, d'accompagner les investissements des musées territoriaux et rénover les archives territoriales. Ce soutien aurait pu être complété par de nouvelles mesures spécifiques pour les propriétaires privés , dont le soutien essentiel à la préservation du patrimoine est fragilisé par la réforme du régime fiscal du mécénat en loi de finances pour 2020 ou l'absence de révision du dispositif dit « Malraux » en faveur des centre-villes.

10. La montée en puissance du Plan cathédrale (+ 5 millions d'euros en CP au titre du programme 175 et + 30 millions d'euros dans le cadre du plan de relance) doit également être saluée. Elle ne saurait cependant occulter l'absence de financement public pour les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris . Les donateurs privés contribuent aujourd'hui seuls au financement de l'établissement public en charge des travaux, ce qui peut apparaître en contradiction avec la loi du 29 juillet 2019 et semble trahir l'intention des donateurs.

11. Le souhait d'intensifier le financement des chantiers patrimoniaux doit être salué mais appelle dans le même temps à une grande vigilance sur l'exécution des dépenses , la mission « Culture » connaissant une progression des restes à payer conséquente depuis 2016 (+41 %, soit 286 millions d'euros) alors que le contexte de la crise sanitaire s'avère propice à un allongement de la durée des chantiers.

12. La création d'une délégation à la transmission et à l'éducation artistiques et culturelles, effective au 1 er janvier prochain, et d'un nouveau programme afférent (programme 361) permet de scinder précisément ce qui relève de politiques publiques (enseignement, transmission, promotion de la langue) de ce qui relève de la gestion quotidienne du ministère, désormais circonscrite au programme 224. Cette distinction participe d'un effort de sincérité budgétaire . Elle permet également de rattacher les crédits dédiés à la recherche culturelle et à la culture scientifique, jusqu'alors fléchés vers le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur.

13. Le Pass culture voit sa dotation budgétaire être majorée de 20 millions d'euros, alors même que les exercices 2019 et 2020 se caractérisent par une sous-exécution des crédits dédiés. Cette progression des crédits doit, dans ces conditions, permettre une accélération du déploiement de l'application sur tout le territoire dès 2021, le dispositif étant pour l'heure mal connu en raison d'une expérimentation limitée. Il conviendra dans un second temps de procéder à une évaluation du niveau qualitatif de l'application, tant du point de vue des jeunes mais aussi de celui des offreurs. Plus largement, la progression des moyens dédiés à l'éducation artistique et culturelle en 2021 s'avère indispensable si le Gouvernement entend atteindre ses ambitions en la matière.

14. Le présent projet de loi de finances se caractérise par l'absence de nouveaux moyens pour la promotion de la langue française , ce qui contraste avec l'accélération des travaux de construction de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

15. La majoration des crédits affectés aux fonctions support du ministère (+23,05 millions d'euros en CP) sont pour partie dédiés à la transformation numérique . Celle-ci s'avère indispensable afin de répondre à un double impératif : une réorganisation nécessaire en raison de la crise sanitaire mais aussi un rattrapage indispensable compte tenu de l'écart observé avec d'autres administrations.

16. Les travaux menés dans le cadre du projet immobilier Camus doivent, quant à eux, être poursuivis, puisqu'ils permettront de réduire le nombre de sites sur lesquels se déploie le ministère de la culture et participent ainsi d'un effort de rationalisation de la dépense publique qu'il convient de saluer.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, les rapporteurs spéciaux avaient reçu 82 % des réponses du ministère de la culture et de la communication à leur questionnaire budgétaire.

PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « CULTURE »
ET LE FINANCEMENT PUBLIC DE LA CULTURE

La « mission Culture » du budget général participe à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du patrimoine, de la création artistique, de la démocratisation et de la transmission des savoirs. Elle ne couvre pas, cependant, tous les moyens budgétaires mis en oeuvre en faveur de la culture.

Ainsi, les crédits dédiés au soutien aux industries culturelles sont présentés au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » également pilotée par le ministère de la culture.

Le financement du cinéma fait, quant à lui, l'objet d'un traitement séparé, via l'action du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). L'exercice 2021 sera marqué, par ailleurs, par la mise en oeuvre de nouveaux moyens budgétaires en faveur de la culture via la mission « Plan de relance ».

La mission « Culture » est composée de quatre programmes :

- le programme 131 « Création », dédié au soutien de la diversité et du renouvellement de l'offre artistique ;

- le programme 175 « Patrimoines » dédié au financement de la politique de préservation et d'enrichissement du patrimoine culturel français. ;

- le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » , dédié au financement de l'action culturelle internationale et des fonctions supports du ministère. Il couvre ainsi les dépenses de personnel ;

- le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisations de la culture » , mis en place en 2021, regroupe des crédits dédiés aux politiques transversales du ministère (éducation artistique et culturelle, enseignement supérieur de la culture, recherche culturelle et diffusion de la culture scientifique) et à la politique pour la langue française et le plurilinguisme. Ces crédits étaient jusqu'alors intégrés au programme 224.

Répartition des crédits de la mission « Culture »
par programmes

Source : commission des finances du Sénat

I. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS DE LA MISSION DE 8 % À PÉRIMÈTRE COURANT

Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 3,236 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,209 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une nette progression par rapport à la loi de finances pour 2020, l'écart entre les deux textes s'élevant à 8,07 % en autorisations d'engagement et 8,38 % en crédits de paiement.

Évolution des crédits de la mission « Culture » par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Une partie de cette progression est liée aux transferts des crédits du programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », rattaché à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » vers le nouveau programme 361. 112,58 millions d'euros en AE et 111,88 millions en CP sont ainsi affectés à l'action 04 « Recherche culturelle et culture scientifique et technique » du programme 361.

De fait, à périmètre constant, la progression des crédits de paiement de la mission entre la loi de finances pour 2020 et le projet de loi de finances pour 2021 est ramenée à 4,65 %.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Culture»
à périmètre courant

(en euros)

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

Programme 131 Création

825 738 775

862 287 775

+4,46 %

Action 01 : Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

711 332 537

727 290 787

+ 2,24 %

Action 02 : Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels

76 087 078

89 977 828

+ 18,26 %

Action 03 : Soutien à l'emploi et structurations des professions

38 019 160

45 019 160

+ 18,41 %-

Programme 175 Patrimoines

971 894 210

1 015 631 538

+4,50 %

Action 01 : Monuments historiques et patrimoine monumental

412 592 825

430 021 998

+4,22 %

Action 02 : Architecture et espaces protégés

32 226 588

32 226 588

-

Action 03 : Patrimoine des musées de France

349 692 477

363 210 632

+ 3,87 %

Action 04 : Patrimoine archivistique et célébrations nationales

30 634 248

36 424 248

+18,98%

Action 08 : Acquisition et enrichissement des collections publiques

9 775 311

9 775 311

-

Action 09 : Patrimoine archéologique

136 972 761

143 972 761

+5,11 %

Programme 361 - Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

434 484 083

578 849 908

+ 33,23%

Action 01 : Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle

232 903 093

241 185 090

+ 3,56 %

Action 02 : Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle

198 356 652

222 556 652

+ 12,20%

Action 03 : Langues française et langue de France

3 224 338

3 224 338

-

Action 04 : Recherche culturelle et culture scientifique et technique

-

111 883 828

-

Programme 224 - Soutien aux politiques du ministère de la culture

729 361 187

754 413 112

+ 3,16%

Action 06 : Action culturelle internationale

7 385 969

7 385 969

-

Action 07 : Fonctions de soutien du ministère

721 975 218

745 027 143

+3,19 %

Total

2 961 178 255

3 209 182 333

+8,38 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La trajectoire budgétaire retenue en loi de de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 étant désormais obsolète, il est difficile, faute d'information transmise au Parlement, d'évaluer la soutenabilité de la mission au cours des prochains exercices.

Aux crédits de la mission « Culture » viennent s'ajouter ceux prévus par l'action 05 « Culture » du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance ». Une partie d'entre eux - 973 millions d'euros en AE et 572,6 millions d'euros en CP - viennent couvrir des projets portés par les programmes 131 « Création », 175 « Patrimoines » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Plus de 67 % des crédits sont fléché vers le programme « Patrimoines ».

Répartition par programme des crédits
prévus par le Plan de relance

(en %)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les crédits budgétaires de la mission « Culture » sont, par ailleurs, complétés par différentes dépenses fiscales : crédit d'impôts, taux réduit de TVA, abattement sur le bénéfice imposable, aménagement de l'imposition et exonération.

La dépense fiscale est répartie entre les programmes 131 et 175. Elle n'intègre pas les dispositifs de réduction d'impôts au titre des dons effectués par des entreprises ou des particuliers dans le cadre du mécénat culturel 1 ( * ) . Ces dispositifs sont, en effet, rattachés à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Aucune distinction n'est opérée au sein de celle-ci pour isoler les dépenses dédiées au secteur de la culture.

Le montant de la dépense fiscale est estimé à 1 068 millions d'euros, soit un niveau comparable à celui prévu en 2019 : 1 077 millions d'euros. L'exercice 2020 devrait, en revanche, être marqué par une chute de l'ordre de 20 % des sommes reversées au secteur culturel.

Évolution du montant des dépenses fiscales rattachées à la mission « Culture »
de 2019 à 2021

(en millions d'euros)

Chiffrage 2019

Chiffrage 2020

Prévision 2021

Programme 131

925

708

907

Programme 175

152

162

161

Total

1 077

870

1 068

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La fermeture des salles de spectacles conduit notamment à une chute de la dépense liée aux taux réduits de TVA.

Évolution du rendement des réductions de TVA rattachées
à la mission « Culture » de 2019 à 2021

(en millions d'euros)

Chiffrage 2019

Chiffrage 2020

Prévision 2021

Taux de TVA applicable aux théâtres, cirques, concerts, spectacle de variété, sur les droits d'entrée dans les salles de cinéma et les parcs zoologiques

500

375

490

Taux réduit de TVA de 10 % applicable aux droits d'admission aux expositions, sites et installations à caractère culturel, ludique, éducatif et professionnel ainsi qu'aux loteries foraines

290

220

285

Taux réduit de TVA de 2,10 % applicable aux droits d'entrée des 140 premières représentations de certains spectacles

80

60

80

Total

870

655

855

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. UNE GESTION DES CRÉDITS RÉPARTIE ENTRE TROIS NIVEAUX

La gestion des crédits de la mission « Culture » est répartie entre trois niveaux : administration centrale, opérateurs de la mission et directions régionales des affaires culturelles (DRAC), soit l'échelon déconcentré. Au total, seulement 20,69 % des crédits de la mission, hors dépenses de personnel, sont gérés au niveau central, ce ratio étant en progression par rapport à la loi de finances pour 2020 (18,18 %) . Le taux de déconcentration des crédits de paiement de la mission devrait s'élever en 2020 à 36 %. Ce taux est identique à celui prévu en loi de finances pour 2019.

Les sommes directement versées aux opérateurs - 43,4 % des crédits prévus au sein du présent projet de loi de finances - sont relativement stables. 1,104 milliard d'euros seront ainsi versés aux opérateurs, soit une majoration de 5,5 millions d'euros par rapport à 2020 :

- les opérateurs du programme 175 « Patrimoine » - Réunion des musées nationaux (RMN-GP) et grands musées, Centre des monuments nationaux (CMN) et Institut national de recherches archéologiques et préventives (INRAP) - concentrent près de la moitié de cette somme (549,57 millions d'euros) ;

- les opérateurs du programme 131 « Création » - théâtres nationaux, salles de spectacles, Philharmonie de Paris et Opéra de Paris - bénéficient de 256,74 millions d'euros ;

- les opérateurs du programme 361 « « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » - les établissements de l'enseignement supérieur culturel - devraient percevoir 193,69 millions d'euros ;

- l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, seul opérateur du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », devrait bénéficier d'une dotation de 12,22 millions d'euros.

Évolution de la répartition des crédits de paiement de la mission « Culture » (hors dépenses de personnel) entre l'administration centrale,
les opérateurs et les DRAC de 2013 à 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

III. LA PART DU FINANCEMENT DE LA CULTURE DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

La mission « Culture » ne résume pas le financement public en faveur de la culture. Le ministère de la culture gère ainsi une autre mission dont l'objet est pour partie culturel : « Médias, livres et industries culturelles ». Celle-ci comporte deux programmes : le 180 « Presse et médias », doté de 288,56 millions d'euros (AE=CP) en 2021 et le 334 « Livre et industries culturelles », dont l'objet est spécifiquement culturel : 336,73 millions d'euros en AE et 317,93 millions d'euros en CP lui sont affectés pour 2021.

Dépassant les seuls crédits dédiés au ministère, le Gouvernement estime que l'effort de l'État en faveur de la culture et de la communication devrait atteindre 14,6 milliards d'euros en 2021, soit un montant relativement stable par rapport à 2019. Ce montant intègre les crédits budgétaires et les dépenses fiscales destinés directement et indirectement à la culture et à la communication. Quatre grandes catégories de dépenses sont ainsi visées :

- les crédits de l'ensemble des ministères dédiés à la culture, soit 8,2 milliards d'euros prévus en 2021 ;

- les dépenses du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », qui regroupe les sommes versées aux sociétés d'audiovisuel public, soit 3,7 milliards d'euros prévus en 2021 ;

- l'ensemble des taxes affectées au domaine de la culture et de la communication pour les personnes morales autres que l'État, soit 658 millions d'euros en 2021

- l'ensemble des dépenses fiscales rattachées aux programmes des missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles », soit 1,97 milliard d'euros prévus en 2021.

Si elle permet de quantifier des efforts disparates, cette estimation agrège cependant des dépenses budgétaires, des taxes affectées et des dépenses fiscales de nature relativement différentes.

Dépenses de l'État directement ou indirectement rattachées
à des objets d'ordre culturel

(en millions d'euros)

Exécution 2019

LFI 2020

PLF 2021

Budget général (par ministère) et budgets annexes

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action et comptes publics

9.71

10.04

9.91

9.74

10,23

10,23

Agriculture

34,17

34,17

34,51

34,51

34,86

34,86

Armées

86,95

97,10

101,68

102,49

87,63

92,98

Cohésion des territoires

109,29

109,29

109,29

109,29

109,29

109,29

Culture

3 783,65

3 633,09

3 682,15

3 657,81

3 861,53

3 815,71

Économie et finances

107.80

107.86

97.70

97.70

90.45

90.45

Éducation nationale

2 645.75

2 6475.92

2 625,27

2 625,27

2 630,08

2 630,08

Enseignement supérieur, recherche et innovation

602,75

602,78

583,22

583,22

590,95

590,95

Europe et affaires étrangères

727,96

727,96

761,07

761,07

764,76

764,76

Intérieur

5,75

5,51

6,21

6,58

12,79

8,80

Justice

11,76

9,24

13,13

11,98

17,51

21,02

Outre-mer

5,48

2,96

8,93

6,26

12,08

3,86

Premier ministre

0,93

1,55

1,89

1,58

0,71

4,85

Sports

2,81

2,81

3,02

3,02

3,04

3,04

Transition écologique et solidaire

26,45

16,26

27,56

24,28

20,94

24,92

Budgets annexes

0,32

0,38

0,35

0,35

0,35

0,35

Total Budget général et budgets annexes

8 161,54

8 006,92

8 065,90

8 035,16

8 247,380

8 206,14

Avance à l'audiovisuel public

Contribution à l'audiovisuel public (CAP)

3 859,62

3 859,62

3 789,02

3 789,02

3 719,02

3 719,02

Dépenses fiscales et taxes affectées

Dépenses fiscales

1 931

1 754

1 973

Taxes affectées

719,62

631,26

658,46

Total

2 650,62

2 385,26

2 631,46

Total général

(CP + CAP + fiscalité)

14 517,16

14 209,44

14 556,62

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'annexe au projet de loi de finances pour 2010 « Effort financier de l'État dans le domaine de la culture et de la communication »

Un tel mode de calcul permet de présenter une très légère progression du montant des crédits dédiés à la culture entre la loi de finances pour 2019 et le projet de loi de finances prévu pour 2021 : + 39,46 millions d'euros soit une majoration de 0,03 %.

Cette méthode présente cependant quelques limites. Elle intègre ainsi les crédits dédiés aux espaces protégés (Programme 113 « Paysage, eau et biodiversité ») ou la totalité des crédits dédiés à l'audiovisuel public, sans qu'il ne soit totalement certain que l'ensemble des sommes financent véritablement des projets culturels.

Cette estimation n'intègre pas, par ailleurs, les crédits de l'action 05 « Culture » du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » dotée en 2021 de 1 600 millions d'euros en AE et 1 094 millions d'euros en CP. Les crédits de paiement prévus en 2021 au titre du plan de relance permettent ainsi de majorer de 7,5 % les montants dédiés à la culture et à la communication en 2021.

Répartition des crédits de l'action 05 « Culture » du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de Relance »

Source : commission des finances du Sénat

DEUXIÈME PARTIE
UN BUDGET TOURNÉ VERS LA RÉPONSE À LA CRISE SANITAIRE

I. LE PROGRAMME 131 « CRÉATION » : DES CRÉDITS MAJORÉS POUR ACCÉLÉRER LA SORTIE DE LA CRISE SANITAIRE

Le programme 131 « Création » est structuré autour de trois actions :

- l'action 01 dédiée au spectacle vivant, qui regroupe, au sein du projet de loi de finances, 727,29 millions d'euros de crédits de paiement ;

- l'action 02 qui vise à soutenir les arts visuels, dotée de 89,98 millions d'euros des crédits de paiement au sein du présent projet de loi de finances ;

- l'action 06, créée en loi de finances pour 2020 et appelée à financer le soutien à l'emploi et la structuration des professions. Les crédits de paiement affectés au programme s'élèvent à 45,02 millions d'euros au sein du présent projet de loi de finances.

Répartition des crédits de paiement
au sein du programme 131 « Création »

Source : commission des finances du Sénat

Le présent projet de loi de finances se traduit par une majoration des crédits de 3,88 % en AE et 4,46 % en CP par rapport à la loi de finances pour 2020. Cette majoration profite pour l'essentiel aux actions dédiées au soutien aux arts visuels (+ 18,26 %) et au soutien à l'emploi (+ 18,41 %). Le montant des crédits de paiement devrait ainsi atteindre 862,3 millions d'euros, soit une progression de 36,8 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2020.

Il convient de rappeler à ce stade que les marges de manoeuvre du programme restent étroites au regard des charges fixes qui structurent son budget. Celles-ci représentent 78,1 % du montant des crédits de paiement dédiés au programme 131 :

- les crédits de paiement prévus pour les dépenses d'intervention déconcentrées représentent 371,3 millions d'euros, soit 43,1 % des crédits de paiement prévus ;

- les versements aux opérateurs (subventions pour charges de service public et dotations en fonds propres) devraient ainsi atteindre 282,7 millions d'euros, soit 32,8 % des crédits du programme ;

- les dépenses dédiées à l'entretien et aux travaux devraient représenter, quant à elles, 23,96 millions d'euros, soit 2,8 % des crédits.

Les rapporteurs spéciaux relèvent cependant que les gestionnaires du programme devraient bénéficier de plus de marges de manoeuvres en 2021 qu'en 2020, la loi de finances pour 2020 prévoyait en effet que les charges fixes représentent 82,1 % des crédits de paiement du programme. Cette plus grande souplesse doit être saluée, le ministère de la culture devant pouvoir agir pour soutenir des filières fragilisées par la crise.

Le ministère de la culture estimait à 72 % le niveau de la chute du chiffre d'affaires du secteur du spectacle vivant par rapport à 2019, soit une perte de 4,2 milliards d'euros 2 ( * ) . Cette estimation sera nécessairement réévaluée à la hausse compte-tenu des mesures de couvre-feu mises en place en France depuis le 16 octobre dernier et du nouveau confinement mis en oeuvre le 30 octobre suivant. Le ministère tablait en effet, dans son estimation initiale, sur une reprise de l'activité sur les trois derniers mois de l'année, le chiffre d'affaires attendu étant estimé à 330 millions d'euros (- 79 % par rapport à 2019). Le secteur emploie 217 860 personnes dont 93 110 personnes à titre principal.

La baisse d'activité dans le secteur des arts visuels était, quant à elle, évaluée, à 31 % par le ministère de la culture à la même date, la perte de chiffre d'affaires atteignant 3 milliards d'euros 3 ( * ) . Là encore, le ministère envisageait une nette reprise en fin d'année 2020, hypothèse mise à mal par les nouvelles contraintes sanitaires.

A. UNE AIDE AUX FILIÈRES QUI DÉPASSE LE PROGRAMME 131

1. Des dispositifs de soutien mis en oeuvre dès 2020
a) Un accès possible aux dispositifs transversaux

Afin de faire face à l'interruption de leur activité au printemps puis en fin d'année, les entreprises du secteur ont pu, à des degrés divers, accéder aux dispositifs généraux mis en oeuvre par le Gouvernement : activité partielle, exonération de cotisations sociales, reports de charges, accès au Fonds de solidarité et aux prêts garantis par l'État. Les intermittents du spectacle ont vu, par ailleurs, leur indemnisation prolongée jusqu'en août 2021 (« année blanche ») 4 ( * ) . Cette prolongation concerne les intermittents arrivant en fin de droit en août 2021.

L'accès des opérateurs de l'État à certains de ces dispositifs a, cependant, été contrarié en raison de leur structure de financement. Les établissements disposant d'un subventionnement public représentant plus de la moitié de leurs ressources ont ainsi été écartés du mécanisme de prise en charge de l'activité partielle. Les établissements publics de coopération culturelle (EPCC) n'ont pu également y accéder.

b) La mise en place de mécanismes par redéploiement de crédits

5 millions d'euros ont été dégagés afin de financer le fonds d'urgence pour le spectacle vivant non musical (FUSV), mis en place par l'association pour le soutien du théâtre privé (ASTP). Ce mécanisme vise à soutenir les théâtres, producteurs privés et compagnies, privés de recettes en raison de l'interruption des activités. Le FUSV doit permettre de couvrir les charges fixes (hors masse salariale) de ces entreprises.

3,27 millions d'euros ont, en outre, été mis en oeuvre pour financer un plan d'urgence des arts visuels :

- le centre national des arts plastiques (CNAP) a ainsi bénéficié d'une dotation de 2,47 millions d'euros afin, notamment, de mettre en place une commission d'acquisition exceptionnelle destinée à soutenir le marché de l'art. 83 oeuvres ont ainsi pu être acquises. Le CNAP a également versé une aide à 822 artistes via un fonds d'urgence créé spécialement pour compenser les pertes de rémunération subies par les artistes. 445 aides de secours exceptionnelles ont été versées à des artistes plasticiens rencontrant des difficultés financières et sociales momentanées. Ces aides ont été reconduites au deuxième semestre 2020 ;

- 0,8 million d'euros ont été affectés au financement d'un dispositif de soutien à la trésorerie pour 145 structures non labellisées.

La totalité des subventions accordées par le ministère de la culture a, par ailleurs, été versée par anticipation dès les premiers jours du premier confinement, quelle que soit l'activité du bénéficiaire

c) Des crédits majorés en loi de finances rectificative

Les lois de finances rectificatives pour 2020 ont par ailleurs majoré la dotation budgétaire affectée au programme 131.

La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a permis une ouverture de crédits à hauteur de 23 millions d'euros (AE = CP) sur le programme 131 « Création ».

13 millions d'euros (AE = CP) ont été versés en soutien des opérateurs et établissements confrontés à des pertes de ressources propres importantes en raison des mesures de confinement. Cette aide s'est concentrée sur trois opérateurs : Philharmonie de Paris, Opéra-comique et Palais de Tokyo, avec pour objectif d'éviter une cessation de paiements. Les caisses de retraites de la Comédie Française et de l'Opéra national de Paris ont également été abondées à cette occasion.

10 millions d'euros (AE = CP) sont venus financer un fonds en faveur des festivals annulés. Les régions étaient également invitées à abonder ce dispositif.

La réserve de précaution du programme 131 a, dans le même temps, été intégralement dégelée. 27 millions d'euros (AE = CP) ont pu ainsi être fléchés vers le soutien aux labels et réseaux du spectacle vivant, non concernés par le FUSV. Les établissements publics de coopération culturelle ont ainsi bénéficié d'une compensation de l'activité partielle. Le dégel a également permis de renforcer la dotation du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) de 5 millions d'euros, afin d'accompagner les professionnels non concernés par l'année blanche. Un fonds d'urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT) a pu ainsi être mis en place.

Le projet de loi de finances rectificative n°4 prévoit, par ailleurs, une ouverture de crédits à hauteur de 25 millions d'euros (AE=CP) aux fins de financement de mesures d'urgence en faveur du spectacle vivant.

2. Une dotation complétée en 2021 par le Plan de relance

L'action 05 « Culture » du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoit deux enveloppes appelées à compléter le programme 131. 259 millions d'euros en AE et 177,9 millions d'euros sont ainsi prévus en faveur de la création. Cette dotation complémentaire est particulièrement bienvenue au regard de l'absence de grandes marges de manoeuvres budgétaires du programme 131.

Fonds prévus pour la création par le plan de relance

(en millions d'euros)

AE

CP

Renouveau et reconquête de notre modèle de création et de diffusion artistique

Soutien aux opérateurs nationaux

126

81,9

Relance de la programmation des institutions de spectacle vivant en région (musique)

30

23

Relance de la programmation des institutions de spectacle vivant en région (théâtre, arts de la rue, danse, cirque)

30

20

Fonds de transition écologique pour les institutions de la création en région sur deux ans

20

10

Soutien au théâtre privé

10

10

Total

216

144,9

Effort spécifique pour soutenir l'emploi artistique, redynamiser la jeune création et la modernisation des réseaux d'enseignement supérieur de la culture

Programme de commande publique dans les domaines de la littérature, des arts visuels et du spectacle vivant

30

20

Soutien aux artistes fragilisés par la crise et non pris en charge par les dispositifs transversaux

Total

13

43

13

33

Total général

259

177,9

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

a) Le renouveau du modèle de création et de diffusion artistique

La première « Favoriser le renouveau du modèle de création et de diffusion artistique » est dotée de 426 millions d'euros en AE et 319,9 millions d'euros en CP. Une partie des financements qu'elle comprend (210 millions d'euros en AE et 175 millions d'euros en CP) vient compléter ceux prévus par le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, Livre et industries culturelles ». 216 millions d'euros en AE et 144,9 millions d'euros en CP sont ainsi dédiés à des mesures portées par le programme 131.

(1) Des dispositifs en faveur de la création en région

Il en va ainsi de la relance de la programmation des institutions musicales classiques installées en région. 30 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP sont ainsi destinés, sous l'égide des DRAC, à accompagner la reprise d'activité des artistes, ensembles et orchestres. Ce plan doit permettre de relancer la mise en oeuvre de programmations ambitieuses, de financer de nouvelles créations, de relancer l'emploi artistique, notamment par le recrutement des équipes artistiques fragilisées par la crise sanitaire. Un dispositif équivalent dédié aux institutions de spectacle vivant (théâtre, arts de la rue, danse, cirque) installées en région, doté de 30 millions d'euros en AE et 20 millions en CP , est également prévu. Il intègrera un soutien en faveur des festivals et prend ainsi le relais du fonds mis en place en 2020.

L'enveloppe prévoit également la mise en place d'un fonds de transition écologique pour les institutions de la création installées en région, doté de 20 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP. Le dispositif vise à favoriser la remise aux normes et la transition écologique des bâtiments, dans une logique de cofinancement avec les collectivités territoriales propriétaires de ces équipements. Ces crédits doivent permettre la mise en oeuvre de travaux de remise aux normes et de performance énergétiques, de rénovations thermiques ou de favoriser des investissements dans la transition numérique des salles de spectacle et des lieux d'exposition d'arts visuels.

Enfin, la même enveloppe prévoit la mise en place d'un fonds de soutien au théâtre, appelé à relayer le FSUV. L'ASTP bénéficiera ainsi de 10 millions d'euros en AE et 5 millions d'euros en CP afin de soutenir le secteur.

(2) Un plan de renflouement des opérateurs

49 % des AE et 46 % des CP dédiés à la création au sein du Plan de relance sont orientés vers le soutien aux opérateurs. 126 millions d'euros en AE en CP et 81,9 millions d'euros sont ainsi fléchés dans deux directions :

- le renforcement de la capacité d'exploitation et de production des établissements (62 millions d'euros en AE) ;

- l' accélération des chantiers d'investissement , à l'image du projet de Cité du théâtre sur le site parisien des anciens ateliers Berthier (64 millions d'euros en AE).

Cette somme vient compléter les subventions versées aux opérateurs de la création dans le cadre du programme 131. Les subventions pour charges de service public et les dotations en fonds propre versées aux opérateurs s'élèvent, dans le présent projet de loi de finances, à 282,7 millions d'euros (AE = CP) et les dépenses d'investissement affectées aux chantiers menées par ces opérateurs atteignent 39,2 millions en AE et 27,9 millions d'euros en CP. La dotation prévue par le Plan de relance représente donc 26,21 % de crédits de paiement en plus pour ces établissements en 2021.

Reste à déterminer si ce soutien sera suffisant. Une première estimation, réalisée en mai 2020 à la demande des rapporteurs spéciaux, faisait état d'une perte cumulée pour ces établissements de 32,8 millions d'euros 5 ( * ) . Ce chiffre est aujourd'hui à réévaluer compte tenu des incidences des mesures réduction des jauges mises en oeuvre lors du déconfinement, de l'instauration d'un couvre-feu à partir du 16 octobre puis de la mise en place, le 30 octobre dernier, d'un deuxième confinement. Interrogé par les rapporteurs spéciaux, le directeur général de l'Opéra de Paris a ainsi réévalué les pertes nettes de son établissement, passant de 26 millions d'euros en mai dernier à 46 millions d'euros au 1 er décembre. Or le plan de relance ne prévoit pour cet établissement qu'une compensation de 15 millions d'euros. Le déficit prévisionnel de la Philharmonie de Paris a, quant à lui, été porté de 1,8 million d'euros en mai 2020 à 3,3 millions d'euros au 1 er décembre 2020.

De fait, si l'initiative du Gouvernement doit être appuyée tant elle peut éloigner le spectre d'une cessation de paiement pour ces établissements et favoriser leur renflouement, elle pourrait s'avérer insuffisante, compte tenu de l'aléa sanitaire, pour permettre aux opérateurs de recouvrer leurs marges financières d'avant crise. L'Opéra de Paris, la Philharmonie de Paris ou la Comédie française ne tablent pas sur un retour à la normale avant le mois de juin 2021. L'effet du critère de la jauge est particulièrement net sur les pertes de ces établissements, invités à maintenir des spectacles dont les recettes ne couvrent pas les charges qu'ils entraînent. Les incidences de la crise économique et sanitaire sur le mécénat restent par ailleurs à quantifier , certains opérateurs tablant sur une possible réorientation de la générosité privée, pour partie amoindrie, vers des causes médico-sociales. Il convient de rappeler à ce stade que le mécénat représentait par exemple 16,5 % des ressources propres de l'Opéra de Paris en 2019 ou 22,6 % des ressources propres du théâtre national de Chaillot 6 ( * ) .

Par ailleurs, cette logique de compensation sur crédits 2021 de pertes datant de 2020 peut apparaître trop tardive au regard du processus de création. La Comédie française ne devrait pas ainsi pouvoir mener à bien les actions envisagées dans le cadre du quadricentenaire de la naissance de Molière en 2022, faute d'avoir pu mobiliser, dès l'exercice 2020, les crédits envisagés.

b) Le soutien à l'emploi et à la jeune création

La deuxième enveloppe « Soutenir l'emploi artistique, redynamiser la jeune création et moderniser le réseau des établissements d'enseignement supérieur de la culture » est dotée de 113 millions d'euros en AE et 83 millions d'euros en CP mais couvre également des structures relevant du programme 361 (cf infra ). 43 millions d'euros en AE et 33 millions en CP viendront financer deux mesures destinées à relayer le programme 131.

Un programme de commande publique dans les domaines de la littérature, des arts visuels et du spectacle vivant devrait ainsi être doté de 30 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP.

Le plan de relance prévoit également un mécanisme de soutien aux artistes fragilisés par la crise et non pris en charge par les dispositifs transversaux (13 millions d'euros AE = CP). Celui-ci prévoit :

- la prolongation en 2021 du fonds d'urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT) dont les crédits seront portés à 7 millions d'euros afin de couvrir la durée totale de l'année blanche ;

- un soutien complémentaire de 6 millions d'euros à destination des créateurs et lieux d'exposition dans le domaine des arts visuels. Ces crédits seront affectés au Centre national des arts plastiques (CNAP) afin d'attribuer des aides plus importantes en faveur des artistes-auteurs et d'accompagner la présence des galeries d'art contemporain françaises, et aux fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) qui seront également mobilisés pour contribuer au soutien des galeries par des acquisitions complémentaires. Une partie de cette enveloppe sera également réservée aux jeunes créateurs de mode.

Crédits prévus pour la création en 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE MAJORATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 131 QUI FAIT ÉCHO AUX PRIORITÉS RETENUES PAR LE PLAN DE RELANCE POUR LA CRÉATION

1. Le soutien à la création

Dans le prolongement des mesures arrêtées au sein du plan de relance en faveur de la création, le programme 131 bénéficiera d'une dotation supplémentaire de 15,2 millions d'euros (AE=CP).

12 millions d'euros (AE=CP) devraient ainsi être orientés vers le soutien aux structures labellisées du spectacle vivant, aux compagnies et ensembles musicaux professionnels, aux résidences et aux festivals, en prenant en compte les acteurs les plus fragilisés par la crise. Cette somme doit également permettre de mettre en oeuvre la réforme des aides déconcentrées aux équipes indépendantes 7 ( * ) . Une augmentation du nombre de résidences d'artistes sur le territoire est également visée.

0,4 million d'euros vont, par ailleurs, permettre de revaloriser les subventions pour charge de service public versées au théâtre national de la Colline et au théâtre national de Strasbourg (0,2 million d'euros chacune). Les pertes liées à la crise sanitaire avaient été estimées à 0,74 million d'euros en mai 2020 et à 0,45 million d'euros par le théâtre national de la Colline dans les réponses adressées aux rapporteurs spéciaux.

2,7 millions d'euros (AE=CP) seront fléchés vers le soutien aux acteurs des arts visuels : structures labellisées et résidences. Comme pour les compagnies du spectacle vivant, cette majoration des crédits doit permettre aux structures les plus fragilisées par la crise de rétablir leurs marges artistiques et de développer les résidences.

2. L'accélération des travaux

Le présent projet de loi de finances prévoit, par ailleurs, une majoration des crédits dédiés aux travaux de 14,6 millions d'euros (AE=CP). Deux priorités ont été retenues :

- la relocalisation du Centre national des arts plastiques à Pantin. Censée débuter en 2019, cette opération a finalement été reportée au début 2021. Elle devrait permettre de regrouper en un lieu unique le siège de l'établissement ainsi que ses réserves. Celles-ci abritent les 100 000 oeuvres de la collection. 10,6 millions d'euros sont prévus à cet effet en 2021;

- l'accélération des travaux concernant les équipements des deux cages de scènes de l'Opéra national de Paris. 4 millions d'euros supplémentaires sont dégagés pour faire face à ces travaux.

Les dépenses d'investissement prévues pour les opérateurs du programme 131 devraient donc atteindre en 2021 37,96 millions d'euros en CP.

C. LA QUESTION DE L'EMPLOI DANS LE SPECTACLE EN PÉRIODE DE CRISE

L'action 06 « Soutien à l'emploi et structuration des professions » est structurée autour de plusieurs dispositifs :

- le fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), destiné aux entreprises du spectacle vivant et enregistré et aux artistes et techniciens qu'elles emploient. Ce fonds a été mis en place en 2017 avant d'être refondu en 2019, l'entrée en vigueur du nouveau dispositif intervenant le 1 er octobre 2019 8 ( * ) . Le mécanisme est censé être aujourd'hui plus incitatif (22 millions d'euros AE = CP prévus pour 2021);

- le fonds de professionnalisation et de soutien , mis en place le 1 er avril 2017, qui prévoit un volet indemnisation en faveur des artistes et techniciens en fin de droits, géré par Pôle Emploi. Une allocation de professionnalisation (APS) et une allocation de fin de droits (AFD) sont ainsi versées. Le dispositif comporte également un volet professionnel et social, géré par le groupe AUDIENS pour le compte du ministère de la culture. Il est destiné à accompagner la structuration d'un projet professionnel. Le fonds de professionnalisation et de soutien est financé dans le cadre de enveloppe globale affectée au FONPEPS ;

- une mesure de soutien au pouvoir d'achat des artistes-auteurs , qui vise à compenser l'augmentation de la contribution sociale généralisée, décidée en 2018 9 ( * ) (18 millions d'euros prévus AE = CP prévus pour 2021) ;

- les aides aux organismes professionnels et syndicaux aux fins de financement de leur participation aux instances de dialogue social (Conseil national des professions du spectacle) et de soutien à leur rôle de conseil juridique, économique, social et culturel (3,02 millions d'euros AE = CP prévus en 2021).

Le présent projet de loi de finances prévoit une majoration des crédits du FONPEPS de 5 millions d'euros (AE=CP) par rapport à la loi de finances pour 2020. Cette progression n'est pas directement liée à la crise sanitaire mais correspond à la montée en charge du dispositif lors de sa réforme en 2019.

Le soutien à l'emploi bénéficie par ailleurs d'une mesure nouvelle en faveur des artistes-auteurs. 2 millions d'euros (AE=CP) sont ainsi dégagés afin de mettre en oeuvre les recommandations du rapport de Bruno Racine intitulé « L'auteur et l'acte de création » remis en janvier 2020 au ministre de la culture. Ce document a débouché, en février 2020, sur un plan artistes-auteurs. Ce plan doit permettre de renforcer leur accès aux droits sociaux fondamentaux, d'améliorer leur situation économique et de mieux les associer aux réflexions et négociations qui les concernent. Ce plan a été, compte tenu de la crise sanitaire, réorienté afin de mieux prendre en compte la répartition de la valeur entre les différents acteurs dans le processus de création.

II. LE PROGRAMME 175 : DE NOUVEAUX MOYENS POUR LE PATRIMOINE

Le programme 175 « Patrimoines » est dédié au financement des politiques publiques destinées à la constitution, à la préservation, à l'enrichissement et à la mise en valeur du patrimoine muséal, monumental, archéologique, archivistique et architectural. Il vise à en assurer la diffusion auprès du public le plus large .

Trois priorités sont assignées en 2021 au programme :

- contribuer au projet national d'éducation artistique et culturelle et à l'accueil du public ;

- assurer la transmission du patrimoine aux générations futures ;

- oeuvrer pour la cohésion et le développement des territoires à travers leur mise en valeur patrimoniale et architecturale.

Afin d'assurer cette mission, le programme 175 devrait être doté en 2021 de 1,010 milliard d'euros en AE et 1,016 milliard d'euros en CP, soit une progression de 44,3 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2020 (+4,6 %).

Le programme 175 agrège 6 actions :

- l'action 01, dédiée aux monuments historiques et au patrimoine monumental, qui devrait bénéficier de 430,02 millions d'euros de crédits de paiement en 2021 ;

- l'action 02, centrée sur l'architecture et les espaces protégés, qui mobiliserait 32,23 millions d'euros en crédits de paiement en 2021 ;

- l'action 03, dédiée au patrimoine des musées de France et dont le montant des crédits de paiement dédiés devrait atteindre 359,11 millions d'euros en 2021 ;

- l'action 04, qui vise le patrimoine archivistique et les célébrations nationales et qui serait dotée de 36,42 millions d'euros de crédits de paiement en 2021 ;

- l'action 08, qui agrège les sommes dédiées à l'acquisition et l'enrichissement des collections publiques, 9,77 millions d'euros de crédits de paiement devant lui être affectés en 2021 ;

- l'action 09, centrée sur le patrimoine archéologique, qui devrait être dotée de 143,97 millions d'euros de crédits de paiement en 2021

Les actions 04 et 08 ne sont pas concernées par la majoration des crédits enregistrée entre la loi de finances pour 2020 et le présent projet de loi de finances.

Répartition des crédits au sein du programme 175 « Patrimoines »

Source : commission des finances du Sénat

A. DES CRÉDITS COMPLÉTÉS PAR LE PLAN DE RELANCE

L'action 05 Culture du programme 363 « Compétitivité » de la mission Plan de relance vient largement compléter les crédits prévus au titre du programme 175. Elle comprend en effet un plan d'investissement culturel en faveur des patrimoines et pour l'emploi, appelé à être doté de 614 millions d'euros en AE et 344,7 millions d'euros en CP. Cette dotation complémentaire représente près de 34 % de crédits supplémentaires pour le programme 175.

Ce plan vient pour partie financer des dispositifs existants. 113 millions d'euros en CP viendront ainsi renforcer plusieurs actions déjà lancées.

Dispositifs prévus par le programme 175 complétés par le Plan de relance

(en millions d'euros)

Crédits inscrits au sein de la mission « Plan de relance »

Crédits inscrits au sein de la mission « Culture » en PLF 2021

Total

CP « Plan de relance »/ CP « Culture »

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Plan « Cathédrales »

80

30

40

40

120

70

75 %

Château de Villers-Cotterêts

100

43

-

10,70

100

53,70

402 %

Monuments du CMN

40

20

20,93

20,93

60,93

40,93

95 %

Autres équipements patrimoniaux

20

10

30,23

30,23

50,23

40,23

33 %

Monuments historiques n'appartenant pas à l'État

40

10

167,85

170,71

207,85

180,71

6 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les deux tiers restants des crédits de paiement du plan d'investissement (231,7 millions d'euros) sont fléchés vers le réarmement budgétaire des établissements patrimoniaux, afin de relancer leur activité, fragilisée par la crise. Cette aide répond à une double logique : renflouer les opérateurs en effaçant leurs pertes et permettre un rebond de leurs investissements, générant ainsi de l'activité chez leurs prestataires. 68 entreprises travaillent ainsi sur le site du château de Versailles.

Ces crédits viennent compléter ceux déjà ouverts en troisième loi de finances rectificative pour 2020. 27,4 millions d'euros (AE=CP) avaient ainsi été accordés aux opérateurs du programme 175 10 ( * ) . Ce financement était destiné à aider quatre opérateurs confrontés à des difficultés de trésorerie : le musée d'Orsay, le centre Georges Pompidou, le château de Chambord et l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Ces établissements bénéficieront, en outre, au titre du programme 175 d'une subvention pour charges de service public de 284,98 millions d'euros en 2021 (AE = CP).

Crédits dédiés aux patrimoines 2020-2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Une première estimation, réalisée en mai 2020 à la demande des rapporteurs spéciaux, faisait état d'une perte cumulée pour ces établissements de 251,94 millions d'euros 11 ( * ) . Ce chiffre est aujourd'hui à réévaluer compte tenu des incidences des mesures de contraintes sanitaires mises en oeuvre lors du déconfinement, de l'instauration d'un couvre-feu à partir du 16 octobre puis de la mise en place, le 30 octobre d'un deuxième confinement. Le Château de Versailles tablait ainsi sur une perte de 35 millions d'euros avant le reconfinement, le musée du Louvre estimant les siennes à 85 millions d'euros. Les sites parisiens sont particulièrement fragilisés par la chute du nombre de visiteurs étrangers : 80 % du public accueilli au Château de Versailles et 70 % des visiteurs du musée du Louvre. Les monuments gérés par le Centre des monuments nationaux ont été moins sensibles à cette diminution, profitant en province de visites de touristes français ayant fait le choix de rester en France pour les vacances. Le musée du Louvre relève de son côté un double effet fragilisant ses finances : une baisse du volume de visiteurs et une chute du tarif moyen par visiteur de l'ordre de 55 à 60 %. La crise remet ainsi en cause le choix opéré par le ministère de la culture ces dernières années de diminuer les subventions de certains opérateurs pour les inciter à développer leurs ressources propres. Parmi celles-ci, les recettes tirées du mécénat suscitent également une inquiétude au regard des baisses attendues des budgets dédiés au sein des grandes entreprises et d'une possible réorientation des dons vers des causes sanitaires.

De fait, si l'initiative du Gouvernement doit être saluée, elle pourrait s'avérer d'ores et déjà insuffisante pour permettre aux opérateurs de recouvrer leurs marges financières d'avant crise. La direction générale des patrimoines, interrogée par les rapporteurs spéciaux, a ainsi indiqué qu'elle n'attendait pas un retour à la normale avant l'exercice 2023, l'impact du deuxième confinement exacerbant les difficultés rencontrées. Le musée du Louvre a ainsi indiqué aux rapporteurs spéciaux craindre de se retrouver en situation de cessation de paiement au cours de l'exercice 2022.

B. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Un soutien réaffirmé à la restauration du patrimoine n'appartenant pas à l'État

Les crédits dédiés à l'entretien et à la restauration des monuments n'appartenant pas à l'État (collectivités territoriales et propriétaires privés) devraient progresser de 5 millions d'euros en CP en 2021, hors mesure de périmètre, pour atteindre 171,71 millions d'euros. Si cette progression peut apparaître modeste, elle doit être réévaluée à l'aune de deux éléments :

- elle rompt avec la baisse des crédits enregistrée en loi de finances pour 2020 ;

- elle est complétée par les crédits du plan de relance qui prévoit un soutien spécifique aux investissements réalisés par les propriétaires de monuments historiques n'appartenant pas à l'État doté de 40 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP. La restauration du prieuré du Breuil à Commercy, des remparts de Dinan ou du Palais Rontaunay font ainsi figure de priorité.

La progression de l'aide versée au titre du programme 175 se concentre principalement sur le fonds partenarial et incitatif. Ce dispositif permet dès lors que la collectivité régionale s'engage dans un chantier, de bonifier les taux d'intervention de l'État au-delà des seuils habituels. Les monuments classés peuvent ainsi bénéficier d'une intervention de l'État pouvant aller jusqu'à 80 % des sommes engagées. Le fonds devrait disposer de 15 millions d'euros en CP, soit 5 millions d'euros de plus qu'en 2020 et 10 millions d'euros de plus qu'en 2019.

Ce soutien réaffirmé doit être salué. Il aurait pu être complété par de nouvelles mesures spécifiques pour les propriétaires privés, dont le soutien essentiel à la préservation du patrimoine est fragilisé par la réforme du régime fiscal du mécénat en loi de finances pour 2020 ou l'absence de révision du dispositif dit « Malraux » en faveur des centre-villes.

2. De nouveaux crédits dédiés aux musées territoriaux

L'action 03 « Patrimoine des musées de France » devrait enregistrer une progression de ses crédits de paiement de 14,1 millions d'euros (+ 3,87 %) par rapport au projet de loi de finances pour 2020, pour atteindre 363,2 millions d'euros.

71 % de cette majoration - 10 millions d'euros - est concentrée sur le financement des musées territoriaux. 23 millions d'euros seront ainsi affectés en 2021 à de nouveaux projets d'investissement. Cette dotation sera complétée par des crédits issus de la mission « Plan de relance » : 6 millions d'euros étalés sur les exercices 2021 et 2022. La rénovation du musée alpin de Chamonix-Mont-Blanc comme celle du musée lorrain à Nancy ou réaménagement du musée sur le site archéologique de Bibracte font ainsi figure de priorité.

3. De nouveaux crédits en faveur des archives territoriales

Les dépenses d'investissement dédiées aux archives territoriales (départementales et municipales) devraient progresser de 3 millions d'euros (AE=CP) en 2021, pour atteindre 7 millions d'euros.

Ces crédits devraient visent à financer une aide à la construction et à la rénovation des bâtiments d'archives, confrontés à un taux de saturation élevé. Cette dotation supplémentaire devrait permettre de mener à bien plusieurs projets arrivant à maturité, à l'image des archives du Loiret et du Lot.

C. UNE AIDE À GÉOMÉTRIE VARIABLE POUR LES CATHÉDRALES

1. La montée en charge du Plan « cathédrales »...

Les crédits d'investissement déconcentrés, dédiés au financement des opérations de restauration de monuments historiques appartenant à l'État pour lesquelles la maîtrise d'ouvrage est exercée par les DRAC, devraient croître de 7 millions d'euros en CP, pour atteindre 53,77 millions d'euros (+ 13,1 % par rapport à la loi de finances).

Cette progression est concentrée, à hauteur de 5 millions d'euros en CP, sur le financement des travaux des cathédrales, à l'image de Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence, de Saint-Gervais-Saint-Protais à Soissons et de Notre-Dame d'Amiens.

Les rapporteurs spéciaux relèvent par ailleurs la fin du financement du plan de mise en sécurité des cathédrales, monuments appartenant à l'État, par des subventions en principe destinées aux collectivités territoriales ou aux propriétaires privés. 2 millions d'euros étaient ainsi prévus sur cette ligne budgétaire en loi de finances pour 2020.

Ce plan « cathédrales », doté de 40 millions d'euros, bénéficiera par ailleurs de 80 millions d'euros supplémentaires en AE et 30 millions d'euros supplémentaires en CP au titre de la mission « Plan de relance ».

2. ... contraste avec l'absence de financement public pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Cette montée en charge de l'aide aux cathédrales est plus que nécessaire au regard des événements récents, qu'il s'agisse de l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou de celle de Nantes. Elle appelle cependant une remarque quant aux travaux entourant justement la restauration du bâtiment parisien 12 ( * ) .

L'établissement public administratif chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EP RNDP), institué par la loi du 29 juillet 2019 13 ( * ) est entré en fonction le 2 décembre dernier. L'établissement public fait partie de la liste des opérateurs de l'État du programme 175.

La commission des finances avait, à l'occasion des débats sur le projet de loi, exprimé ses réserves quant au coût de l'établissement public 14 ( * ) . Cette préoccupation a été rejointe par la Cour des comptes qui relève, dans un rapport public thématique publié en septembre dernier, un coût de fonctionnement de 5 millions d'euros par an, pour 39 ETPT (le montant total des rémunérations devant atteindre près de 4 millions d'euros) 15 ( * ) .

Reste que ce coût apparaît indolore pour l'État, car l'établissement ne bénéficie pas pour son financement de fonds publics et voit son financement presque intégralement assumé par les dons perçus 16 ( * ) . 184,4 millions d'euros de dons ont été collectés au 31 décembre 2019, les promesses de dons atteignant au total 824 millions d'euros.

Le ministre de la culture s'était pourtant engagé au Sénat sur une participation de l'État, lors des travaux préparatoires sur le projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale. Il avait, en effet, indiqué que « l'État (devait) prendre sa part de financement dans la restauration de Notre-Dame de Paris » et qu'« il y (aurait) quoi qu'il en soit des subventions budgétaires du ministère de la culture à l'établissement public » 17 ( * ) . La loi elle-même prévoit, à l'article 2, que « les fonds recueillis au titre de la souscription nationale sont exclusivement destinés au financement des travaux de restauration et de conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et de son mobilier dont l'État est propriétaire ». La maîtrise d'ouvrage devrait en conséquence, être exclue du financement par les dons. La Cour relève en outre que plus du quart des effectifs (11 employés, 7 étant affectés au pôle communication et 4 au pôle opération, en charge de la valorisation du parvis) n'ont qu'un lien ténu avec la conservation et la restauration de la cathédrale.

Il apparaît aujourd'hui que seul le loyer de l'établissement, évalué à 213 000 euros annuels, est pris en charge par le ministère de la Culture depuis le mois d'octobre dernier. Les locaux utilisés appartiennent aux services du Premier ministre et donnent lieu au versement d'un loyer à France Domaine.

Cet absence de financement public n'est pas sans susciter d'interrogation au regard de l'aspect symbolique de ce chantier. Elle semble par ailleurs trahir l'intention du donateur. Elle n'est pas, enfin, compensée par une tutelle renforcée de la part du ministère de la culture. Ainsi, le contrat d'objectifs et de permanence de l'établissement n'est, pour l'heure, toujours pas signé. Il convient de rappeler à ce stade que le coût du chantier de restauration générera des recettes de TVA qui auraient pu largement financer la charge administrative.

D. VERS UNE ACCÉLÉRATION DES GRANDS TRAVAUX

1. Une progression des enveloppes dédiées à la restauration des monuments historiques appartenant à l'État

Les crédits consacrés à la sous-action « Monuments historiques - Grands projets » se concentrent sur le Château de Versailles, le Grand Palais et la rénovation de Villers-Cotterêts. Ils devraient atteindre 37,7 millions d'euros en CP, soit une progression de 7 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent :

- 15 millions d'euros sont destinés au Château de Versailles, les crédits dédiés progressant ainsi de 4 millions d'euros ;

- 12 millions d'euros sont affectés à la Réunion des musées nationaux - Grand Palais, soit une majoration de 3 millions d'euros ;

- 10,7 millions d'euros sont prévus pour le financement du projet de rénovation du château de Villers-Cotterêts.

Cette majoration n'est pas la seule puisque les crédits centraux dédiés à la restauration des monuments historiques situés en région parisienne et dont la maitrise d'ouvrage est assurée par l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) devraient progresser de 3 millions d'euros pour atteindre 18,18 millions d'euros. Cette augmentation devrait principalement se concentrer sur les châteaux de Saint-Germain-en-Laye et Malmaison et Bois-Préau et les musées de Compiègne et d'Ecouen 18 ( * ) .

2. Le cas du Grand Palais

En ce qui concerne le Grand Palais, la ministre de la Culture a annoncé une réorientation chantier, afin de tenir compte d'un double impératif économique et écologique, tout en garantissant les délais. Les travaux devront être terminés d'ici aux Jeux olympiques prévus en 2024. Le nouveau projet se concentre sur le rétablissement de l'unité du bâtiment et l'aménagement d'une entrée unique pour tous les visiteurs (grande Nef, galeries nationales et Palais de la découverte).

Les projets de rue commerçante entre les Champs-Élysées et la Seine, de toit-terrasse, de parking logistique sous la nef et de doublement de la jauge pour les grandes manifestations sont ainsi abandonnés. Le coût estimé du projet resterait pourtant identique : 466 millions d'euros, 30 millions d'euros étant néanmoins mis en réserve. Le plan de financement est également inchangé :

- 123 millions euros sont portés par la mission « Culture » : 97 millions d'euros par le programme 175 et 26 millions d'euros par le programme 361 ;

- 160 millions d'euros sont budgétés au sein du troisième programme d'investissements d'avenir ;

- 150 millions d'euros proviennent d'un emprunt, remboursé à terme par les recettes d'exploitation futures générées par le nouvel aménagement ;

- 33 millions d'euros seraient récoltés au titre de mécénat et de partenariats, dont 25 millions issus du mécénat de la maison Chanel.

L'absence de modification de l'enveloppe budgétaire prend en compte des surcoûts observés depuis la définition de celle-ci en 2013. Il en va ainsi de travaux imprévus à mener sur les corniches ou le statuaire du site afin d'éviter des chutes de pierre.

S'ils entendent les arguments ayant procédé à cette réorientation du chantier, les rapporteurs spéciaux en rappellent l'urgence, le monument étant menacé d'une fermeture définitive en raison de sa dégradation. Un arrêt du chantier serait un symbole négatif alors qu'un éclairage particulier sera porté sur les monuments parisiens à l'occasion des Jeux olympiques.

3. Une priorité du Plan de Relance

Au sein de l'action 05 « Culture » de la mission « Plan de relance », 113 millions d'euros pourraient être mobilisés pour l'investissement dans le patrimoine monumental. 43 millions d'euros (soit 38 % des crédits de paiement) devraient ainsi être fléchés vers la restauration du château de Villers-Cotterêts, dont la fin des travaux espérée a été fixée à 2022. Cette somme quadruple quasiment l'investissement de l'État prévu en 2021 au sein du programme 175 (10,7 millions d'euros).

20 millions d'euros en CP viendront par ailleurs doubler la dotation affectée au Centre des monuments nationaux (20,63 millions d'euros prévus en 2021) afin de permettre une accélération des travaux menés sur certains sites : Palais du Tau à Reims, château de Pierrefonds, château d'Angers et l'abbaye de Beaulieu-en-Rouergue.

Par ailleurs, la mesure d'accompagnement budgétaire des opérateurs patrimoniaux intégrée dans le plan de relance devrait favoriser la poursuite de certains chantiers. Il en va ainsi de la restauration du corps central Nord au château de Versailles ou de celle du mur d'enceinte au domaine national de Chambord.

Si cette ambition mérite d'être saluée, il conviendra d'être cependant extrêmement vigilant quant à l'exécution des crédits. En effet, les restes à payer du programme s'élevaient à 752,57 millions d'euros (+ 18 % en un an) à fin 2019, soit 77 % des restes à payer de l'ensemble de la mission. 60 % du total consistent en des restes à payer sur crédits déconcentrés. Les restes à payer sur crédits centraux visent principalement les travaux menés par l'OPPIC, la rénovation du Grand Palais, la restauration du château de Villers-Cotterêts et la construction du centre de conservation et de ressources du musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM).

Évolution du montant des restes à payer de la mission « Culture »,
par programme, de 2016 à 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

4. Un contexte propice aux retards

32 chantiers, sous maîtrise d'ouvrage déléguée à l'OPPIC, ont été suspendus les 16 et 17 mars 2020 suite aux premières mesures de confinement. Ils ont progressivement repris entre mi-mai et début juin. La durée d'ajournement des chantiers a oscillé entre 1,5 mois et 2,5 mois.

Au-delà de la suspension, les délais ont subi un allongement en raison notamment de délais de latence à la reprise et des préconisations sanitaires relatives à l'organisation du chantier à mettre en oeuvre. Ainsi, le délai prévisionnel pour réaliser le reste à faire au moment de la crise sanitaire a augmenté en moyenne de 22 %.

Au plan budgétaire, l'estimation du surcoût covid-19 pour les chantiers OPPIC actuellement en cours s'élève à 14,6 millions d'euros pour un reste à réaliser de 175 millions d'euros, soit une majoration de 8,4 % des dépenses restant à courir. Le retard constaté sur le site Richelieu de la bibliothèque nationale de France atteint à lui seul 5,8 millions d'euros.

Cette estimation reste à préciser face au rebond de l'épidémie puisqu'elle se fonde sur les plannings prévisionnels d'achèvement des travaux réactualisés dans le courant de l'été.

Par ailleurs, les effets de la crise sanitaire en termes de fructuosité des consultations (présence d'offres et niveau de prix) sont encore incertains. L'OPPIC s'attend, notamment en Ile-de-France, à une augmentation significative des coûts d'installation de chantier et peut-être des lots techniques.

III. LE PROGRAMME 361 : UN NOUVEAU PROGRAMME AU SERVICE DE LA TRANSMISSION CULTURELLE

La création du programme 361 s'inscrit dans le cadre de la mise en place d'une délégation générale à la transmission et à l'éducation artistiques et culturelles.

Cinq priorités ont été assignées au programme 361 :

- permettre la participation à la vie culturelle de tous les habitants, quels que soient leur âge et leur situation géographique ;

- améliorer l'attractivité de l'enseignement supérieur de la culture et assurer l'insertion professionnelle des diplômés ;

- promouvoir et développer la politique linguistique de l'État ;

- produire des connaissances scientifiques et techniques reconnues au niveau international ;

- promouvoir auprès de tous les publics la recherche culturelle et la culture scientifique et technique.

Les crédits couverts par ce nouveau programme étaient jusqu'alors pour partie affectés au programme 224. Quatre actions structurent le programme 361 :

- l'action 01 « soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle », à laquelle seraient affectés 245,55 millions d'euros en crédits de paiement ;

- l'action 02 « soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » qui serait dotée de 222,38 millions d'euros en crédits de paiement en 2021 ;

- l'action 03 « langues française et langue de France » dont les crédits de paiement dédiés pourraient atteindre 3,22 millions d'euros en 2021 ;

- l'action 04 « recherche culturelle et culture », pour laquelle le présent projet de loi de finances prévoit 111,88 millions d'euros et qui reprend les crédits affectés jusqu'alors au programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », rattaché au ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur.

Répartition des crédits au sein du programme 361 « Transmission des savoirs
et démocratisation de la culture »

Source : commission des finances du Sénat

Les rapporteurs spéciaux saluent la création de cette délégation, effective au 1 er janvier prochain, et d'un nouveau programme qui permet de scinder distinctement ce qui relève de politiques publiques (enseignement, transmission, promotion de la langue) de ce qui relève de la gestion quotidienne du ministère. Ces deux aspects étaient jusqu'alors fondus au sein du même programme 224, ce qui facilitait les transferts entre des actions ne relevant pas de la même logique. Ainsi, chaque année 12 millions d'euros étaient transférés de l'action 02 vers l'action 07, aux fins de financement des fonctions de soutien du ministère, sans que ce mouvement ne soit autorisé par une loi de finances rectificative. La nouvelle maquette budgétaire va donc, dans ces conditions, dans le bon sens et respecte de façon plus affirmée le principe de sincérité budgétaire.

A. LA PROGRESSION DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTUREL ET À L'INSERTION PROFESSIONNELLE

Les crédits dédiés aux établissements d'enseignement supérieur culturel et à l'insertion professionnelle devraient progresser de 3,56 % en 2021 . Le montant des crédits de paiement dédiés devrait ainsi atteindre 241,2 millions d'euros, soit une majoration de 8,3 millions d'euros des crédits.

Cette augmentation est pour partie portée par celle des crédits correspondant aux bourses d'études et aides individuelles, qui devraient atteindre 29,86 millions d'euros (AE = CP). Une telle évolution mérite d'être saluée.

1. Un financement complémentaire prévu par le plan de relance

Le programme 361 porte l'ensemble des crédits affectés à la rénovation des établissements d'enseignement supérieur culturel. 7,75 millions d'euros et 5,58 millions d'euros en CP sont ainsi prévus dans le présent projet de loi de finances afin de financer :

- le renouvellement des équipements et matériels du Fresnoy-Studio national des arts ;

- la restructuration de l'école européenne supérieure de l'image (EESI) ;

- la construction de l'institut d'enseignement supérieur de la musique (IESM) d'Aix-en-Provence et de l'école d'art de Toulon-Chalucet ;

- la réhabilitation du centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle (CFPTS) ;

- les travaux de construction et de réhabilitation des écoles nationales supérieure d'architecture (ENSA) de Paris-Malaquais, Marseille et Toulouse ;

- la restauration des bétons de la villa Arson à Nice.

Ce financement devrait être largement complété par l'action 05 du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » qui prévoit, pour 2021, 70 millions d'euros en AE et 50 millions d'euros en CP pour la rénovation du réseau des écoles d'architecture et de création et la modernisation de leurs infrastructures informatiques. Ce soutien complémentaire devrait permettre de dynamiser les établissements d'enseignement supérieur culturel et de renforcer leur attractivité.

Les rapporteurs spéciaux seront cependant vigilants quant à la consommation des crédits prévus. Les restes à payer des chantiers aujourd'hui couverts par le programme 361 ont connu une forte progression en 2019, atteignant 110,83 millions d'euros, contre 66,34 millions d'euros au cours de l'exercice précédent (+ 67 % en un an). Plus de la moitié de ces restes à payer (66,05 millions d'euros) relèvent des travaux de réhabilitation ou à des projets immobiliers :

- travaux de construction de l'ENSA de Marseille (29,43 millions d'euros) ;

- travaux de construction-réhabilitation de l'ENSA de Toulouse (10,61 millions d'euros) ;

- travaux de réimplantation de l'école d'art de Cergy (10,51 millions d'euros) ;

- travaux au sein des ENSA de La Villette et de Paris-Malaquais ainsi que sur l'école nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris-Malaquais et l'école nationale supérieure de création industrielle (9 millions d'euros) ;

- projet Quartier de la connaissance et de la Créativité avec la Métropole Toulon Provence Méditerranée (3,19 millions d'euros) ;

- travaux de construction du pôle culturel de Micheville (3,31 millions d'euros).

2. La question de l'insertion : un sujet crucial dans un contexte délicat

Si l'insertion des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur culturel est érigée au rang de priorité, le Gouvernement ne propose pas d'améliorer significativement les cibles retenues en la matière dans l'indicateur contenu dans le projet annuel de performances 2021. Celui-ci prévoit un taux d'insertion dans les trois ans suivant l'obtention du diplôme de 84 % en 2021, soit la cible retenue pour 2020. Il convient de relever que ce taux a baissé entre 2017 et 2018, passant de 82,34 % à 80 %.

Taux d'insertion professionnelle des diplômés
de l'enseignement supérieur Culture (ESC)

2018

2019

Prévision

2019

Exécution

2020

Prévision

2021

Prévision

Architecture et patrimoine

87 %

90 %

90 %

91 %%

91 %

Arts plastiques

58 %

65%

61 %

66 %

66 %

Spectacle vivant et cinéma

90 %

93 %

93 %

94%

94 %

Tous établissements ESC

80 %

82 %

82 %

84 %

84 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux sont particulièrement vigilants à la situation des diplômés des écoles d'art plastiques , la cible retenue pour 2019, n'ayant pas été atteinte. Seuls 61 % des diplômés ont ainsi pu obtenir un emploi dans leur secteur de compétence dans les trois ans suivant l'obtention de leur titre.

La crise sanitaire actuelle est un élément à ne pas négliger pour l'année à venir, le ralentissement de l'activité culturelle fragilisant l'entrée sur le marché du travail. Aucun dispositif particulier n'est présenté dans le programme 361 afin de répondre à ce défi.

Par ailleurs, si la mission Plan de relance prévoit un dispositif de soutien aux artistes fragilisés par la crise, qui ne seraient pas couverts par les dispositifs transversaux mis en place, doté de 13 millions d'euros (AE = CP), ce fonds ne consiste pas spécifiquement en une aide à l'insertion professionnelle.

B. LE DÉFI DE L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE

1. Quel avenir pour le Pass culture ?
a) Une dynamique entravée par une expérimentation limitée

Expérimenté depuis juin 2019 dans 14 départements 19 ( * ) , le Pass Culture consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. Chaque jeune de 18 ans résidant dans ces territoires peut demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques... Ainsi, au 7 septembre 2020, 2 000 000 propositions étaient présentées par 4 000 offreurs. La durée de consommation initialement fixée à 12 mois a été portée à 24 mois pour les jeunes de la phase d'expérimentation

Le crédit de 500 euros est soumis à des sous plafonds : si les utilisateurs peuvent consacrer la totalité du crédit à des sorties culturelles ou des cours de pratique artistique ; deux plafonds de 200 euros sont prévus pour les biens physiques (livres, CD, DVD...) d'une part et pour les services numériques d'autre part.

Au 10 novembre 2020, 115 000 comptes ont été ouverts (sur 135 000 personnes éligibles environ). 63 330 comptes ont effectué au moins une réservation, les choix les plus populaires étant le livre (56,2 %) et la musique (16,5%). 130 euros en moyenne ont été dépensés sur le pass pour 6 achats sur une période moyenne de 9 mois (soit 346 euros sur deux ans si on rapporte cette dépense à 24 mois). Les biens physiques représentent 61,1 % des réservations, les biens numériques 27,7 % et les évènements (concerts, théâtres, festivals, etc.) 11,2 %. Le bouquet de chaînes OCS, Canal+, et le site de musique en ligne Deezer figurent parmi les prestations les plus demandées. Le confinement a contribué à ce succès : l'offre numérique du Pass Culture est passée de 690 à 1 253 offres.

L'ambition initiale du Gouvernement consistait en une généralisation du dispositif à l'horizon 2022 sur l'ensemble du territoire. Un élargissement de la phase d'expérimentation était prévu le 20 avril dernier. Il a été différé en raison de la crise sanitaire. La totalité des départements des régions Île-de-France et Grand Est et le département de La Réunion devaient initialement mettre en place le dispositif à cette date.

S'agissant du dispositif en tant que tel, le projet a d'abord été porté par le ministère lui-même, par l'intermédiaire d'une start-up d'État. Une société par actions simplifiée (SAS), chargée du développement du Pass Culture a finalement pris le relais courant 2019, en vue notamment d'élargir son financement à des acteurs privés 20 ( * ) . La SAS reste pour l'heure détenue à 70 % par l'État et à 30 % par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), via sa Banque des territoires.

b) La nécessaire généralisation du dispositif

Le projet de loi de finances pour 2021 table sur une majoration des crédits dédiés au dispositif de 20 millions d'euros, pour atteindre 59 millions d'euros (AE = CP). Ce montant représente un quart des crédits dédiés à l'action 02 « soutien à la démocratisation et à l'éducation » culturelle et 55,2 % de l'augmentation des montants accordés à celle-ci entre la loi de finances pour 2020 et le présent projet de loi de finances.

Sans remettre en cause l'utilité du dispositif, qui peut s'avérer être un véritable outil d'émancipation culturelle, il convient de s'interroger sur l'augmentation importante des crédits dédiés depuis la loi de finances pour 2019, alors même que les cibles justifiant cette progression d'année en année n'ont été que partiellement atteintes. Ainsi l'objectif de 200 000 bénéficiaires prévu pour l'année 2020 semble être reporté à l'exercice 2021.

L'exécution traduit d'ailleurs une sous-consommation des crédits. Ainsi, en 2019, seuls 11,91 millions d'euros en CP ont été consommés, principalement en vue de financer des dépenses de fonctionnement. Les remboursements aux offreurs se sont en effet limités à 1,71 million d'euros. L'exercice 2020 devrait d'ailleurs se traduire par une même tendance à la sous-exécution, compte tenu de l'absence d'extension du dispositif. La dotation pour 2020 qui devait atteindre 49 millions d'euros dont 10 millions d'euros au titre du report de crédits 2019 a d'ailleurs été pour partie redéployée, à hauteur de 10 millions d'euros, pour financer des dispositifs de sortie de crise.

La commission des finances avait déjà exprimé des doutes lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2019 et 2020 sur la stratégie mise en oeuvre pour rendre accessible ce dispositif. Celui-ci apparaît, pour l'heure, mal connu. Le lancement d'une campagne de publicité nationale et d'action de sensibilisation à destination de publics éloignés (jeunes salariés, apprentis etc.) semble par ailleurs impossible compte-tenu du caractère expérimental du Pass.

Il conviendrait, en outre, de favoriser une meilleure articulation avec le parcours d'éducation artistique et culturelle, notamment dans les dernières années du lycée, afin de permettre aux futurs utilisateurs de mieux connaître l'application.

La question d'une accélération du déploiement national dès 2021 de l'application doit également être posée. Elle semble être la seule option possible en vue de mieux faire connaître le dispositif et une utilisation des crédits dédiés. Le ministère de la Culture semble y être favorable sans l'afficher comme objectif. Elle serait assortie d'une réduction du montant accordé de 500 euros à 300 euros, somme plus proche des usages observés dans le cadre de l'expérimentation.

Viendra ensuite le temps d'une évaluation du niveau qualitatif de l'application, tant du point de vue des jeunes que de celui des offreurs. Il s'agira de vérifier que le Pass ne serve pas au financement d'achats liés au parcours scolaires et qu'il contribue à faire évoluer des pratiques culturelles. Le Pass ne saurait, en effet, se résumer à une simple plateforme d'achat de service et doit être éditorialisé en vue de mettre en place un véritable parcours culturel. La SAS Pass Culture, auditionnée par les rapporteurs spéciaux, semble partager cette ambition.

2. De nouveaux moyens pour atteindre les objectifs assignés

La commission des finances a, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, exprimé sa crainte que le Pass Culture tende à résumer l'effort de l'État en faveur de l'éducation artistique et culturelle et que la montée en charge budgétaire de l'application ne s'effectue au détriment des moyens qui lui sont traditionnellement dédiés.

Le projet de loi de finances pour 2021 tend à répondre à cette objection avec plusieurs mesures nouvelles. 2 millions d'euros supplémentaires sont ainsi prévus dans le cadre des contrats territoires-lecture. La dotation accordée aux pratiques artistiques et culturelles en temps scolaires est ainsi majorée de 1 million d'euros pour atteindre 24,5 millions d'euros. Les partenariats avec les collectivités territoriales, via les conventions de développement culturel, sont également renforcés, à hauteur de 1 million d'euros.

Cette majoration des crédits s'avère prioritaire si le Gouvernement entend atteindre ses objectifs en matière d'éducation artistique et culturelle. L'indicateur 2.1 rattaché au programme visant la part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle a ainsi été revu à la baisse en 2020. L'objectif assigné avait déjà été minoré en 2019.

Indicateurs Éducation artistique et culturelle - Prévision et réalisation 2020

Indicateur

Prévision PAP 2020

Réalisation

Part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle (%)

88

75

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

À ces mesures nouvelles en faveur de l'éducation artistique et culturelle s'ajoutent des crédits supplémentaires en faveur des publics éloignés, de l'équité territoriale, des usages numériques et des pratiques amateurs. 7 millions d'euros ont pu ainsi être dégagés.

C. L'ABSENCE DE NOUVEAUX MOYENS POUR LA PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE

0,6 % des crédits du programme 361 sont dédiés à la promotion de la langue française. Le montant des crédits reste ainsi au niveau prévu en loi de finances pour 2018 : 3,2 millions d'euros (AE = CP).

Cette absence de nouveaux moyens contraste avec l'accélération des travaux de construction de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts , prévue par la mission « Plan de relance » (100 millions d'euros en AE et 43 millions d'euros en CP).

Les rapporteurs spéciaux relèvent par ailleurs que le projet annuel de performance ne comporte aucun indicateur visant l'efficacité de cette action.

D. UNE NOUVELLE ACTION : LA PROMOTION DE LA RECHERCHE

L'action 04 « Recherche culturelle et culture scientifique et technique » reprend les crédits affectés jusqu'alors au programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », rattaché au ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur. Ce transfert apparaît pertinent au regard des missions assignées au programme 361. Il coïncide avec une revalorisation des crédits : l'action serait ainsi dotée de 112,58 millions d'euros en AE et 111,88 millions d'euros en CP, soit une majoration de 2 millions d'euros (AE = CP) par rapport à la loi de finances pour 2020.

Cette progression constitue une première depuis sept ans ; le programme enregistrant chaque année, durant cette période, une diminution de ses crédits.

102,4 millions d'euros, soit 91,5 % des crédits de paiement de l'action ; consistent en des subventions pour charges de service public :

- 0,28 million d'euros sont affectés à l'institut national d'histoire de l'art (INHA) aux fins de mises en oeuvre de programmes de recherche dans ce domaine ;

- 0,49 million d'euros sont versés à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) ;

- 1,19 million d'euros sont fléchés vers les écoles nationales supérieures d'architectures en vue de dynamiser la recherche relative à l'amélioration du cadre de vie, du devenir des villes et aux enjeux du développement durable ;

- 100,4 millions d'euros concourent au financement d'Universcience, l'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des Sciences et de l'industrie (EPPDCSI).

La progression des crédits affectés à l'action de 2 millions d'euros entre 2020 et 2021 résulte de la majoration du même montant de la subvention accordée à Universcience, afin que l'opérateur puisse faire aux pertes d'exploitation liées à la crise sanitaire. Après avoir enregistré une baisse de ses recettes de 10,2 millions d'euros en 2020, l'établissement anticipe désormais une réduction de ses prévisions de ses recettes propres 2021 et 2022 à hauteur respectivement de - 30 et - 15 %.

IV. LE PROGRAMME 224 : UN PROGRAMME DÉSORMAIS CIRCONSCRIT AUX FONCTIONS SUPPORT DU MINISTÈRE DE LA CULTURE

Compte tenu de la création du programme 361, le programme 224 recense désormais les crédits dédiés aux fonctions de soutien et ceux affectés à l'action culturelle internationale. Il devrait être doté de 731,3 millions d'euros en AE et 752,4 millions d'euros en CP en 2021.

99 % des crédits sont fléchés vers les fonctions de soutien. Le montant des crédits de paiement atteint 745 millions d'euros, enregistrant une progression de 23,05 millions d'euros sur une année (+3,16 %).

Les crédits dévolus à l'action culturelle internationale ne connaissent aucune progression : 7,39 millions d'euros (AE = CP).

A. UNE MAJORATION DES CRÉDITS POUR PARTIE DÉDIÉE À LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE

7 millions d'euros de crédits supplémentaires devraient être dédiés à la mise en oeuvre du plan pluriannuel de transformation numérique du ministère, qui a débuté en 2019 et devrait se terminer en 2022. Cette dotation supplémentaire représente une progression des crédits dédiés aux dépenses informatiques de 37 %.

Cette progression devrait permettre de faire face, à hauteur de 4,4 millions d'euros (AE=CP), à une majoration des dépenses informatiques pour partie liée à la crise sanitaire : outils nécessaires au travail à distance, renforcement de la sécurité informatique et développement du cloud. Ces crédits supplémentaires sont intégrés dans une enveloppe globale de 14,1 millions d'euros (AE=CP) qui couvre également le programme 100 % DEMAT dédiée à la dématérialisation. Un laboratoire d'expérimentation consacré à la digitalisation des politiques publiques culturelles devrait également être créé grâce à ces crédits.

1,3 million d'euros (AE=CP) supplémentaires devraient permettre de couvrir le développement d'applications métiers, de progiciels et de projets d'infrastructures informatiques. Cette somme est intégrée dans une enveloppe de 2,67 millions euros de crédits déconcentrés, affectés aux dépenses de fonctionnement courant des services déconcentrés, non pris en compte dans le périmètre du programme 354 « Administration territoriale de l'État ».

Les crédits informatiques affectés aux DRAC et aux directions des affaires culturelles devraient également progresser de 1,3 million d'euros (AE=CP) , afin, notamment, de mettre en oeuvre le plan d'urgence informatique (plan EClairSI). Cette somme est intégrée dans une enveloppe globale de 9,27 millions d'euros (AE=CP) dédiée à la modernisation de l'administration et à sa transition numérique.

Les rapporteurs relèvent que cette majoration des crédits permet de répondre à un double impératif : une réorganisation nécessaire en raison de la crise sanitaire mais aussi un rattrapage indispensable compte tenu de l'écart observé avec d'autres administrations. Le budget informatique moyen par agent du ministère de la culture est en effet de 30 % inférieur à la moyenne constatée au sein des autres ministères. En découle des réseaux moins solides mais aussi des logiciels et des équipements lacunaires. La progression de la dotation informatique devrait permettre d'accélérer la dématérialisation des procédures et répondre plus rapidement aux usagers dans cette période incertaine, notamment en ce qui concerne la gestion des aides.

B. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES DE PERSONNELS

En dépit d'une diminution de 52 ETPT, la masse salariale devrait continuer à croître en 2021, passant de 465,45 millions d'euros à 479,15 millions d'euros (+3 %).

Cette progression résulte principalement de deux facteurs :

- le glissement vieillesse technicité (GVT) devrait représenter 5,4 millions d'euros, soit 1 million d'euro de plus qu'en 2020 ;

- le financement de mesures catégorielles à hauteur de 9 millions d'euros, dont 8,06 millions d'euros sont fléchés vers le plan de rattrapage indemnitaire pluriannuel destiné à combler le retard indemnitaire des agents du ministère sur leurs homologues des autres administrations.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que la revalorisation de la grille indemnitaire des agents du ministère de la culture doit permettre de renforcer son attractivité et éviter des vacances de postes prolongées.

Les rémunérations d'activité devraient, dans ces conditions, croître de 11,8 millions d'euros en 2021 pour atteindre 403,4 millions d'euros (+ 3 %).

La majoration des dépenses de personnel est compensée pour partie par une diminution des crédits dédiés aux cotisations versées au CAS pensions : - 7 millions d'euros.

C. DES DÉPENSES CONNEXES ÉGALEMENT AUGMENTÉES

Plusieurs postes ont également été revalorisés dans le cadre du présent projet de loi de finances.

1. Les incidences de la crise sanitaire

La crise sanitaire conduit ainsi à une majoration des dépenses du programme 224.

Les dépenses de logistique devraient ainsi progresser de 5,93 millions d'euros pour atteindre 14,84 millions d'euros. Cette augmentation doit notamment financer les surcoûts des marchés de nettoyage liés à la crise sanitaire mais aussi à l'acquisition de masques et de gel hydroalcoolique.

La crise sanitaire conduit également à majorer les actions de formation de 1,64 million d'euros pour aider les agents à s'adapter aux nouvelles méthodes de travail liées à la crise sanitaire . Les crédits dédiés à la formation devraient ainsi atteindre 5,4 millions d'euros (AE = CP).

Une augmentation des crédits dévolus à l'action sociale de l'ordre de 0,58 million vise, en outre, à prendre en compte les nouvelles fragilités sociales et professionnelles des agents en raison de la crise. Les crédits affectés à l'action sociale devraient atteindre 7 millions d'euros (AE= CP).

Les dépenses de communication sont, par ailleurs, majorées pour tenir compte de la crise et de ses incidences sur l'organisation des manifestations. Les crédits de communications dédiés devraient atteindre 4 millions d'euros (AE = CP).

2. La poursuite des travaux

L'augmentation des dépenses de logistique couvre également les dépenses liées au projet immobilier Camus (36,6 millions d'euros, financés par les produits de la cessions deux immeubles sis rue des Pyramides et rue de Richelieu en 2023, via le compte d'affectation spéciale « Immobilier de l'État »). Celui-ci prévoit, sur la période 2019-2023 :

- la rénovation des locaux et l'aménagement de nouveaux bureaux au sein du Quadrilatère des archives, pour un montant de 33 millions d'euros, qui devrait se traduire par l'installation, dans un bâtiment modulaire de 70 agents ;

- les travaux au sein du site de la rue des Bons-enfants, pour un montant de 2,1 millions d'euros ;

- la poursuite des travaux au sein des locaux de la rue de Valois, qui devraient se traduire par le déplacement temporaire de 70 personnes.

Ces travaux devraient permettre au ministère de la culture de ne plus se déployer que sur trois sites parisiens, contre sept actuellement, dont celui de la rue de Beaubourg dont le loyer est estimé à 2 millions d'euros annuels, financé par le programme 224.

La valorisation du Quadrilatère des Archives devrait, par ailleurs, permettre une ouverture au public, des recettes de billetterie étant attendues.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que la réduction de ses sites parisiens participe, de la part du ministère, d'un effort de rationalisation de la dépense publique qu'il convient de saluer. Elle devrait permettre, à l'avenir, d'éviter une progression des dépenses immobilières et des frais liés aux locaux, à l'image de celle programmée dans le cadre du présent projet de loi de finances : +1,6 million d'euros en CP, soit une augmentation de 22,6 %, le montant total atteignant 7,09 millions d'euros.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Vincent Éblé et Didier Rambaud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».

M. Claude Raynal , président . - Nous commençons nos travaux avec l'examen de la mission « Culture ».

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF) au titre de la mission « Culture » s'élève à 3,236 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,209 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une nette progression par rapport à la loi de finances pour 2020, l'écart entre les deux textes s'élevant à 8,38 % en CP ; corrigée des mesures de périmètre, cette progression atteint 4,65 %.

La mission « Culture » ne résume pas, pour autant, le financement public de la culture et de la communication. L'agrégation des crédits budgétaires et des dépenses fiscales destinés directement et indirectement à la culture et à la communication devrait ainsi atteindre 14,6 milliards d'euros en 2021. Ce montant n'intègre pas les crédits de paiement dédiés au sein de la mission « Plan de relance », soit 1,094 milliard d'euros.

La maquette budgétaire a évolué cette année avec la création du programme 361. Celle-ci s'inscrit dans le cadre de la mise en place d'une délégation générale à la transmission et à l'éducation artistiques et culturelles. Les crédits couverts par ce nouveau programme étaient jusqu'alors affectés au programme 224. Le nouveau programme reprend également les crédits affectés jusqu'alors au programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », rattaché au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Nous saluons la création de cette délégation, effective au 1 er janvier 2021, et d'un nouveau programme qui permet de scinder distinctement ce qui relève de politiques publiques - enseignement, transmission, promotion de la langue - de ce qui relève de la gestion quotidienne du ministère. Ces deux aspects étaient jusqu'alors fondus au sein du même programme 224, ce qui facilitait les transferts entre des actions ne relevant pas de la même logique.

Ainsi, chaque année, 12 millions d'euros étaient transférés de l'action n° 02 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » vers l'action n° 07, « Fonctions de soutien du ministère » aux fins de financement des fonctions de soutien du ministère, sans que ce mouvement soit autorisé par une loi de finances rectificative. La nouvelle maquette budgétaire va donc, dans ces conditions, dans le bon sens et respecte de façon plus affirmée le principe de sincérité budgétaire.

Le programme 361 couvre les crédits dédiés aux établissements d'enseignement supérieur culturel et à l'insertion professionnelle. Ceux-ci devraient progresser de 3,56 % en 2021. Ils seront complétés par le plan de relance qui prévoit, pour 2021, 50 millions d'euros en CP pour la rénovation du réseau des écoles d'architecture et de création et la modernisation de leurs outils informatiques.

L'insertion des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur culturel est érigée au rang de priorité par le ministère. Nous serons particulièrement vigilants à la situation des diplômés des écoles d'art plastique, la cible retenue pour 2019 n'ayant pas été atteinte. La crise sanitaire actuelle est un élément à ne pas négliger pour l'année à venir, le ralentissement de l'activité culturelle fragilisant l'entrée sur le marché du travail.

Le programme 361 vise également les crédits affectés au Pass culture, expérimenté depuis juin 2019 dans quatorze départements. Ce pass consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. Chaque jeune de dix-huit ans résidant dans ces territoires peut demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser, durant vingt-quatre mois, sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques... Au 10 novembre 2020, 115 000 comptes ont été ouverts, sur 135 000 personnes éligibles environ. L'ambition initiale du Gouvernement consistait en une généralisation du dispositif à l'horizon de 2022.

Le PLF pour 2021 table sur une majoration des crédits dédiés au Pass de 20 millions d'euros, pour atteindre 59 millions d'euros. Sans remettre en cause l'utilité du dispositif, qui peut s'avérer être un véritable outil d'émancipation culturelle, il convient de s'interroger sur l'augmentation importante des crédits dédiés depuis la loi de finances pour 2019, alors même que les crédits ont été sous-exécutés d'année en année. Afin de répondre au défi de la sous-consommation, il nous semble nécessaire d'accélérer le déploiement de l'application sur tout le territoire dès 2021. Le Pass est pour l'heure mal connu, principalement en raison d'une expérimentation limitée. Il conviendra, dans un second temps, de procéder à une évaluation du niveau qualitatif de l'application, du point de vue des jeunes, mais aussi de celui des offreurs.

Compte tenu de la création du programme 361, le programme 224 recense désormais les crédits dédiés aux fonctions de soutien et ceux qui sont affectés à l'action culturelle internationale. Il devrait être doté de 752,4 millions d'euros en CP en 2021, et 99 % des crédits sont fléchés vers les fonctions de soutien.

Ainsi, 7 millions d'euros de crédits supplémentaires devraient être dédiés à la mise en oeuvre du plan pluriannuel de transformation numérique du ministère, qui a débuté en 2019 et devrait se terminer en 2022. Cette majoration des crédits permet de répondre à un double impératif : une réorganisation nécessaire en raison de la crise sanitaire, mais aussi un rattrapage indispensable compte tenu de l'écart observé avec d'autres administrations.

En dépit d'une diminution du nombre d'agents, la masse salariale devrait croître de 3 % en 2021, pour atteindre 479,15 millions d'euros. Sur ce budget, 8,06 millions d'euros devraient être fléchés vers le plan de rattrapage indemnitaire pluriannuel destiné à combler le retard indemnitaire des agents du ministère sur leurs homologues des autres administrations. Cette revalorisation de la grille nous apparaît essentielle si l'on souhaite maintenir l'attractivité du ministère et éviter des vacances de postes prolongées. Le ministère fait des économies par ailleurs, comme en témoigne son projet immobilier Camus.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Je concentrerai mon intervention sur le programme 175, dédié à la protection des patrimoines, et le programme 131, dédié à la création.

Le programme 175 « Patrimoines » devrait être doté en 2021 de 1,016 milliard d'euros en CP, soit une progression de 44,3 millions d'euros, correspondant à une hausse de 4,6 %, par rapport à la loi de finances pour 2020. Le plan de relance vient largement compléter ces crédits, puisqu'il comprend en effet un plan d'investissement culturel en faveur des patrimoines et pour l'emploi, appelé à être abondé de 344,7 millions d'euros en CP en 2021 ; cette dotation complémentaire représente près de 34 % de crédits supplémentaires pour le programme 175.

Les deux tiers restants des crédits de paiement du plan d'investissement - 231,7 millions d'euros - sont fléchés vers le réarmement budgétaire des établissements patrimoniaux, afin de relancer leur activité, fortement fragilisée par la crise. Cette aide répond à une double logique : renflouer les opérateurs en effaçant leurs pertes et permettre un rebond de leurs investissements, créant ainsi de l'activité chez leurs prestataires.

Une première estimation, réalisée en mai 2020 à notre demande, faisait état d'une perte cumulée pour ces établissements de 252 millions d'euros. Ce chiffre est aujourd'hui à réévaluer compte tenu des incidences des mesures de contraintes sanitaires mises en oeuvre lors du déconfinement, de l'instauration d'un couvre-feu à partir du 16 octobre, puis de la mise en place, le 30 octobre, d'un deuxième confinement. Le château de Versailles tablait ainsi sur une perte de 35 millions d'euros avant le reconfinement et le musée du Louvre, plus impacté encore, sur 85 millions d'euros.

De fait, la crise remet en cause le choix effectué par le ministère ces dernières années de diminuer les subventions de certains opérateurs pour les inciter à développer leurs ressources propres. Parmi celles-ci, les recettes tirées du mécénat suscitent également une inquiétude, au regard des baisses attendues des budgets dédiés au sein des grandes entreprises et d'une possible réorientation des dons vers des causes sanitaires.

Si l'initiative du Gouvernement doit être saluée, elle pourrait s'avérer d'ores et déjà insuffisante pour permettre aux opérateurs de recouvrer leurs marges financières d'avant la crise. La direction générale des patrimoines (DGP) nous a confié qu'elle n'attendait pas un retour à la normale avant l'exercice 2023, l'impact du deuxième confinement exacerbant les difficultés rencontrées. Le musée du Louvre, quant à lui, nous a indiqué craindre de se retrouver en cessation de paiement au cours de l'exercice 2022.

S'agissant des autres monuments, le PLF témoigne d'un réel souci pour les collectivités territoriales. Les crédits dédiés à l'entretien et à la restauration des monuments n'appartenant pas à l'État - mais aux collectivités territoriales et propriétaires privés - devraient progresser de 5 millions d'euros. Les musées territoriaux devraient bénéficier d'une augmentation de leur dotation de 10 millions d'euros supplémentaires et les archives territoriales d'une majoration de crédits de 3 millions d'euros

Ce soutien réaffirmé doit être salué. Il aurait pu être complété par de nouvelles mesures spécifiques pour les propriétaires privés, dont le soutien essentiel à la préservation du patrimoine est fragilisé par la réforme du régime fiscal du mécénat en loi de finances pour 2020 ou l'absence de révision du dispositif Malraux, en faveur des centres-villes.

Nous saluons également la montée en puissance du plan Cathédrale, avec une hausse de 5 millions d'euros en CP au titre du programme 175 et de 30 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Elle ne saurait cependant occulter l'absence de financement public pour les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Les donateurs privés contribuent aujourd'hui seuls au financement de l'établissement public chargé des travaux, ce qui peut apparaître en contradiction avec la loi du 29 juillet 2019 et semble trahir l'intention des donateurs.

La mission « Culture » et la mission « Plan de relance » insistent également sur une accélération des grands chantiers culturels, avec 120 millions d'euros de nouveaux crédits dégagés. Cette ambition louable appelle dans le même temps à une grande vigilance quant à l'exécution des dépenses. La mission « Culture » connaît une progression des restes à payer conséquente depuis 2016 - avec une hausse de 41 %, soit 286 millions d'euros -, alors que le contexte de la crise sanitaire s'avère propice à un allongement de la durée des chantiers.

S'agissant du programme 131 « Création », ses crédits progressent également de 4,5 %, pour atteindre 862,3 millions d'euros. Ils sont largement complétés par ceux du plan de relance : 177,9 millions d'euros sont ainsi prévus en faveur de la création. Une large partie de cette somme, à hauteur de 81,9 millions d'euros, sera également dédiée au renflouement des opérateurs du programme « Création », avec, là encore, le risque qu'elle soit insuffisante au regard des incertitudes entourant la poursuite de la saison culturelle.

La progression de la dotation de ce programme doit, par ailleurs, permettre de mieux soutenir les résidences et les structures labellisées dans les domaines du spectacle vivant et des arts visuels. Ces aides sont également complétées par le plan de relance. L'ensemble est détaillé dans le rapport.

Le soutien à l'emploi en cette période de crise est également réaffirmé via une majoration du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) et la mise en place d'un plan artistes-auteurs destiné à améliorer leur situation économique et à renforcer leurs droits sociaux. Ce plan a été, compte tenu de la crise sanitaire, réorienté afin de mieux prendre en compte la répartition de la valeur entre les différents acteurs dans le processus de création.

Sous réserve de ces observations, nous vous proposons donc d'adopter les crédits de la mission « Culture ».

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci pour la qualité de la synthèse présentée par nos deux collègues. Je souhaiterais avoir votre point de vue concernant la mise en oeuvre possible des crédits dédiés au « grand » et surtout au « petit » patrimoine, celui pour lequel Stéphane Bern s'est mobilisé et a réussi à obtenir du soutien, de manière un peu surprenante puisqu'il s'agit d'un budget complémentaire - on pourrait presque l'appeler le « budget Bern ». L'État, de son côté, peut-il engager davantage de moyens ? Et, dans le même temps, est-il en mesure, par le biais de cet accompagnement financier, de trouver les opérateurs disposant d'un personnel suffisant pour effectuer les travaux ? Car, s'agissant des opérations de restauration du patrimoine, les forces vives manquent souvent...

M. Roger Karoutchi . - Ma première interrogation concerne la réduction du nombre de lieux du ministère de la culture. On nous parle, désormais, de l'horizon de 2023. Cela fait dix ans que l'on parle de réduction, de relocalisation, du fait que la rue de Valois et la rue Beaubourg coûtent assez cher. Les ministres successifs - quelle que soit leur appartenance politique - sont très attachés à la symbolique des lieux et peu disposés à en partir. La décision est-elle prise définitivement cette fois ? Ou y a-t-il encore des blocages ? Pour le moment, le ministère de la culture ne fait pas beaucoup d'efforts pour aller dans des endroits moins attractifs.

Par ailleurs, le ministère, depuis toujours, s'intéresse aux grands chantiers, aux « paquebots » très symboliques : le château de Versailles, les grands châteaux royaux ; en revanche, des oeuvres parfois considérables - des châteaux, des musées -, mais plus excentrés, moins visités, moins symboliques, ont beaucoup de mal à obtenir des crédits. Ne faudrait-il pas envisager un système de quotas, afin que les collectivités territoriales obtiennent une partie des crédits dédiés au patrimoine ? Il est évident, en effet, que la rénovation du domaine Trianon ou de certaines ailes du château de Versailles coûte tellement cher qu'il ne reste plus un centime pour les autres.

M. Antoine Lefèvre . - La future Cité internationale de la francophonie, au château de Villers-Cotterêts, est peut-être un « paquebot » en devenir. Dans le département de l'Aisne, on se réjouit de la rénovation de ce château érigé par François 1 er qui était dans un état d'abandon total. Une somme importante, de l'ordre de 100 millions d'euros, a été ajoutée au budget initial. Un certain nombre de financements privés, avec des partenariats, devaient être impulsés ; les rapporteurs ont-ils des informations sur ce plan de financement ?

Concernant le Pass culture, un bilan sur les quatorze départements en expérimentation devait être présenté en juillet dernier ; la crise sanitaire a sans doute bouleversé le calendrier. Malgré cela, a-t-on des informations sur le sujet ? Un budget de 59 millions d'euros est prévu pour ce pass en 2021. Intègre-t-il un reliquat de 2020. Une sous-consommation est-elle envisagée ? Ces crédits sont-ils bien calibrés ?

M. Gérard Longuet . - L'archéologie préventive, dont on aimerait mieux connaître les finalités, relève-t-elle du ministère ? Si tel est le cas, connaît-on l'évolution du montant des sommes dédiées à celle-ci par rapport à l'ensemble des chantiers qui, souvent, en pâtissent ?

M. Marc Laménie . - Ma question concerne la répartition des crédits entre l'administration centrale, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les opérateurs. S'agissant des architectes des bâtiments de France (ABF) par exemple, d'un département à l'autre, les effectifs sont très variables, ce qui pose de réels problèmes pour les élus de proximité. Les crédits dédiés à l'administration centrale et aux DRAC ont sensiblement augmenté. Dans quelle part de crédits se situent les ABF ?

M. Rémi Féraud . - Le budget de la mission augmente pour 2021, et nous savons à quel point cette hausse est nécessaire pour l'un des secteurs les plus impactés par la crise actuelle. Tout, maintenant, est affaire de mise en oeuvre.

Mon interrogation porte sur le patrimoine. Une partie du plan de relance vient s'ajouter aux crédits de la mission, avec des commentaires qui semblent paradoxaux : d'un côté, Vincent Éblé nous informe que le musée du Louvre risque d'être en cessation de paiement l'année prochaine ; de l'autre, il semblerait que les crédits - notamment ceux du plan de relance - soient particulièrement orientés vers les grands opérateurs. Est-ce un problème de fléchage ? Ou alors, les crédits destinés à ces grands opérateurs ne suffiront-ils pas à leur éviter la cessation de paiement ?

Par ailleurs, les crédits inscrits permettront-ils de soutenir les rénovations du Grand Palais et du château de Villers-Cotterêts, dont parlait Antoine Lefèvre et pour lequel Emmanuel Macron s'est engagé à aboutir les travaux avant la fin du quinquennat ?

Enfin, j'avoue mon étonnement devant l'absence de crédits, dans ce PLF, pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. Certes, les dons privés abondent, mais ils restent insuffisants. Le Président de la République a pris des engagements, avec une rénovation promise en cinq ans. Le conseil des ministres a validé une dérogation sur les exploitations de carrières spécifiquement pour la rénovation de Notre-Dame de Paris. Nous nous sommes souvent plaints ici de l'argent excessif fléché vers Notre-Dame ; or, dans la réalité du PLF pour 2021, c'est zéro.

Mme Christine Lavarde . - Vous avez évoqué le plan Cathédrale, doté de sommes significatives. J'ai échangé avec un architecte du ministère de la culture qui émettait des doutes sur les capacités à trouver les ressources pour dépenser ces crédits dans le délai imparti. Avez-vous des informations sur ce point ?

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Un sentiment personnel sur la mission de Stéphane Bern : la création d'un loto en faveur du patrimoine est une idée originale. Avant cela, je n'avais jamais joué au loto de ma vie !

Pour répondre à Roger Karoutchi, le projet Camus vise à rationaliser l'implantation immobilière du ministère, actuellement répartie sur sept sites, afin de la regrouper sur trois sites d'ici à 2023. En raison du covid-19, les travaux ont pris du retard, mais la ministre a confirmé son intention d'aller au bout du projet.

Concernant le Pass culture, il s'agit d'une expérience inédite, lancée en 2018. Pour mener ce projet expérimenté sur quatorze départements, une société par actions simplifiée (SAS) a été créée. Sur un potentiel de 135 000 jeunes concernés, 115 000 d'entre eux ont bénéficié du dispositif. Chaque jeune pouvait disposer d'une somme de 500 euros ; la ministre souhaite ramener ce seuil à 300 euros, sachant que les utilisateurs, dans le cadre de l'expérimentation, n'ont consommé l'enveloppe qu'à hauteur de 115 euros en 9 mois. Le dispositif est donc très perfectible, mais la ministre a confirmé son souhait de le généraliser à l'ensemble du territoire.

Pour répondre à Marc Laménie, j'ai eu l'occasion d'interpeller la ministre sur le fonctionnement des DRAC. Nous sommes déçus, en effet, par leur manque de proximité. Au regard de la diversité des acteurs culturels, il est vrai qu'il est difficile de demander un cadre. Néanmoins, nous avons demandé une plus forte implication des DRAC dans les départements, surtout en ce moment. Dans le comité de suivi de la crise de mon département qui se réunit actuellement tous les quinze jours, la DRAC n'est pas représentée, alors que beaucoup d'acteurs culturels attendent des réponses.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - S'agissant du loto du patrimoine, excusez-moi, mais c'est l'arbuste qui cache la forêt ! Les montants, en effet, sont assez limités au regard des enjeux et de l'ensemble des financements liés au patrimoine. Cela dit, avec ce loto, la Française des jeux (FDJ) a découvert un nouveau segment de clientèle, très mobilisé autour de la problématique ; de ce point de vue, on peut observer un effet d'image et d'entraînement qui n'est pas inutile. Pour rappel, la mission de Stéphane Bern est adossée à la Fondation du patrimoine qui, de façon systématique, fait appel à des initiatives de proximité pour accompagner les financements publics.

Concernant ce que Roger Karoutchi appelle les « paquebots » du patrimoine, prenons l'exemple du château de Versailles : au moment du premier confinement, le site employait 69 sous-traitants. Ces « paquebots » n'ont pas pour vocation de thésauriser un pactole dans leurs caves ou greniers, il s'agit bien de dépenser l'argent au bénéfice d'entreprises. Si vous interrogez, par exemple, les entreprises membres du groupement des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH), elles attendent toujours avec impatience les crédits de l'État pour les travaux.

Dans le budget 2021, on observe également une meilleure prise en compte des dépenses des collectivités territoriales, avec un fonds incitatif et partenarial doté de 15 millions d'euros. Le montant ne semble pas élevé ; il a vocation à trouver son facteur multiplicateur dans la mobilisation des financements territoriaux sur certains chantiers.

Antoine Lefèvre nous a interrogés sur la rénovation du château de Villers-Cotterêts. Des sommes très importantes - et justifiées sur le plan patrimonial - sont engagées sur ce chantier. Au-delà des financements propres aux travaux - 43 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, 10,6 millions issus du budget et 30 millions du programme d'investissements d'avenir (PIA) -, on peut se poser la question du fonctionnement d'un tel équipement compte tenu de la géographie particulière du département de l'Aisne et de son éloignement de Paris. Attirer du public sur un sujet aussi important, mais peu attractif que la promotion de la langue française ne sera pas chose aisée. Nous sommes actuellement dans la phase de travaux, mais peut-être faudra-t-il songer, à terme, à des charges de fonctionnement et de programmes culturels pour soutenir la langue française et le développement de ce lieu nouveau dédié à la francophonie.

Pour répondre à Gérard Longuet, nous n'avons pas d'estimation de la recette de la taxe, payée par les opérateurs immobiliers, sur l'archéologie préventive. On observe, en revanche, une augmentation de 7 millions d'euros de la subvention pour charges de service public versée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives, soit une légère montée en charge de la contribution publique. Mais l'esprit de la loi sur l'archéologie préventive vise à trouver l'essentiel des ressources à partir des opérations immobilières. L'idée est donc de modérer, autant que possible, la contribution publique directe. Cette politique n'a de sens que si elle est suivie d'un engagement patrimonial, scientifique et éventuellement d'une valorisation touristique pour les sites les plus importants. La France, leader dans ce domaine de l'archéologie préventive, vend son savoir-faire à l'étranger, ce qui complique la relation entre les opérateurs publics et privés, engagés dans des logiques de concurrence.

Pour répondre à Rémi Féraud, le chantier du Grand Palais a connu une révision complète de son programme, afin de répondre aux critiques sur le montant global du chantier qui s'élevait initialement à 466 millions d'euros. Et pourtant, même en ayant réduit sensiblement la voilure, nous arrivons exactement au même montant. Comment est-ce possible ? Comme toujours sur les grands chantiers, tout n'avait pas été budgété ; on avait, par exemple, omis de compter la rénovation, sur la partie haute de l'édifice, des corniches et des sculptures monumentales.

Dans le détail, ce chantier de rénovation est financé à hauteur de 123 millions par la mission « Culture », auxquels s'ajoutent 160 millions d'euros issus du troisième PIA ; 150 millions liés à un emprunt, qui devra être amorti par l'établissement public ; et 33 millions d'euros de mécénat, dont 25 millions par Chanel. L'enveloppe est conséquente. Le souci est maintenant de lancer le chantier, sachant à la fois les exigences de date - je pense à l'accueil de manifestations sportives durant les jeux Olympiques de 2024 - et l'impossibilité de laisser à l'abandon un monument aussi important et symbolique. Il faudra donc bien - quoi qu'il en coûte ! - en passer par ce chantier. Naturellement, cela ne signifie pas de méconnaître l'importance des charges et de ne pas s'évertuer à les limiter.

Concernant la restauration de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, la vérité est que l'État ne met pas un centime. Or, il s'agit bien d'une mission de l'État. Je suis profondément choqué, d'autant que, sur le milliard d'euros de travaux prévus, il faut compter les 20 % de recettes de TVA, soit 200 millions d'euros qui vont tomber dans les caisses de l'État ! J'ai interrogé la ministre sur ce point : elle s'en tient aux strictes limites de son portefeuille ministériel, en ajoutant que, si elle devait dégager un budget, ce serait au détriment d'autre chose. La totalité du chantier de restauration sera donc financée par les généreux donateurs, avec des paiements échelonnés au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

Se pose également la question particulière du financement de l'établissement public créé pour cette restauration. Le ministre, à l'époque, nous avait assuré que l'État paierait sa part et que l'argent ne serait pas pris aux donateurs : cela n'a pas été suivi d'effets. Aujourd'hui, seul le loyer de 213 000 euros est financé par l'État. L'établissement public étant logé au sein d'un immeuble appartenant aux services du Premier ministre, ce loyer est versé à France Domaines, l'État paye d'une main et récupère de l'autre ! Je le redis, parce que, bien sûr, il s'agit de le taire : zéro contribution de l'État pour cette restauration, pas plus dans ce budget que dans les précédents...

M. Michel Canevet . - Sauf les déductions fiscales.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Oui, bien entendu. Ces déductions ne sont d'ailleurs pas si exceptionnelles, puisque la majoration est limitée.

Concernant le plan Cathédrale, certaines opérations sont déjà engagées et se poursuivent : la cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence ; la basilique-cathédrale Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Soissons ; la cathédrale Notre-Dame d'Amiens. Ces trois opérations bénéficient de 5 millions d'euros de CP. Au total, le budget du plan Cathédrale s'élève à 40 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les 80 millions d'euros en AE et les 30 millions d'euros de crédits de paiement issus du plan de relance ; nous verrons bien si nous arrivons à consommer ces crédits. Pour les opérations nouvelles, je n'ai pas d'inquiétude particulière, les cathédrales sont suivies par des architectes en chef et les programmes de travaux peuvent être engagés.

Pour répondre à Roger Karoutchi, il reste des réticences syndicales concernant le projet Camus. L'affaire prend un certain temps, car des chantiers sont aussi en jeu ; par exemple, celui de l'hôtel de Soubise, au sein du Quadrilatère des Archives, où des bâtiments seront bientôt accessibles au public, avec notamment une présentation de boiserie exceptionnelle.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Culture ».

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Culture ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la culture et de la communication

Secrétariat général

- Mme Aude ACCARY-BONNERY, secrétaire général adjointe ;

- M. Benoit PROUVOST, secrétaire général du programme 224.

Direction générale des patrimoines

- M. Philippe BARBAT, directeur général ;

- M. Jean-Michel LOYER-HASCOET, chef de service.

Direction générale de la création artistique

- Mme Sylviane TARSOT-GILLERY, directrice générale de la création artistique ;

- M. Fabrice BENKIMOUN, sous-directeur des affaires financières et générales.

Les rapporteurs spéciaux ont également reçu une contribution écrite de M. Noël CORBIN, délégué général à la transmission et à l'éducation culturelles et artistiques.

Opérateurs du programme 131 « Création »

- M. Laurent BAYLE, directeur général, M. Thibaud de CAMAS, directeur général adjoint et Mme Clara WAGNER, directrice déléguée aux relations institutionnelles, Philharmonie de Paris ;

- M. Kim PHAM, directeur général, Comédie française ;

- M. Alexander NEEF, directeur général et M. Martin ADJARI, directeur général adjoint, Opéra national de Paris.

Opérateurs du programme 175 « Patrimoines »

- M. Philippe BELAVAL, président, Centre des monuments nationaux ;

- M. Thierry GAUSSERON, administrateur général, établissement public du Château de Versailles ;

- M. Maxence LANGLOIS-BERTHELOT, administrateur général et M. Nicolas FEAU, conseiller du président, établissement public du Musée du Louvre.

Société par actions simplifiée Pass Culture

- M. Damien CUIER, président.


* 1 Articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

* 2 Analyse de l'impact de la crise du Covid-19 sur les secteurs culturels - Secteur du spectacle vivant, Département des études, des prospectives et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture.

* 3 Analyse de l'impact de la crise du Covid-19 sur les secteurs culturels - Secteur des arts visuels, Département des études, des prospectives et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture.

* 4 Arrêté du 22 juillet 2020 portant mesures d'urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l'article L. 5421-2 du code du travail et décret n° 2020-928 du 29 juillet 2020 portant mesures d'urgence en matière de revenus de remplacement des artistes et techniciens intermittents du spectacle.

* 5 Estimation sur la base des 9 réponses retournées au questionnaire adressé aux 10 opérateurs de spectacle vivant.

* 6 Réponse au questionnaire adressé par les rapporteurs spéciaux en mai 2020.

* 7 Décret n° 2015-641 du 8 juin 2015 relatif à l'attribution des aides déconcentrées au spectacle vivant.

* 8 Décret n° 2019-1011 du 1 er octobre 2019.

* 9 Décret n° 2018-356 du 15 mai 2018 instituant une mesure de soutien au pouvoir d'achat des artistes-auteurs pour l'année pour 2018 et décret n° 2019-422 du 7 mai 2019 instituant des mesures de soutien au pouvoir d'achat des artistes-auteurs pour 2019 et les années suivantes.

* 10 Le ministère de la culture avait, à l'occasion de la présentation du troisième projet de loi de finances rectificatives, annoncé le dégel des crédits placés au sein de la réserve de précaution : 15 millions d'euros avaient été versés aux opérateurs du patrimoine et 15 millions d'euros ont ainsi été fléchés vers l'édition 2020 du Loto du patrimoine.

* 11 Estimation sur la base des 14 réponses retournées au questionnaire adressé aux 15 opérateurs muséaux du programme 175.

* 12 Interrogée par les rapporteurs spéciaux, la direction générale des patrimoines a confirmé la fin des travaux de conservation fin 2021 et le début concomitant des travaux de restauration.

* 13 Loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale et décret n° 2019-1250 du 28 novembre 2019 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

* 14 Projet de loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet, Avis n° 519 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 mai 2019.

* 15 La conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris - Premier bilan, rapport public thématique de la Cour des comptes, septembre 2020.

* 16 Ces dons, qui ouvrent droit à une réduction d'impôt, donnent lieu à une dépense fiscale de l'État.

* 17 Audition devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, 16 mai 2019.

* 18 Ces crédits financent également les travaux de restauration des corniches des façades du Palais de Chaillot et les chantiers des manufactures des Gobelins et de Sèvres.

* 19 Ardennes, Bas Rhin, Côtes d'Armor, Doubs, Finistère, Guyane, Hérault, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Nièvre, Saône-et-Loire, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Vaucluse.

* 20 Décret n°2019-755 du 22 juillet 2019.

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