C. L'EFFONDREMENT DES RECETTES DU BACEA ENTRAÎNE UN RECOURS MASSIF À L'EMPRUNT EN 2020 ET EN 2021
1. La crise du transport aérien provoquée par la pandémie de Covid-19 a provoqué une explosion de l'endettement du BACEA qui atteindrait 2,1 milliards d'euros fin 2020
La dette du BACEA avait connu une forte augmentation dans les années qui avaient suivi la crise du transport aérien de 2009 pour atteindre un pic à 1,28 milliard d'euros au 31 décembre 2014 .
La DGAC avait par la suite entrepris de se désendetter année après année, si bien que l'encours de sa dette avait été ramené à 667,4 millions d'euros au 31 décembre 2019, en baisse de 47,9 % sur cinq ans .
Le rapporteur spécial avait systématiquement soutenu cette politique de désendettement du BACEA , laquelle lui apparaissait indispensable pour restaurer la soutenabilité de ce budget annexe mais également pour dégager des marges de manoeuvre si la croissance du transport aérien, très dynamique ces dernières années, venait à ralentir.
La crise économique d'une exceptionnelle gravité que connaît aujourd'hui le secteur en raison de la pandémie du Covid-19 est malheureusement venue démontrer à quel point ce désendettement était nécessaire puisque le BACEA est désormais obligé de se rendetter dans des proportions sans précédent dans son histoire pour jouer un rôle d' « amortisseur de crise » .
La chute brutale du trafic aérien et la mise en place d'un moratoire sur les redevances et les taxes payées par les compagnies aériennes vont provoquer en 2020 un effondrement de - 80 % des recettes du BACEA par rapport au niveau qui était prévu en loi de finances pour 2020.
À l'issue des deux premiers projets de loi de finances rectificatives pour 2020, la DGAC a été autorisée à emprunter cette année 1 250 millions d'euros .
Au regard de ses prévisions actuelles de dépenses et de recettes, la DGAC estime que le droit de recours à l'emprunt devra encore être majoré, et porté à environ 1 550 millions d'euros , soit 300 millions d'euros supplémentaires 22 ( * ) .
Ce droit au recours à l'emprunt de 1 550 millions d'euros aurait pour but, selon la DGAC, de conserver à la fin de l'année un seuil prudentiel de trésorerie minimal de 300 millions d'euros .
Au total, l'endettement de la DGAC serait susceptible de progresser de 1,4 milliard d'euros en 2020 pour atteindre l'encours sans précédent de 2,1 milliards d'euros (contre un maximum historique de 1,3 milliard d'euros atteint en 2014).
2. La hausse de l'endettement du BACEA va se poursuivre en 2021 et 2022, au point de durablement remettre en cause la soutenabilité de ce budget annexe
Au vu des prévisions de reprise progressive du trafic sur les prochaines années, et d'un retour à un niveau normal de trafic qui ne devrait pas advenir avant 2024 dans les hypothèses les plus optimistes ( la date de 2029 est désormais avancée par Eurocontrol), le niveau d'emprunt devrait rester exceptionnellement important sur les exercices 2021 et 2022.
A ce stade, la DGAC estime en effet qu'elle devra emprunter 761 millions d'euros supplémentaires en 2021 et 463 millions d'euros de plus en 2022. Sur la base de ces hypothèses, le niveau de dette pourrait atteindre 2,6 milliards d'euros au 31 décembre 2021 puis un pic à 2,8 milliards d'euros au 31 décembre 2022.
Évolution de l'endettement du budget annexe de 2008 à 2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Selon les réponses au questionnaire du rapporteur spécial, la DGAC estime que « la stratégie financière du BACEA repose sur une augmentation substantielle de l'endettement , mais limitée dans le temps , avec un objectif de désendettement dès 2023 ».
Toujours selon la DGAC, « à cet horizon, les remboursements d'emprunt (estimés à 510 millions d'euros ) devraient redevenir excédentaires par rapport aux nouveaux emprunts contractés (estimés à 378 millions d'euros ), permettant un désendettement sur l'exercice 2023 évalué à 1 32 millions d'euros ».
Si le rapporteur spécial ne peut que saluer cette volonté de la DGAC de désendetter le plus rapidement possible le BACEA , il ne saurait cacher son scepticisme quant à sa réalisation effective, tant la soutenabilité du BACEA lui paraît désormais menacée .
Ses recettes étant entièrement indexées sur le trafic aérien , la crise sans précédent de ce secteur, susceptible de se poursuivre pendant de longues années , pourrait durablement bouleverser le modèle économique sur lequel était fondé le financement de la DGAC.
C'est pourquoi il lui apparaît indispensable de réfléchir dès à présent aux solutions qui pourraient être envisagées pour éviter que ne s'installe une situation problématique qui verrait un budget annexe porter une dette toujours plus importante qu'il deviendrait incapable de rembourser grâce aux recettes d'un secteur du transport aérien trop durablement affaibli .
Dans cette hypothèse, pourrait notamment être envisagée un transfert de la dette du BACEA au budget général ou le versement de subventions au BACEA .
* 22 Ce niveau a vocation à être affiné en fonction du niveau effectif des redevances et taxes perçues en 2020, qui lui-même dépendra de la capacité des entreprises du secteur à retrouver un niveau de trésorerie suffisant pour s'acquitter de leurs créances.