EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mercredi 14 octobre 2020, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de Mme Catherine Procaccia, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 543, 2019-2020) relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire.
Mme Catherine Deroche , présidente. - Nous commençons nos travaux avec l'examen du rapport sur la proposition de loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire.
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - La proposition de loi que nous avons aujourd'hui à examiner concerne la retraite supplémentaire et vise à lutter contre la déshérence des produits d'épargne retraite.
La retraite supplémentaire n'est pas très répandue en France. Les contrats d'épargne retraite sont des contrats de capitalisation, souscrits soit par certaines entreprises au profit de leurs salariés, soit par des individus, notamment des professions libérales, afin de compléter les rentes des régimes de retraite obligatoires à la cessation d'activité professionnelle. Les prestations sont versées le plus souvent sous forme de rente viagère, parfois en capital à la demande du retraité, et à l'âge qu'il souhaite.
Il existe de nombreux produits - plan d'épargne retraite populaire (PERP), plan d'épargne pour la retraite collectif (Perco), Madelin, « article 39 » , etc. -, qui ont tous vocation à s'éteindre au profit des nouveaux plans d'épargne retraite, prévus par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte). En 2018, la retraite supplémentaire représentait 4,5 % des cotisations, tous régimes confondus, obligatoires ou non, pour 2,4 % des prestations.
Dans différents rapports, dont le dernier date de 2018, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a donné l'alerte quant aux risques de déshérence de contrats de retraite supplémentaire.
L'ACPR estime à 10,6 milliards d'euros le total des contrats non liquidés passé l'âge de 62 ans. Or, non seulement tous les Français ne partent pas à la retraite à cet âge, mais le départ à la retraite ne rend absolument pas obligatoire la liquidation du produit d'épargne retraite. D'ailleurs, ces montants baissent si l'on retient un seuil d'âge plus élevé : il y aurait 5,4 milliards d'euros de contrats non liquidés passé 65 ans et seulement 1,8 milliard d'euros passé 70 ans.
Il semble donc que les bénéficiaires choisissent de liquider ces contrats bien après leur départ à la retraite ; si les contrats ne sont pas liquidés, cela ne signifie pas nécessairement qu'ils sont en déshérence. Toutefois, plus l'âge du titulaire est avancé, sans que la liquidation ait été sollicitée, plus il est probable que le produit soit en déshérence, sans que l'on puisse en être certain.
L'ACPR constate que les risques sont plus forts pour les contrats à adhésion obligatoire, autrement dit souscrits par les entreprises sans que les informations sur les salariés bénéficiaires soient nécessairement complètes ou mises à jour et, parfois, sans que le salarié lui-même en ait connaissance.
En 2014, la loi Eckert a visé à résorber la déshérence des contrats inactifs et de l'assurance vie. Les contrats de retraite supplémentaire, souvent sans terme, se sont trouvés hors de ce champ. La loi Pacte a précisé que les contrats sans terme étaient désormais couverts par ces dispositions. En outre, la loi Sapin II a renforcé l'information des salariés sur les contrats de retraite supplémentaire au moment de leur départ en retraite.
Néanmoins, ni l'ACPR ni la Cour des comptes n'ont jugé ces nouvelles dispositions suffisantes, et ces deux instances ont proposé différentes pistes de travail.
Le comité consultatif du secteur financier (CCSF) s'est saisi de cette question. Il a publié une recommandation, que notre collègue député Daniel Labaronne, membre de cette instance, a cherché à traduire dans cette proposition de loi.
Le dispositif repose sur une nouvelle fonctionnalité, qui serait proposée par le site « Info Retraite », géré par le groupement d'intérêt public (GIP) Union Retraite. C'est le coeur de l'article 1 er . L'assuré, qui consulte le site au titre de ses droits à la retraite obligatoire, pourrait voir désormais s'afficher également les éventuels contrats de retraite supplémentaire qu'il détient.
Le mécanisme proposé est un répertoire, créé à cet effet, sur lequel les gestionnaires de produits d'épargne retraite, autrement dit les assureurs, verseraient des informations relatives aux contrats et à leurs souscripteurs. À partir de cette base de données, le GIP devrait identifier le souscripteur et mettre à sa disposition, au moyen de son service en ligne, des informations relatives aux contrats détenus.
Dans l'esprit, ce dispositif répond à l'attente des gestionnaires et suit les pistes suggérées par l'ACPR et la Cour des comptes. Je vous propose donc de le retenir dans ses grandes lignes, sous réserve de certaines modifications à la fois de principe et opérationnelles.
La première modification porte sur la formulation de ces nouvelles fonctionnalités et sur le lieu où nous désirons les inscrire.
La formulation retenue par l'Assemblée nationale semble consacrer un nouveau « droit à l'information ». Elle laisse à penser que l'ensemble des informations sur les contrats détenus sera disponible sur le site du GIP. Or ce n'est ni l'objet ni la réalité du dispositif.
En outre, l'Assemblée nationale inscrit ces informations au sein de l'article du code de la sécurité sociale relatif au droit à l'information, qui est garanti aux assurés en matière de retraite obligatoire, droit relatif par surcroît au système par répartition. Il faut éviter toute confusion entre retraite obligatoire et retraite supplémentaire.
Pour ces deux raisons, l'amendement de clarification COM-2 vise à modifier la désignation de ces nouvelles fonctionnalités et à les transférer au sein du code monétaire et financier, aux côtés des produits institués par la loi Pacte.
Pour ce qui concerne la mise en oeuvre du dispositif, il convient de renforcer le schéma opérationnel et d'apporter des garanties quant au mécanisme retenu.
D'une part, je souhaite que soient exclues des données transmises par les gestionnaires les informations relatives aux sommes afférentes aux contrats. Ce n'est pas la mission du GIP. Au surplus, il me paraît dénué de sens d'indiquer des montants estimatifs ; ce choix pourrait même dissuader les bénéficiaires de réclamer leur retraite supplémentaire quand les sommes sont faibles, ce qui est très souvent le cas. En outre, il faut éviter que le bénéficiaire confonde cette somme avec les prestations de retraite obligatoire affichées sur le même site « Info Retraite ». À cette fin, je vous propose en outre de renforcer les mentions informatives sur ces fonctionnalités.
D'autre part, aucun retour d'information du GIP vers les gestionnaires n'est prévu. Je vous propose de le permettre tout en l'encadrant ; le silence du texte empêche pour l'heure ce retour.
D'un point de vue opérationnel, il me semble pertinent que les gestionnaires aient connaissance de l'issue - positive ou non - de l'identification du souscripteur. Cela pourrait les aider à cibler leurs recherches sur les contrats qui sont vraiment en déshérence. Dans le même sens, je propose d'indiquer si le souscripteur est un usager récent du site.
En revanche, je tiens à ce que la protection des données personnelles et le droit au respect de la vie privée soient garantis. Ce « sens retour » sera donc précisé de manière extrêmement limitative. C'est le sens de l'amendement COM-3.
Pour que ces fonctionnalités nouvelles montrent leur efficacité, elles doivent également être connues. L'article 2 prévoit une campagne de communication financée par les gestionnaires de retraites supplémentaires. Il se trouve que la rédaction de l'article 1 er permet de satisfaire ces exigences tant de réalisation que de financement. Je vous propose donc, par l'amendement COM-5, la suppression de cet article, qui me paraît redondant.
Enfin, l'article 4, ajouté en commission à l'Assemblée nationale, détaille un dispositif expérimental permettant à des généalogistes d'assumer une mission, rémunérée, de recherche des bénéficiaires de contrats de retraite supplémentaire placés, après dix ans de déshérence, à la Caisse des dépôts et consignations.
Cet article pose différents problèmes, qu'il s'agisse de sa rédaction ou de la mise en oeuvre du dispositif : ce dernier est trop peu encadré, et une telle mission n'est pas du ressort de la Caisse des dépôts et consignations. Il ne me semble pas souhaitable de maintenir cet article. Je vous en propose donc la suppression par l'amendement COM-6.
Enfin, je vous suggère de tirer les conclusions des modifications de structure du texte en supprimant la division en deux titres (amendements COM-1 et COM-4).
Ainsi modifié, ce texte améliorera l'information des retraités. Mais je vois mal comment il pourra concerner ceux qui sont à la retraite depuis quinze ans et plus : les intéressés n'iront probablement pas sur le site « Info Retraite ».
M. René-Paul Savary . - J'approuve une partie des conclusions de Mme le rapporteur : on n'arrivera que progressivement à garantir une bonne information en la matière, quels que soient les régimes. Il faut clairement faire la distinction entre la retraite obligatoire et les régimes supplémentaires ; en ce sens, l'inscription dans le code monétaire et financier est une bonne formule.
Il faut garder à l'esprit les ordres de grandeur : les retraites par répartition représentent 320 milliards d'euros et, en l'occurrence, il s'agit de 5 à 10 milliards d'euros, selon l'âge retenu. Certains contrats ne sont jamais liquidés et entrent directement dans les successions ; sur le plan de la fiscalité, on est en droit de se poser des questions. Je comprends qu'un certain nombre de bénéficiaires temporisent.
Il me semble intéressant de permettre la recherche de bénéficiaires par des généalogistes. Plutôt que de supprimer l'article, peut-être pourrait-on mieux encadrer l'expérimentation dont il s'agit ?
Mme Monique Lubin . - Je salue le travail de Mme le rapporteur, mais je m'interroge : quel est le sens de ces contrats ? À qui profitent-ils réellement ? À l'évidence, un grand nombre d'entre eux ne sont jamais réclamés. De deux choses l'une : ou bien les structures concernées font en sorte que les fonds parviennent à leurs bénéficiaires, ou ces contrats n'ont pas lieu d'exister. D'une manière ou d'une autre, je vois mal pourquoi légiférer sur ce sujet.
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - Ces contrats ont été institués il y a fort longtemps, souvent par des entreprises, soucieuses de fidéliser leurs salariés par une rémunération indirecte. S'y ajoutent bon nombre de contrats individuels, autrement dit souscrits par les professions libérales, conscientes du fait que leurs retraites seront très faibles. Souvent, ces contrats sont très anciens. La loi Pacte va d'ailleurs assurer une unification en la matière.
Les contrats en déshérence ont souvent pour bénéficiaires des personnes qui, après quelques années, ont quitté l'entreprise qui les avait souscrits. Les assureurs disposent de l'adresse à laquelle les intéressés résidaient dans les années 1970. Tout le monde ne prévient pas ses assureurs de ses changements d'adresse et, à trente ans, on ne pense guère à sa retraite - en tout cas, il en était ainsi à mon époque. J'ajoute que, souvent, il s'agit de montants réduits.
Quoi qu'il en soit, ces contrats ont pour but d'augmenter le montant des retraites et, avec la loi Pacte, les retraites supplémentaires devraient s'accroître considérablement.
Les généalogistes ne travailleront pas gratuitement. La recherche de bénéficiaires de petites sommes les intéressa-t-elle ? Cette disposition résulte d'un amendement voté par l'Assemblée nationale dans la précipitation, sans avoir été réellement travaillé. Quant à la Caisse des dépôts et consignations, elle exerce une mission d'information ; son rôle n'est absolument pas de rechercher des bénéficiaires. Elle n'est pas équipée à cette fin et elle n'a pas vocation à passer des conventions avec les généalogistes pour mener des recherches à partir de la base Ciclade.
Enfin, la somme d'argent en déshérence est bien moindre après 70 ans, et elle est émiettée en de nombreux petits contrats. S'y ajoute le problème du secret bancaire et ces dispositions posent de sérieux problèmes d'accès à des données personnelles.
M. René-Paul Savary . - Dans les conseils départementaux, on connaît pourtant tout l'intérêt des recherches généalogiques. Pourquoi ne pas lancer l'expérimentation pour tenter de retrouver certains contrats ?
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - Les petites sommes n'intéresseront pas les généalogistes. En revanche, tous les assurés ont un compte « Info Retraite » : pourquoi lancer une mécanique si lourde, impliquant les généalogistes, alors qu'il suffit d'indiquer sa nouvelle adresse ?
Cette solution est peut-être prématurée ; il faut examiner précisément sa compatibilité avec la réglementation sur les données personnelles et la loi informatique et libertés. Pour l'heure, nous proposons un retour minimum, avec la liste des personnes qui ne se sont jamais rendues sur le site du GIP et qui, en conséquence, n'ont manifestement pas connaissance de leurs contrats.
Tous les partenaires sont d'accord pour mettre en oeuvre ce système. Il permettra sans doute de prévenir la déshérence des contrats ; mais, pour les contrats passés, il n'aura sans doute pas beaucoup d'utilité.
EXAMEN DES ARTICLES
Titre 1 er : Relevé de situation individuelle au titre des contrats d'assurance de retraite supplémentaire au moyen d'un service en ligne
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - L'amendement COM-1 est de nature rédactionnelle.
L'amendement COM-1 est adopté.
Le titre I er est ainsi modifié.
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à clarifier l'intention du dispositif, qui renforce l'accès à certaines informations plus qu'il ne consacre un droit nouveau à l'information. Ces dispositions doivent figurer dans le code monétaire et financier. Enfin, il faut distinguer clairement retraite obligatoire et retraite supplémentaire.
L'amendement COM-2 est adopté.
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à mieux encadrer les échanges d'informations entre le GIP et les gestionnaires. Il s'agit de restreindre, en tout cas dans un premier temps, les informations susceptibles d'être transmises au GIP, qui n'a pas à connaître les montants portés par les contrats d'épargne retraite. Il s'agit également d'organiser le retour d'informations du GIP vers les gestionnaires.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Titre II : Faciliter la prise de connaissance par les assurés des contrats de retraite supplémentaire possédés
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - L'amendement COM-4 est de nature rédactionnelle.
L'amendement COM-4 est adopté.
Le titre II est ainsi modifié.
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - L'amendement COM-5 tend à supprimer l'article 2, dont les dispositions semblent déjà satisfaites, notamment par l'alinéa 8 de l'article 1 er .
L'amendement COM-5 est adopté.
L'article 2 est supprimé.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Mme Catherine Procaccia , rapporteur. - L'amendement COM-6 tend à supprimer le dispositif expérimental impliquant les généalogistes ; aucune des personnes que j'ai auditionnées ne s'est prononcée pour ce système, pas même le rapporteur de l'Assemblée nationale.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'article 4 est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
TITRE I ER : RELEVÉ DE SITUATION INDIVIDUELLE AU TITRE DES CONTRATS D'ASSURANCE DE RETRAITE SUPPLÉMENTAIRE VIA UN SERVICE EN LIGNE |
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Mme PROCACCIA, rapporteur |
1 |
Suppression de la division et de son intitulé |
Adopté |
Article 1
er
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Mme PROCACCIA, rapporteur |
2 |
Clarification du dispositif et transfert des dispositions nouvelles au sein du code monétaire et financier |
Adopté |
Mme PROCACCIA, rapporteur |
3 |
Encadrement des données échangées entre le groupement et les gestionnaires et renforcement des mentions informatives |
Adopté |
TITRE II : FACILITER LA PRISE DE CONNAISSANCE PAR LES
ASSURÉS
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Mme PROCACCIA, rapporteur |
4 |
Suppression de la division et de son intitulé |
Adopté |
Article 2
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Mme PROCACCIA, rapporteur |
5 |
Suppression de l'article |
Adopté |
Article 4
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Mme PROCACCIA, rapporteur |
6 |
Suppression de l'article |
Adopté |