EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mercredi 29 janvier 2020, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport de Mme Pascale Gruny, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 166, 2019-2020) tendant à assurer l'effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève.
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - Monsieur le président, avant d'entamer l'examen de la proposition de loi tendant à assurer l'effectivité du droit au transport, améliorer les droits des usagers et répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève, il me revient de vous proposer un périmètre indicatif pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.
Je considère que ce périmètre inclut des dispositions relatives à la définition d'un niveau minimal de service devant être assuré par les entreprises de transport terrestre, aérien et maritime, à la prévention des conflits sociaux dans les entreprises de transport terrestre, aérien et maritime, à l'encadrement de l'exercice du droit de grève dans les secteurs des transports terrestres, aériens et maritimes et aux modalités de remboursement des usagers qui n'ont pu utiliser le moyen de transport pour lequel ils avaient acheté un abonnement ou un titre de transport.
En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé des amendements relatifs à l'encadrement du droit de grève dans tout autre secteur que ceux des transports terrestres, aériens et maritimes, à la régulation économique du secteur des transports, aux règles tarifaires en matière de transports, à la détermination des collectivités compétentes en matière de transports et à l'organisation des entreprises et des établissements publics de transport ou au statut de leurs personnels.
J'en viens à présent à mon rapport sur la proposition de loi.
L'épisode de grève d'une durée sans précédent dont notre pays sort à peine est venu rappeler que l'absence de certains services publics, notamment en matière de transports, peut avoir des conséquences importantes pour l'ensemble de la société. Ces conséquences sont de natures diverses.
La paralysie des transports publics a entraîné des difficultés parfois considérables pour nos concitoyens habitant loin de leur lieu de travail. Ceux qui en ont les moyens ont dû assumer des frais d'hébergement ou de garde d'enfant. Plus largement, c'est la liberté d'aller et venir sur le territoire qui a pu, par moment, être privée d'effectivité. Cette situation s'est traduite par un regain des transports individuels, à l'heure où la promotion des transports collectifs apparaît comme une réponse essentielle aux enjeux environnementaux.
En outre, la saturation des infrastructures ferroviaires et routières a pu créer des situations de danger d'autant plus grave que la capacité des services de secours à intervenir rapidement était réduite. L'affluence dans les gares d'Île-de-France a d'ailleurs conduit la RATP et la SNCF à fermer, pour raison de sécurité, certaines interconnexions, augmentant par là même les perturbations subies par les usagers.
Une telle situation a par ailleurs eu des conséquences économiques non négligeables pour les commerçants, ainsi que pour un certain nombre d'activités économiques. La priorité ayant été donnée aux rares trains de voyageurs qui circulaient, le fret ferroviaire, que des considérations écologiques poussent à soutenir, a été durement affecté.
Si la situation s'est aujourd'hui nettement améliorée, cette expérience encore bien présente dans nos mémoires doit nous pousser à nous interroger sur les moyens de garantir la continuité du service public et la liberté d'aller et venir et, plus largement, d'assurer la couverture des besoins essentiels de la population.
Le préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ». Par cette formule, le constituant a, d'une part, fait de la cessation concertée du travail un droit constitutionnel, mais habilité, d'autre part, le législateur à en définir les limites. C'est ce qu'a régulièrement jugé le Conseil constitutionnel, estimant que le droit de grève pouvait être limité pour assurer un équilibre avec d'autres principes de valeur constitutionnelle, comme la continuité du service public, ou plus largement pour permettre la sauvegarde de l'intérêt général.
C'est ainsi que le législateur a pu prévoir des aménagements du droit de grève visant à assurer la continuité du service public, aménagements qui peuvent concerner tant des agents publics que des salariés de droit privé. Dans le secteur public, il a pu instaurer une obligation de préavis et même priver certaines catégories d'agents du droit de grève.
Dans le secteur des transports publics, la loi de 2007 a prévu un encadrement spécifique. Ainsi, le dépôt d'un préavis de grève doit être précédé du déclenchement d'une procédure d'alarme sociale et les salariés souhaitant se mettre en grève sont tenus de le déclarer à leur employeur au moins 48 heures à l'avance. L'employeur est ainsi en mesure d'adapter son service pour tenir compte des priorités fixées par l'Autorité organisatrice de transports (AOT). De l'avis des entreprises de transport, mais également des organisations syndicales que j'ai auditionnées, ces dispositions ont eu un effet bénéfique, d'une part, en améliorant le dialogue social, d'autre part, en permettant de donner aux usagers une information fiable sur le service assuré.
Pour autant, la loi de 2007 atteint ses limites, lorsqu'un conflit trouve son origine dans des décisions sur lesquelles l'employeur n'a pas de prise. En outre, si elle prévoit la définition de différents niveaux de service en fonction de la perturbation, elle ne permet pas d'assurer un service minimal permettant de couvrir les besoins essentiels de la population en cas de mouvement de grève très suivi.
La proposition de loi déposée par notre collègue Bruno Retailleau et que nous sommes nombreux, de différents groupes, à avoir cosignée s'inscrit dans le prolongement de la loi de 2007, mais cherche à changer la logique qui la guidait. Il ne s'agit plus de partir du service qui peut être assuré compte tenu du nombre de grévistes, mais bien de partir des besoins essentiels de la population et de prévoir les moyens d'assurer la couverture de ces besoins.
Le texte introduit donc un droit pour les usagers à un service minimum de transport en cas de grève et ne limite le droit de grève que dans la mesure où cela est nécessaire pour garantir ce droit.
La proposition de loi fixe le niveau minimal de service à un tiers du service normal, concentré aux heures de pointe, ce niveau pouvant être modulé par l'autorité organisatrice de transports. Les entreprises de transport seraient tenues de requérir les personnels nécessaires pour assurer ce service minimal, sous peine d'amende administrative prononcée par l'autorité organisatrice de transports.
Ce dispositif, qui constitue le coeur de la proposition de loi, est prévu par son article 3. Je vous proposerai un amendement tendant, tout en permettant d'atteindre l'objectif poursuivi par les auteurs du texte, à le sécuriser. Il me semble en effet que le niveau minimal d'un tiers du service normal n'est pas une référence nécessaire. En effet, les réalités ne sont pas les mêmes d'un territoire à l'autre, selon qu'il existe ou non des alternatives aux transports publics. Il ne semble pas souhaitable de prévoir une référence unique valable aussi bien pour le métro parisien que pour les TER et les TGV. En outre, lorsque l'offre en transports publics est diversifiée, par exemple en zone urbaine quand il existe à la fois des bus et des métros, il convient d'adopter une approche globale. Par ailleurs, il existe des territoires dans lesquels les besoins essentiels de la population peuvent être couverts grâce à des niveaux de service très variables.
Dès lors, restreindre le droit de grève sans l'adapter aux besoins réels de la population pourrait constituer une atteinte excessive à un droit de valeur constitutionnelle. Une telle proposition encourrait très probablement la censure du Conseil constitutionnel.
Je note d'ailleurs que la règle d'arrondi à l'entier supérieur conduirait en pratique, lorsqu'il n'existe que quelques dessertes par jour, à un niveau nettement supérieur à un tiers.
Enfin, le législateur n'est pas nécessairement le mieux à même de définir de manière générale et absolue le niveau minimal de service qui est nécessaire pour couvrir les besoins essentiels de la population. Je vous proposerai donc de laisser aux autorités organisatrices, c'est-à-dire le plus souvent aux régions ou aux intercommunalités, le soin de définir au cas par cas le niveau minimal de service nécessaire. Cette définition prendrait la forme d'une délibération, susceptible d'être déférée devant le juge administratif.
Par hypothèse, une situation dans laquelle ce niveau minimal ne serait pas assuré constituerait une atteinte aux besoins de la population et autoriserait une limitation du droit de grève. Toutefois, on peut estimer que la population a une capacité d'adaptation, voire de résilience. Je proposerai donc de permettre un délai de carence de trois jours, à l'issue duquel l'autorité organisatrice pourrait enjoindre aux entreprises concernées de requérir les personnels nécessaires. Un salarié qui refuserait de se conformer à l'ordre de son employeur formulé dans ce cadre ferait alors un usage illicite de son droit de grève, comme aujourd'hui le salarié des transports publics qui fait grève sans préavis ou sans en avoir informé son employeur 48 heures à l'avance. Il serait donc passible de sanctions disciplinaires.
L'article 1 er de la proposition tend par ailleurs à étendre les dispositions de la loi de 2007 aux liaisons maritimes pour la desserte des îles françaises. Je vous proposerai de compléter ces dispositions.
L'article 8 concerne le secteur aérien. Si la loi de 2012 a étendu les dispositions de la loi de 2007 à ce secteur presque complètement libéralisé et régi par le droit européen de la concurrence, le Conseil constitutionnel n'avait validé cette extension qu'au regard des risques pour l'ordre public en cas d'affluence vers les aéroports de passagers dont le vol a été supprimé. Les salariés concourant au transport aérien sont ainsi tenus de se déclarer grévistes à l'avance.
Toutefois, s'il est évident que les transports terrestres sont essentiels à la population, c'est moins clair s'agissant des transports aériens. Je vous proposerai donc de limiter l'application du dispositif aux seules lignes sous obligation de service public. Il me semble par ailleurs souhaitable de renforcer la possibilité pour les compagnies aériennes de réorganiser le service, en utilisant les déclarations individuelles d'intention de faire grève.
Enfin, la proposition de loi prévoit des dispositions relatives au remboursement des usagers qui n'ont pas pu voyager. En effet, les transporteurs proposent bien souvent un échange ou un avoir, alors que les usagers sont, me semble-t-il, en droit d'attendre un remboursement, de préférence sans avoir à en faire la demande. Sous réserve de modifications rédactionnelles, je vous proposerai d'adopter cet article.
Je vous proposerai par ailleurs de compléter cette proposition de loi par des dispositions de nature à lutter contre des abus du droit de grève qui ont été observés et qui pénalisent indûment les usagers.
Dans le secteur public, un mouvement de grève doit être précédé du dépôt d'un préavis par une organisation syndicale représentative. En outre, dans le cas particulier des transports, la procédure d'alarme sociale vise à désamorcer, par la négociation, les conflits avant qu'ils ne débouchent sur une grève, et donc sur des perturbations pénalisantes pour les usagers. Employeurs et organisations syndicales s'accordent pour dire que cette avancée introduite par la loi de 2007 a permis d'améliorer le dialogue social et de réduire la conflictualité. Pourtant, on observe des stratégies visant à contourner cette obligation de négociation, et même l'obligation de préavis. Il n'est ainsi pas rare que des organisations syndicales déposent des préavis très longs, parfois de plusieurs années, ou des préavis illimités sur des sujets très larges, comme les salaires ou les conditions de travail. Ces préavis demeurent en vigueur même si le conflit a cessé, si bien qu'à tout moment des salariés peuvent se mettre en grève, en n'ayant à respecter que le délai de prévenance de 48 heures.
Il s'agit là d'un contournement manifeste de la loi de 2007, qui conduit à miner son efficacité. Cependant, il ne m'apparaît pas souhaitable de limiter la durée des préavis de grève. En effet, on ne peut pas connaître ex ante la durée d'un conflit. Je vous proposerai donc un amendement aux termes duquel un préavis de grève peut être déclaré caduc par l'entreprise, dès lors qu'il n'a été suivi par aucun salarié pendant une période de cinq jours. Cet amendement n'entrave pas la liberté des organisations syndicales qui pourront toujours appeler à la grève, dès lors qu'elles l'estimeront nécessaire.
Je vous proposerai également un amendement visant à lutter contre les grèves de très courte durée, dites « de 59 minutes », qui désorganisent fortement le service. On comprend en effet qu'un conducteur de bus ou de tramway qui a décidé de se mettre en grève pendant une heure au milieu de son service oblige son employeur à le remplacer pour l'intégralité de ce service, sans qu'il soit nécessairement possible de le réaffecter lorsque sa grève prend fin.
À l'initiative du Sénat, la loi du 6 août dernier de transformation de la fonction publique a permis aux collectivités d'imposer à certains agents, notamment à ceux des services publics de transport exploités en régie, de faire grève du début à la fin de leur service. Cette disposition a été validée par le Conseil constitutionnel. Dans la mesure où la gestion des services publics de transport est fréquemment déléguée, il apparaît logique que cette disposition soit étendue aux entreprises chargées d'une délégation de service public.
C'est en plein accord avec l'auteur de la proposition de loi que je soumettrai à votre vote ces amendements visant à en sécuriser les dispositions et à améliorer l'effectivité de la continuité des transports. Sous les réserves que j'ai exposées, je vous inviterai à adopter la proposition de loi, dont, vous l'avez compris, je soutiens pleinement les objectifs.
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Cette proposition de loi n'est ni négociable ni amendable : nous la rejetons en bloc. Elle ne vise qu'à restreindre et remettre en cause le droit de grève, droit constitutionnel obtenu par la lutte des travailleurs et des travailleuses de ce pays. C'est une nouvelle attaque contre les salariés du transport et notamment les cheminots, qui sont injustement décriés. Vos arguments pour remettre en cause le droit de grève sont fallacieux : droit au transport, liberté d'aller et venir, liberté d'accès aux services publics, liberté du travail, etc. Cette proposition de loi est inacceptable.
Vous donnez aux élus régionaux la responsabilité d'organiser le service minimum. Or les régions ne sont pas toutes gérées de la même façon, ni administrativement ni politiquement. Cela créera donc de grandes disparités sur le territoire et les salariés concernés ne seront pas traités équitablement.
Nous défendrons bec et ongles le droit de grève accordé aux travailleurs et travailleuses de ce pays.
Mme Frédérique Puissat . - Je remercie notre rapporteur. Cette proposition de loi est bienvenue. Nous faisons un exercice d'équilibriste : nous défendons le droit de grève, mais aussi l'intérêt général, qui peut être entravé par le droit de grève. Je suis notamment favorable à l'interdiction des grèves de 59 minutes, qui constituent un détournement de la loi.
L'article 6 s'appliquera à tous les types de transport collectif : les petites entreprises de transport seront-elles en capacité de faire face à ces nouvelles obligations ?
Mme Laurence Rossignol . - Ce texte a une vertu : alors que le front syndical se fissurait, il a réussi à refaire l'unanimité syndicale contre lui !
Je partage les propos de ma collègue Cathy Apourceau-Poly, tant sur la forme que sur le fond. Ce texte porte atteinte au droit de grève. Paradoxe : ceux-là mêmes qui ont souhaité la fin du statut des cheminots proposent une réquisition qui ne peut concerner que des personnels sous statut... C'est l'inconvénient de vos positions libérales : sans statut, vous ne pourrez plus réquisitionner les cheminots ! On peut ainsi réquisitionner des personnels d'EDF qui sont sous statut, non pas parce que la grève gêne, mais parce qu'elle constituerait un trouble à l'ordre public d'une particulière gravité, par exemple la sécurité d'une centrale nucléaire. Que la grève gêne, c'est dans sa nature et c'est la condition de son efficacité.
Nous nous opposerons à ce texte.
M. Michel Forissier . - La virulence de nos collègues me surprend. Pour des raisons écologiques, priorité est désormais donnée aux transports collectifs ; or la contrepartie doit être que ces transports fonctionnent et ne puissent pas être totalement bloqués par quelques personnes !
Contrairement à ce qui est dit, ce texte n'est pas une attaque contre le droit de grève, c'est un aménagement tenant compte des réalités économiques et sociales d'aujourd'hui. Les catégories sociales favorisées trouveront toujours le moyen de se déplacer, mais malheureusement l'ascenseur social fonctionne plutôt à l'envers et il y a de moins en moins de personnes riches...
Mme Cathy Apourceau-Poly . - C'est une blague !
M. Michel Forissier . - C'est mon sentiment. Et ce sont les classes populaires qui subissent les grèves.
Je souhaite que ce débat continue et s'ouvre avec les syndicats ; il y va de leur crédibilité. Le droit de grève doit être proportionné et le climat social doit être plus apaisé dans nos entreprises, comme c'est le cas dans d'autres pays. En tant que cosignataire de ce texte, je considère qu'il est porteur d'une avancée sociale considérable.
M. Daniel Chasseing . - Je tiens à féliciter notre rapporteur. Ce texte constitue un encadrement, et non pas une remise en cause, du droit de grève, qui demeure un droit constitutionnel.
Lorsque les grèves bloquent le pays, les conséquences économiques sont immenses pour les petits commerçants et entreprises - avec, notamment, des licenciements -, particulièrement dans les grandes métropoles. Certaines personnes n'ont pas de voiture, car elles se déplacent exclusivement en transport en commun. Dans de nombreux pays européens, ce minimum de transport existe sans être remis en cause.
Il faut une continuité minimale du service public, car la loi de 2007 a été contournée. Les régions appliqueront la loi, il ne devrait pas y avoir de difficulté.
Je suis favorable au rapport qui vient de nous être présenté.
M. René-Paul Savary . - À l'occasion des auditions que je mène actuellement en tant que rapporteur sur les projets de loi relatifs au système universel de retraite, j'ai rencontré les syndicats et j'ai ainsi pu comprendre pourquoi ils en étaient arrivés là : les engagements n'ont pas été tenus ! Lors de la réforme des statuts de la SNCF, il leur avait été promis qu'on ne toucherait pas à la retraite... Et la violence paye : regardez les pompiers ! Le Gouvernement cède sur la prime de feu après deux jours de grève, avec les départements comme payeurs. Il y a un manque de discussion. Là où il y a du dialogue social, il n'y a pas de manifestation : dans le département que j'ai présidé pendant 15 ans, j'ai eu des discussions permanentes avec les responsables syndicaux et je n'ai jamais connu un seul jour de grève.
Les grèves n'ont pas impacté le milieu rural : dans mon secteur, nous n'avons pas de transport public !
Pourquoi prévoir un délai de carence de trois jours avant de déclencher le service minimum ? Un tel délai n'existe pas dans le secteur hospitalier par exemple. Les entreprises de transport doivent avoir préparé des plans d'activité minimale qui se mettent en place dès le premier jour de la grève.
S'agissant du secteur aérien, pourquoi la proposition de loi se limite-t-elle aux lignes sous obligation de service public, qui sont, à ma connaissance, très peu nombreuses ?
Mme Jocelyne Guidez . - On oublie de parler de nos îles d'outre-mer. La Martinique a ainsi été bloquée pendant 15 jours par une grève du transport maritime : les habitants sont pris en otage, soit qu'ils subissent les augmentations de prix, soit qu'ils soient confrontés à des pénuries, soit qu'ils soient mis au chômage, etc. J'ai cosigné cette proposition de loi.
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - Le droit de grève n'est pas remis en cause par la proposition de loi, mais nous l'encadrons, dans le secteur des transports, afin d'assurer les besoins essentiels de la population. En tant qu'élus, nous devons faire attention aux personnes les plus en difficulté. Je connais un monsieur qui prend le train chaque jour à 5 heures du matin pendant 1 h 20 afin de se rendre à son travail en région parisienne et il n'a pas les moyens de se payer un logement sur place : quelle réponse pouvons-nous lui apporter ? Certains employeurs peuvent penser que les personnes empêchées font grève ! Le droit de grève n'est pas absolu et il revient, selon le Conseil constitutionnel, au législateur de rechercher un équilibre. La loi de 2007 proposait d'adapter le service en fonction du nombre de grévistes ; cette proposition de loi part des besoins de la population.
Sur le terrain, les élus régionaux sont d'abord attentifs aux besoins de leurs concitoyens et font moins de politique politicienne que vous semblez le suggérer.
L'obligation de remboursement concerne les services publics, les petites entreprises pourront effectuer des remboursements par voie dématérialisée, comme cela se fait déjà chez les commerçants.
Alors que la loi de 2007 instaurait un minimum de service, notre souhait aujourd'hui est de mettre en place un véritable service minimum. Nous avons reçu les syndicats qui ont accepté de se déplacer pour leur expliquer le nouvel équilibre que nous souhaitions instaurer. La réquisition ne concerne pas que les salariés à statut : en 2010, un préfet a réquisitionné des salariés d'une raffinerie Total. Notre proposition concerne les services publics.
Je remercie Michel Forissier pour son soutien affirmé et je partage ses arguments : certaines personnes peuvent se loger ailleurs, se déplacer en voiture, faire garder leurs enfants pendant une grève ; d'autres pas.
En Allemagne, les syndicats limitent d'eux-mêmes l'exercice de leur droit de grève, pour ne pas porter atteinte aux besoins de la population.
Mme Laurence Rossignol . - C'est tellement mieux l'Allemagne !
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - En Italie également, les grévistes adaptent la grève afin de moins gêner la population.
Une douzaine de lignes de transport aérien sont sous obligation de service public. Les autres sont soumises à la concurrence d'autres moyens de transport et relèvent du droit européen de la concurrence. Il me semble qu'il n'est pas nécessaire de prévoir un service minimum pour ces lignes.
J'ai estimé que le délai de carence permettait un équilibre : pendant quelques jours, les usagers des transports peuvent trouver des solutions, et les entreprises de transport peuvent s'organiser et préparer d'éventuelles réquisitions, qu'elles ne feront jamais de gaieté de coeur.
Nous avons conscience que les îles ultra-marines peuvent être fortement touchées par les grèves. C'est pourquoi nous avons travaillé sur les questions du transport aérien et maritime.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - Mon amendement COM-5 étend au secteur du transport maritime des dispositions de la loi de 2007 sur l'exercice du droit de grève.
En effet, les transports maritimes pour la desserte des îles françaises ne sont pas couverts par les dispositions de la loi de 2007. La proposition de loi prévoit l'extension des dispositions relatives à la définition de priorités de dessertes et de plans de transport adaptés. Toutefois, elle ne prévoit pas l'extension des dispositions relatives à l'alarme sociale et à la déclaration individuelle d'intention de faire grève, qui a été codifiée dans une autre partie du code des transports. Or, il ressort des auditions que j'ai menées que ces dispositions visant à améliorer le dialogue social et à renforcer la prévisibilité pour les usagers trouveraient utilement à s'appliquer au secteur maritime.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'amendement de coordination COM-4 est adopté.
L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - Mon amendement COM-6 réécrit l'article 3 qui est le coeur du dispositif de cette proposition de loi.
Plutôt que d'inscrire dans la loi un niveau minimal correspondant à un tiers du service normal, que l'autorité organisatrice pourrait éventuellement moduler, je propose de laisser à l'AOT toute latitude pour définir, compte tenu des réalités de son territoire et des autres moyens de transport existants, le niveau minimal correspondant à la couverture des besoins essentiels de la population. Le cas échéant, le juge administratif pourrait être saisi pour contrôler la proportionnalité de la délibération de l'AOT. Un délai de carence de trois jours, à l'issue duquel l'AOT enjoindrait aux entreprises concernées de requérir les salariés nécessaires, est prévu. Il s'agit d'un encadrement du droit de grève conforme à la jurisprudence constitutionnelle. Un salarié requis qui refuserait de reprendre le travail serait passible de sanctions disciplinaires, car il ferait alors un usage illicite de son droit de grève.
L'amendement COM-6 est adopté ; les amendements COM-1 , COM-2 et COM-3 deviennent sans objet.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement de suppression COM-7 est adopté.
L'article 4 est supprimé.
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - L'article 5 prévoit une obligation pour l'entreprise de transport de tenir l'AOT informée de l'avancée des négociations qui doivent se tenir pendant la durée d'un préavis de grève. Cela me paraît pertinent, mais il convient alors de prévoir la même obligation à propos des négociations qui doivent se tenir en amont, dans le cadre du dispositif d'alarme sociale. Tel est l'objet de mon amendement COM-8 , qui prévoit également que l'entreprise de transport informe l'AOT des éventuelles difficultés qu'elle anticipe dans la mise en oeuvre de son plan de transport adapté, ce qui doit permettre d'assurer les dessertes prioritaires définies par l'AOT.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - L'article 6 prévoit que l'entreprise de transport est présumée responsable de la perturbation si elle n'a pas fait usage des prérogatives de réquisition qui lui étaient conférées par l'article 3. Mon amendement COM-9 opère une mesure de coordination avec la rédaction que nous avons adoptée, qui prévoit que c'est sur injonction de l'AOT que l'entreprise pourra requérir ses salariés.
Ce même article 6 est également relatif aux modalités de remboursement des usagers ; l'amendement vise à en simplifier la rédaction tout en en conservant les principes.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7
L'amendement de coordination COM-10 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - L'article 8 adapte au transport aérien les dispositions introduites par la proposition de loi, y compris la possibilité de requérir les salariés nécessaires pour assurer le service minimum. Le secteur du transport aérien étant encadré par le droit européen de la concurrence, mon amendement COM-11 vise à limiter ces dispositions aux seules lignes sous obligation de service public. Le ministre chargé de l'aviation civile sera tenu de prévoir, d'une part, les obligations de service normal et, d'autre part, le service minimal garanti pour couvrir les besoins essentiels de la population. Lorsque ce niveau minimal n'aura pas été assuré pendant trois jours en raison d'un mouvement de grève, les personnels nécessaires pourront être requis.
Par ailleurs, cet amendement permet aux compagnies aériennes d'utiliser les informations contenues dans les déclarations individuelles d'intention de faire grève pour réorganiser le service avant une grève.
L'amendement COM-11 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 8
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - L'amendement COM-12 vise à considérer que le préavis est caduc lorsqu'il n'a pas été suivi pendant cinq jours.
L'amendement COM-12 est adopté et devient article additionnel.
Mme Pascale Gruny , rapporteur . - L'amendement COM-13 est relatif aux grèves de courte durée. Il prévoit que l'entreprise puisse imposer aux salariés désirant se mettre en grève de le faire du début à la fin de leur journée de travail, dans les cas où l'exercice du droit de grève entraîne un risque de désordre manifeste dans l'exécution du service.
L'amendement COM-13 est adopté et devient article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1
er
|
|||
Mme GRUNY, rapporteur |
5 |
Extension au secteur du transport maritime des dispositions de la loi de 2007 sur l'exercice du droit de grève |
Adopté |
Mme GRUNY, rapporteur |
4 |
Amendement de coordination |
Adopté |
Article 3
|
|||
Mme GRUNY, rapporteur |
6 |
Rédaction globale |
Adopté |
M. MASSON |
1 |
Augmentation du service minimum garanti dans les transports en cas de grève à 50 % du service normal |
Satisfait
|
M. MASSON |
2 |
Suppression de la priorité donnée aux périodes de pointe pour la garantie du service minimum |
Satisfait
|
M. MASSON |
3 |
Suppression de la priorité donnée aux périodes de pointe pour la garantie du service minimum |
Satisfait
|
Article 4
|
|||
Mme GRUNY, rapporteur |
7 |
Suppression de l'article |
Adopté |
Article 5
|
|||
Mme GRUNY, rapporteur |
8 |
Information par l'entreprise de l'avancée des négociations dans le cadre de la procédure d'alarme sociale |
Adopté |
Article 6
|
|||
Mme GRUNY, rapporteur |
9 |
Précisions relatives aux modalités de remboursement des usagers |
Adopté |
Article 7
|
|||
Mme GRUNY, rapporteur |
10 |
Amendement de coordination |
Adopté |
Article 8
|
|||
Mme GRUNY, rapporteur |
11 |
Restriction du service minimum aux lignes aériennes sous obligation de service public |
Adopté |
Articles additionnels après l'article 8 |
|||
Mme GRUNY, rapporteur |
12 |
Caducité des préavis de grève en l'absence de grévistes |
Adopté |
Mme GRUNY, rapporteur |
13 |
Possibilité pour les entreprises d'imposer à leurs salariés de faire grève du début à la fin de leur service |
Adopté |