D. UNE FORTE AUGMENTATION DU BUDGET MAIS SANS LIGNE DIRECTRICE PARTAGEABLE

Au total, la dotation du programme attendue pour 2020, qui s'élève à 569,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) contre 534,9 millions d'euros l'an dernier, et à 570,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), contre 535,8 millions d'euros d'AE en 2019, extériorise une hausse des dotations assez franche par rapport à 2019, d'autant qu'elle est tributaire d'une réduction du périmètre des crédits pris en charge par le programme.

À périmètre courant, l'augmentation des moyens s'élève à 6,4 % pour les crédits de paiement (+ 34,7 millions d'euros). À périmètre constant, une fois neutralisés les transferts mis en oeuvre dans le cadre de la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat qui conduit à attribuer la responsabilité budgétaire de 213 ETPT 32 ( * ) (au nouveau programme 354) de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » (AGTE), l'augmentation des moyens est encore plus nette.

Après prise en compte de tous les transferts sortants (13,9 millions d'euros), la progression des crédits du programme atteint 48,6 millions d'euros, soit plus de 9 %.

1. Une augmentation des crédits sans cohérence évidente avec la programmation indiquée par le projet de loi de finances rectificative pour 2019

L'augmentation des crédits demandés au titre du programme, de 48,6 millions d'euros à périmètre constant, se répartit entre les dépenses de personnel (+ 8 millions d'euros) et les autres dépenses (26 millions d'euros).

Pour ces dernières, le supplément de moyens se partage à peu près à égalité entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention, les dépenses d'investissement progressant de 1,5 million d'euros. Mais, considérée relativement, la hausse des dépenses d'intervention est très nettement supérieure à celle des dépenses de fonctionnement.

À périmètre courant (homologue au périmètre constant à 1 million d'euros près pour ce type de dépenses), les dépenses de fonctionnement augmentent de 12,8 millions d'euros (+ 7,5 %) et les dépenses d'intervention de 13,3 millions d'euros (+ 22 %).

Évolution des dotations du programme 206
entre 2019 et 2020 (périmètre courant)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2020

Les besoins en autorisations d'engagement identifiés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019 très récemment proposé par le Gouvernement (18,3 millions d'euros pour des ouvertures nouvelles en AE de 13,3 millions d'euros) rendent obsolète la programmation financière pour 2020.

2. Une progression des crédits de personnel principalement due à la perspective du Brexit : une réelle justification ?

De façon générale, la structure par nature des dépenses du programme fait ressortir la prédominance des dépenses de personnel (crédits de titre 2) suivies par les dépenses de fonctionnement et par les dépenses d'intervention.

Structure des crédits du programme par nature en 2020

(en millions d'euros et en %)

En niveau

En % du total des crédits
du programme

Dépenses de personnel

316,9

55,6%

Dépenses de fonctionnement

171,8

30,2%

Dépenses d'intervention

72,9

12,8%

Dépenses d'investissement

8

1,4%

Total

569,6

100%

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2020

En dépit de l'allègement de la masse salariale du programme du fait des transferts sortants déjà mentionnés (8,9 millions d'euros hors contributions employeur au CAS « Pensions », soit 13 millions d'euros ces dernières incluses), les crédits de titre 2 progressent de 8 millions d'euros (soit 21 millions d'euros à périmètre constant).

L'augmentation des charges de personnel atteint ainsi 2,60 % à périmètre courant et 6,8 % à périmètre constant.

Dans un contexte marqué par un gel du point d'indice de la fonction publique, les mesures catégorielles (470 000 euros), le glissement vieillesse technicité (GVT) pour 2,1 millions d'euros et des évolutions indemnitaires (notamment les indemnités au titre du compte épargne temps) constituent les seuls ressorts de la variation de la masse salariale. La baisse des dépenses liées au contentieux des vétérinaires en mission (- 500 000 euros) et le dénouement de mesures temporaires liées à la perspective du Brexit font plus qu'en compenser les effets.

En revanche, les créations d'emplois destinés au contrôle aux frontières dans cette même perspective pèsent sur la programmation budgétaire pour 2020.

Le plafond d'emplois du programme est relevé, passant de 4 695 ETPT à 4 792 ETPT (soit + 97 ETPT). Cette augmentation provient de deux évolutions de sens contraire : la réduction des ETPT pris en charge par le programme du fait des transferts vers la mission AGTE, déjà mentionnés ; dans un autre sens, la création de 300 ETPT correspondant pour l'essentiel (296 ETPT) au schéma d'emplois mis en place pour, selon le ministère, assurer le renforcement des contrôles aux frontières suite au Brexit.

Ces emplois entraînent une charge nouvelle de 11 millions d'euros à laquelle il convient d'ajouter pour apprécier leur impact sur la masse salariale du programme le montant des contributions employeur au CAS « Pensions » qui leur correspondent.

Les créations d'emplois prévues en 2020 s'ajoutent aux 40 ETPT créés en 2019 33 ( * ) , de sorte que le Brexit devrait se traduire, pour la seule direction générale de l'alimentation (DGAL), par un alourdissement des emplois de 640 ETPT, soit 7,2 % du plafond d'emplois autorisé en 2019.

Au total, le ministère chiffre les besoins de contrôle aux frontières suscités par la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne à 7 % de ses effectifs, ce qui paraît considérable et mérite, à ce titre, une certaine attention.

Éléments sur l'appréciation des effets du Brexit sur les besoins perçus par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation

En réponse à une question de vos rapporteurs spéciaux sur l'impact du Brexit sur les besoins du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, les éléments de réponse suivants ont été transmis :

La sortie du Royaume-Uni de l'UE (« Brexit ») au 31 octobre 2019 sans qu'aucun accord n'ait été conclu, aura pour conséquence le rétablissement immédiat des contrôles sanitaires et phytosanitaires (SPS) aux frontières pour les animaux vivants, végétaux et produits d'origine animale et végétale en provenance du Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni constitue un partenaire commercial essentiel pour la France dans les secteurs agricoles et agro-alimentaires. En matière d'importations de produits agro-alimentaires, le Royaume-Uni constitue le sixième pays fournisseur de la France (2,1 milliards d'euros de produits agro-alimentaires britanniques importés annuellement), et en particulier le deuxième fournisseur de produits de la pêche. Mais, au-delà des importations destinées directement à notre pays, la France constitue par sa position géographique, le premier point d'entrée continental des exportations britanniques destinées à l'ensemble de l'UE . Le transport des marchandises entre la Grande Bretagne et le continent européen est majoritairement effectué par camion, et aujourd'hui caractérisé par une grande fluidité. On estime qu'environ deux tiers de ces marchandises échangées empruntent le détroit du Pas-de-Calais, cette route étant aujourd'hui la plus rapide pour rallier le continent. Le nombre de lots à inspecter introduits depuis le Royaume-Uni par cette route pourrait représenter jusqu'à 1 million de contrôles SPS 34 ( * ) à effectuer, à l'importation, par an.

En préparation du Brexit, 185 ETP sont en cours de recrutement et de formation pour être complètement opérationnels le 31 octobre 2019. Ces effectifs sont affectés dans 11 points d'entrée de la façade Manche-Mer du Nord (dont 8 d'entre eux n'étaient pas des points d'entrée des animaux et de ce type de marchandises en provenance des pays tiers jusqu'alors ). Certains de ces points de contrôle seront ouverts 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 (Calais-port, Calais-tunnel et Dunkerque).

Si le Brexit est effectif et qu'aucun accord ne permet la libre circulation des animaux, végétaux et denrées alimentaires entre le Royaume-Uni et le continent européen , des recrutements supplémentaires seront nécessaires, non seulement pour les contrôles à l'importation, mais aussi pour assurer la certification des animaux, végétaux et denrées alimentaires à l'exportation vers le Royaume-Uni, et la formation de ces agents. Au total, pour faire face aux conséquences du Brexit, 300 ETPt sont inscrits au PLF pour 2020, qui s'ajoutent au 40 ETPt inscrits dans la LFI pour 2019.

La justification des créations d'emplois par le ministère invite à considérer qu'au-delà du commerce entre la France et le Royaume-Uni l'impact du Brexit doit tenir compte de la situation particulière de la France comme premier point d'entrée continental des exportations du R-U vers l'Union européenne. Elle souligne également la dépendance des créations d'emplois envisagées à l'absence d'un accord permettant la libre circulation des « marchandises » faisant l'objet des contrôles de la DGAL.

Il va de soi que les clauses d'un éventuel accord entre l'UE et le R-U devront être suivies avec attention afin de vérifier finement l'impact du Brexit sur les charges d'administration sanitaire du commerce international des denrées alimentaires pour la France.

Cependant, d'ores et déjà, vos rapporteurs spéciaux trouvent dans les perspectives résultant en ce domaine du Brexit l'occasion d'une interrogation sur les conditions de l'intégration européenne des contrôles aux frontières.

Le commerce international entre l'UE et le reste du monde tend à se polariser sur certains points de passage. Cette situation conduit régulièrement à une certaine perplexité quant aux moyens déployés par certains pays à fort trafic maritime pour assurer les contrôles nécessaires. Si le commerce dont s`agit peut engendrer des revenus très importants pour les pays concernés (ou, du moins, pour certains opérateurs économiques), il s'accompagne de coûts d'administration d'autant plus élevés que le commerce est dense. Or, comme ce semble devoir être le cas pour les denrées en provenance du R-U et importées en France, les produits entrants, devant être contrôlés, peuvent ne pas être destinés aux pays de première destination, devant ensuite être distribués dans l'espace de l'UE, où ils circulent librement. En bref, un pays de l'UE de première entrée est censé exposer des coûts de contrôle pour des produits qui ne sont pas nécessairement valorisés sur son territoire.

Il semble utile, à vos rapporteurs spéciaux, d'entamer une réflexion sur l'opportunité d'une plus forte intégration européenne des contrôles sanitaires aux frontières ayant pour vocation d'en mesurer l'harmonisation opérationnelle effective et d'en apprécier les équilibres financiers.

Par ailleurs, il y a lieu de considérer la situation actuelle d'armement des contrôles à l'importation en provenance de pays extérieurs à l'UE, situation dans laquelle se retrouverait le RU, une fois ce dernier sorti de l'UE.

À cet égard, le marché unique a déplacé les frontières sanitaires et phytosanitaires aux limites de l'Union européenne (UE) et instauré des points de contrôle obligatoires à l'entrée du territoire. Ainsi, les importations d'animaux, de végétaux et de leurs produits doivent être présentées dans des postes frontaliers disposant des installations nécessaires à l'inspection et des personnels compétents. Ils sont positionnés près des frontières, à des points de forte concentration du trafic (ports de commerce maritimes, aéroports internationaux et grands axes routiers), sachant que plus de 70 % des flux transitent - pour ce qui concerne les entrées sur le territoire européen via la France - par l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle et les ports du Havre et de Marseille-Fos.

Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) est en charge du contrôle vétérinaire à l'importation des animaux vivants et des produits d'origine animale. Ce contrôle vise à vérifier les garanties sanitaires apportées par ces importations en matière de santé animale et de santé publique. Le MAA est également en charge des contrôles phytosanitaires à l'importation sur les végétaux, c'est-à-dire de contrôles afférents à la santé des végétaux. Leur objectif est de prévenir l'introduction d'organismes nuisibles pour les cultures végétales et la flore sauvage de l'UE.

Au sein du MAA, depuis le 1 er janvier 2010, les postes d'inspection frontaliers (PIF) en charge des contrôles vétérinaires des animaux vivants et des produits d'origine animale, les points d'entrée communautaires (PEC) en charge des contrôles phytosanitaires des végétaux et produits végétaux et les points d'entrée désignés (PED) en charge des contrôles sanitaires des aliments pour animaux d'origine non animale ont été regroupés au sein d'un service à compétence nationale, appelé le Service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), rattaché à la direction générale de l'alimentation (DGAL). Ce dispositif permet de rapprocher les compétences des différents postes, lorsque le regroupement géographique est possible, et d'améliorer le service public offert aux importateurs. Leur pilotage direct par le niveau national permet de mieux harmoniser les contrôles afin de s'assurer que les marchandises sont traitées de manière homogène quel que soit leur point d'entrée.

En 2018, le SIVEP comptait 90 ETP . Il était par ailleurs doté en 2017 de 1,2 million d'euros de crédits de fonctionnement.

En bref, au terme du Brexit, le SIVEP verrait ses effectifs augmenter considérablement sans réelle proportion avec le poids du commerce international sous contrôle de la DGAL avec le R-U.

3. Un budget sous l'influence des crises sanitaires
a) Un budget sous le signe de l'aggravation des risques sanitaires

La composition structurelle du programme, évolue un peu par rapport à la loi de finances initiale de 2019. Le poids des deux premières actions du programme se renforce. Les évolutions concernant les autres actions s'en déduisent.

Évolution structurelle du programme 206
(2019-2020)

Source : commission des finances du sénat d'après le projet annuel de performances de la mission pour 2020

La surveillance des « matières premières » agricoles consacre à nouveau la prédominance de l'attention portée à la santé des animaux dans le cadre de l'action 02 (104,8 millions d'euros) par rapport à la prévention des risques portant sur les végétaux (action n° 01) (36,9 millions d'euros).

Ces deux actions enregistrent une hausse très significative de leurs moyens.

En ce qui concerne la surveillance des végétaux (action n° 01) , ce sont les crédits destinés aux FREDON qui expliquent la dynamique.

Les FREDON sont les organismes à vocation sanitaire (OVS) auxquels l'Etat délègue ses missions dans le domaine de la santé des végétaux. La législation européenne a été renforcée dans ce domaine en raison de la montée des risques pouvant affecter la santé des végétaux.

Le règlement 2016/2013/UE en particulier prévoit de nouvelles dispositions de contrôle de la circulation des végétaux qui doit de plus en plus se faire sous passeport phytosanitaire. Le resserrement des exigences suppose une charge de travail accrue pour les FREDON. L'Etat a décidé de leur attribuer 5,5 millions d'euros supplémentaires à ce titre (ce qui représente les quatre cinquièmes de l'augmentation de la dotation de l'action n° 01).

Quant aux crédits de l'action n° 02 , ils sont en hausse de 21 millions d'euros se partageant entre dépenses de fonctionnement (+ 15 millions d'euros) et dépenses d'intervention (+ 4,6 millions d'euros). Les risques aggravés sur le front des maladies animales potentiellement dangereuses pour l'homme justifient la hausse des crédits destinés à en prévenir l'apparition et la diffusion. Ils sont renforcés de 13 millions d'euros, soit plus qu'un doublement. La surveillance des encéphalopathies justifie quant à elle 15 millions d'euros.

Quant aux dépenses d'intervention, si les charges liées à la grande crise de l'influenza aviaire appartiennent au passé, les indemnités versées aux éleveurs sommés d'abattre les bêtes exposées à la tuberculose bovine pèsent (15,3 millions d'euros). Le plan Ecoantibio (voir ci-dessous) est doté de 2 millions d'euros, les crédits devant permettre aux groupements de défense sanitaires d'assurer la délégation de missions que leur confie l'Etat se montant à 7,3 millions d'euros.

La quasi-stabilité des dotations de l'action n° 03 consacrée au coeur de la politique visant à assurer la sécurité sanitaire des aliments mis à la consommation (hors les crédits de personnel afférents à ce type d'interventions) mérite d'être soulignée. Les crédits consacrés à la surveillance de la contamination des denrées et à la gestion des alertes sont pratiquement stabilisés alors même que les lacunes de cette surveillance, il est vrai partagée avec les services de la DGCCRF, apparaissent régulièrement.

La seule dotation connaissant une augmentation significative avait été l'an dernier celle des « actions transversales », du fait de la hausse de la subvention pour charges de service public versée à l'ANSES (près de 3 millions d'euros). L'an prochain, cette subvention baisserait passant de 68,7 millions d'euros à 64,5 millions d'euros (- 4,2 millions d'euros ).

b) Des missions qui excèdent les capacités
(1) Une impasse de financement est prévisible pour 2019

Le projet annuel de performances pour 2020 ne mentionne aucun report de charge de l'année 2019.

Or, l'exécution du budget semble avoir été débordée par des besoins nouveaux.

L'année a été marquée par l'augmentation des dépenses de gestion des foyers de tuberculose bovine et par les dépenses engagées pour prévenir l'introduction de la peste porcine africaine (PPA) sur le territoire national.

En outre, les prévisions actualisées de perception de fonds de concours correspondant à des co-financements européens ont été revues très sensiblement à la baisse.

Ainsi, les besoins de crédits pourraient dépasser les crédits disponibles de plus de 20 millions d'euros.

Un abondement du programme 206 sera donc nécessaire, d'ici la fin de l'année, pour faire face à cette situation, abondement dont les conditions mériteraient d'être précisées.

(2) La question des effectifs

Les effectifs mobilisés par la direction générale de l'alimentation pour accomplir ses missions ont été considérablement diminués avec les réformes successivement mises en oeuvre pour réduire l'empreinte du secteur public.

Malgré les ETPT créés ces dernières années pour combler le déficit de personnels dédiés à la surveillance sanitaire des abattoirs de volailles (180 au total), le nombre des agents oeuvrant pour la sécurité sanitaire de l'alimentation repose sur 2 014 ETP, soit moins qu'en 2015.

Évolution des emplois du programme 206 par spécialisation opérationnelle
(2015-2019)

ETPT

2015

2016*

2017

2018

2019

Missions transversales (y compris fonctions support)

875

985

887

892

888

Sécurité sanitaire de l'alimentation

2 025

1 919

1 999

2 015

2 014

Santé et protection animales

564

524

618

621

631

Santé, qualité et protection des végétaux

285

231

211

217

220

Import

89

83

94

96

98

Export (* dont Export PV)

183

204

240*

243

236

Environnement

267

271

264

263

260

Expertise (* Référent nationaux et personne ressources)

112

112

52*

55

59

Autres missions dont moyens d'ajustement

168

224

253

254

249

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La politique de sécurité sanitaire n'a pas vocation à être jugée sur le nombre des emplois qu'elle mobilise, d'autant que des gains d'efficience sont atteignables dans le cadre d'une bonne mesure des risques, de réorganisation administratives et fonctionnelles et de diffusion de l'innovation technique.

Il reste que des personnels sont nécessaires pour couvrir les contrôles indispensables à la maîtrise du risque sanitaire.

Ce point n'est discuté par personne ainsi que le constat qu'un renforcement des moyens humains des contrôles sanitaires s'impose devant des déficits unanimement reconnus.

Au demeurant, l'éventualité du Brexit avait justifié au Sénat la présentation d'un amendement visant à élever les effectifs du contrôle sanitaire au frontière et le Gouvernement de son côté propose une très forte augmentation des personnels destinés à cette mission.

Votre rapporteur spécial Yannick Botrel regrette qu'aucun autre emploi supplémentaire ne soit prévu pour adapter les moyens aux missions.

Parmi les mesures pouvant permettre de démultiplier l'efficacité des contrôles et ainsi de réduire les besoins en emplois figure notamment le statut des autocontrôles des entreprises.

S'agissant des autocontrôles réalisés par les entreprises, il n'est actuellement pas demandé aux laboratoires de transmettre toute analyse portant sur l'intégrité sanitaire des aliments.

Toutefois, à la suite de l'affaire dite « Lactalis », la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, une disposition a été introduite qui concerne les laboratoires réalisant des analyses d'autocontrôle. Il s'agit de l'article 50, lequel dispose que « les laboratoires sont tenus de communiquer immédiatement tout résultat d'analyse sur demande motivée de l'autorité administrative et d'en informer le propriétaire ou le détenteur des denrées concerné ».

On imagine sans peine les difficultés que peut poser la mise en oeuvre d'un tel dispositif, qui mériterait d'être revu.

(3) La question du financement des contrôles sanitaires

Le rapport du comité action publique 2022 avait relevé l'insuffisance des financements des coûts de maîtrise des risques sanitaires par les premiers bénéficiaires de ces actions et préconisé l'instauration d'un système de financement permettant d'y remédier.

Une taxe destinée à couvrir l'ensemble des risques de cette nature avait été annoncée. Le Gouvernement n'en a à ce jour pas pris l'initiative.

Vos rapporteurs spéciaux entendent donner quelques éléments permettant d'apprécier la situation.

Dans les domaines de la sécurité et de la qualité sanitaires de l'alimentation, plusieurs activités donnent lieu à l'acquittement de taxes, parfois appelées « redevances », conformément aux exigences de la réglementation européenne (règlement (CE) N°882/2004 et règlement (UE) n°2017/625 qui entre en application le 14 décembre 2019).

L'article 78 du règlement (UE) n°2017/625 impose en effet aux États membres de l'Union européenne (UE) une obligation de moyens pour réaliser les contrôles officiels ou autres activités officielles : « Les États membres veillent à ce que des ressources financières suffisantes soient disponibles pour permettre aux autorités compétentes de disposer du personnel et des autres ressources nécessaires à la réalisation des contrôles officiels et des autres activités officielles ». Pour répondre à cette obligation de moyens, les États membres sont incités à mettre en place des taxes ou redevances pour couvrir les frais générés par la réalisation des contrôles officiels et autres activités officielles.

Ces dispositions restent très générales et ne sont pas d'application obligatoire.

Néanmoins, le règlement (UE) n°2017/625 impose le prélèvement de taxe et redevances pour certaines activités listées ci-dessous.

Secteur des viandes de boucherie :

- l'abattage des animaux à l'abattoir et le traitement du gibier sauvage dans un atelier agréé,

- les opérations de découpe de viande avec os.

Ces deux activités nécessitent des contrôles officiels renforcés et une présence permanente des inspecteurs officiels en abattoir.

Secteur de la pêche :

- la première mise sur le marché des produits de la pêche ou de l'aquaculture,

- la préparation ou la transformation des produits de la pêche ou de l'aquaculture (dans un établissement terrestre ou dans un navire-usine).

Secteur de la transformation :

- les centres de collecte et les établissements de transformation recevant du lait cru, et les établissements de fabrication ou de traitement d'ovoproduits pour le contrôle de certaines substances et de leurs résidus,

- les entreprises agréées qui préparent, manipulent, entreposent ou cèdent des substances et des produits destinés à l'alimentation des animaux.

Secteur des importations :

- l'importation sur le territoire de l'UE de produits animaux ou d'origine animale, d'animaux vivants et d'aliments pour animaux,

- l'importation sur le territoire de l'UE de végétaux, produits végétaux et autres produits susceptibles d'être vecteurs d'organismes nuisibles aux végétaux.

La France se conforme à ces obligations européennes en ayant mis en place l'ensemble de ces redevances et en imposant les taux minima prévus à l'annexe IV du règlement (UE) n°2017/625. Les sommes collectées sont versées au budget général de l'État pour couvrir les dépenses de l'État pour la réalisation des contrôles officiels.

D'autres taxes, qui ne répondent pas aussi clairement à une obligation européenne, ont été créées en France :

-  taxe phytosanitaire pour la mise en circulation au sein de l'UE ou à l'exportation des végétaux,

- taxe pour la certification des mouvements d'animaux,

- taxe pour l'utilisation de la plate-forme Expadon 2.

Ces deux dernières taxes sont prélevées par FranceAgriMer et permettent de financer les dispositifs Certivéto (certification des animaux vivants pour les mouvements, par les vétérinaires) et Expadon 2 (maintenance de l'application).

En outre, l'ANSES perçoit, lors du dépôt de dossiers de demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) de médicaments vétérinaires ou de produits phytosanitaires, des taxes dont le produit est affecté pour permettre l'évaluation de ces dossiers et la gestion des AMM. Elle perçoit enfin deux autres taxes fondées sur les chiffres d'affaires générés par les AMM des médicaments vétérinaires et des produits phytosanitaires commercialisés sur le territoire français pour financer respectivement les dispositifs de contrôle des établissements pharmaceutiques vétérinaires et de phytopharmacovigilance.

Sur ces bases, les produits des taxes correspondantes apparaissent très inférieurs aux coûts engagés.

En ce qui concerne les contrôles à l'importation, ils donnent lieu à la perception d'environ 4 millions d'euros de produits. Le montant de la redevance pour contrôle vétérinaire, pour l'année 2016 a été de 3,0 millions d'euros et de 3,1 millions d'euros pour l'année 2017. Pour l'année 2018, le montant collecté est de 3,0 millions d'euros.

Pour les contrôles phytosanitaires (qui visent à s'assurer que les végétaux et produits végétaux ne sont pas vecteurs d'organismes nuisibles aux végétaux et qui ne concernent donc pas directement la sécurité sanitaire des aliments), il était de 0,9 million d'euros en 2016 et en 2017 ; et de 1,0 million d'euros en 2018.

Or, les frais de fonctionnement du service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières (SIVEP), intégrant la masse salariale, sont estimés à 7,05 millions d'euros pour 2018. Le montant des redevances collectées représente ainsi 57% des frais de fonctionnement du SIVEP.

Quant aux redevances sanitaires hors importations, leur niveau a atteint 52,5 millions d'euros en 2018. Après avoir nettement augmenté en 2015, il est désormais stable.

Évolution du montant des redevances sanitaires (2012-2018)

Intitulé des taxes/redevances

Référence du Code général des impôts

Montants perçus (en €)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Redevances sanitaires et découpage

Art. 302 bis N à 302 bis W

48 235 372

49 678 165

49 899 809

51 350 281

51 875 008

50 613 982

51 398 114

Redevance sanitaire de première mise sur le marché des produits de la pêche et de l'aquaculture

Art. 302 bis WA

281 326

118 518

117 184

36 891

27 480

32 352

23 275

Redevance sanitaire de transformation

Art. 302 bis WB

115 879

120 706

98 331

87 558

94 770

87 411

84 511

Redevance sanitaire pour le contrôle de certaines substances et de leurs résidus

Art. 302 bis WC

780 610

657 413

617 713

791 147

738 365

925 669

961 498

Redevance pour l'agrément des établissements du secteur de l'alimentation animale

Art. 302 bis WD

?

10 079

21 677

15 468

46 284

6 938

5 496

TOTAL

49 413 187

50 584 881

50 754 714

52 281 345

52 781 907

51 666 352

52 472 894

Source : Ministère de l'Économie et des Finances, DGFiP (R90)

Le montant des dépenses complètes relatives à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires (hors production primaire et hors importation) de 257,4 millions d'euros pour l'année 2018.

Ainsi, les participations des professionnels en dehors du secteur de la production primaire, à travers les taxes et redevances sanitaires, permettent de couvrir un peu moins de 20,4 % des dépenses occasionnées par le seul ministère de l'agriculture et de l'alimentation (hors subvention à des opérateurs délégataires) pour la sécurité sanitaire des aliments (hors production primaire et hors importation).

Cette part est cependant beaucoup plus importante pour les professionnels de l'abattage et de la découpe des viandes qui contribuent, via les redevances sanitaires d'abattage et de découpe, pour 51,4 millions d'euros (en 2018) aux dépenses engagées par les services du MAA pour le contrôle des activités d'abattage et de découpe.

4. Des résultats en-deçà des objectifs, l'apport ambigu d'un nouvel indicateur relatif au glyphosate

La maquette de performances du programme change à nouveau en 2020 après les évolutions mises en oeuvre l'an dernier.

Elle continue de nourrir une certaine perplexité.

Dans ce contexte si certains résultats apparaissent en progrès, la significativité des évolutions est sujette à caution.

Une maquette de performance qui suscite certaines interrogations

La maquette de performance du programme 206, a été profondément revue l'an dernier. Si les objectifs ont peu évolué, les indicateurs ont été largement remaniés au point d'être presque tous nouveaux.

Certaines évolutions ont suscité la perplexité. Ainsi en est-il allée de la concentration de l'indicateur de suivi du plan Ecoantibio sur la seule colistine. Il s'agit d' un antibiotique de première intention en médecine vétérinaire qui est très largement utilisé pour le traitement des infections gastro-intestinales et qui fait l'objet d'une recommandation de l'Anses, transcrite dans le plan Ecoantibio 2 sous la forme d'un objectif de réduction de son usage de 50 % d'ici fin 2021 pour les filières bovine, porcine et avicole qui concentrent 95 % du poids vif animal traité à la colistine. Vos rapporteurs spéciaux avaient suggéré que d'autres traitements antibiotiques d'importance critique méritaient aussi attention, que, d'ailleurs, une attention que leur reconnaissait l'ancien indicateur. Ils constatent que le dispositif de suivi pour 2020 demeure exclusivement centré sur la colistine.

L'inclusion au dispositif de suivi de la performance d'indicateurs relatifs à l'ANSES témoignait d'un progrès de méthode. Cependant, l'un de ces indicateurs concernait l'activité d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, des matières fertilisantes et supports de culture et des médicaments vétérinaires, composante des missions de l'agence dont vos rapporteurs spéciaux ont pu considérer qu'elle posait quelques problèmes au regard de sa mission générale, dans la mesure où elle dépasse la délivrance d'avis et implique des responsabilités pouvant mettre l'organisme en porte -à -faux en cas d'évolution des perceptions des risques associés à ces produits. En outre, le contenu de l'indicateur se révélait assez peu informatif quant aux performances de l'établissement. Dans ces conditions, l'apport de l'indicateur pouvait être considéré comme ambivalent.

Il convenait de se féliciter plus pleinement de l'extension du suivi des non-conformités révélées par les contrôles sanitaires à l'ensemble du périmètre du programme 206. L'indicateur précédent était limité aux établissements agréés du domaine de la sécurité sanitaire des aliments, ce qui pouvait constituer un biais. Cet élargissement accompagne la déclinaison de la politique de mise en oeuvre de suites pour tous les domaines d'inspection, qui verra notamment la publication en 2018 d'une instruction spécifique pour les domaines de la santé, qualité et protection des végétaux. Par ailleurs, compte tenu des crises constatées dans le secteur, la création d'un sous-indicateur spécifiquement consacré aux inspections de mesures de biosécurité dans les élevages avicoles et de palmipèdes est tout à fait justifiée. Vos rapporteurs spéciaux notent toutefois que cet indicateur pourrait être utilement décliné à d'autres domaines de l'activité d'élevage.

Vos rapporteurs spéciaux, qui avaient pu exprimer leur perplexité quant aux objectifs visés par l'indicateur suivant le coût par inspection , avaient souligné l'arrêt de la publication de cette donnée. Il avait été motivé par le fait que les crises sanitaires, et les coûts associés, étaient susceptibles de rendre cet indicateur peu significatif. Il est évident que résumer la problématique des moyens de la politique de sécurité sanitaire des aliments à l'approche que supposait l'indicateur dont s'agit pouvait participer d'une démarche simpliste. Néanmoins, la donnée, quoique devant être entourée de nombre de précautions, avait le mérite de constituer un repère, même approximatif, portant sur les coûts d'une certaine forme d'intervention des services de contrôle. À ce titre, il est regrettable que sa disparition ne soit accompagnée d'aucun nouvel indicateur à dimension financière . D'ailleurs, elle a pour effet une réduction drastique du taux de couverture financière du programme par ses indicateurs qui ne concernent plus que 13 % des crédits. Cette évolution est d'autant plus fâcheuse que la problématique du coût des actions publiques mises en oeuvre pour garantir la sécurité sanitaire du champ à l'assiette est au coeur des réflexions conduites pour renouveler l'approche de financement de cette nécessaire action publique.

Les évolutions apportées à la maquette de performance du programme en 2020 sont au nombre de trois :

- l'introduction d'un indicateur de suivi de l'objectif de sortie du glyphosate ;

- un élargissement de l'indicateur du plan Ecophyto ;

- enfin, une modification de l'indicateur relatif aux projets alimentaires territoriaux.

En ce qui concerne le glyphosate, l'indicateur est censé illustrer les résultats de l'objectif « Favoriser le changement des pratiques afin de préserver la santé publique et l'environnement ».

Vos rapporteurs spéciaux n'entendent pas se positionner dans un débat scientifique dont ils ne maîtrisent pas les termes. Ils relèvent que ce débat n'est pas clos et appellent de leurs voeux qu'il soit enfin organisé. Pour l'heure, force est d'analyser la situation sous le seul angle d'un principe de précaution qui ne saurait satisfaire sur le long terme.

Ils relèvent que l'Anses a été saisie du sujet.

Vos rapporteurs spéciaux ont interrogé le ministère sur les positions arrêtées par l'ANSES relativement aux produits contenant du glyphosate dont elle autorise la mise sur le marché.

La réponse transmise figure ci-dessous.

Réponse du ministère de l'agriculture et de l'alimentation relative à l'implication de l'ANSES dans le plan de sortie du glyphosate

Le 28 mars 2018, les ministres en charge de l'écologie, de la santé et de l'agriculture ont saisi l'Anses, suite aux controverses sur le classement cancérogène du glyphosate. Le CIRC, agence internationale de recherche sur le cancer de l'OMS, a en effet inscrit en 2015 le glyphosate sur la liste des substances cancérigènes probables alors que l'EFSA (Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments) et l'ECHA (Agence européenne des produits chimiques) ont conclu respectivement en 2015 et en 2017 que le glyphosate était peu susceptible de présenter un risque cancérogène.

L'Anses a été chargée d'élaborer un cahier des charges pour la réalisation d'une ou plusieurs études de toxicologie afin d'améliorer les connaissances sur le potentiel caractère cancérogène de la substance.

Pour définir ce cahier des charges, l'Anses a réuni un groupe d'experts, constitué de toxicologues spécialistes en génotoxicité et cancérogénèse, qui s'est appuyé sur les évaluations et l'ensemble des données de la littérature disponibles. À l'issue de cette expertise, l'Agence propose une approche intégrée afin de mieux comprendre les éventuels mécanismes d'action cancérogène (génotoxiques ou épigénétiques) du glyphosate et d'évaluer leur pertinence pour l'Homme .

Dans un avis publié le 22 juillet 2019, l'Anses a établi un cahier des charges pour la réalisation d'études complémentaires sur le potentiel cancérogène du glyphosate. Ces études permettront d'étudier les éventuels mécanismes d'action cancérogène du glyphosate et d'évaluer leur pertinence pour l'Homme.

Ainsi, l'Anses recommande la réalisation de nouvelles études qui devront être conduites par des équipes de recherche indépendantes et dans des conditions rigoureuses d'expérimentation et de traçabilité. Les résultats devront être disponibles au plus tard fin 2021 pour être soumis dans le cadre de la réévaluation de la substance active.

Evaluation comparative des produits phytopharmaceutiques à base de glyphosate

Pour les produits à base de glyphosate, le réexamen de tous les produits après renouvellement de l'approbation de la substance est en cours de finalisation, une évaluation comparative sera conduite pour l'ensemble des usages.

La substance active glyphosate ayant fait l'objet d'un renouvellement de son approbation fin 2017, l'Anses procède en conséquence, dans un contexte de répartition zonale des demandes, à la réévaluation des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits en France, pour 58 demandes effectuées avant le 15 mars 2019.

Plusieurs demandes de nouvelles AMM (11 au total) sont également en cours d'instruction. L'Anses évalue la conformité des produits aux exigences européennes, en matière d'efficacité et de risques liés à la santé humaine et à l'environnement.

Par ailleurs, dans le cadre du plan national d'action pour la sortie du glyphosate, l'Anses a été saisie, sur la base de l'article 50.2 du règlement (CE) n° 1107/2009, afin d'effectuer une évaluation comparative des usages des produits à base de glyphosate qui resteraient autorisés à l'issue du processus de réexamen des autorisations de mises sur le marché (AMM).

Cette évaluation comparative est exigée pour toute demande contenant une substance candidate à la substitution, ce qui n'est pas le cas de la substance glyphosate . Toutefois, les dispositions prévues au point 2 de cet article 50 permettent de mettre en oeuvre cette procédure, dans des cas exceptionnels lorsqu'il existe au moins une méthode non chimique de prévention ou de lutte pour une même utilisation d'usage courant dans l'Etat-membre concerné.

Après identification de ces alternatives et de leur disponibilité, l'évaluation comparative alors mise en oeuvre doit permettre de mettre en balance les bénéfices et les risques des différentes alternatives. Elle peut conduire à la substitution (non-autorisation ou limitation d'utilisation) du produit pour un usage donné si le produit ou la méthode de remplacement présente des risques sensiblement moins élevés pour la santé humaine et pour l'environnement, et si elle ne présente pas d'inconvénients économiques ou pratiques majeurs au sens de l'annexe IV du règlement (CE) 1107/2009 et du document guide OEPP PP 1/271 (2) de 2015.

En s'appuyant sur les éléments qui lui seront fournis sur les alternatives disponibles et d'usage courant en France, notamment par l'INRA, l'Anses comparera, pour chaque usage, les produits à base de glyphosate avec les méthodes non chimiques de prévention ou de lutte disponibles. Pour chaque produit à base de glyphosate, les usages pour lesquels il existe une alternative répondant aux critères de substitution seront donc interdits.

L'INRA a été ainsi saisi en ce qui concerne les usages agricoles afin d'identifier, d'une part; pour chaque usage, les alternatives non chimiques et si elles sont d'usage courant, et d'autre part, afin d'évaluer les impacts économiques et pratiques en cas de substitution par une de ces alternatives. L'ONF et les inspections générales des ministères en charge de l'agriculture et de l'écologie (CGAAER et CGEDD) sont également sollicités afin d'apporter un appui de même nature, respectivement sur les usages forestiers et non agricoles (essentiellement industriels et ferroviaires).

Le cadrage et le calendrier suivants ont été retenus pour l'application de l'article 50.2 du règlement (UE) n°1107/2009 aux autorisations des produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate.

Les travaux se décomposent en plusieurs phases, qui sont effectuées en parallèle :

Phase 1 en cours de finalisation par l'Anses : évaluation de l'efficacité et des risques des produits en vue du renouvellement de leur autorisation de mise sur le marché ou de leur première autorisation

Phase 2 en cours par INRA et CGEDD/CGAAER : pour les produits ou les usages des produits pour lesquels il aura été conclu qu'ils respectent les exigences examinées à la phase 1, l'Anses procèdera alors à une seconde phase d'évaluation sur la base des travaux de l'INRA et du CGEDD/CGAAER en mettant en oeuvre l'article 50.2 du règlement (UE) 1107/2009.

Pour chacun des usages du catalogue national, les alternatives non chimiques d'usage courant feront l'objet d'un examen des inconvénients pratiques et économiques identifiant les obstacles à une mise à disposition de l'ensemble des agriculteurs concernés, ou l'identification de conditions particulières à sa mise en oeuvre, afin de préciser les situations d'impasses en l'absence d'usage du glyphosate.

Phase 3 à venir

L'appréciation des impacts fera l'objet d'une appréciation spécifique, intégrant une concertation avec les filières et les professionnels, afin de tenir compte de leur expérience et des données dont ils disposent sur la soutenabilité des alternatives.

Pour les usages, ou parties d'usages (culture ou mode de culture, ou groupe de cultures...), pour lesquels au moins une alternative non chimique d'usage courant est identifiée, et lorsqu'il n'apparaît pas que cette ou ces alternatives présentent des inconvénients pratiques ou économiques majeurs, l'Anses mettra en oeuvre les autres étapes de l'évaluation comparative.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Il est à noter que l'Anses entend fonder son appréciation sur des facteurs différents en leur nature, d'ordre écologique, sanitaire et économique.

En ce sens, l'Anses se réfère notamment aux travaux en cours de l'INRA.

Ce dernier a récemment publié un rapport sur les « usages et les alternatives au glyphosate dans l'agriculture française ». Pour avoir constitué un progrès de connaissance, ce rapport ne saurait être considéré comme satisfaisant la demande d'un débat ouvert sur la problématique ici envisagée, Au-delà, même si le rapport de l'INRA a circonscrit le champ des possibles, il n'a pas envisagé systématiquement les impacts économiques d'une renonciation au glyphosate. Il ne peut ainsi être considéré de ce point de vue comme une base solide d'appréciation pour l'Anses.

Dans ces conditions, sauf à demeurer enfermé dans l'application d'un principe de précaution peu satisfaisant à tous égards, il convient d'approfondir les travaux sur une base ouverte aux parties prenantes.

Que l'engagement de sortie du glyphosate se soit nuancé par la prise en compte du possible, cet engagement ayant été précisé en cours de route afin de le circonscrire aux situations où le non usage du glyphosate se heurterait à des impasses techniques et économiques, l'indicateur introduit dans la maquette de performance du programme 206 le traduit. Il ne s'agit pas de suivre les consommations de glyphosate, comme dans le cadre de l'indicateur suivi pour rendre compte des résultats du plan Ecophyto. Les données contrôlées sont les autorisations de mise sur le marché pour tous leurs usages des produits contenant du glyphosate, ce qui est bien différent 35 ( * ) . Le nombre des produits autorisés peut être sans relation simple avec les utilisations effectives. En outre, les doses par produit peuvent être plus ou moins importantes.

Dans ces conditions, l'indicateur ne garantit pas l'intégrité de l'information sur les usages effectifs du glyphosate, s'attachant plutôt à suivre une activité d'autorisation de mise sur le marché, qui plus est par usage, qui peut permettre d'exhiber des résultats plus flatteurs que réels.

Au demeurant, d'ores et déjà, alors que peu d'évolution sont encore intervenues dans le domaine de l'agriculture, l'indicateur affiche une forte « amélioration » avec la nette réduction des autorisations de mise sur le marché telles qu'elles sont mesurées à travers ce dernier. Elle provient des retraits d'autorisation pour la dévitalisation de broussailles et de souches et pour l'ensemble des usages en forêt.

Quant aux objectifs pour 2020, si la cible suggère une division par deux des autorisations, sa significativité devra être finement évaluée.

Vos rapporteurs spéciaux prennent bonne note que les décisions à venir seront prises sur la base des analyses techniques du rapport précité. Ils s'inquiètent que ce dernier ne soit pas considéré dans la totalité de ses conclusions. Parmi ces dernières, les rapporteurs soulignaient la difficulté de construire un scenario économique de sortie du glyphosate, l'extension possible du projet à d'autres herbicides et la nécessité d'accompagner les exploitants confrontés à des changements de méthode de production très significatifs. Le rapport de l'INRA mentionnait particulièrement le recours aux mesures agroenvironnementales (MAEC).

Or, les crédits correspondants manquent au budget pour 2020.

Quant à l'élargissement de l'indicateur du plan Ecophyto , il est justifié par le constat que le périmètre des produits suivis depuis le démarrage des plans correspondants n'était pas entièrement significatif. Compte tenu de l'ancienneté de ces plans, il est regrettable que cette donnée n'ait pas été perçue plus tôt. Quoi qu'il en soit, le ministère explique que, la croissance des utilisations de produits à usage mixte, mais largement utilisés en agriculture, qui n'étaient pas inclus dans le périmètre des produits dont les doses en unités de pesticide sont suivies, aient suscité le besoin de les intégrer au champ de l'évaluation des résultats du plan.

Vos rapporteurs spéciaux en prennent bonne note même si l'intégration des nouveaux produits peut, en fonction de leur utilisation finale, conduire à affecter la signification de l'indicateur.

Quant aux résultats du plan Ecophyto , si l'on avait pu constater une baisse de 13,6 % entre les périodes 2009-2011 et 2013-2015 pour les zones non agricoles et les fermes pilotes du réseau DEPHY (exploitations agricoles engagées dans une démarche volontaire de réduction de l'usage de produits pharmaceutiques), on avait observé en revanche une augmentation du nombre des « doses unités de pesticides » (les NODU) en zone agricole de 4,3 % entre les valeurs moyennes 2012-2014 et 2013-2015.

L'objectif de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques fixé lors de la mise en place du plan Ecophyto en 2008 (baisse de 50 % dans un délai de dix ans) n'aura pas été atteint. Il faut redouter que les objectifs du plan Ecophyto 2 ne le soient pas davantage.

Les prévisions du projet annuel de performances pour 2018 avaient d'ores été déjà été révisées en forte hausse (83,4 millions de doses contre 77,4 millions de doses).

L'élargissement du périmètre des produits désormais considérés a un premier effet en augmentant de plus d'un cinquième le nombre de doses de pesticides considérées comme utilisées en agriculture.

À ce stade, vos rapporteurs relèvent les difficultés rencontrées pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires, alors même que cet objectif s'impose au vu des inquiétudes que suscite l'utilisation de ces produits sur la santé des consommateurs mais aussi des agriculteurs.

Sans doute faudrait-il s'inspirer des réussites plus probantes du plan EcoAntibio, même si celui-ci conforté sur la disponibilité de médicaments alternatifs, n'est suivi qu'à travers un indicateur « facilitant » la publication de résultats favorables d'utilisation des antibiotiques les plus critiques.

Néanmoins, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer d'exprimer leur profonde perplexité face à l'ouverture à des produits importés non soumis aux disciplines fondamentales qui visent à lutter contre l'antibiorésitance dans le cadre du CETA. Si l'élevage français se conduit de ce point de vue de façon responsable, consentant à éviter toute utilisation des antibiotiques comme facteur de croissance, il est incompréhensible que l'Europe ait accepté sur un sujet aussi grave des pratiques susceptibles de surcroît d'exercer des effets concurrentiels particulièrement déloyaux.

Dans ces conditions, si l'on inclinerait à se satisfaire des progrès observés sur les suites données aux inspections, le taux des inspections révélant des non conformités ne donnant lieu à aucune suite demeure encore trop élevé . Il est de 15 %, résultat d'autant moins satisfaisant qu'une sélection des contrôles est censée les faire porter sur des établissements à très forts enjeux. Les suites réservées aux contrôles sont un élément majeur d'une politique qui ne doit pas se contenter de dérouler des plans de contrôle, consommateurs de moyens. Les audits européens sont régulièrement l'occasion d'identifier des manquements aux obligations de contrôle imposées à la France. En 2018, une augmentation de l'enveloppe consacrée à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, de 4,1 millions d'euros, avait dû être inscrite à la suite d'avertissements concernant la lutte contre les salmonelles en élevage et du besoin d'améliorer l'application de la réglementation européenne en matière de gestion des foyers de salmonelloses aviaires. Selon la Commission, la procédure suivie aurait dû être beaucoup plus rigoureuse que celle jusqu'alors mise en oeuvre, avec, en particulier, un abattage dès le premier résultat positif, devant, par ailleurs, toucher des étages de reproduction de plus en plus élevés.

De la même manière, au vu de son importance stratégique mais aussi des coûts qu'elle implique, la qualité des prélèvements et de leur analyse se révèle beaucoup trop médiocre , avec près d'un tiers des prélèvements dont l'analyse n'est pas exploitable.

Enfin, le taux de réalisation des exercices interministériels de préparation à la gestion de crises sanitaires présente un déficit considérable par rapport à un objectif souhaitable de 100 %.

5. La problématique du financement de l'ANSES

La progression de la subvention pour charges de service public destinée à l'ANSES s'accompagne de l'absence de toute provision pour accompagner d'éventuelles restructurations du réseau des laboratoires publics, qui connaissent pour certains d'entre eux, des situations difficiles.

Le financement de l'ANSES repose de plus en plus sur des recettes alternatives.

La fiscalité affectée devrait compter pour 34,7 millions dans les recettes de l'établissement en 2018.

Les taxes fiscales affectées sont les suivantes :

- la taxe relative à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, des matières fertilisantes et de leurs adjuvants et des supports de culture (taxes phytosanitaires) dont le produit a évolué comme suit.

En milliers d'euros

2015

2016

2017

2018

2019

Recettes

11 056

8 891

9 868

13 000

15 000

Plafond

15 000

15 000

15 000

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

- la taxe sur la vente des produits phytopharmaceutiques (taxe phytopharmacovigilance) :

En milliers d'euros

2015

2016

2017

2018

2019

Recettes

4 500

4 500

4 330

4 500

4 500

Plafond

4 200

6 300

6 300

6 300

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

- les taxes sur les produits vétérinaires :

En milliers d'euros

2015

2016

2017

2018

2019

Recettes de droit

7 232

7 034

6 759

8 000

8 500

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Plus globalement, le produit des taxes peut être mis en regard avec les coûts qu'elles sont censées couvrir.

Suivant les trois pôles d'activité de l'ANSES, la répartition des coûts et des recettes hors SCSP pour 2017 est la suivante.

Total coûts directs

Coûts indirects

Coûts complets

(1)

Recettes hors SCSP

(2)

Reste à financer

(1) - (2)

Par pôle d'activité

k€

%

k€

%

k€

%

k€

%

k€

%

Recherche et référence

46 623

49,5%

30 040

69,7%

76 663

55,8%

13 927

26,8%

62 736

73,5%

Produits réglementés

23 446

24,9%

6 014

14,0%

29 460

21,5%

26 090

50,2%

3 370

3,9%

Sciences pour l'expertise

24 157

25,6%

7 050

16,4%

31 207

22,7%

11 929

23,0%

19 278

22,6%

Total

94 226

100,0%

43 104

100,0%

137 330

100,0%

51 946

100,0%

85 384

100,0%

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Le pôle recherche représente 56 % des coûts complets, le pôle produits réglementés 21 % et le pôle sciences pour l'expertise 23 %.

En ce qui concerne les seuls produits réglementés, les données suivantes pour 2017 comparent les coûts et les taxes perçues.

Total coûts directs

Coûts indirects

Coûts complets

Recettes hors SCSP

Reste à financer

Programmes

k€

%

k€

%

k€

%

k€

%

k€

Taxes phytopharmacovigilance

3 026

12,7%

759

12,1%

3 785

12,5%

4 371

13,2%

-586

Taxes évaluations phytosanitaires /MFSC (évaluation et AMM)

10 620

44,4%

2 824

44,9%

13 444

44,5%

10 153

30,7%

3 291

Redevances biocides

3 018

12,6%

827

13,2%

3 845

12,7%

4 052

12,3%

-207

Taxes médicaments vétérinaires

6 955

29,1%

1 772

28,2%

8 727

28,9%

7 309

22,1%

1 418

Taxes tabac et vapotage

295

1,2%

101

1,6%

396

1,3%

7 192

21,7%

-6 796

Total

23 914

100,0%

6 283

100,0%

30 197

100,0%

33 077

100,0%

-2 880

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En l'état, on ne peut pas considérer que les tarifs des taxes couvrent les coûts, en particulier ceux des autorisations de mise sur le marché.

Un relèvement de ces taxes pourrait donc être justifié. L'ANSES nourrit l'ambition de voir son plan de charges augmenter à ce titre du fait de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce pays traitait 40 % des autorisations de mise sur le marché des produits vétérinaires. Il n'est pas sûr que cette extension d'activité soit bénéficiaire pour l'agence au vu des résultats exposés ci-dessus.

En tous cas, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la concurrence existant en Europe dans le champ de la police sanitaire et, au-delà, sur la compatibilité d'un processus d'autorisation de mise sur le marché, générateur de recettes, avec la vocation d'expertise scientifique des agences de santé, placées du fait de la superposition de compétences, dans une situation pouvant se révéler délicate.


* 32 Au total, les transferts nets sortants atteignent 203 ETPT compte tenu de 10 ETPT entrants au titre des apprentis.

* 33 L'an dernier, vos rapporteurs spéciaux avaient pu indiquer que les créations d'emplois pour 2019 semblaient inférieures aux emplois nécessaires de sorte qu'il convenait de s'attendre à ce que le volume des emplois exerce un effet à la hausse sur les charges de personnel du programme à brève échéance.

* 34 Sécurité et protection de la santé.

* 35 Il peut apparaître incongru de choisir deux indicateurs pour suivre une même problématique.

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