B. DES AIDES À LA PRESSE À REVOIR ?
Les crédits demandés pour l'aide à la presse dans le cadre du présent projet loi de finances s'élèvent à 110,92 millions d'euros, soit une diminution de 1,47 % (1,65 million d'euros) par rapport à l'exercice 2018.
Les aides à la presse sont pour l'essentiel intégralement ciblées sur la presse d'information politique et générale (IPG). Trois types d'aides sont visées par l'action n° 2 du programme 180 : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation du secteur. Votre rapporteur spécial tient à rappeler, avant toute analyse, que la place importante accordée à la presse d'information politique et générale ne doit pas occulter les besoins du reste de la presse, en particulier de la presse d'information professionnelle et spécialisée.
Répartition et évolution des aides
directes à la presse écrite
entre 2016 et 2019
(en euros)
(AE = CP) |
LFI 2017 |
LFI 2018 |
LFI 2019 |
PLF 2020 |
Action 2 « Aides à la presse » |
125 839 207 |
119 430 676 |
113 478 901 |
110 924 325 |
Aides à la diffusion |
51 308 083 |
45 741 273 |
40 887 903 |
39 387 903 |
Aide au portage de la presse |
36 000 000 |
31 500 500 |
26 500 000 |
26 500 000 |
Exonérations charges patronales pour les porteurs |
15 308 083 |
14 241 273 |
14 378 903 |
12 887 903 |
Aides au pluralisme |
16 025 000 |
16 025 000 |
16 025 000 |
16 025 000 |
Aides aux quotidiens nationaux d'IPG à faibles ressources publicitaires** |
13 155 000 |
13 155 000 |
13 155 000 |
13 155 000 |
Aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'IPG à faibles ressources de petites annonces |
1 400 000 |
1 400 000 |
1 400 000 |
1 400 000 |
Aides à la presse régionale |
1 470 000 |
1 470 000 |
1 470 000 |
1 470 000 |
Aides à la modernisation |
58 506 124 |
57 664 403 |
56 565 998 |
55 511 422 |
Aides à la modernisation sociale |
1 250 000 |
500 000 |
300 000 |
150 000 |
Aide à la distribution de la presse |
18 850 000 |
18 850 000 |
27 850 000 |
27 850 000 |
Aide à la modernisation des diffuseurs |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
Fonds stratégique pour le développement de la presse |
27 406 124 |
27 314 403 |
17 415 998 |
16 511 422 |
Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
Aides au transport postal (programme 134 « Développement des entreprises et régulations » » |
119 000 000 |
111 500 000 |
103 800 000 |
103 800 000 |
Total des crédits budgétaires dédiés aux aides à la presse écrite |
244 839 207 |
230 930 676 |
217 278 901 |
214 724 325 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
1. Une maquette budgétaire à redéfinir
Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » vient compléter le programme 180 en rassemblant les aides au transport postal (103,8 millions d'euros prévus en AE et en CP dans le cadre du présent projet de loi de finances).
Votre rapporteur spécial rappelle que l'inscription des aides au transport postal de la presse au sein du programme 134 de la mission « Économie » ne permet pas de disposer d'une vision globale des aides au secteur. Il lui a néanmoins été indiqué, dans une réponse au questionnaire budgétaire, qu'une mission interministérielle devrait prochainement être lancée afin de proposer au Gouvernement différents scénarios d'évolution des tarifs postaux et du soutien public au transport postal de la presse à partir du 1 er janvier 2021. L'évolution de la maquette budgétaire concernant l'aide postale pourrait faire partie des sujets étudiés par la mission. Votre rapporteur spécial rappelle que la Cour des comptes avait, en février 2018, souligné la nécessité de produire un document budgétaire unique visant à évaluer l'ensemble des transferts réalisés au bénéfice de ce secteur.
2. Un dispositif à repenser ?
Deux dispositifs concentrent l'essentiel des crédits de l'action n° 2 « Aides à la presse » :
- l'aide au portage de la presse : 26,5 millions d'euros (sous-action 1 « aides à la diffusion »);
- l'aide à la modernisation de la distribution de la presse : 27,85 millions d'euros (sous-action 3 « aides à la modernisation »).
Le montant de l'aide au portage prévu dans le présent projet loi de finances ne connaît aucune modification par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2019. La baisse de 5 millions d'euros enregistrée entre 2018 et 2019 s'expliquerait, selon le Gouvernement, par une réduction du nombre de volumes portés. 115 titres ont été bénéficiaires de ce régime d'aide en 2018 (contre 112 en 2017). 13 réseaux de portage ont également bénéficié du volet « mutualisation des réseaux de portage » de ce dispositif, 9 étant rattachés à un groupe de presse et 4 étant indépendants.
Les crédits dévolus à la sous-action n°3-2 « Aide à la modernisation de la presse » sont divisés en deux sections. La première concentre l'essentiel des crédits : 27 millions d'euros. Elle correspond en effet à l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale (IPG) vendue au numéro en France mais se traduit dans les faits par un soutien à Presstalis , seule société de messagerie distribuant lesdits quotidiens sur tout le territoire français. Menacée d'une cessation de paiement, Presstalis a signé, avec l'État, un protocole de conciliation homologué par le Tribunal de commerce de Paris le 14 mars 2018. Aux termes de ce Plan, l'État s'est engagé, jusqu'en 2021, à rehausser l'aide à la distribution de 9 millions d'euros par an. Cette somme est obtenue via un redéploiement de crédits en provenance du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).
Le projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse, adopté, après accord en commission mixte paritaire, le 26 septembre dernier, et désormais en attente de promulgation pose aujourd'hui clairement l'avenir d'un dispositif d'aide à un secteur en passe d'être rénové. Le texte prévoit en effet une réforme du statut des vendeurs-colporteurs de presse (VCP). Le périmètre des publications d'information politique et générale pouvant être, à titre principal, vendues par les VCP, limité jusqu'alors aux quotidiens et aux publications hebdomadaires régionales, sera élargi aux publications hebdomadaires nationales d'IPG. La future loi ouvrira, par ailleurs, dans un délai de trois ans à compter de sa publication, le secteur de la distribution à la concurrence.
Dans ces conditions, votre rapporteur spécial estime que deux des principaux postes budgétaires du programme 180 devront faire l'objet d'une évaluation à l'aune de ces nouvelles donnes, afin de vérifier leur efficience.
Il s'agira également, dans ce contexte, de revoir le rôle du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), dont un tiers des crédits ont été réorientés, depuis 2018, vers la survie de Presstalis . Il convient de rappeler que ce Fonds a été conçu lors de sa création en 2013 comme l'instrument central de la politique de l'État des projets innovants 4 ( * ) . Des avances à taux bonifiés pouvant aller jusqu'à 70 % pour les médias émergents sont ainsi mises en oeuvre dans ce cadre et doivent permettre au secteur de faire face à de nouveaux défis, à l'instar du kiosque numérique. Votre rapporteur spécial relève qu'au-delà de la ponction de 9 millions d'euros, les crédits accordés à ce dispositif tendent à être rabotés : baisse de 4,91 % à périmètre constant entre 2019 et 2018 et diminution annoncée de 5,19 % entre 2020 et 2018. Le Fonds devrait être doté en 2020 de 16,51 millions d'euros. Il fait ailleurs l'objet de mesures de gel budgétaire systématiques depuis 2012. Elles devraient concerner 27 % des crédits en 2019, ce qui fragilise un peu plus son efficacité.
La diminution de la dotation du FSDP n'est pas compensée par une montée en charge du Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) dont la dotation est maintenue à 5 millions d'euros depuis sa création en 2016 5 ( * ) .
Plus largement, votre rapporteur souhaite que soit rapidement présenté un texte de loi visant la presse écrite et en ligne. Ce texte constituerait l'occasion de réviser et d'actualiser les critères d'aides à la diversité dans la presse.
Observation n° 4 : l'adoption du projet de loi sur la distribution de la presse doit conduire à une réflexion sur le dispositif actuel d'aide à la presse (111 millions d'euros de crédits prévus en 2020). Son efficience doit, en effet, être évaluée à l'aune de la réforme du statut de vendeur-colporteur et de l'ouverture à la concurrence du secteur de la distribution, dans un contexte de baisse des crédits budgétaires. Une réorientation de l'intervention publique vers des projets innovants, au travers du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) et du Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) apparaît primordiale. |
* 4 Décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse, au fonds stratégique pour le développement de la presse et au fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse.
* 5 Décret n° 2016-1161 du 26 août 2016 relatif au soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse et réformant les aides à la presse.