SECONDE PARTIE :
LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. JUSTICE JUDICIAIRE : LE DOUBLE ENJEU DE LA GESTION DES EFFECTIFS ET DE LA MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE

Les crédits de paiement du programme « Justice judiciaire » proposés pour 2020 s'élèvent à 3,5 milliards d'euros et n'augmentent que de 4 millions d'euros par rapport à 2019 (format 2020).

Détail de l'évolution (2019-2020) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire

Hors dépenses de personnel, les crédits de paiement s'élèvent à 1,1 milliard d'euros, soit une diminution de 1,6 % par rapport à 2019.

Cette baisse découle principalement d'une diminution des crédits consacrés aux frais de justice (- 14 millions d'euros).

Les crédits d'investissement immobilier diminuent légèrement mais demeurent à un niveau conséquent afin de poursuivre le paiement des travaux nécessaires à l'adaptation de l'organisation territoriale et à la mise en oeuvre de la nouvelle programmation immobilière judiciaire 8 ( * ) . Il est d'ailleurs à noter qu'une économie de loyers de 3 millions d'euros en AE et CP est attendue à partir de 2020 en raison du refinancement du contrat de partenariat du Tribunal de Paris.

Contrat de partenariat du Tribunal de Paris

En 2019, le partenaire a proposé à la personne publique de procéder au refinancement du contrat de partenariat, au regard de conditions de marché favorables. L'avenant au contrat portant refinancement a été signé le 24 juillet 2019, en vue d'un refinancement effectif dès l'année 2020. Il permet une économie de loyers pour la personne publique évaluée à 3 millions d'euros par an sur l'ensemble de la durée résiduelle du contrat, soit jusqu'en 2044.

Le nouvel échéancier, qui sera finalisé à l'issue de la procédure de refinancement, prévoit désormais un coût global de 2 217 millions d'euros couvrant :

- l'investissement pour 725 millions d'euros;

- le financement pour 560 millions d'euros ;

- le fonctionnement (les dépenses liées à l'exploitation-maintenance, consommation de fluides et gros entretien-renouvellement) pour 932 millions d'euros. Ce montant prend en compte les ajustements en gestion réalisés en 2017 et 2018 au regard de la consommation effective.

Au total, le loyer PPP du tribunal de Paris s'élèvera en 2020 à 72,9 millions d'euros contre 75,2 millions d'euros en 2019.

Source : réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire

Enfin, les moyens de fonctionnement des juridictions sont stables.

A. LA GESTION PRÉVISIONNELLE DES EFFECTIFS : UNE AMÉLIORATION, MAIS DE FORTS ENJEUX À VENIR

L'augmentation des dépenses de personnel découle principalement du schéma d'emplois pour 2020 : 384 emplois seraient ainsi créés dans les juridictions .

En premier lieu, la création de 100 emplois de magistrats permettra de poursuivre l'objectif de résorption de la vacance dans les juridictions 9 ( * ) mais aussi d'accompagner la mise en oeuvre de la réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante et le renforcement de la lutte contre la criminalité et la délinquance financière par la création de postes dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) et au parquet national financier, avec la création de postes de procureurs délégués au parquet européen.

La réforme de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante

Par l'article 93 de la loi de programmation et de réforme pour la justice, le Parlement a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour 1/ modifier et compléter les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs, afin de simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants, accélérer leur jugement et renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine ; 2/ regrouper et organiser ces dispositions dans un code de la justice pénale des mineurs.

L'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, qui devra faire l'objet d'une ratification par le Parlement, codifie donc ces dispositions, qui permettront de disposer d'une procédure souple raccourcissant les délais de jugement et d'indemnisation des victimes.

Comme l'indique le projet annuel de performances, « la réforme entrant en vigueur le 1 er octobre 2020, il convient d'anticiper sa mise en oeuvre notamment au niveau du stock des affaires ouvertes sous les dispositions de l'actuelle ordonnance ». Autrement dit, la mobilisation de moyens importants est nécessaire afin de traiter ces affaires et d'appliquer ensuite les nouvelles dispositions. La création d'emplois de magistrats (70 emplois dédiés environ) et de greffiers (100) proposée par le présent projet de loi de finances participera à cette transition.

Source : commission des finances d'après les réponses du ministère de la justice au questionnaire

La création de 284 emplois de fonctionnaires devrait quant à elle permettre « d'accompagner la mise en oeuvre de la réforme de l'ordonnance de 1945 (100 emplois) et de renforcer l'équipe autour du magistrat, notamment dans le cadre de la réorganisation des parquets mise en place dans le cadre du renforcement de l'attractivité du ministère public ».

D'après le directeur des services judiciaires, auditionné par le rapporteur spécial, le recrutement de 100 greffiers prévu en 2020 dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme de l'ordonnance de 1945 pourrait être réalisé de façon anticipée dès la fin de l'année 2019, afin « de concilier un niveau de recrutement élevé et le plan de charge de l'école nationale des greffes ».

Le rapporteur s'est intéressé à la gestion des effectifs relevant du programme « Justice judiciaire », après avoir constaté lors de précédents rapports portant sur les crédits de la présente mission l'écart grandissant entre l'exécution et le plafond d'emplois.

Si le plafond d'emplois reste sous-consommé, l'écart entre les prévisions et les exécutions se réduit sensiblement depuis 2016. Le ministère de la justice indique que cet écart résulte, selon les années « de prévisions d'entrées surévaluées, ou a contrario de prévisions de sorties sous estimées. Ils peuvent également provenir de la difficulté sur un exercice à anticiper de manière optimale les départs en procédant à des recrutements ».

Évolution (2011-2020) de l'écart au plafond d'emplois
(programme 166 « Justice judiciaire)

(en ETPT)

Source : commission des finances à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire

D'après la direction des services judiciaires, s'agissant des personnels de greffe, si le taux de vacances était stable autour de 4 % en 2011, un « décrochage » était apparu en 2012 pour se poursuivre jusqu'en 2017 et atteindre 7,5 % en moyenne. Le taux de vacances a diminué à 6,8 % aujourd'hui. L'amélioration est plus nette s'agissant des magistrats : le taux de vacance atteignait 5 % en octobre 2017, et a diminué à 2,9 % en octobre 2018 et 0,5 % en octobre 2019.

La gestion des ressources humaines constituera un enjeu majeur pour la direction des services judiciaires au cours des prochaines années, en raison notamment des nombreux départs en retraite prévus, qu'il s'agisse de magistrats ou de fonctionnaires.

Le pic des départs en retraite devrait être atteint en 2023 pour décroître ensuite à partir de 2024 et revenir, en 2030, à un niveau comparable à 2010.

Ainsi, près de 39 % des effectifs de greffe actuellement gérés par la direction des services judiciaires devraient partir en retraite dans les dix prochaines années.


* 8 Pour les dépenses du propriétaire, l'exercice 2020 sera consacré au financement des opérations gérées en mode déconcentré, ou confiées à l'APIJ (hors loi de programmation 2018-2022) comme la construction du palais de justice de Lille et la restructuration du palais de justice historique de Paris de l'île de la cité ; mais également à la poursuite par l'APIJ et les services déconcentrés des opérations retenues dans le cadre de la loi de programmation (cité judiciaire de Cayenne, palais de justice Basse-Terre) et des contrats de partenariat public privé (palais de justice de Caen et Tribunal de Paris).

* 9 D'après les données de la direction des services judiciaires, au 1 er octobre 2019, 42 postes sont vacants au sein des juridictions hors Cour de cassation.

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