N° 625
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 juillet 2019 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2018 ,
Tome I : Exposé général et examen des articles
Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Rapporteur général,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
1947 , 1990 et T.A. 295 |
|
Sénat : |
589 (2018-2019) |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2018 ET SON
CONTEXTE
ÉCONOMIQUE ET FINANCIER
I. L'ANNÉE 2018 POURRAIT SIGNER LA FIN DE LA « CROISSANCE DE RATTRAPAGE » DONT A BÉNÉFICIÉ LE GOUVERNEMENT DEPUIS LE DÉBUT DU QUINQUENNAT
A. SI L'ÉCONOMIE FRANÇAISE CONTINUE DE CROÎTRE À UN RYTHME SUPÉRIEUR À SON POTENTIEL...
1. Le rythme de croissance de 1,7 % est conforme à la prévision initiale...
Alors que le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'État (PLR) pour 2018 faisait initialement état d'une croissance du produit intérieur brut (PIB) limitée à 1,6 % en volume, les nouvelles estimations publiées par l'Insee le 16 mai 2019 tablent désormais sur une progression de 1,7 % .
La croissance en volume serait ainsi conforme tant à la prévision initiale du projet de loi de finances (PLF) pour 2018 qu'à l'estimation actualisée du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2018, qui avait été revue à la baisse par rapport au programme de stabilité 2018, afin de tenir compte des signaux défavorables apparus à l'été.
Comparaison des prévisions de croissance du
PIB
et de l'exécution pour 2018
(taux d'évolution en volume)
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Si la croissance a atteint le niveau espéré par le Gouvernement, la contribution des différentes composantes du PIB est néanmoins assez différente de celle anticipée à l'automne dernier.
Décomposition de l'écart entre la
prévision de croissance actualisée
et les données
d'exécution
(taux d'évolution en volume, contributions à cette évolution en points de pourcentage)
PLF 2019 - PLFR 2018 |
Exécution |
Écart |
|
PIB |
1,7 |
1,7 |
0,0 |
dont : demande intérieure finale hors stocks |
1,6 |
1,3 |
- 0,3 |
dont : variation de stocks |
- 0,2 |
- 0,3 |
- 0,1 |
dont : commerce extérieur |
0,3 |
0,7 |
+ 0,4 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement et de l'Insee)
Ainsi, la contribution de la demande intérieure à la croissance a été significativement plus faible qu'escompté (- 0,3 point) mais cette contre-performance a été compensée par la très bonne tenue du commerce extérieur (+ 0,4 point).
Cette dernière ne s'explique malheureusement pas par le dynamisme des exportations, légèrement inférieur à la prévision actualisée, mais par la faiblesse des importations , dont la croissance annuelle est limitée à 1,2 %, contre 2,5 % dans le scénario gouvernemental. Elle ne traduit donc pas une amélioration de la compétitivité du secteur exportateur.
Comparaison de l'évolution attendue des
différentes composantes du PIB
et des données
d'exécution
(taux d'évolution en volume)
PLF 2019 - PLFR 2018 |
Exécution |
Écart |
|
Importations |
2,5 |
1,2 |
- 1,3 |
Consommation des ménages |
1,1 |
0,9 |
- 0,2 |
Consommation des administrations publiques |
1,0 |
0,8 |
- 0,2 |
Investissement des entreprises |
3,7 |
3,8 |
+ 0,1 |
Investissement des ménages |
1,5 |
2,0 |
+ 0,5 |
Investissement des administrations publiques |
4,6 |
2,4 |
- 2,2 |
Exportations |
3,7 |
3,5 |
- 0,2 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du Gouvernement et de l'Insee)
2. ... et reste supérieur au potentiel de croissance de l'économie française
Si le taux de croissance 2018 de l'économie française pourrait en première analyse sembler décevant, dès lors qu'il apparaît en net retrait par rapport au rythme atteint en 2017 (2,3 %) et à la prévision retenue dans le cadre du programme de stabilité 2018 (2,0 %), il reste en réalité significativement supérieur au potentiel de croissance de l'économie française .
À titre de rappel, la croissance potentielle correspond à l' évolution du niveau de production « soutenable » sur longue période sans provoquer de déséquilibre sur les marchés des biens et du travail , aussi appelé PIB potentiel.
Bien que la croissance potentielle et le niveau du PIB potentiel ne soient pas directement observables, ils peuvent néanmoins être estimés à l'aide de différentes méthodes économétriques 1 ( * ) . Dans ce domaine où l'incertitude est par nature importante, il apparaît néanmoins que les estimations de la croissance potentielle française sont aujourd'hui relativement convergentes .
L'hypothèse retenue par le Gouvernement (1,25 %) présente ainsi un caractère central par rapport aux prévisions des principales organisations internationales, qui se situent toutes à un niveau significativement inférieur à la croissance effectivement constatée en 2018 (1,7 %).
Estimations de la croissance potentielle
de
l'économie française en 2018
(taux d'évolution en volume)
Source : commission des finances du Sénat
En complément, votre rapporteur général demande depuis 2014 aux principaux instituts de conjoncture leur scénario de croissance potentielle, ce qui permet d'établir un « consensus de la croissance potentielle », qui se situe à 1,3 % en 2018 .
Consensus de la croissance potentielle
de la
commission des finances du Sénat pour l'année 2018
(taux d'évolution en volume)
Euler Hermes |
1,5 |
Axa |
1,4 |
BNP Paribas (recherche économique groupe) |
1,3 |
Exane |
1,1 |
Coe-Rexecode |
1,2 |
PAIR Conseil |
1,3 |
Oxford Economics |
1,3 |
Citi |
1,3 |
BIPE |
1,3 |
OFCE |
1,3 |
Natixis |
0,9 |
Moyenne |
1,3 |
Source : commission des finances du Sénat (sondage réalisé à l'été 2018)
Si l'écart entre l'hypothèse de l'institut le plus pessimiste (0,9 %) et celle du plus optimiste (1,5 %) est plus important, le diagnostic reste là encore le même quelle que soit l'estimation retenue : avec une croissance effective de 1,7 %, le Gouvernement a de nouveau bénéficié l'an dernier d'une conjoncture favorable pour atteindre ses objectifs budgétaires , contrairement à ses prédécesseurs.
* 1 Pour une analyse détaillée, voir : « Pour une programmation budgétaire crédible : les enjeux des hypothèses de croissance potentielle », rapport d'information n° 764 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances et déposé le 6 juillet 2016.