C. LES RÉFORMES DU STATUT DEPUIS 2004

1. La réforme de 2007

Un peu plus de trois ans après l'adoption du statut de 2004, la nécessité d'une réforme se fit sentir.

Les trois années écoulées avaient été marquées par une très forte instabilité politique en Polynésie française . Pas moins de cinq gouvernements s'étaient succédé, faute d'une majorité stable à l'assemblée de la Polynésie française, éclatée entre diverses formations autonomistes, indépendantistes ou représentant les intérêts des archipels.

Par ailleurs, la Cour des comptes avait formulé, dans son rapport public pour l'année 2016, des observations extrêmement sévères sur la gestion des fonds publics en Polynésie française , déplorant en particulier « l'extrême concentration du pouvoir au sein de la collectivité et l'imparfaite définition des procédures relatives à l'engagement de la dépense publique ». Elle appelait à renforcer les procédures de contrôle et d'évaluation.

Pour ces raisons, la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 10 ( * ) vint apporter plusieurs modifications au statut du pays.

Afin de renforcer la stabilité des institutions polynésiennes, le mode de scrutin pour l'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française fut modifié au profit d'une élection au scrutin de liste à deux tours (dans le cadre des circonscriptions établies en 2004), seules les listes ayant obtenu au moins 12,5 % des suffrages exprimés au premier tour étant autorisées à se présenter au premier tour, et seules celles ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés étant autorisées à fusionner.

Par ailleurs, les règles d'adoption d'une motion de défiance à l'encontre du gouvernement furent durcies . Seule une motion de défiance dite « constructive », comportant le nom de la personne appelée à exercer les fonctions de président de la Polynésie française, fut désormais considérée comme recevable, entre autres modifications. En cas de rejet d'un projet de budget, le président de la Polynésie française se vit autoriser à déposer un nouveau projet, sur lequel il pourrait engager sa responsabilité.

Plusieurs mesures furent prises, également, pour renforcer la transparence de la vie politique polynésienne . Les décisions d'octroi d'aides financières ou de garanties d'emprunt à des personnes morales seraient désormais prises en conseil des ministres, suivant des conditions et critères fixés par l'assemblée, et transmises pour information à cette dernière.

Sur proposition du Sénat, et afin de renforcer le contrôle du gouvernement et le suivi de l'exécution budgétaire par l'assemblée, il fut décidé de créer au sein celle-ci une commission de contrôle budgétaire et financier . C'est également à l'initiative du Sénat que cette commission se vit confier à titre principal le contrôle de la gestion des sociétés d'économie mixte ayant bénéficié d'une aide financière ou d'une garantie d'emprunt octroyée par le pays, le contrôle du haut-commissaire ne s'exerçant qu'à titre subsidiaire. Le législateur organique est ainsi parvenu en 2007 à une juste conciliation entre le renforcement des procédures de contrôle financier et le respect de l'autonomie de la Polynésie française .

2. La réforme de 2011

Les modifications statutaires de 2004 ne suffirent pas à mettre fin à l'instabilité politique en Polynésie française , où les gouvernements continuèrent à se succéder à un rythme accéléré. Le passage au scrutin de liste à deux tours, en particulier, n'avait pas permis de dégager une majorité cohérente et pérenne à l'assemblée de la Polynésie française.

C'est pourquoi le législateur organique fut amené à intervenir une nouvelle fois.

La principale innovation introduite par la loi organique n° 2011-918 du 1 er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française consista en une modification profonde du mode d'élection des représentants à l'assemblée de la Polynésie française . À l'initiative du Sénat, il fut finalement décidé de réunir les six circonscriptions de la Polynésie française en une circonscription unique divisée en huit sections, avec attribution d'une prime majoritaire à la liste arrivée en tête au niveau de la circonscription , ce qui avait l'avantage de garantir une représentation à tous les archipels tout en facilitant l'émergence d'une majorité à l'assemblée.

Les règles relatives au renversement du gouvernement par l'assemblée furent une nouvelle fois durcies. Une motion de défiance ne peut désormais être adoptée qu'à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des représentants à l'assemblée de la Polynésie française.

Enfin, la même loi organique a procédé à divers ajustements dans le fonctionnement des institutions polynésiennes, afin notamment de réduire leurs dépenses . Le nombre maximal de ministres fut réduit 11 ( * ) et les dépenses liées à la rémunération des membres de cabinet contingentées 12 ( * ) .

3. Le retour à un fonctionnement normal des institutions polynésiennes

L'instabilité chronique qui a affecté le fonctionnement des institutions polynésiennes pendant une dizaine d'années, avec des répercussions importantes sur la vie économique du territoire, est aujourd'hui révolue . Les élections territoriales de 2013, puis celles de 2018 ont permis à la liste arrivée en tête de s'assurer une confortable majorité à l'assemblée de la Polynésie française. Les trois principaux partis politiques polynésiens sont aujourd'hui représentés à l'assemblée : le Tapura Huiraatira, présidé par M. Édouard Fritch (39 sièges), le Tahoeraa Huiraatira, présidé par M. Gaston Flosse (9 sièges), et le parti indépendantiste Tavini Huiraatira, présidé par M. Oscar Temaru (8 sièges) 13 ( * ) .

M. Édouard Fritch, élu à la présidence de la Polynésie française le 12 septembre 2014, a été reconduit dans ses fonctions à la suite des élections de 2018.

À l'occasion du déplacement d'une délégation de votre commission des lois en Polynésie française, en février et mars 2017, notre collègue Catherine Troendlé, notre ancien collègue Philippe Kaltenbach et votre rapporteur avaient pu mesurer combien les Polynésiens aspiraient désormais à une pause dans les réformes institutionnelles. Ils appelaient seulement à une révision technique du statut afin d'en corriger certaines imperfections 14 ( * ) . Ces préconisations devaient être reprises dans un projet de loi organique préparé en 2016, qui n'a toutefois pas été adopté en conseil des ministres avant la fin de la précédente législature. C'est enfin chose faite.

Les projets de loi organique et ordinaire que le Sénat est appelé à examiner ont donc une portée modeste. Ils se ramènent, pour l'essentiel, à des symboles et des mesures d'ajustement.


* 10 Loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française . Voir le rapport n° 69 (2007-2008) fait, au nom de votre commission des lois, par notre ancien collègue Christian Cointat, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l07-069/l07-069.html .

* 11 Fixé à un maximum de quinze auparavant, le nombre de ministre doit depuis 2011 être compris entre sept et dix.

* 12 Cela grâce à l'application d'un double plafond : l'assemblée fixe le nombre maximal des collaborateurs de cabinets du président et des autres membres du gouvernement, sur proposition de sa commission de contrôle budgétaire et financier, et la loi organique limite à 3 % des dépenses de personnel de la Polynésie française les dépenses liées à la rémunération de ces collaborateurs.

* 13 À ces trois partis correspondent les trois groupes politiques à l'assemblée, auxquels il faut ajouter un non-inscrit.

* 14 Voir le rapport d'information n° 165 (2017-2018), La Polynésie française : allier autonomie dans la République et subsidiarité dans la collectivité , fait par notre collègue Catherine Troendlé et votre rapporteur au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r17-165/r17-165.html .

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