II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
A. UNE FIN DE GESTION 2018 AFFAIBLISSANT LA PORTÉE DE L'EFFORT PRÉVU PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES
Au cours de son audition par votre rapporteur spécial 6 ( * ) , le général de corps d'armée Éric Bellot des Minières, sous-chef d'état-major « plans » à l'état-major des armées, a qualifié la loi de finances pour 2018 d' « antichambre de la LPM ».
Celle-ci prévoyait en effet un effort conséquent en faveur de nos armées (+ 1,8 milliard d'euros par rapport à 2017, à périmètre constant et hors pensions) et amorçait ainsi la remontée en puissance prévue dans la LPM 2019-2025 .
Son exécution conditionne par conséquent en partie la portée de l'effort prévu pour 2019 et revêt dès lors un enjeu réel .
En 2018, le taux de réserve appliqué aux crédits des différentes missions du budget de l'État a été ramené à 3 % s'agissant des crédits hors titre 2 (personnel), contre 8 % en 2017, et maintenu à 0,5 % s'agissant des crédits de titre 2. Le montant de la réserve initiale de la mission « Défense » s'est donc élevé à 898,8 millions d'euros en AE et 762,3 millions d'euros en CP. En début d'exercice, la mission « Défense » a bénéficié de plusieurs reports sur lesquels 15 millions d'euros en AE comme en CP ont été « gelés ».
À la date de présentation du présent rapport, le montant des crédits de la mission « Défense » mis en réserve s'élevait ainsi à près de 914 millions d'euros en AE et plus de 777 millions d'euros en CP , dont 101,4 millions d'euros de titre 2, selon la répartition figurant dans le tableau ci-après.
Crédits de la mission « Défense » mis en réserve
(en millions d'euros)
AE |
CP |
|
P. 144 - Environnement et prospective de la politique de défense |
28,2 |
27,1 |
P. 146 - Équipement des forces |
459,7 |
357,5 |
P. 178 - Préparation et emploi des forces |
234,3 |
211,5 |
P. 212 - Soutien de la politique de défense |
191,6 |
181,3 |
Total |
913,8 |
777,4 |
Source : ministère des armées, réponse au questionnaire budgétaire
Or le montant des surcoûts liés aux opérations extérieures (Opex) et aux missions intérieures (Missint) devrait atteindre 1 373 millions d'euros , soit un écart à la prévision de 623 millions d'euros .
La mission « Défense » devrait bénéficier d'un fonds de concours de 40 millions d'euros du fait de remboursements en provenance de l'ONU .
Au total, les restes à financer s'élèvent donc à 583 millions d'euros .
Le projet de loi de finances rectificative déposé le 7 novembre dernier à l'Assemblée nationale prévoit l'ouverture de 404,2 millions d'euros sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », gagée par une annulation d'un même montant sur les autres programmes de la mission .
Ouvertures et annulations de crédits de la mission « Défense » prévues par le projet de loi de finances rectificative pour 2018
(en euros)
AE |
CP |
|||
Ouvertures |
Annulations |
Ouvertures |
Annulations |
|
P. 144 - Environnement et prospective de la politique de défense |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
P. 178 - Préparation et emploi des forces |
404 190 031 |
404 190 031 |
||
P. 212 - Soutien de la politique de la défense |
65 000 000 |
65 000 000 |
||
P. 146 - Équipement des forces |
319 190 031 |
319 190 031 |
||
Total |
404 190 031 |
404 190 031 |
404 190 031 |
404 190 031 |
Source : projet de loi de finances rectificative
Les modalités de financement du surcoût Opex / Missint seraient donc les suivantes :
- 44 millions d'euros en titre 2 financés sur le programme 212 résultant d'une sous-consommation des crédits de personnel estimée à 155 millions d'euros sur le programme 212 (cf. infra ) ;
- le redéploiement des 111 millions d'euros restant ;
- une ouverture de 404 millions d'euros en PLFR sur le programme 178 ;
- des redéploiements de la réserve de précaution de la mission vers les programmes 178 et 212 à hauteur de 24 millions d'euros.
En d'autres termes, en 2018, à l'exception des 40 millions d'euros de remboursements ONU, l'intégralité du surcoût Opex serait financée sous enveloppe par le ministère des armées , et notamment par le programme 146 « Équipement des forces », en contradiction avec les dispositions de l'article 4 de la LPM actuelle 7 ( * ) .
Or, devant nos collègues de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale 8 ( * ) , Joël Barre, délégué général pour l'armement, a indiqué que « pour ce qui est de la réserve de précaution, nous avons cette année, contrairement aux années précédentes, non seulement gelé les paiements, mais aussi les engagements. Si une partie de cette réserve venait à n'être pas levée, il n'y aurait donc pas d'impact sur le report de charges, mais les besoins correspondants devront être reportés sur les annuités ultérieures ».
Si les 248 millions d'euros de crédits mis en réserve et non annulés par le projet de loi de finances rectificative ont été dégelés le 13 novembre 2018, il n'en demeure pas moins que les besoins qui n'auront pas pu être financés en 2018 devront être en partie reportés en 2019, affaiblissant la portée de l'effort prévu par le présent projet de loi de finances .
* 6 Audition du 17 octobre 2018.
* 7 « La dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d'euros. En gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel ».
* 8 Audition du 10 octobre 2018.