B. LA FUTURE AGENCE NATIONALE DU SPORT : UN OBJECTIF PERTINENT, DES QUESTIONS NON RÉSOLUES

1. La création de l'Agence nationale du sport vise à mieux prendre en compte l'ensemble des acteurs et financeurs du mouvement sportif

Une réflexion sur la gouvernance du sport a été engagée par le Gouvernement fin 2017 et conclue en juillet dernier, réunissant les différents financeurs du sport en France (État, collectivités territoriales, monde économique) et le mouvement sportif.

Cette démarche devrait se traduire par une évolution en profondeur du mode de la gouvernance du sport.

Le constat dressé par la direction des sports est sévère : « une insatisfaction quant aux modalités selon lesquelles les décisions sont prises en matière d'allocation des crédits est exprimée par le mouvement sportif et les collectivités territoriales. Les subventions actuellement versées par le CNDS, opérateur de l'État, irriguent la vie de nombreux clubs et fédérations sportives sans coordination effective avec les collectivités territoriales dont l'effort financier pour le sport est essentiel . En outre, ces financements peuvent parfois percuter les politiques fédérales et excluent souvent le financement des réseaux non fédéraux (les associations intervenant dans les domaines social et sportif). Bien qu'elles disposent de droits de vote au sein des commissions territoriales du CNDS depuis 2016, les collectivités territoriales estiment que son fonctionnement, fondé sur une logique d'appel à projets, ne permet pas la coordination efficace des moyens consacrés au développement du sport par les différents niveaux territoriaux, alors même que ceux-ci en sont de loin les principaux financeurs » 9 ( * ) .

Votre rapporteur spécial a également relevé le décalage entre les aides versées par le CNDS et les besoins pratiques du mouvement sportif . Lors des auditions qu'il a conduites auprès de représentants des fédérations sportives, deux obstacles ont en particulier été relevés :

- d'une part, la procédure d'appel à projets nécessitant l'adaptation des fédérations sportives pour un montant de subvention souvent faible conduit, en pratique, de nombreuses fédérations à ne pas solliciter le CNDS ;

- d'autre part, une logique de concentration des aides sur des thématiques prioritaires et spécifique, alors que certaines fédérations peinent déjà à exister sur des thématiques généralistes.

Dans ces conditions, une agence nationale du sport devrait être prochainement constituée - une structure de préfiguration pourrait être créée dès la fin de l'année, tandis que l'agence serait réellement créée dans le courant de l'année 2019.

Elle prendrait la forme d'un groupement d'intérêt public , regroupant l'État, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et les acteurs économiques - les trois premiers disposant de 30 % des droits de vote et les acteurs économiques de 10 %.

Fédérant l'ensemble du monde sportif et ses financeurs, publics et privés, cette agence interviendrait à la fois pour le développement des pratiques sportives et pour le soutien à la haute performance, dans la perspective des Olympiades de 2024.

En matière de haute performance, cette évolution correspond aux recommandations du rapport de Claude Onesta en janvier dernier 10 ( * ) de mettre en place une structure chargée à la fois de l'accompagnement individualisé de l'athlète dans sa fédération, ainsi que du suivi et de l'évaluation de la performance de l'allocation des moyens aux fédérations. Il s'agit de reproduire les réorganisations auxquelles ont procédé plusieurs pays, tels le Royaume-Uni ou le Canada, qui leur ont permis d'augmenter significativement leurs performances olympiques.

En matière de sport pour tous, ce nouvel outil partenarial vise à répondre aux difficultés de coordination des soutiens au sport actuellement rencontrées. Une conférence des financeurs pourrait ainsi être proposée dans le cadre du projet de loi Sport et société qui devrait être présenté en 2019. Cette conférence serait chargée de coordonner les projets et les financements au niveau territorial.

Dans ce cadre, il est prévu que l'Agence nationale du sport reçoive une subvention du programme 219, de 40 millions d'euros en 2019 , correspondant au financement des fédérations sportives, des équipements nationaux ou aux crédits d'accompagnement des sportifs de haut niveau. Elle recevrait également le produit des taxes affectées dont bénéficie le CNDS, qui serait dissout et dont les activités seraient transférées à l'Agence.

2. Des points de vigilance doivent toutefois être relevés

Votre rapporteur spécial partage le constat d'une nécessaire évolution de la gouvernance du sport et soutient les orientations définies dans le cadre de la réflexion concertée entre acteurs du sport. Cette réorganisation avait d'ailleurs été recommandée en 2015 par notre collègue Didier Guillaume, alors rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », dans son rapport sur la modernisation des relations entre l'État et les fédérations sportives 11 ( * ) .

Toutefois, la réforme n'étant pas concrétisée avant l'examen du projet de loi de finances, il est difficile d'en livrer une analyse étayée .

En tout état de cause, votre rapporteur spécial relève trois points de vigilance.

D'abord, le transfert des droits et obligations du CNDS à l'Agence nationale du sport aura pour conséquence la reprise des restes à payer 12 ( * ) du CNDS , qui s'élevaient à 164,4 millions d'euros fin avril 2018 13 ( * ) et devraient s'établir à 159 millions d'euros en fin d'exercice 14 ( * ) . Ces dépenses devront être honorées par l'État et ne devront pas conduire à obérer, dès sa création, les capacités de soutien de l'agence au mouvement sportif .

Ensuite, l'élaboration d'une démarche transversale à l'ensemble des financeurs du sport ne doit pas se traduire par un nouveau désengagement de l'État du soutien financier au mouvement sportif . Il importe que les dépenses actuellement supportées par le programme 219 et le CNDS soient, a minima , maintenues au sein de la future structure.

Enfin, cette nouvelle organisation nécessitera le repositionnement du ministère des sports et de la direction des sports . L'administration centrale devra concentrer son action sur la définition du cadre réglementaire et sur le contrôle des acteurs et opérateurs du sport par l'exercice du pouvoir de tutelle, ainsi que sur la définition d'une stratégie interministérielle - sport santé, sport à l'école, etc. Aucune précision n'est apportée par le Gouvernement pour les conséquences en termes d'emploi de la création de l'agence.

3. Les conseillers techniques sportifs, facteur de réussite du sport français, doivent être préservés

Dans ce cadre, la question de l'avenir du statut des conseillers techniques sportifs suscite une inquiétude spécifique à la suite de la révélation par voie de presse du schéma d'emploi demandé au ministère des sports d'une réduction de 1 600 ETP d'ici 2022 et de la mention d'une transformation du mode de gestion des conseillers techniques sportifs (CTS).

Ces fonctionnaires d'État sont affectés auprès des fédérations selon des modalités propres prévues par le code du sport 15 ( * ) , leur rémunération étant prise en charge par l'État pour un montant d'environ 110 millions d'euros en 2017.

À la suite des vives réactions du mouvement sportif, le Premier ministre a précisé le sens de la lettre de cadrage transmise au ministère des sports. Dans un communiqué publié le 10 septembre dernier, il est ainsi précisé : « il n'est pas question de supprimer [les CTS]. (...) Leur mode de gestion doit être modernisé , leur rôle au sein des fédérations doit ainsi être retravaillé avec le mouvement sportif. Dans le cadre de la rénovation de la gestion publique décidée par le Gouvernement, leur statut doit être réinterrogé » 16 ( * ) .

Ces précisions ne sont cependant guère rassurantes .

Les conseillers techniques sportifs jouent un rôle essentiel dans la détection et le développement de nos champions . Envisager une remise en cause de leur statut paraît dangereux pour de nombreuses fédérations ne disposant pas des ressources propres nécessaires afin de préserver ces compétences en leur sein .

Cette démarche est de surcroît dangereuse alors que ce sont les jeunes d'aujourd'hui qui, accompagnés par les CTS au cours des années prochaines, décrocheront les médailles espérés aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Aussi votre rapporteur spécial sera-t-il particulièrement attentif à l'évolution du statut des 1 600 conseillers techniques sportifs .


* 9 Réponse de la direction des sports au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 10 Voir le rapport de la mission d'étude pour la haute performance sportive, janvier 2018.

* 11 Rapport d'information n° 174 (2015, 2016) de Didier Guillaume, fait au nom de la commission des finances, « Moderniser les relations entre l'État et les fédérations sportives », 19 novembre 2015.

* 12 Les restes à payer s'expliquent en raison du décalage entre l'engagement de la dépense et son paiement effectif : les subventions d'équipement n'étant soldées qu'à l'issue de la réalisation conforme de l'opération subventionnée et après vérification du montant des dépenses effectivement exposées par le porteur de projet, elles engendrent un niveau important d'engagements à caractère pluriannuel.

* 13 Source direction des sport, dernier chiffre actualisé disponible.

* 14 Prévision inscrite dans le budget initial 2018 du CNDS.

* 15 L'article L. 131-12 du code du sport prévoit que « des personnels de l'État ou des agents publics rémunérés par lui peuvent exercer auprès des fédérations agréées des missions de conseillers techniques sportifs [CTS] ». Leur statut est précisé par l'article, de nature réglementaire, R. 131-16 du même code qui prévoit, notamment, quatre catégories de CTS : directeur technique national, entraîneur national, conseiller technique national ou conseiller technique régional. Ces CTS ont principalement pour mission le développement, au sein des fédérations sportives auprès desquelles ils interviennent, du sport de haut niveau, par la détection des jeunes talents, la formation, et le perfectionnement des élites.

* 16 Voir le communiqué de presse du Premier ministre du 10 septembre 2018 .

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