DEUXIÈME PARTIE
LE FINANCEMENT DES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES
I. LA PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ ET LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION DE L'AIR : DEUX ENJEUX MAJEURS QUI FONT L'OBJET D'UN EFFORT BUDGÉTAIRE EN 2019
A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS ALLOUÉS AU PROGRAMME 113 DANS LE CONTEXTE DE LA MISE EN oeUVRE DU « PLAN BIODIVERSITÉ »
Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » vise à mettre en oeuvre :
- la politique de l'eau , qui prend appui sur les dispositifs de la directive cadre eau (DCE) du 23 octobre 2000 et fixe des objectifs de protection et de restauration de la qualité de l'eau et des milieux aquatiques ;
- la politique relative au littoral et au milieu marin , principalement par la mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) du 17 juin 2008 qui vise à réaliser ou maintenir un bon état écologique des eaux marines à l'horizon 2020 ;
- la politique relative à la biodiversité , par une meilleure connaissance de la biodiversité, la protection des espèces animales, grâce à des plans nationaux d'action en faveur des espèces les plus menacées (60 plans sont mis en oeuvre en 2018, au bénéfice de plus de 200 espèces), et la protection des espaces naturels, via les aires protégées (parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles nationales, régionales, Natura 2000), la trame verte et bleue, la restauration de la continuité écologique des cours d'eau et le troisième plan national d'action en faveur des milieux humides (2014-2018).
Évolution des crédits du programme 113
par action
entre 2018 et 2019
Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Le présent projet de loi de finances pour 2019 propose une augmentation des crédits du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 : + 13 % en autorisations d'engagement et + 10,2 % en crédits de paiement, soit respectivement une augmentation de 19 et 15 millions d'euros.
L'intégralité de cette augmentation est portée sur l'action 7 « Gestion des milieux et biodiversité » et résulte de deux mesures nouvelles.
1. L'augmentation des crédits du programme en 2019 découle de deux mesures nouvelles
L'action 7 a pour objectif d'appliquer les directives communautaires dans les domaines de l'eau et de la nature et de mettre en oeuvre la loi 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages .
Ainsi, c'est sur cette action que sont portées les deux mesures nouvelles proposées par le projet de loi de finances pour 2019 :
- le plan biodiversité , doté d'une enveloppe de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement. Présenté le 4 juillet 2018, ce plan est destiné à renforcer les actions pour la préservation de la biodiversité et à mobiliser des leviers pour la restaurer lorsqu'elle est dégradée ;
- l'organisation du congrès mondial de la nature de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui se tiendra à Marseille en 2020. 9,2 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement et 5 millions d'euros en crédits de paiement. L'organisation de ce Congrès doit permettre à la France de « consolider son rôle moteur en matière de protection de la biodiversité et de l'environnement » 9 ( * ) .
4 des 6 sous-actions de l'action 7 sont concernées par la mise en oeuvre du plan , comme l'illustre le tableau ci-dessous
Sous-actions de l'action 7 « Gestion des milieux et biodiversité » concernées par le « plan biodiversité »
(en euros)
Brique |
Politique |
Opération |
Montant |
Milieux et espaces marins |
CEDRE et Plan POLMAR |
Lutte contre les pollutions plastiques en mer |
300 000 |
Actions sur les récifs coralliens |
Protection des récifs coralliens et écosystèmes marins |
300 000 |
|
Plans d'action espèces marines |
Mesures de protections des cétacés et des tortues |
300 000 |
|
Eau |
Domaine Public Fluvial non navigable |
Continuité des cours d'eau |
300 000 |
Préservation des zones humides et des milieux aquatiques |
Restauration de zones humides en outre-mer et valorisation des usages agricoles en zones humides |
300 000 |
|
Trame verte et bleue et autres espaces protégés |
Réserves naturelles nationales |
Création RNN : estuaire de la Loire + Mayotte, RNN TAAF (extension) |
500 000 |
Stratégie de création des aires protégées |
500 000 |
||
Trame Verte et Bleue, Schéma Régionaux de Cohérence Écologique |
Restaurations des continuités écologiques |
1 000 000 |
|
Nature en ville : accompagnement des collectivités pour l'élaboration des plans « Nature en ville » |
500 000 |
||
Parcs Nationaux |
Création du parc national des feuillus en plaine |
2 500 000 |
|
Connaissance et préservation de la biodiversité |
Acquisition des connaissances |
Maintien de la qualité des sols : élaboration d'indicateurs, expérimentations, études scientifiques sur la biodiversité des sols |
300 000 |
Mise en place de la gestion adaptative des espèces chassables : expérimentations avec la FNC et des fédérations départementales |
200 000 |
||
Mobilisation des acteurs en faveur de la biodiversité |
Campagnes de communication du ministère sur le plan Biodiversité |
2 000 000 |
|
Lutte contre les espèces exotiques envahissantes |
Actions de prévention contre les espèces exotiques envahissantes |
500 000 |
|
Plans d'action espèces terrestres |
Plans nationaux d'action en outre-mer |
500 000 |
|
Total |
10 000 000 |
Source : projet annuel de performances pour 2019
Ces sous-actions font donc l'objet d'une hausse de leurs crédits de paiement pour 2019 par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 :
- la protection des espaces naturels , à laquelle sont alloués 43 millions d'euros (+ 3,5 millions d'euros), pour financer les 53 parcs naturels régionaux, les 167 réserves naturelles régionales et les 21 conservatoires nationaux des espaces naturels. Conséquence de la création du futur parc national des forêts de Champagne et Bourgogne, une compensation de 2,5 millions d'euros par an à l'Office national des forêts est prévue pendant quatre ans ;
- la connaissance et la préservation de la biodiversité , pourvue de 32 millions d'euros (+ 3 millions d'euros), notamment dans le cadre du rapportage communautaire sur les directives « Habitats-faune-flore » et « Oiseaux » : l'état de conservation des habitats naturels et des espèces d'intérêt communautaire a été évalué en 2013 puis le sera de nouveau en 2019 dans le cadre de ce rapportage ;
- les espaces et milieux marins , dotés de 20,4 millions d'euros (+ 2,2 millions d'euros). Cette action est également renforcée, comme l'année dernière, dès lors que les actions nécessaires à l'atteinte du bon état des milieux marins d'ici 2020, en application de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM), entraînent un besoin de financement croissant : il s'agit de mettre en oeuvre de façon opérationnelle les quatre plans d'action pour le milieu marin (PAMM) (programmes de surveillance de l'état des eaux marines, programmes de mesures) ;
- la politique de l'eau , dotée de 16,2 millions d'euros (+ 2,8 millions d'euros), dont une enveloppe allouée aux zones humides et aquatiques , alors qu'un nouveau plan d'action national est envisagé à compter de 2019, à partir des résultats de la mission parlementaire portant sur la préservation des zones humides.
Ainsi, à périmètre constant (à l'exclusion des effets de ces deux mesures nouvelles), les crédits de paiement du programme 113 sont identiques à ceux prévus en loi de finances initiale pour 2018, et stagnent à 147,8 millions d'euros.
2. Le « plan biodiversité » serait en réalité financé à 90 % par les agences de l'eau
Le « plan biodiversité » témoigne de la volonté de la France de se doter d'un cadre ambitieux pour la reconquête et la protection de la biodiversité d'ici 2020 , date à laquelle seront adoptés de nouveaux objectifs dans le cadre de la Convention internationale sur la diversité biologique.
Lors de la présentation du « plan biodiversité », l'ancien ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, avait toutefois annoncé que 600 millions d'euros seraient mobilisés pour la mise en oeuvre des actions du plan, sur une durée de quatre ans.
Les 10 millions d'euros de crédits de paiement proposés pour 2019 apparaissent donc bien dérisoires.
D'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, le « plan biodiversité » prévoit bien de mobiliser 600 millions d'euros de crédits sur les quatre prochaines années, décomposés comme suit :
- 150 millions d'euros seraient consacrés aux paiements pour les services environnementaux dans le domaine de l'agriculture, afin de préserver les prairies, restaurer les haies, développer le couvert végétal et protéger les sols ;
- 250 millions d'euros seront dédiés au renforcement des actions engagées par le ministère et ses opérateurs pour la restauration et la gestion des milieux, la lutte contre les plastiques, les actions destinées à encourager le développement de la nature en ville , et pour le déploiement des solutions innovantes fondées sur la nature ;
- enfin, 200 millions d'euros seront issus de la hausse de la redevance sur les pollutions diffuses et viendront financer le développement de l'agriculture biologique .
En réalité, peu de crédits supplémentaires sont apportés par l'État, dès lors qu' environ 510 millions d'euros proviendraient d'un redéploiement des interventions des agences de l'eau entre le 10? et le 11? programme d'intervention :
- 200 millions d'euros sur l'agriculture biologique ;
- 150 millions d'euros sur les paiements pour services environnementaux ;
- 160 millions d'euros sur la restauration et la gestion des milieux aquatiques, terrestres et marins.
Il est indiqué que « les Agences renforceront leurs interventions contribuant à la lutte contre l'artificialisation des sols, notamment sur la désimperméabilisation (...) et accompagneront la restauration de cours d'eau et zones humides, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes aquatiques et les plans d'actions sur les espèces aquatiques emblématiques ».
Dans le contexte budgétaire particulièrement contraint que connaissent les agences de l'eau (cf. infra ), votre rapporteur spécial estime que l'État exerce un « tour de passe-passe » quant au financement du « plan biodiversité ».
* 9 Projet annuel de performances pour 2019.