TITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

(Division et intitulé supprimés)

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-10 tendant à supprimer cette division et son intitulé, par cohérence avec l'extension des dispositions proposées aux articles 5 et 6 à d'autres collectivités que la Polynésie française. Les divisions créées à l'Assemblée nationale pour isoler les articles dédiés à la Polynésie française n'auraient donc plus de raison d'être.

Article 5 A - Autorisation du partage par souche en Polynésie française

Introduit par votre commission à l'initiative de notre collègue Lana Tetuanui, par l'adoption de l' amendement COM-13 , l'article 5 A de la proposition de loi consacre la possibilité de procéder, en Polynésie française, à un partage du bien par souche, quand le partage par tête est impossible.

Cette disposition déroge à l'article 827 du code civil qui dispose que « le partage de la masse s'opère par tête. Toutefois, il se fait par souche quand il y a lieu à représentation. Une fois opéré le partage par souche, une répartition distincte est opérée, le cas échéant, entre les héritiers de chaque souche ».

Cet amendement fait écho à la proposition n° 25 du rapport de la délégation aux outre-mer précité.

Ce rapport soulignait qu'en Polynésie française, le partage par tête, tel qu'il est prévu à l'article 827 du code civil, est bien souvent soit impossible, soit dénué de sens au regard de l'étroitesse des parcelles à partager, du nombre des héritiers et de l'ancienneté de la succession.

La cour d'appel de Papeete a d'ores et déjà validé le principe d'un partage par souche familiale, quitte à enregistrer ultérieurement des demandes de partage par tête au sein de chaque souche lorsque cela est possible.

Cette construction prétorienne vise à admettre la représentation, dans la procédure de partage, des indivisaires qui ne peuvent être appelés à l'instance, par un parent issu de la même souche.

Or, la Cour de cassation invalide systématiquement les arrêts de la cour d'appel retenant cette solution juridique qui élargit libéralement la notion de représentation. Elle estime en effet « que la seule communauté d'intérêts ne saurait suffire à caractériser la représentation et qu'un jugement ne peut créer de droits ni d'obligations en faveur ou à l'encontre de ceux qui n'ont été ni parties ni représentés dans la cause » 15 ( * ) .

Cette solution, aussi juste et rigoureuse juridiquement soit-elle, entraîne de lourds préjudices et retarde le traitement de la question foncière en Polynésie française. Il faut admettre qu'il n'y a bien souvent pas d'autre choix que le partage par souche, comme l'ont reconnu unanimement tous les magistrats rencontrés par la délégation sénatoriale lors de ses déplacements à Papeete et dans les archipels. D'ailleurs, malgré la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le tribunal de première instance et la cour d'appel de Papeete maintiennent leur solution prétorienne. Peu de pourvois en cassation sont constatés, bien que l'invalidation soit assurée. C'est le signe que le partage par souche est plutôt bien accepté par la population.

Suivant son rapporteur, votre commission a donc adopté cet amendement, après avoir proposé à son auteur, qui l'a accepté, de le rectifier pour préciser que le partage par souche ne pourrait intervenir qu'à l'occasion d'un partage judiciaire.

En effet, comme le soulignaient les auteurs du rapport de la délégation aux outre-mer précité, il faut prévoir des garde-fous « pour éviter que l'introduction d'une présomption de représentation au sein d'une souche dispense de rechercher le plus d'indivisaires possible pour les attraire au partage, et aboutissent à des partages iniques à l'insu de certains indivisaires. C'est particulièrement vrai lorsqu'on admet qu'un seul indivisaire partie au partage suffit pour représenter toute sa souche. Il ne s'agit pas de provoquer des conflits familiaux supplémentaires à cette occasion, ni de léser quiconque. Il est difficile de décider in abstracto des critères, notamment numériques, qui rendent la représentation par souche acceptable et utile. C'est pourquoi l'opportunité et les modalités de la représentation par souche doivent être appréciées par le juge et sous son contrôle. C'est à lui que revient de garantir en toute impartialité le respect des droits de tous les indivisaires ».

Votre commission a adopté l'article 5 A ainsi rédigé .

Article 5 - Conditions de l'attribution préférentielle du bien au conjoint survivant ou au copropriétaire qui y réside

Introduit à l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de Mme Maina Sage et plusieurs de ses collègues, avec deux avis favorables du Gouvernement et de la commission, l'article 5 de la proposition de loi vise à adapter le dispositif d'attribution préférentielle, prévu au 1° de l'article 831-2 du code civil, aux spécificités polynésiennes.

Le 1° de l'article 831-2 du code civil prévoit qu'au moment du partage de la succession, le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert d'habitation.

Cette attribution s'effectue dans le respect du montant de ses droits et peut donner lieu, le cas échéant, au paiement d'une soulte, si le bien attribué a une valeur supérieure aux droits qu'il a acquis de la succession.

Pour bénéficier de cette attribution préférentielle, le demandeur doit prouver qu'il avait sa résidence sur le bien « à l'époque du décès » du de cujus .

Le rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont votre rapporteur était le rapporteur coordonnateur, avait pointé le caractère inadapté de ce mécanisme en Polynésie française 16 ( * ) .

Selon ce rapport, « cette condition [était] impossible à remplir pour des successions très anciennes, parfois ouvertes il y a plus de 100 ans ». Il préconisait « de prévoir, pour l'application en Polynésie française de l'article 831-2 précité, qu'un héritier copropriétaire ayant sa résidence principale dans les lieux depuis un temps suffisamment long, sans trouble, puisse bénéficier de l'attribution préférentielle de ce logement ».

L'article 5 de la proposition de loi, reprenant cette proposition n° 27 du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, tend donc à permettre au conjoint survivant ou à un héritier copropriétaire de demander l'attribution préférentielle du bien, s'il démontre qu'il y avait sa résidence « par une possession continue, paisible et publique depuis un délai de dix ans antérieurement à l'introduction de la demande ».

Cette attribution préférentielle s'exercerait sous le contrôle du juge, puisqu'elle ne pourrait être demandée que dans l'hypothèse d'un partage judiciaire.

Selon votre rapporteur, les difficultés qui ont justifié la création de ce dispositif pour la Polynésie française existent dans l'ensemble des territoires ultramarins concernés par le présent texte 17 ( * ) . Sur sa proposition, votre commission a donc adopté un amendement COM-11 qui étend le champ d'application de l'article 5 aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Cet amendement apporte également diverses modifications au dispositif proposé.

En effet, le mécanisme mis en place n'est pas sans rappeler celui de la prescription acquisitive abrégée, qui permet d'acquérir la propriété par « une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » 18 ( * ) , au bout de dix ans pour « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble » 19 ( * ) .

Pour autant, il s'agit d'un mécanisme bien distinct car le demandeur à l'attribution préférentielle est héritier copropriétaire. Il ne cherche donc pas à acquérir la propriété par une possession puisqu'il est déjà propriétaire d'une fraction de ce bien. Il demande seulement à se voir attribuer l'intégralité de ce bien.

Dès lors, si la référence aux conditions de la prescription acquisitive, bien connues, est utile pour permettre au juge de se prononcer sur l'attribution préférentielle du bien au demandeur, l'utilisation du terme « possession » prête à confusion. C'est pourquoi, l'amendement précité l'a supprimé. Il apporte également plusieurs modifications d'ordre rédactionnel.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

Article 6 - Conséquences de l'omission d'un héritier sur le partage intervenu

Introduit à l'Assemblée nationale, en séance publique, à l'initiative de Mme Maina Sage et plusieurs de ses collègues, avec deux avis favorables du Gouvernement et de la commission, l'article 6 de la proposition de loi, dont l'application est limitée à la Polynésie française, vise à empêcher la remise en cause d'un partage judicaire transcrit ou exécuté, par un héritier omis.

Le dispositif proposé revient à écarter l'application du premier alinéa de l'article 887-1 du code civil qui dispose que « le partage peut être [...] annulé si un des cohéritiers y a été omis », dans l'hypothèse où l'omission résulterait d'une erreur ou d'une ignorance.

L'héritier omis ne pourrait alors que « demander de recevoir sa part, soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage », comme le prévoit le deuxième alinéa de cet article.

Pour éviter d'éventuels abus, cette dérogation serait limitée aux hypothèses dans lesquelles le partage a été fait en justice

Ce dispositif reprend la proposition n° 24 du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont votre rapporteur était le rapporteur coordonnateur.

Son objectif est d'éviter de créer une insécurité juridique réelle pour les indivisaires entrés de bonne foi en possession de leurs biens, l'annulation pouvant intervenir de nombreuses années après le partage définitif. Dans cette perspective, il serait préférable de favoriser la compensation en valeur car l'attribution d'une part en nature risquerait tout de même de remettre en cause le partage et d'être également source d'insécurité juridique.

Comme l'indique le rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer, « cette mesure ne serait pas incompatible avec le principe d'égalité devant la loi, même s'il s'agit de fermer une voie d'action devant le juge. En effet, d'une part, demeure le principe de la compensation en valeur, éventuellement en nature si les coindivisaires l'acceptent, si bien que l'héritier omis ne sera pas lésé. D'autre part, l'impératif de garantir le maximum de sécurité juridique des partages exécutés est véritablement d'intérêt général en Polynésie française au regard de l'enlisement de la situation foncière et des tensions sociales qu'il cause » 20 ( * ) .

Au cours des auditions qu'il a organisées, votre rapporteur a pu constater que la situation n'était pas très différente sur ce point dans les autres territoires concernés par le présent texte, dans les Antilles ou à Mayotte notamment, en raison des difficultés à identifier avec certitude l'ensemble des indivisaires, parfois éparpillés dans le monde entier, ou en raison de l'établissement tardif de liens de filiation avec le défunt.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a donc adopté un amendement COM-12 , qui étend l'application du dispositif dérogatoire prévu à l'article 6 aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.


* 15 Cass. 2 e civ, 13 septembre 2007, 06-15.646.

* 16 Rapport précité p. 62.

* 17 Cf. Exposé général.

* 18 Article 2261 du code civil.

* 19 Article 2272 du code civil.

* 20 Rapport précité p. 13 et 59.

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