Rapport n° 140 (2017-2018) de Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 6 décembre 2017

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 décembre 2017

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du traité d' extradition entre la République française et la République socialiste du Viet Nam et du traité d' entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République socialiste du Viet Nam ,

Par Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Robert del Picchia, Thierry Foucaud, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Cédric Perrin, Gilbert Roger , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Rachid Temal , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Sénat :

614 (2016-2017) et 141 (2017-2018)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi n° 614 (2016-2017) autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République socialiste du Vietnam et du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République socialiste du Vietnam .

Signés le 6 septembre 2016, ces traités viennent compléter le tissu conventionnel existant entre les deux pays , liés depuis 2001 par une convention d'entraide judiciaire en matière civile. Ils visent à permettre l'extradition des personnes poursuivies ou condamnées en fuite, et à renforcer la coopération franco-vietnamienne dans la recherche de la preuve pénale .

Ces échanges s'effectuent actuellement sur le fondement des conventions multilatérales auxquelles la France et le Vietnam sont parties, ou sur la base de l'offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale. Au cours des dix dernières années, le volume des échanges a été faible pour les deux domaines concernés ; il est toutefois appelé à croitre dans les années à venir en raison du développement en Europe de réseaux de délinquance d'origine vietnamienne .

Sur le plan juridique, les stipulations de ces traités sont conformes aux standards habituellement mis en oeuvre par la France . Aussi la peine capitale et les infractions politiques font-elles obstacle à l'extradition ; eu égard à la situation des droits de l'homme et à l'application de la peine de mort au Vietnam, ces motifs de refus sont essentiels. Aucune organisation internationale de défense des droits de l'homme ne s'est d'ailleurs manifestée auprès des autorités françaises pour dénoncer l'un des présents traités.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en premier.

PREMIÈRE PARTIE :
DES TRAITÉS QUI RENFORCENT LA COOPÉRATION FRANCO-VIETNAMIENNE EN MATIÈRE JUDICIAIRE

I. LES RELATIONS FRANCO-VIETNAMIENNES

A. LES RELATIONS POLITIQUES

La France a été l'un des premiers pays occidentaux à soutenir la politique de rénovation du Vietnam , accompagnant le développement et l'ouverture de ce pays depuis plus de vingt ans. Les deux pays ont signé le 25 septembre 2013 une déclaration de partenariat stratégique , qui a pour objectif le renforcement de la relation dans tous les domaines (politique, défense, économie, éducation, culture).

Les relations politiques sont rythmées par des rencontres régulières à très haut niveau : quatre visites présidentielles françaises au Vietnam (1993, 1997, 2004, 2016) et visite du Premier ministre François Fillon en novembre 2009 ; visites en France du président de la République socialiste du Vietnam en 2002, du Secrétaire général du Parti en 2005, et du Premier ministre Nguyen Tan Dung en 2007, 2013 et 2015 (lancement de la COP 21). De plus, chaque année, plusieurs visites ministérielles sont organisées, dans les deux sens.

Les échanges de visite des groupes interparlementaires d'amitié s'effectuent périodiquement. De même, les relations se nourrissent des liens entre collectivités locales, qui se réunissent régulièrement autour des assises de la coopération décentralisée franco-vietnamienne (la dixième édition s'est tenue en 2016 à Can Tho, au sud du Vietnam). Le Vietnam est par ailleurs membre de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et héberge, à Hanoï, le bureau régional de cette organisation pour l'Asie et le Pacifique.

B. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES

La politique étrangère du Vietnam a aujourd'hui pour objectif d'accompagner le développement économique du pays tout en assurant sa sécurité, et de faire entendre la voix de Hanoï sur les sujets globaux. Celle-ci obéit au mot d'ordre d'« intégration internationale active », dans la poursuite de la ligne d'ouverture de 1991 : réconciliation avec les pays voisins et avec les États-Unis, et rapprochement avec les organisations régionales et internationales 1 ( * ) . La conclusion de partenariats stratégiques est un élément structurant de la nouvelle politique étrangère de Hanoï , qui se concentre aujourd'hui sur une dizaine de partenaires majeurs, dont la France .

D'après les informations publiées par la direction générale du Trésor, le commerce bilatéral franco-vietnamien a continué de s'approfondir en 2016 (6 milliards d'euros, en hausse de 9,2 %) après la progression significative observée en 2015 (+ 43,3 %). Nos relations économiques apparaissent néanmoins déséquilibrées et loin d'être à leur potentiel. En effet, bien que nos exportations vers le Vietnam progressent légèrement (1,5 milliard d'euros en 2016, soit une hausse de 4,9 %), notre déficit commercial continue malgré tout de se creuser (3 milliards d'euros en 2016 contre 2,7 milliards d'euros en 2015) compte tenu de l'ampleur de nos importations (4,5 milliards d'euros l'an dernier) en provenance du Vietnam (produits textiles et chaussures, articles de sport et téléphones portables, notamment). Nos exportations vers ce pays sont composées de ventes aéronautiques (47,7 %) ainsi que de produits pharmaceutiques (14,7 %) et agroalimentaires (10,5 %), pour une part de marché française se situant aux alentours de 0,8 %.

Notre pays est le troisième investisseur européen au Vietnam et le seizième investisseur mondial en termes de stock de licences d'investissement (stock de 3 milliards de dollars). Près des deux tiers des investissements français sont réalisés dans le secteur des services, un cinquième dans l'industrie (eau, gaz et électricité), 7 % dans l'agriculture et 5 % dans la distribution. Près de 300 entreprises françaises sont présentes au Vietnam sous la forme de sociétés, bureaux de représentation ou co-entreprises, et génèrent environ 26 000 emplois.

Selon Eurostat, la France est le deuxième fournisseur européen du Vietnam , loin derrière l'Allemagne. De son côté, le Vietnam est le dix-neuvième fournisseur de la France , et son premier fournisseur régional (30,2 % des importations provenant de la région ASEAN).

C. L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Le secteur éducatif est une composante importante de la relation. Avec près de 7 000 étudiants, les étudiants vietnamiens constituent la deuxième communauté étudiante asiatique en France, qui est leur troisième pays d'accueil . La France et le Vietnam ont développé conjointement de nombreuses coopérations universitaires et scientifiques, dont l'Université des sciences et des technologies de Hanoï (USTH), créée en 2009 par un accord intergouvernemental, et le Centre franco-vietnamien de gestion (CFVG), qui ambitionne de devenir une grande école de commerce en Asie du Sud-Est. Sur le plan culturel, une « année France-Vietnam » a été organisée en 2013-2014 à l'occasion du quarantième anniversaire de l'établissement de relations diplomatiques.

L'engagement de la France reste fort en termes d'aide au développement : la France est historiquement le deuxième donateur bilatéral du Vietnam après le Japon, avec 1,7 milliard d'euros d'engagements cumulés depuis 1993. La coopération financière est également dense ; le Vietnam est ainsi le troisième récipiendaire de nos financements , avec plus de 350 millions d'euros de projets financés depuis 2006 par la Réserve pays émergents (RPE), devenue depuis 2015 le « Prêt du Trésor concessionnel ». Par ailleurs, l'Union européenne a annoncé un montant indicatif de 400 millions d'euros pour la période 2014-2020, en priorité dans les domaines de la gouvernance, de l'énergie et de la lutte contre le changement climatique.

D. LA COOPÉRATION DANS LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ

Il est difficile de qualifier la « criminalité organisée » au Vietnam, du fait de la conjonction de plusieurs facteurs locaux :

- en premier lieu, l'importance du secteur économique informel dans le pays. Ce facteur implique que des pans entiers d'activités se déroulent hors du cadre réglementaire et/ou légal de référence. Dans cette vaste « zone grise », avec de nombreuses porosités, il est donc parfois difficile de distinguer ce qui peut relever, ou non, de la criminalité organisée ;

- en second lieu, la diffusion massive des phénomènes de corruption , qui touchent toutes les couches de la société, qu'il s'agisse des actes les plus simples du quotidien ou de systèmes complexes de grande ampleur. Dans un pays par ailleurs étroitement contrôlé par l'État et le Parti, où les frontières entre activités privées, publiques, parapubliques sont souvent brouillées, la qualification de « criminalité organisée » est donc chose particulièrement malaisée - c'est le cas, par exemple, du blanchiment d'argent.

Dans ce contexte, il est toutefois possible de mettre en lumière les secteurs sur lesquels la France a engagé des actions de coopération de sécurité intérieure , et pour lesquels il est possible de disposer d'éléments objectifs facilitant l'identification d'une dimension relevant clairement de la criminalité organisée 2 ( * ) .

1. La contrefaçon de médicaments et produits de consommation présentant un risque pour la santé

De 2012 à 2015, le « Projet Mékong », financé par le Fonds de solidarité prioritaire (FSP) 3 ( * ) , a soutenu la capacité des services vietnamiens chargés de la prévention et de la lutte dans ce domaine. Les saisies ont été importantes (plus de 22 tonnes sur 3 ans).

2. L'immigration irrégulière

La coopération franco-vietnamienne en matière de lutte contre les filières d'immigration irrégulière s'est renforcée au cours de ces dernières années. Ces filières sont organisées par des groupes criminels installés au Vietnam et en Europe. Les pays de destination finale sont pour l'essentiel l'Allemagne et le Royaume-Uni, mais la France, pays de transit, doit faire face à une pression migratoire irrégulière relativement soutenue.

En effet, depuis plusieurs années, les services français de la police aux frontières enregistrent une hausse du nombre d'irréguliers se présentant à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle , dépourvus de tout document de voyage et d'identité, et identifiés après enquête comme étant des ressortissants vietnamiens.

Depuis, un processus visant à améliorer nos échanges a été engagé avec la visite d'une délégation vietnamienne à Paris fin octobre 2014. En mars 2016, une opération « Calais » a été organisée en France : vingt-trois personnes en situation irrégulière ont été identifiées dans le cadre de cette opération et reconduites, avec l'appui d'agents du département de l'immigration vietnamien.

3. Le trafic de stupéfiants

En dépit d'une législation extrêmement sévère 4 ( * ) , le trafic de drogue se développe de façon préoccupante au Vietnam. Le pays est sous l'influence des grands centres de production et de transformation de drogue du « Triangle d'or » (Laos, Birmanie, Thaïlande), et constitue une zone de transit des produits stupéfiants, en provenance de Chine et de Malaisie, et à destination de l'Europe et des États-Unis.

Les saisies de produits stupéfiants effectuées par les services de police vietnamiens démontrent que l'héroïne, l'opium et le cannabis restent prégnants sur le marché de la drogue vietnamien. Toutefois, le dynamisme du marché des drogues de synthèse traduit une nouvelle tendance inquiétante. Connus sous les noms de « sel de bain », « meth », « K2/Spice » ou « Yaba », ces produits stupéfiants sont vendus en poudre, sous forme de cristaux translucides ou de pilules. Utilisés souvent comme drogues dites « récréatives » dans le milieu de la nuit, elles tendent aujourd'hui à pénétrer tous les milieux, ciblant principalement les jeunes.

Ces nouvelles drogues de synthèse, en provenance de Chine et du Laos pour l'essentiel, sont parfois transformées au Vietnam par des « chimistes » formés en Europe de l'Est. Plusieurs laboratoires clandestins ont été détruits ces dernières années. 90 % des produits stupéfiants saisis au Vietnam transitent depuis les pays voisins par la voie routière.

Selon les chiffres du ministère vietnamien de la sécurité publique -qu'il convient de prendre avec précaution -, les services de police vietnamiens auraient saisi, en 2016, 608 kg d'héroïne, 15 kg de cocaïne, 92 kg d'opium, 146 kg de cannabis, 1,6 kg de marijuana, 4 kg de kétamine, 840 kg de drogue synthétique et 427 655 comprimés/pilules/cachets.

4. Le trafic d'êtres humains

Le Vietnam est essentiellement un « pays source ». Au plan régional et international, de nombreuses femmes vietnamiennes sont envoyées en Chine, au Laos, au Cambodge, en Thaïlande, en Malaisie ou vers des pays européens à des fins de mariage forcé, d'exploitation sexuelle ou d'esclavage moderne. Au plan national, le trafic des femmes est également organisé par des groupes criminels depuis les zones rurales et pauvres vers les centres urbains industrialisés du pays.

5. Les abus sexuels et le tourisme sexuel au préjudice des mineurs

Le tourisme sexuel se développe dans le pays. Le renforcement des capacités techniques et opérationnelles de la police thaïlandaise en matière de lutte contre le tourisme sexuel entraîne un déplacement du phénomène vers le Cambodge, mais aussi vers le Vietnam. Cette criminalité est moins visible au nord du pays (Hanoï) qu'au sud (Hô-Chi-Minh-Ville). Un nombre croissant d'organisations non gouvernementales et d'associations spécialisées en ce domaine s'implantent au Vietnam et engagent des actions de plaidoyer auprès des autorités pour tenter de lever le tabou sur cette forme de criminalité, en particulier dans le milieu familial.

E. LES RELATIONS EN MATIÈRE D'EXTRADITION ET D'ENTRAIDE JUDICIAIRE PÉNALE

1. En matière extraditionnelle

Le flux extraditionnel entre nos deux pays est très faible. Depuis le 1 er janvier 2007, on recense une seule demande, formée par la France et qui n'a pas abouti à une remise . Une autre demande était sur le point d'être soumise par notre pays mais ne l'a pas été en raison du décès de la personne recherchée.

Aucune demande d'extradition n'a en revanche été adressée par les autorités vietnamiennes sur la période de référence.

2. En matière d'entraide judiciaire pénale

Le nombre de demandes d'entraide judiciaire échangées en matière pénale entre la France et le Vietnam ces dernières années est également faible .

a) Commissions rogatoires internationales

Ce domaine de la coopération judiciaire est marqué par le très faible volume des demandes d'entraide échangées entre les deux pays depuis plus d'une dizaine d'années.

Au total, dix-sept demandes d'entraide pénales ont été recensées depuis le 1 er janvier 2007 :

- treize émanent des juridictions françaises (comprenant une demande d'enquête, terminée, et douze commissions rogatoires internationales dont quatre sont toujours en cours). Ces treize commissions rogatoires concernent principalement des faits de viol sur mineur (trois d'entre elles portent sur le même dossier), d'abus de confiance et d'escroquerie, d'abandon de famille, des infractions douanières ainsi qu'un dossier d'homicide involontaire ;

- et quatre commissions rogatoires internationales émanent des autorités vietnamiennes . Elles portent principalement sur des faits d'homicide involontaire, vol à l'arraché et escroquerie. Deux d'entre elles sont en cours d'exécution.

b) Dénonciations officielles

Durant la même période, deux demandes de délégation de poursuites pénales ont été transmises aux autorités vietnamiennes , visant des faits de dénonciation calomnieuse pour l'une, et des faits d'escroquerie pour l'autre. La dernière demande est toujours en cours.

Les autorités vietnamiennes n'ont, elles, délivré aucune demande de délégation de poursuites.

II. LE CONTEXTE DE LA NÉGOCIATION DES TRAITÉS

A. UN LIEN CONVENTIONNEL DÉJÀ EXISTANT

La France et le Vietnam sont parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées dans le domaine de la coopération judiciaire pénale, adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations unies. Sur le plan bilatéral, une seule convention d'entraide judiciaire a été ratifiée à ce jour , et concerne la matière civile.

1. La convention d'entraide judiciaire en matière civile de 1999

Nos deux pays sont en effet liés par une convention d'entraide judiciaire en matière civile , signée le 24 février 1999 et entrée en vigueur le 1 er mai 2001. Cette convention comporte notamment des dispositions relatives :

- à l'accès à la justice (réciprocité en matière de droit à l'aide juridictionnelle et exequatur des condamnations aux frais et dépens du procès) ;

- aux conditions relatives à l'exequatur des décisions judiciaires ;

- à l'obtention des preuves (l'activité est faible dans ce domaine ; deux commissions rogatoires internationales en provenance du Vietnam ont été recensées en 2015) ;

- à la transmission internationale des actes judiciaires (cinquante-trois demandes adressées par le Vietnam en 2016) ; c'est dans ce domaine que la convention est la plus utilisée.

Il est à noter que la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, est entrée en vigueur au Vietnam en octobre 2016, et y est appliquée depuis mars 2017. Or, cette convention comprend, à son article 26, une clause de compatibilité qui prévoit l'application prioritaire des instruments bilatéraux.

Le Vietnam a donc adressé au ministère français de la justice, le 25 septembre 2017, une note officielle sollicitant la poursuite des transmissions d'actes entre les deux pays en application de l'accord bilatéral du 24 février 1999. La France n'a pas encore répondu mais soutient la position vietnamienne, et les actes en provenance de France sont effectivement transmis en application de cet instrument.

2. Un bilan mitigé et des pistes d'amélioration

Quelques difficultés pratiques sont rencontrées dans l'application de cette convention :

- d'une part, en dépit de la volonté affichée par l'autorité centrale vietnamienne, plusieurs actes ont été transmis en application de la Convention de La Haye de 1965 au lieu de l'accord bilatéral ;

- d'autre part, conformément à la convention bilatérale, seuls les modes de transmission semi-directe et de la notification directe par le requérant sont ouverts, si bien que la transmission d'autorité compétente à autorité compétente n'est pas possible (en l'espèce, pas de transmission d'huissier de justice à huissier de justice), ce qui est regrettable.

Lors d'un séminaire organisé le 6 novembre 2017 à Hanoï par l'ambassade de France, les autorités centrales ont pu échanger sur leurs pratiques et les perspectives d'évolution. Une difficulté tenant à l'absence d'enregistrement, par l'autorité centrale vietnamienne, des retours d'actes notifiés en France a été notamment identifiée, et les causes sont à l'étude. Il a été convenu de poursuivre ces échanges par courriel.

B. UNE VOLONTÉ COMMUNE DE RENFORCER CETTE COOPÉRATION

La France et le Vietnam ne sont en revanche liés par aucune convention bilatérale permettant l'extradition des personnes poursuivies ou condamnées en fuite , ou une coopération dans la recherche de la preuve pénale . Ces échanges s'effectuent actuellement sur le fondement des conventions multilatérales, ou sur la base de l'offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale.

L'ambassade de France à Hanoï soutient depuis 2009 l'intérêt de conclure des traités d'entraide judiciaire et d'extradition avec le Vietnam. Bien que les volumes d'échanges entre nos deux pays soient faibles dans ce domaine, ils ont vocation à croître dans le contexte du développement, en Europe, de réseaux de délinquance organisée d'origine vietnamienne .

Plusieurs autres États membres de l'Union européenne ont signé (Royaume-Uni, Espagne, République tchèque, Hongrie, Slovaquie) ou négocient actuellement (Allemagne) des accords d'entraide judiciaire avec la partie vietnamienne. La France, elle, négocie actuellement un traité d'entraide judiciaire pénale avec un pays frontalier du Vietnam : le Cambodge 5 ( * ) .

Notre représentation diplomatique a pu souligner, à plusieurs reprises, la grande réticence des autorités vietnamiennes à coopérer en l'absence de base conventionnelle . Selon ces dernières, la notion de réciprocité, jugée trop vague, s'accommoderait mal de la pratique vietnamienne qui privilégie la conclusion d'accords internationaux ; leur caractère normatif définit plus clairement les droits et obligations de chaque partie.

La France avait initialement proposé que les négociations prennent pour base les projets de conventions qu'elle avait établis. La partie vietnamienne a cependant souhaité que les discussions sur le texte relatif à l'entraide judiciaire portent sur son propre projet de traité , très largement inspiré de la convention relative à l'entraide pénale de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN). Le texte final est donc moins ambitieux que celui initialement proposé par la partie française , notamment en ce qu' il n'inclut pas de stipulations relatives aux formes les plus modernes de coopération comme la visioconférence, les interceptions de télécommunications, les livraisons surveillées, ou encore les infiltrations. La partie française est néanmoins parvenue à limiter le nombre de motifs de refus et à obtenir l'inclusion de dispositions portant sur la saisie et la confiscation d'avoirs , les dénonciations officielles et les échanges spontanés d'informations .

III. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DES DROITS DE L'HOMME AU VIETNAM

Les infractions politiques et la peine de mort feront obstacle à l'extradition ainsi qu'en dispose l'article 3 du premier traité ( cf. infra ). Compte tenu de la situation des droits de l'homme au Vietnam, ces stipulations sont essentielles .

A. LA RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE

Depuis le XII e congrès du Parti communiste vietnamien de janvier 2016 , qui a procédé au renouvellement de la direction collégiale du pays et a mis en place de nouveaux dirigeants plus conservateurs, le contrôle sur la société civile s'est accru , avec une forte augmentation du nombre d'arrestations et de condamnations à de lourdes peines de prison de blogueurs et de journalistes. Les autorités sont attentives à éviter toute tentative d'organisation d'une opposition qui utiliserait notamment les moyens de communication liés à internet, très développé au Vietnam. Un contrôle étroit est ainsi exercé sur la blogosphère et sur les médias.

Dans son rapport 2016/2017, Amnesty International indique à cet égard que « toute critique pacifique des politiques gouvernementales continuait d'être muselée par des moyens judiciaires et extrajudiciaires. Des militants ont été soumis à une surveillance et à un harcèlement de grande ampleur , notamment ceux qui avaient manifesté contre la catastrophe écologique causée par l'entreprise Formosa , qui a touché quelque 270 000 personnes. Les agressions contre les défenseurs des droits humains étaient monnaie courante » .

L'organisation internationale de défense des droits de l'homme ajoute que « les autorités ont continué d'avoir recours à des lois formulées en termes vagues pour condamner des militants pacifiques au titre du chapitre sur la sécurité nationale figurant dans le code pénal de 1999, en particulier l'article 258 (« utilisation abusive des libertés démocratiques pour porter atteinte aux intérêts de l'État et aux droits et intérêts légitimes des organisations ou des citoyens »), l'article 88 (« diffusion de propagande contre la République socialiste du Vietnam ») et l'article 79 (« conduite d'activités visant à renverser le gouvernement populaire ») » .

Amnesty international rapporte enfin que « la torture et d'autres mauvais traitements , dont la détention au secret, l'isolement prolongé, les coups, le déni de traitement médical et les transferts punitifs entre établissements, ont été pratiqués contre des prisonniers d'opinion dans tout le pays . À la fin de l'année, au moins 88 prisonniers d'opinion étaient détenus dans des conditions éprouvantes après des procès inéquitables, et certains d'entre eux subissaient des coups et des décharges électriques, étaient maintenus à l'isolement de façon prolongée et privés de soins médicaux. Parmi eux figuraient des blogueurs, des défenseurs des droits du travail et des droits fonciers, des militants politiques, des adeptes de différentes religions, des membres de minorités ethniques, ainsi que des défenseurs des droits humains et de la justice sociale. »

B. L'APPLICATION DE LA PEINE DE MORT

La peine de mort est appliquée au Vietnam. Bien que leur nombre ait récemment été réduit, quinze infractions y sont toujours passibles de cette peine , dont le trafic de stupéfiants, certains crimes sexuels, la trahison et l'espionnage, certaines infractions militaires, ou encore les escroqueries ou la corruption au-delà d'un montant fixé par la loi.

Le nombre des exécutions relève du secret d'État, si bien qu'il est impossible de fournir des statistiques précises et ventilées par type d'infraction. Le ministère vietnamien de la sécurité publique a néanmoins publié, en février 2017, un rapport relatif à la situation carcérale, dont il ressort que 429 exécutions par injection létale sont intervenues entre le 6 août 2013 et le 30 juin 2016 ; seuls la Chine et l'Iran ont procédé à un plus grand nombre d'exécutions au cours de cette même période. En outre, au 1 er juillet 2016, 681 détenus étaient condamnés à mort .

C. LA POSITION FRANÇAISE

Les autorités françaises et vietnamiennes entretiennent un dialogue régulier et ouvert sur la question des droits de l'homme , tant dans le cadre de leurs relations bilatérales que dans les enceintes internationales. Depuis 2003, l'Union européenne discute chaque année avec le Vietnam sur ce sujet ; la dernière session s'est tenue le 1 er décembre 2017 à Hanoï.

Le Vietnam poursuit l'édification d'un État de droit, avec notamment une profonde réforme de son système juridique et de son organisation institutionnelle. Notre pays encourage pleinement ce processus et les efforts accomplis au cours des dernières décennies. Il est intéressant de souligner à cet égard que la France et le Vietnam ont mis en place une coopération technique dans le domaine du droit et de la justice. Le Vietnam s'est notamment inspiré du droit français pour l'élaboration de son code de procédure pénale ; cette « influence française par le droit » se retrouve également dans plusieurs textes législatifs 6 ( * ) .

La France a néanmoins relevé une tendance récente au renforcement des atteintes aux droits de l'homme et à la liberté d'expression , et une dégradation de la situation générale des défenseurs des droits de l'homme dans le pays ( cf. supra ). Interrogé par votre rapporteure, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères se dit préoccupé face à la multiplication d'arrestations de blogueurs et aux condamnations à de lourdes peines de prison prononcées contre certains d'entre eux. Le Quai d'Orsay appelle ainsi les autorités vietnamiennes au respect de la liberté d'expression et d'opinion, y compris sur internet , qui sont garanties par les engagements internationaux auxquels le Vietnam a souscrit. L'Union européenne fait régulièrement part de ses préoccupations sur ce point.

SECONDE PARTIE :
LES STIPULATIONS DES TRAITÉS

I. LE TRAITÉ D'EXTRADITION

Le texte finalement retenu par les parties correspond à un projet proposé par la France qui, comme les traités qu'elle a précédemment conclus dans ce domaine, s'inspire largement de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957.

Ses dispositions permettront de fluidifier les échanges franco-vietnamiens en matière d'extradition.

A. LE CHAMP D'APPLICATION

Aux termes de l'article premier, les parties s'engagent à se livrer réciproquement , et selon les dispositions du traité, « toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'une des parties, est poursuivie pour une infraction pénale ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté , par les autorités judiciaires de l'autre partie, pour un fait donnant lieu à extradition » .

Les faits entrant dans le champ d'application sont définis à l'article 2. Ils concernent :

- toute infraction passible, au regard de la législation des deux parties, d'une peine privative de liberté d'au moins un an ;

- toute demande aux fins d'exécution d'une peine, prononcée par l'autorité judiciaire compétente de la partie requérante, lorsque la durée restant à purger est d'au moins six mois ;

- ainsi que les infractions en matière de taxes, d'impôts, de douane et de change.

L'extradition peut également être accordée pour des faits distincts et punis par la législation des deux parties, même si certains d'entre eux ne satisfont pas aux deux premiers critères précités.

B. LES MOTIFS DE REFUS D'EXTRADITION

1. Les motifs obligatoires
a) La nature de l'infraction

En application de l'article 3, toute demande d'extradition doit être refusée si elle concerne des infractions politiques - ou connexes à de telles infractions -, ou encore des infractions exclusivement militaires .

La partie requise doit également opposer son refus si elle considère que la demande est présentée pour des raisons tenant à la race, la religion, la nationalité ou aux opinions politiques de la personne concernée, ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une de ces raisons.

b) Le jugement et la prescription

L'extradition est également refusée si la personne réclamée devait être jugée par un tribunal n'offrant pas les garanties fondamentales de procédure , ou si elle devait exécutée une peine infligée par un tel tribunal.

En application du principe non bis in idem , l ' extradition n'est pas davantage accordée si la personne réclamée a fait l'objet d'un jugement définitif, dans la partie requise, au titre de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée, ou qu'elle a bénéficié d'une mesure d'amnistie ou de grâce.

La prescription de l'action publique ou de la peine , conformément à la législation de la partie requise, constitue également un motif de refus . La partie requise tiendra toutefois compte, dans la mesure où sa législation le permet, des actes effectués par la partie requérante qui ont pour effet d'interrompre ou de suspendre la prescription.

c) La peine de mort

La peine capitale est appliquée au Vietnam ; quinze infractions, dont le trafic de stupéfiants, sont aujourd'hui passibles de cette peine ( cf. supra ).

Le dernier paragraphe de l'article 3 prévoit à ce titre que toute demande d'extradition pour une infraction punie de la peine de mort dans la partie requérante sera rejetée , sauf à ce que cette partie donne les garanties suffisantes qu'une telle peine ne soit ni requise, ni prononcée, ni exécutée.

Le cas échéant, ces garanties seraient communiquées, par la voie diplomatique, sous la forme d'une note verbale. De telles garanties, qui engagent le pouvoir judiciaire quant au prononcé et à l'exécution de la peine, n'auraient pas pu être présentées par la partie française - si la peine de mort était toujours en vigueur - en raison du principe de séparation des pouvoirs.

La partie française avait proposé de consacrer un article du traité à la peine capitale et de retenir un mécanisme de substitution de peine , analogue à celui prévu par la convention d'extradition franco-marocaine 7 ( * ) . La partie vietnamienne a cependant fait valoir qu'un tel mécanisme n'était pas compatible avec son système juridique , et a également souhaité que la question de la peine capitale soit appréhendée au titre des motifs de refus de l'extradition. Le libellé du dernier paragraphe de l'article 3 est néanmoins conforme aux standards habituellement mis en oeuvre par la France, et conforme à la jurisprudence du Conseil d'État 8 ( * ) .

2. Les motifs facultatifs
a) La compétence

L'article 4 précise que la demande d'extradition peut être refusée si les autorités judiciaires de la partie requise sont compétentes pour connaître l'infraction visée par la demande . Il en va de même si, à raison de cette même infraction, ces autorités ont poursuivi la personne réclamée, ou qu'elles ont décidé de ne pas engager de poursuites ou d'y mettre fin.

b) Le lieu de commission de l'infraction

La demande de remise peut être rejetée lorsque l'infraction a été commise hors du territoire de la partie requérante , et que la législation de la partie requise n'autorise pas la poursuite dans un tel cas 9 ( * ) .

c) Le jugement par un État tiers

La partie requise peut aussi refuser de remettre une personne ayant déjà fait l'objet d'un jugement définitif (condamnation, relaxe ou acquittement) dans un État tiers du chef de la même infraction.

d) Les considérations humanitaires

Enfin, une clause humanitaire a été introduite afin que l'extradition soit facultative si elle susceptible d'avoir des conséquences graves pour la personne réclamée du fait de son état de santé ou de son âge.

C. L'EXTRADITION DES NATIONAUX

L'article 5 traite de l'extradition des nationaux et précise qu'elle ne peut être accordée si la personne visée par la demande possède la nationalité de la partie requise à la date de commission de l'infraction.

Aucun traitement spécifique n'est réservé aux binationaux franco-vietnamiens. La loi vietnamienne sur l'extradition fait d'ailleurs obstacle à la remise de ses propres ressortissants.

Toutefois, si le refus est fondé sur ce seul motif, la partie requise doit soumettre l'affaire à ses autorités compétentes , conformément à sa propre législation et en application du principe aut dedere, aut judicare (extrader ou poursuivre). Pour ce faire, la partie requérante devra dénoncer les faits auprès d'elle et lui adresser gratuitement toutes les pièces relatives à l'infraction. La partie requise informera alors l'autre partie des suites réservées à sa requête.

D. LA PROCÉDURE DE DEMANDE D'EXTRADITION

L'article 6 précise que, « sauf disposition contraire du présent traité, la législation de la partie requise est seule applicable aux procédures d'arrestation provisoire, d'extradition et de transit » .

Les autorités centrales sont désignées à l'article 7 du traité. Il s'agit, pour la partie française, du ministère de la justice, et pour la partie vietnamienne, du ministère de la sécurité publique.

En pratique, les demandes d'extradition seront traitées par les services compétents à ce jour, à savoir, pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, la mission des conventions et de l'entraide judiciaire de la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire et, pour le ministère de la justice, le bureau de l'entraide pénale internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces.

L'article 8 consacre la voie diplomatique comme mode de communication entre les parties . Afin de fluidifier les échanges entre elles et d'assurer la pleine recevabilité des demandes d'extradition, l'article précité en fixe le contenu de manière claire. L'article 10 détermine quant à lui les langues dans lesquelles les demandes et les pièces à produire doivent être rédigées, ainsi que leur mode d'authentification.

Dans le même souci d'efficacité, l'article 9 organise les échanges entre les parties afin de remédier aux difficultés qui pourraient résulter de demandes incomplètes ou irrégulières .

E. L'ARRESTATION ET LA REMISE DE LA PERSONNE RÉCLAMÉE

1. La remise de la personne réclamée

L'article 11 garantit une exécution rapide des demandes et impose à la partie requise de motiver un rejet de tout ou partie de la demande. En cas d'acceptation, les parties s'entendent sur la date et le lieu de la remise de la personne réclamée. Le paragraphe 4 du même article précise toutefois que « si la personne réclamée n'est pas reçue dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la date fixée pour sa remise, elle doit être mise en liberté et la partie requise peut , par la suite, refuser son extradition pour les mêmes faits » .

Aux termes de l'article 12, la partie requise peut ajourner la remise de la personne réclamée après avoir accepté l'extradition lorsqu'il existe, sur son territoire, des procédures en cours à son encontre, ou lorsqu'elle y purge une peine pour une autre infraction. Dans un tel cas, la partie requise en informe l'autre partie et prend toutes les mesures nécessaires pour que l'ajournement n'empêche pas la remise de l'intéressé(e).

Si des conditions particulières l'exigent, une remise à titre temporaire est cependant envisageable , selon des modalités à déterminer par les parties, et sous la condition expresse que la personne soit maintenue en détention et renvoyée.

Enfin, sa remise peut être différée en raison de son état de santé.

2. La remise des biens

L'article 13 dispose que les objets, valeurs ou documents issus de l'infraction et pouvant servir de pièces à conviction, seront saisis et remis à la partie requérante . La remise de ces biens aura lieu en dépit du décès ou de l'évasion de la personne réclamée.

La partie requise peut néanmoins les conserver temporairement aux fins d'une procédure pénale en cours, ou les remettre à l'autre partie sous réserve qu'elle les lui restitue .

L'article 13 préserve en outre les droits de la partie requise et des tiers sur ces biens et prévoit, à cet effet, leur restitution une fois la procédure achevée.

3. La règle de la spécialité et la réextradition vers un État tiers

À l'article 14 est énoncée la règle de la spécialité selon laquelle la partie requise ne peut poursuivre, juger, détenir ou restreindre la liberté de la personne extradée pour un fait antérieur à sa remise et distinct de celui ayant motivé son extradition.

Deux exceptions à ce principe sont néanmoins prévues au même article :

- lorsque la partie requise y consent ;

- ou lorsque la personne extradée, après avoir eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante, ne l'a pas fait dans les soixante jours suivant sa libération, ou si elle y est retournée après l'avoir quitté.

En cas de modification, en cours de procédure, de la qualification légale des faits à l'origine de l'extradition, la personne remise ne peut être poursuivie ou jugée que si l'infraction nouvellement qualifiée vise les mêmes faits et entre dans le champ d'application du traité .

L'article 15 interdit quant à lui la réextradition au profit d'un État tiers sans le consentement de la partie ayant autorisé l'extradition .

4. L'arrestation provisoire

L'article 8 précise que les demandes d'extradition doivent être formulées par écrit, en empruntant la voie diplomatique. Toutefois, en cas d'urgence , les autorités compétentes de la partie requérante pourront adresser une demande d'arrestation provisoire via l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), ou par tout autre moyen laissant une trace écrite et agréé par les deux parties 10 ( * ) (article 16).

L'arrestation provisoire prend fin si, dans un délai de soixante jours à compter de l'arrestation, la partie requise n'a pas été saisie d'une demande officielle d'extradition. Cette partie prendra néanmoins toutes les mesures nécessaires pour éviter la fuite de l'intéressé(e) qui peut, ultérieurement, faire l'objet d'une nouvelle arrestation et d'une extradition.

5. Le transit

Les parties autorisent le transit, à travers leur territoire, d'une personne extradée par un État tiers vers l'autre partie. La garde de la personne incombe alors à la partie de transit tant qu'elle se trouve sur son territoire.

L'article 18 précise à cet égard que les faits à l'origine de l'extradition ne doivent pas constituer un motif de refus prévu au présent traité. Cet article fixe en outre les règles applicables au transit par la voie aérienne.

6. La notification des résultats

Conformément aux dispositions de l'article 17, la partie requérante informera la partie requise , à sa demande, des résultats des poursuites pénales engagées à l'encontre de la personne extradée, de l'exécution de sa peine ou de sa réextradition vers un autre État.

7. Le concours de demandes

Dans l'hypothèse d'un concours de demandes , l'article 19 indique que la partie requise devra prendre sa décision au regard « notamment de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d'une extradition ultérieure vers un autre État » .

8. La prise en charge financière

Enfin, ainsi qu'en dispose l'article 20, les frais induits par l'extradition sont supportés par la partie requise jusqu'à la remise de la personne. La partie requérante prendra à sa charge les frais occasionnés par un éventuel transit.

F. LES DISPOSITIONS FINALES

Les derniers articles traitent, de manière classique, de règlement des différends, d'application dans le temps, d'entrée en vigueur et de dénonciation de l'instrument. Ils précisent également que les stipulations du traité sont sans préjudice des droits et obligations des parties résultant d'autres traités, conventions ou accords internationaux.

II. LE TRAITÉ D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

Contrairement au traité d'extradition, le traité d'entraide judiciaire pénale a été négocié sur la base d'un contre-projet transmis par le Vietnam, très largement inspiré de la convention relative à l'entraide pénale de l'ASEAN. Il s'articule néanmoins, de manière cohérente, avec les engagements internationaux et européens de la France dans ce domaine. Par conséquent, il n'implique aucune adaptation de nos dispositions législatives ou règlementaires.

A. LE CHAMP D'APPLICATION

Le texte ne contient pas de stipulations relatives à certaines des modalités les plus modernes de coopération , telles les interceptions de télécommunication, la vidéoconférence, les livraisons surveillées ou encore les infiltrations. Ces formes de coopération ne sont pas pour autant exclues de l'entraide en application du principe, rappelé à l'article premier, de « l'entraide judiciaire en matière pénale la plus large possible » qui permet d'envisager, au cas par cas, la mise en oeuvre de telles mesures. De plus, même si le traité ne contient pas de stipulation détaillée relative à l'obtention de données bancaires, la partie française a obtenu l'ajout d'un paragraphe 11 ( * ) afin de faire préciser que l'entraide judiciaire inclut notamment l'échange d'informations bancaires .

Sont en revanche exclus du champ d'application du présent traité :

- l'extradition, l'arrestation ou la détention aux fins d'extradition ;

- l'exécution de condamnations pénales à l'exception des mesures de confiscation ;

- le transfèrement de personnes condamnées aux fins d'exécution d'une peine ;

- et les procédures se rapportant à des infractions exclusivement militaires.

B. LA PROCÉDURE DE DEMANDE

En application de l'article 2, les demandes d'entraide seront transmises directement entre les autorités centrales des deux parties , c'est-à-dire le ministère de la justice pour la France et le Parquet populaire suprême pour le Vietnam. La voie diplomatique reste ouverte en tant que de besoin.

En pratique, pour la partie française, le bureau en charge du traitement des demandes demeurera celui de l'entraide pénale internationale, qui est rattachée à la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

La forme et le contenu des demandes d'entraide sont déterminés de façon précise à l'article 3.

C. LES MOTIFS DE REFUS OU D'AJOURNEMENT DE L'ENTRAIDE

Les motifs de refus ou d'ajournement de l'entraide sont énoncés à l'article 4.

Le traité contient davantage de motifs de refus que ceux habituellement retenus par la France dans des accords de même nature. Il prévoit en particulier que l'entraide est refusée lorsqu'elle violerait le principe non bis in idem 12 ( * ) . Ce motif ne figure pas expressément dans les conventions d'entraide conclues par la France, les autorités françaises assimilant traditionnellement la violation de ce principe à une atteinte portée à l'ordre public de la partie requise, justifiant ainsi un refus au titre de la clause d'ordre public prévue par l'ensemble de nos accords bilatéraux d'entraide. De la même manière, le motif de refus relatif à la prescription 13 ( * ) a été introduit à la demande de la partie vietnamienne qui souhaitait en faire un motif obligatoire de rejet d'une demande d'entraide ; les négociations ont néanmoins permis à la partie française d'en faire acter le caractère facultatif.

Par ailleurs, le paragraphe 4 de l'article 4 stipule que « l'entraide peut être ajournée par la partie requise si l'exécution de la demande risque d'entraver une enquête, des poursuites ou des procédures judiciaires en cours dans la partie requise » .

D. L'EXÉCUTION DES DEMANDES

Afin d' assurer une meilleure exécution des demandes d'entraide, un mécanisme de consultation à différentes étapes est notamment prévu 14 ( * ) . Il permet :

- d'une part, à la partie requise de consulter la partie requérante avant de refuser ou d'ajourner une demande d'entraide pour envisager les conditions auxquelles la demande pourrait être exécutée ;

- et d'autre part, aux deux parties de se consulter au stade de l'exécution d'une demande, notamment en cas de difficultés 15 ( * ) .

Afin de ne pas vider la demande d'entraide de sa substance en raison d'une lenteur mise dans son exécution, l'article 5 pose une exigence de célérité 16 ( * ) . Pareil défaut de diligence expose en outre la France à contrevenir au premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Pour faciliter l'admissibilité devant les juridictions de la partie requérante des preuves obtenues en application du traité d'entraide judiciaire, son article 5 permet à la partie requise, sur demande de l'autre partie, de réaliser les actes d'entraide sollicités selon les formalités et procédures expressément indiquées par celle-ci. Cela permettra à la partie requérante, dans le cadre de la procédure qu'elle conduit, de se prémunir contre les actes équivalents accomplis par la partie requise en lieu et place des actes qu'elle a expressément demandés et qui, partant, ne bénéficient pas de la même force probatoire . Cette modalité spécifique d'exécution des demandes d'entraide est conforme à notre droit interne ; en effet, l'article 694-3 du code de procédure pénale dispose que « si la demande d'entraide le précise, elle est exécutée selon les règles de procédure expressément indiquées par les autorités compétentes de l'État requérant, à condition, sous peine de nullité, que ces règles ne réduisent pas les droits des parties ou les garanties procédurales prévus par le présent code » .

Si les autorités de la partie requise y consentent, les autorités de l'autre partie pourront assister à l'exécution de la demande d'entraide . Cette disposition est prévue aux articles 41 17 ( * ) et 93-1 18 ( * ) du code de procédure pénale. En revanche, du fait de nos exigences constitutionnelles 19 ( * ) , le droit français interdit à une autorité étrangère de conduire elle-même une audition sur le territoire national .

E. LA REMISE ET LA RESTITUTION DE DOCUMENTS

Les règles applicables à la remise des actes de procédure et des décisions judiciaires sont énoncées à l'article 6. Cette remise est effectuée selon l'une des formes prévues par la législation de la partie requise, ou dans une forme spéciale compatible avec sa législation et expressément demandée par la partie requérante.

Sauf urgence, les citations à comparaître d'un témoin ou d'un expert lui sont adressées au moins quatre-vingt-dix jours avant la date fixée pour la comparution dans l'autre partie.

L'article 7 précise qu'en réponse à la demande d'entraide, des copies certifiées conformes des documents ou dossiers seront fournies , sauf à ce que la partie requérante en sollicite les originaux. La partie requise peut toutefois surseoir à la remise des pièces si elles lui sont nécessaires dans le cadre d'une procédure en cours.

Ainsi qu'il est prévu à l'article 8, les pièces à conviction ainsi que les documents ou dossiers précités - quand bien même il s'agirait d'originaux - seront conservés par la partie requérante si leur retour n'a pas été demandé par l'autre partie.

F. LE RECUEIL DES PREUVES

1. La perquisition et la saisie

L'article 9 dispose que la partie requise exécutera les demandes de perquisition et de saisie de pièces à conviction , sous réserve que sa législation le permette et dans le respect des droits des tiers de bonne foi.

La partie requérante sera ensuite informée du résultat de l'exécution de sa demande. Le cas échéant, elle se conformera aux conditions imposées par l'autre partie quant à la remise des objets saisis.

2. Les témoignages et les dépositions

De même, l'article 10 prévoit que la partie requise procédera au recueil des témoignages et des dépositions de personnes ou leur demandera de fournir les éléments de preuve aux fins de transmission à la partie requérante.

L'article précité ajoute qu' une personne appelée à témoigner peut ou doit refuser si, dans des circonstances similaires, la législation de l'une des parties l'y autoriserait ou l'y obligerait.

3. Le transfèrement temporaire de personnes détenues

Le transfèrement temporaire de personnes détenues aux fins d'entraide est prévu par l'article 11. Pour ce faire, leur consentement écrit est nécessaire.

La personne transférée resterait alors en détention sur le territoire de la partie requérante , sauf à ce que l'autre partie ne sollicite sa remise en liberté.

Un tel transfèrement peut être refusé si la présence du détenu est requise dans une procédure pénale en cours sur le territoire où il purge sa peine, ou si le transfèrement est susceptible de prolonger sa détention.

En cas d'évasion, la partie requise peut solliciter l'ouverture d'une enquête pénale sur ces faits.

4. La comparution de témoins ou d'experts

Comme l'indique l'article 12, la partie requise invite le témoin ou l'expert à se rendre dans la partie requérante , à la demande de celle-ci, pour y contribuer à une enquête ou y témoigner .

La citation à comparaître fait notamment mention des conditions de la comparution, telles que les frais de voyage et de séjour à rembourser ainsi que les indemnités à verser par la partie requérante.

Le dernier paragraphe de cet article précise toutefois que « le témoin ou l'expert qui n'aura pas déféré à une citation à comparaître dont la remise a été demandée ne pourra être soumis , alors même que cette citation contiendrait des injonctions, à aucune sanction ou mesure de contrainte , à moins qu'il ne se rende par la suite de son plein gré sur le territoire de la partie requérante et qu'il n'y soit régulièrement cité à nouveau » .

5. Le sauf-conduit

L'article 13 encadre le régime du sauf-conduit 20 ( * ) applicable aux personnes visées aux deux articles précédents, et précise qu'elles ne peuvent :

- être poursuivies, détenues ou soumises à une quelconque restriction de liberté sur le territoire de la partie requérante pour des faits antérieurs à leur départ du territoire de la partie requise ;

- être tenues, sans leur consentement, de témoigner dans une procédure pénale autre que celle ayant fait l'objet de la demande.

Ces restrictions cessent de s'appliquer si les intéressés demeurent sur le territoire de la partie requérante plus de quinze jours consécutifs après avoir été officiellement informés que leur présence n'y était plus requise, ou qu'ils y retournent de leur plein gré après l'avoir quitté.

La personne qui ne consent pas à prêter son concours à une enquête ou à témoigner n'encourt aucune sanction. Si toutefois elle y consent, elle ne saurait être poursuivie pour ses déclarations, à moins qu'elle n'ait fait un faux témoignage.

G. LES ÉCHANGES D'INFORMATIONS

1. La dénonciation aux fins de poursuite

L'article 15 dispose que « chacune des parties peut dénoncer à l'autre partie des faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de la compétence de cette dernière afin que puissent être diligentées sur son territoire des poursuites pénales » . Il ajoute que « la partie requise informe la partie requérante de toute mesure prise sur la base de cette information » .

2. L'échange spontané d'informations

Les dispositions de l'article 16, qui tendent aux mêmes fins, traitent de l' échange spontané d'informations qui concernent les infractions pénales relevant de la compétence de l'autorité destinataire. L'utilisation des informations transmises peut être subordonnée à certaines conditions , fixées par l'autorité qui les fournit, en conformité avec son droit interne.

3. Les casiers judiciaires

L'article 17 institue une notification annuelle réciproque des condamnations pénales prononcées par les juridictions d'une partie à l'encontre des ressortissants de l'autre partie.

4. Les règles de confidentialité

Le traité ne contient pas de stipulation relative à la protection des données personnelles. Il doit néanmoins être relevé que l'article 18 permet d'assortir la transmission de telles données de certaines conditions d'utilisation ; leur utilisation pourra ainsi être soumise à des restrictions, en adéquation avec la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

L'article 18 prévoit en outre que la partie requérante doit prendre « toutes les précautions utiles , au regard de la nature des données et des risques présentés par leur traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès » . Or, à ce jour, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) estime que le Vietnam ne dispose pas d'une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel.

H. LES PRODUITS ET LES INSTRUMENTS DES INFRACTIONS

L'article 14 prévoit qu'à l'issue de l'exécution de la demande, des échanges entre les parties pourront intervenir pour décider, par exemple, du sort des avoirs confisqués .

Cet article offre de larges possibilités en matière de gel des avoirs, d'identification et de confiscation des produits et instruments des infractions , toutes conformes à notre droit interne 21 ( * ) .

I. LES DISPOSITIONS FINALES

En vertu de l'article 19, et sauf demande contraire de l'une des parties, la demande d'entraide et les documents qui l'accompagnent, mais aussi les documents ou matériels transmis en réponse, sont dispensés de certification ou d'authentification .

Aux termes de l'article 20, la partie requise prend en charge le coût de l'exécution de la demande d'entraide . Par exception, la partie requérante supporte les frais induits par le transfèrement temporaire de personnes détenues et la comparution de témoins et d'experts, ainsi que les charges à caractère exceptionnel.

L'article 21 précise que les stipulations du présent traité sont sans préjudice d'une entraide plus large, convenue entre les parties et résultant d'autres conventions ou accords internationaux.

Enfin, les articles 22 à 24 traitent classiquement de consultations, de règlement des différends, d'entrée en vigueur et de dénonciation de l'instrument.

CONCLUSION

Après un examen attentif de leurs stipulations, la commission a adopté ce projet de loi autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République socialiste du Vietnam et du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République socialiste du Vietnam .

En réponse à la réticence des autorités vietnamiennes à coopérer en l'absence de base conventionnelle, ces nouveaux instruments permettront d'offrir une base juridique solide et pérenne à notre coopération bilatérale dans la lutte contre la criminalité, et rendre ainsi plus fluide le traitement des affaires à dimension transnationale .

Bien que certaines stipulations du traité d'entraide judiciaire soient de facture « trop classique », elles ne posent aucune difficulté particulière. Le texte ouvre malgré tout la voie à des pratiques d'entraide plus modernes .

La partie vietnamienne a fait connaître à l'ambassade de France à Hanoï, par deux notes verbales du 13 avril et du 14 juin 2017, l'accomplissement des formalités requises par son droit interne pour l'entrée en vigueur, respectivement, du traité d'entraide judiciaire en matière pénale et du traité d'extradition.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 6 décembre 2017, sous la présidence de M. Robert del Picchia, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont sur le projet de loi n° 614 (2016-2017) autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française et la République socialiste du Vietnam et du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République socialiste du Vietnam.

À l'issue de cette présentation, la commission, suivant la proposition de la rapporteure, a adopté, à l'unanimité et sans modification, le rapport et le projet de loi précité.

ANNEXE :
L'ORGANISATION DU SYSTÈME JUDICIAIRE VIETNAMIEN

Source : LegiGlobe , réseau francophone de diffusion du droit

I. LE SYSTÈME JURIDIQUE

Le Vietnam est un pays de droit écrit. Les Français ont apporté une contribution importante à l'élaboration du code civil vietnamien, ainsi qu'à l'élaboration du code de procédure civile. L'inspiration française se retrouve également dans des textes législatifs très divers tels que la loi commerciale, le droit de la nationalité, la loi sur les faillites ou la loi sur les sociétés commerciales.

Depuis quelques années, le système juridique vietnamien connaît un mouvement de réformes qui concernent notamment son code civil, la loi sur le mariage et la famille, son code du travail, son code pénal, son code de procédure pénale et son code de procédure civile.

II. L'ORGANISATION JUDICIAIRE

L'organisation des tribunaux au Vietnam est régie par une nouvelle loi sur l'organisation judiciaire, adoptée le 24 novembre 2014 et entrée en vigueur le 1 er juin 2015.

Il s'agit d'une réforme importante qui a fait suite à la révision constitutionnelle de 2013. Cette loi réglemente l'organisation, le fonctionnement et l'activité des juridictions populaires. Elle rappelle les principes fondamentaux inscrits dans la Constitution, notamment le respect du contradictoire et la présomption d'innocence.

Les principes généraux régissant l'organisation judiciaire sont notamment : le double degré de juridiction, l'indépendance du juge, l'égalité de tous devant la loi et la garantie des droits de la défense.

Les juridictions sont organisées selon quatre niveaux : la Cour populaire suprême, les cours populaires supérieures, les cours provinciales et les tribunaux populaires locaux. Il existe en outre des juridictions militaires.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 24 novembre 2014, les juges de la Cour populaire suprême sont nommés par le Président - « chef suprême de l'État » -, après approbation de l'Assemblée nationale. Il nomme également, pour une durée initiale de cinq ans, les juges relevant des autres juridictions. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire, lors d'une nouvelle nomination au même poste ou à un poste de grade plus élevé, les juges sont nommés pour dix ans.

A. LA COUR POPULAIRE SUPRÊME

La Cour populaire suprême est l'organe juridictionnel suprême de la République socialiste du Vietnam. Elle comprend un Conseil des juges (composé du président de la Cour, de son adjoint et de juges, soit dix-sept membres au maximum), un service administratif et un service de formation.

Le président de la Cour populaire suprême est élu et révoqué par l'Assemblée nationale sur proposition du président de l'État. Il est responsable devant l'Assemblée nationale et rend compte de ses activités.

Plusieurs champs relèvent de la compétence de cette cour :

- la cassation et la révision des décisions des juridictions inférieures ;

- la préparation de propositions de loi et de résolutions soumises à l'Assemblée nationale, ainsi que la préparation de projets d'ordonnances ;

- l'application uniforme de la loi par les cours et tribunaux locaux ; à cette fin, la Cour populaire suprême analyse et publie la jurisprudence ;

- l'organisation des juridictions de degré inférieur (y compris, en collaboration avec le ministère de la défense, des juridictions militaires) dont elle doit garantir l'indépendance ;

- la formation initiale et continue des juges, des jurés et autres professionnels de justice des tribunaux du pays.

B. LES COURS POPULAIRES SUPÉRIEURES

Ces juridictions, créées par la loi du 24 novembre 2014 et au nombre de trois, sont chargées des appels des jugements des cours provinciales ainsi que des recours en cassation ou en révision à l'encontre des décisions rendues en dernier ressort par les cours provinciales et les tribunaux locaux.

C. LES COURS PROVINCIALES

Ces juridictions sont constituées d'un comité de juges, de chambres pénales, civiles, économiques, prud'homales et administratives, ainsi que de services d'assistance. Elles peuvent également établir des chambres pour les mineurs et la famille.

Elles sont compétentes, en vertu de la loi, pour juger certaines affaires en première instance. Elles ont également compétence pour trancher les appels interjetés à l'encontre des décisions des tribunaux populaires locaux.

D. LES TRIBUNAUX POPULAIRES LOCAUX

Ils jugent en première instance les litiges relevant de leur compétence.

En cas de nécessité, ils peuvent instaurer des chambres correctionnelles, civiles, des chambres pour les mineurs et la famille, ainsi que des chambres administratives.

En matière pénale, le parquet joue un rôle essentiel tout au long de l'enquête : il contrôle le bien-fondé et la légalité du déclenchement de l'action publique, valide ou annule l'ensemble des actes d'enquête et rédige le réquisitoire.

E. LES JURIDICTIONS MILITAIRES

Les cours et tribunaux militaires jugent les affaires pénales impliquant des militaires en service et d'autres affaires en vertu de la loi. Il existe une Cour militaire centrale, des cours militaires régionales et des tribunaux militaires locaux.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


• Stéphane DUPRAZ
, chargé de mission, service des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire


• Catherine SAGNELONGE,
rédactrice, mission des accords et traités

Ministère de la justice


• Charlotte HUET
, magistrate, direction des affaires criminelles et des grâces


* 1 Le Vietnam est ainsi entré dans l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) en 1995 et dans le Dialogue Asie-Europe (ASEM) en 1996. Le pays a ensuite fait son retour au sein de la Francophonie lors du sommet de Hanoï en 1997, puis est entré dans la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC) en 1998 et à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2007.

* 2 Éléments transmis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères en réponse au questionnaire écrit de votre rapporteure.

* 3 Le Fonds de solidarité prioritaire est l'instrument du Quai d'Orsay de financement de ses interventions bilatérales au titre de l'aide publique au développement sous forme d'aide-projets.

* 4 Cette infraction est en effet passible de la peine capitale ( cf. infra ).

* 5 En outre, un projet de loi autorisant l'approbation d'une convention d'extradition entre la France et le Cambodge a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 24 octobre dernier. Par ailleurs, un projet de loi portant approbation d'un accord de remise des personnes poursuivies ou condamnées entre la France et la région administrative spéciale de Hong Kong, signé le 4 mai 2017, est en cours de préparation.

* 6 Cf. annexe.

* 7 Cf. loi n° 2010-610 du 7 juin 2010.

* 8 Conseil d'État, section, 27 février 1987, Fidan , req. n° 78665.

* 9 C'est-à-dire lorsqu'elle ne connaît pas, dans son droit, de critère de compétence extraterritoriale semblable à celui mis en oeuvre par la partie requérante.

* 10 Il peut s'agir, par exemple, d'une correspondance électronique.

* 11 Il s'agit du paragraphe 2. g) de l'article premier.

* 12 Cf. article 4 1. c).

* 13 Cf. article 4 2. a).

* 14 Cf. article 4 5. a) et b).

* 15 Cf. article 5 3.

* 16 Cf. paragraphe 1 de l'article 5 : « La partie requise exécute le plus rapidement possible la demande d'entraide conformément à sa législation. »

* 17 Son cinquième alinéa dispose que : « [Le procureur de la République] peut également, dans le cadre d'une demande d'entraide adressée à un État étranger et avec l'accord des autorités compétentes de l'État concerné, se transporter sur le territoire d'un État étranger aux fins de procéder à des auditions. »

* 18 « Si les nécessités de l'instruction l'exigent, le juge d'instruction peut, dans le cadre d'une commission rogatoire adressée à un État étranger ou d'une décision d'enquête européenne adressée à un État membre de l'Union européenne et avec l'accord des autorités compétentes de l'État concerné, se transporter avec son greffier sur le territoire de cet État aux fins de procéder à des auditions. Il en donne préalablement avis au procureur de la République de son tribunal. »

* 19 Décision du Conseil constitutionnel n° DC 98-408 du 22 janvier 1999 relative à la ratification du statut de Rome (considérant n° 38 de la décision : « en l'absence de circonstances particulières, et alors même que ces mesures sont exclusives de toute contrainte, le pouvoir reconnu au procureur de réaliser ces actes hors la présence des autorités judiciaires françaises compétentes est de nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » ).

* 20 Un sauf-conduit est un document accordé par l'autorité d'un gouvernement à une personne de nationalité étrangère et qui lui garantit la sécurité et la liberté de mouvement à l'intérieur et à travers les frontières de sa juridiction.

* 21 La possibilité de saisir des produits d'infraction en vue de leur confiscation est prévue aux articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale. Les effets de ces articles ont été étendus à l'entraide pénale internationale par les articles 694-10 à 694-13, et 713-36 à 713-41 du même code.

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