II. LES POINTS DE VIGILANCE
1. Les incertitudes concernant la mise en oeuvre et le financement du « Pass culture »
L'une des modalités d'action du gouvernement dans le cadre de la politique d'éducation artistique et culturelle réside dans le « Pass culture » souhaité par le Président de la République pendant la campagne de l'élection présidentielle de 2017. Cette mesure s'inscrit selon le ministère de la culture dans l'aboutissement du parcours d'éducation artistique et culturelle et doit être conçue comme un « passeport pour l'âge adulte » .
Seulement 5 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances en 2018 pour le début de la réalisation de ce dispositif qui consiste à donner à chaque jeune de 18 ans un pass d'un montant de 500 euros destiné à financer des entrées dans des musées ou des monuments historiques, des places de spectacle, des livres ou de la musique.
Les informations recueillies sur la mise en place du Pass montrent que la réflexion est encore pleinement en cours et que les contours exacts du dispositif n'ont pas été arrêtés . Un rapport de l'Inspection générale de des affaires culturelles (IGAC) commandé par Françoise Nyssen, ministre de la culture, doit dresser le bilan des expérimentations locales de dispositifs similaires, afin de mettre en évidence les écueils ou les bonnes pratiques. Les 5 millions d'euros alloués en 2018 doivent permettre de mener cette réflexion et de construire un outil informatique adapté de gestion du dispositif. Un bilan de cette réflexion sera dressé en fin d'année 2018 pour ensuite prévoir les modalités techniques et budgétaires de mise en oeuvre du dispositif à partir de 2019.
Le coût estimé pour l'État est de 140 millions d'euros par an , mais il ne représente qu'un tiers du coût total . La participation des distributeurs physiques et des grands acteurs d'Internet est envisagée par le gouvernement.
Les rapporteurs spéciaux restent donc vigilants sur la définition du périmètre et des modalités de mise en oeuvre du dispositif ainsi que des conditions de son financement , dont dépend la réussite du « Pass culture », dispositif ambitieux mais relativement coûteux .
2. Un soutien aux établissements culturels à maintenir malgré un retour progressif à la normale après les attentats de 2015
Près de deux ans après les attentats de Paris du 13 novembre 2015, la situation des établissements culturels n'est pas entièrement revenue à la normale.
À titre de rappel, des mesures de sécurité renforcées prises à la suite de ces attentats ont été financées à hauteur de 6,4 millions d'euros . Elles ont bénéficié à la fois aux établissements dépendant du programme « Création » et aux musées nationaux. Par ailleurs, l'article 115 de la loi de finances rectificative pour 2015 a prévu un fonds d'urgence pour le spectacle vivant , géré par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) et destiné à aider les entreprises de spectacles à assumer les dépenses d'amélioration de la sécurité du public et celles les plus fragilisées dans leur économie . Le montant total du fonds, diminué des frais de gestion, est de 15,9 millions d'euros .
Le comité d'engagement composé de représentants de l'ensemble du secteur professionnel du spectacle vivant nommés par arrêté du ministre chargé de la culture s'est réuni à 13 reprises depuis sa création pour répartir les crédits du fonds en fonction des dossiers reçus. 346 dossiers ont ainsi été soutenus et 726 aides accordées.
Répartition des dépenses du Fonds d'urgence depuis sa création
Nombre |
Montants attribués
|
|
Aides non remboursables |
605 |
13 990 464 |
Théâtres du festival off d'Avignon |
15 |
141 175 |
Forfaits sécurité théâtres privés |
68 |
199 719 |
Aides remboursables |
38* |
1 200 000** |
TOTAL |
726 |
15 531 358 |
* Dont 20 aides comportant aussi une part non remboursable.
**Depuis la création du fonds, 586 000 euros ont été remboursés.
Source : réponse au questionnaire budgétaire
Les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux indiquent que la prochaine réunion du comité devrait disposer d'un montant restant insuffisant pour répondre à toutes les demandes, alors même que le fonds d'urgence peut être sollicité jusqu'à la fin de l'année 2018.
Les services du ministère ont indiqué qu'un versement complémentaire de l'État issu des crédits mis en réserve en début d'exercice était attendu. Les rapporteurs spéciaux soulignent l'importance d'un abondement supplémentaire du fonds afin d'assurer la pérennité de la mission de celui-ci jusqu'au terme prévu par la loi .
Ce fonds d'urgence sera par la suite remplacé par le fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIDPR) que finance la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Les grands musées nationaux qui avaient quant à eux connu une baisse sensible de leur fréquentation à la suite de ces événements n'ont pas encore pleinement retrouvé un niveau équivalent à celui d'avant 2015 . Le musée du Louvre, qui avait ainsi enregistré une diminution de 22 % de la fréquentation en 2016 reste à 12 % en dessous du niveau précédant les attentats, à cause de la réticence de certains publics étrangers.
3. Une politique immobilière à surveiller
Les rapporteurs spéciaux renouvellent cette année la mise en garde formulée pour le projet de loi de finances 2017 sur la soutenabilité de l'important programme immobilier de la mission « Culture ».
L'ensemble des programmes de la mission est concerné par des projets d'envergure, dont l'utilité est avérée, mais qui représentent des enjeux financiers importants . Un suivi particulier de la maîtrise des coûts et des délais est donc souhaitable.
Outre le projet de la cité du Théâtre évoqué ci-dessus, le programme « Création » poursuivra en 2018 la relocalisation du Centre national des arts plastiques sur le site de Pantin. L'acquisition du terrain a été réalisée sur les crédits 2017. 34,55 millions d'euros en autorisations d'engagement et 2,5 millions en crédits de paiement sont inscrits dans le projet de loi de finances 2018 pour la suite des opérations.
Parmi les nombreux projets du programme « Patrimoines », la rénovation du Grand Palais constitue l'opération la plus coûteuse, estimée au total à 466 millions d'euros TTC. L'achèvement des travaux est prévu pour l'année 2024. En 2018, 9 millions d'euros sont prévus en crédits de paiement pour les premiers travaux de restauration et la poursuite des études. L'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC) est en charge ce projet, qui mobilise une équipe dédiée et a nécessité la création de cinq emplois à ce titre.
Des schémas directeurs d'importance sont également en cours pour plusieurs opérateurs de la mission. C'est par exemple le cas de l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles. La poursuite de la deuxième phase de travaux, également conduite par l'OPPIC et qui inclut la rénovation des réseaux du corps central sud et la préparation des travaux de la partie nord, se traduit par l'inscription de 11,57 millions d'euros en crédits de paiement en 2018.
Pour finir, l'année 2018 sera marquée par le lancement des travaux de regroupement des sites du ministère de la culture . Les services du ministère sont actuellement répartis sur 7 sites et le regroupement conduira à ne conserver que 3 d'entre eux : rue de Valois, rue des Bons-enfants et le quadrilatère des Archives nationales. Le coût d'ensemble, estimé à 33 millions d'euros, sera financé par les produits de cession de certains des anciens immeubles. C'est le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » qui portera les crédits correspondants. Le zonage des travaux interviendra en 2018, et la réalisation progressivement de 2019 à 2021.
4. La montée en puissance limitée des dispositifs du Fonpeps
Le fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, le Fonpeps , était doté dans la loi de finances initiale pour 2017 de 55 millions d'euros de crédits de paiement et de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement.
Une montée en puissance très progressive a été constatée en 2017 et la prévision d'exécution a été nettement revue à la baisse, avec seulement 29 millions d'euros en crédits de paiement. En effet, la consommation des crédits du Fonpeps à la fin du mois de septembre 2017 ne représentait que 56 % du montant de cette nouvelle prévision, c'est-à-dire 17 millions d'euros.
Plusieurs facteurs expliquent cette mise en oeuvre du fonds inférieure aux attentes du ministère de la culture. Sur les 9 décrets prévus par le dispositif d'ensemble, 4 n'ont pas encore été pris , même s'ils correspondent à des dispositifs plus ciblés et moins importants en volume que ceux déjà entrés en vigueur au début de l'année 2017. De plus, du fait du décalage entre l'année budgétaire et l'année artistique, une hausse significative de la consommation du Fonpeps a été observée au mois de septembre.
Les mesures du Fonpeps entrées en vigueur Décret n° 2016-1764 du 16 décembre 2016 instituant une aide à l'embauche d'un premier salarié en contrat à durée indéterminée pour les entreprises relevant des branches du spectacle Il s'agit d'une aide à l'embauche d'un premier salarié en contrat à durée indéterminée, dont le salaire est inférieur à 3 SMIC, pour les entreprises du spectacle. Elle est versée à raison de 1 000 euros par trimestre (4 000 euros par an) pendant deux ans. Ce dispositif encourage la création d'un emploi à durée indéterminée afin d'aider à la professionnalisation de la structure et à son développement. Si le salarié est embauché à temps partiel, l'aide est proratisée en fonction de son volume de travail. Si le contrat est rompu, l'aide est versée au prorata de la période travaillée. Décret n° 2016-1765 du 16 décembre 2016 instituant une prime à l'emploi pérenne de salariés du spectacle La Prime à l'emploi pérenne de salariés du spectacle est la principale aide du FONPEPS. Elle est versée aux entreprises du spectacle pour toute embauche en CDI d'un bénéficiaire des annexes VIII ou X dont le salaire est inférieur à trois SMIC. Son montant est dégressif sur quatre ans : 10 000 euros la première année, 8 000 euros la deuxième, 6 000 euros la troisième et 4 000 euros la dernière. Cette aide vise à favoriser l'emploi en contrats à durée indéterminée pour lutter contre la précarité des salariés du spectacle. Si le salarié est embauché à temps partiel, l'aide est proratisée en fonction de son volume de travail. Si le contrat est rompu, l'aide est versée au prorata de la période travaillée. Décret n° 2016-1766 du 16 décembre 2016 instituant une prime aux contrats de longue durée dans le secteur du spectacle La prime aux contrats de longue durée dans le secteur du spectacle est une aide à l'embauche de salariés, artistes ou techniciens, en CDD de longue durée, dont le salaire est inférieur à trois SMIC, dans les entreprises du spectacle de moins de 100 équivalents temps plein annuels. L'aide, renouvelable, est versée à raison de : 500 euros pour tout contrat de deux à trois mois, 800 euros pour tout contrat de trois à six mois, 1 800 euros pour tout contrat de six mois à un an et 4 000 euros pour tout contrat d'un an et plus. Ce dispositif encourage l'emploi dans la durée plutôt qu'un fractionnement des contrats. Décret n° 2017-57 du 19 janvier 2017 instituant une aide à l'embauche des jeunes artistes diplômés D'un montant de 1 000 euros par mois, elle est versée pendant quatre mois pour toute embauche d'un artiste en CDI ou CDD d'au moins quatre mois dans les trois ans qui suivent l'obtention de son diplôme artistique. L'aide est renouvelable tous les douze mois suivant la date de début d'exécution du contrat, dans la limite de ces trois années. L'aide doit permettre à de jeunes artistes titulaires d'un diplôme formant aux métiers d'artistes du spectacle, dont la liste est fixée par arrêté, de trouver et de confirmer une première expérience professionnelle. Cette aide s'inscrit dans la priorité donnée à l'emploi des jeunes. Source : ministère de la culture et de la communication |
En conséquence, les crédits demandés dans le projet de loi de finances pour 2018 au titre du Fonpeps s'élèvent à 25 millions d'euros. Les rapporteurs spéciaux seront donc attentifs à ce que l'ensemble du dispositif réglementaire entre en vigueur dès que possible et qu'une meilleure connaissance de ces incitations à l'emploi pérenne dans le domaine du spectacle soit promue auprès des acteurs concernés .