B. À PARTIR DE 2018, UNE DÉGRADATION IMPORTANTE DES COMPTES DE LA BRANCHE VIEILLESSE À L'OPPOSÉ DU REDRESSEMENT OPÉRÉ AU SEIN DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Une dégradation des comptes des régimes de base entre 2018 et 2021 plus marquée que prévue

En 2018 , les comptes de la branche vieillesse se dégraderont faisant passer le déficit de 2,1 milliards d'euros à 3,3 milliards d'euros . Cette évolution tient exclusivement à la diminution de l'excédent des régimes de base (passant de 1,5 milliard d'euros à 100 millions d'euros) alors que le déficit du FSV devrait diminuer légèrement pour la première fois depuis 2013.

Ces chiffres s'inscrivent dans la tendance dessinée par les prévisions pluriannuelles contenues dans la LFSS pour 2016 qui indiquaient que les régimes de base rebasculeraient dans les déficits à compter de 2018. Les comparaisons avec les prévisions formulées dans la LFSS pour 2017 ne doivent pas être interprétées comme une dégradation spectaculaire des comptes de la branche vieillesse, ces prévisions apparaissant aujourd'hui comme abusivement optimistes ( voir encadré ) .

• Les dépenses de prestations de retraite augmenteront en 2018 de 2,6 % pour atteindre un montant de prestations versées par les régimes de base de 232,3 milliards d'euros pour un montant global de dépenses des régimes de base de 236,4 milliards d'euros (voir commentaire de l'article 30 ). L'année prochaine sera marquée par l'arrêt du recul de l'âge légal issu de la réforme de 2010 qui ne devrait plus rapporter que 200 millions d'euros (contre 2 milliards d'euros en 2017). « En concernant à nouveau des générations entières, les départs à la retraite à l'âge légal et le nombre de nouveaux mois en paiement correspondant retrouveront une progression régulière à partir de 2018 » , note le rapport de la commission des comptes qui estime que le nombre de départs à la retraite devrait croître de 5,4 % (contre + 2,9 % en 2017).

Votre rapporteur déplore qu'au moment où s'achève le recul de l'âge légal dans le régime général et l'ensemble des régimes de retraite de la fonction publique, ce mécanisme commence juste à s'appliquer, depuis le 1 er juillet 2017, dans les régimes spéciaux (SNCF, RATP et industries électriques et gazières). Il devrait toutefois contribuer à ralentir les dépenses de ces régimes dont l'équilibre financier est assuré par le versement d'une subvention de l'État 70 ( * ) .

La hausse des dépenses s'explique également par l'impact de la revalorisation des pensions de base de 0,8 % intervenue au 1 er octobre 2017. En revanche, l'article 29 du présent projet de loi reporte la revalorisation des pensions de base prévue le 1 er octobre 2018 au 1 er janvier 2019. Cette mesure permet de dégager une économie estimée à 380 millions d'euros en 2018 (voir le commentaire de l'article 29).

LFSS pour 2017 : un tour de passe-passe préoccupant

Comme le révélait le dernier rapport d'application des lois de financement de la sécurité sociale de la Cour des comptes, il semble que le gouvernement précédent ait opéré l'année dernière un tour de passe-passe, ayant eu pour conséquence de faire apparaître la situation de la branche vieillesse sous un jour beaucoup plus favorable que dans la réalité...

La Cour a constaté que les hypothèses économiques contenues dans le programme de stabilité de la France, transmis à la commission européenne en avril dernier, n'étaient pas les mêmes que celles contenues dans la LFSS pour 2017 : « L'écart par rapport à cette dernière, soit 5,5 milliards d'euros en 2020 , provient pour partie de transferts prévisionnels de recettes entre branches qui ont été intégrés aux trajectoires pluriannuelles de la loi de financement pour 2017 sans être portés à la connaissance du Parlement (pour 3 milliards d'euros au total au bénéfice de la branche vieillesse à l'horizon 2020, répartis à parts égales entre les branches maladie, AT-MP et famille). » (p. 79)

Comme le montre le tableau des soldes de la branche vieillesse présentés dans l'introduction de cette partie, l'écart entre les prévisions contenues dans l'annexe B du PLFSS pour 2017 et celles présentées dans le PLFSS pour 2018 sont significatifs. Alors que le solde de la branche vieillesse était censé redevenir positif en 2020 (+ 400 millions d'euros) après avoir été ramené à - 2,2 milliards d'euros en 2018 et - 1,2 milliard en 2019, il est désormais appelé à se creuser dès 2018 (- 3,3 milliards d'euros) et à s'aggraver continument jusqu'en 2021 où il atteindrait 4,7 milliards d'euros. Cette trajectoire retrouve celle qui avait été présentée dans l'annexe B du PLFSS pour 2016 s'agissant la branche vieillesse : - 3,1 milliards d'euros en 2018 et - 3,8 milliards en 2019.

La fiabilité de l'annexe B du PLFSS pour 2017 semble donc sérieusement pouvoir être interrogée. Les transferts entre branches posent la question du pilotage des différents soldes au sein de la sécurité sociale. Votre rapporteur note cependant qu'ils ont, en l'espèce, très opportunément servi le discours de la précédente majorité désireuse d'afficher un retour à l'équilibre de la branche vieillesse, à la veille d'une année électorale décisive. Votre commission avait d'ailleurs exprimé son scepticisme, l'année dernière, face à un satisfecit du Gouvernement qui n'était justifié par aucune de ses décisions.

De plus, l'effet de la mise en oeuvre de la liquidation unique des régimes alignés (Lura) en année pleine entraînerait une économie de 100 millions d'euros sur la masse des prestations servies par le régime de base, confirmant le caractère neutre pour les finances sociales de cette mesure.

• En matière de recettes , l'année 2018 n'est marquée par aucune évolution significative à l'exception d'une suppression de recettes pour le FSV ( voir infra ). Le produit des cotisations vieillesse rapportera 137,3 milliards d'euros (+ 2,4%) en raison uniquement du dynamisme de la masse salariale puisque le relèvement des taux de cotisation a pris fin en 2017. Les cotisations bénéficient en effet sur les trois exercices couverts par ce PLFSS du fort dynamisme de la masse salariale (+ 2,6 % en 2016, + 3,3 % en 2017 et + 3,1 % en 2018). Cette tendance est d'ailleurs censée se poursuivre sur l'ensemble du cycle de prévisions figurant dans ce PLFSS (+ 3,2 % en 2019, + 3,6 % en 2020 et + 3,8 % en 2021).

2. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 va contribuer à dégrader, une fois encore, les comptes du FSV

L'année 2018 pourrait être marquée, pour la première fois depuis 2013 , par une diminution du déficit du FSV qui passerait de 3,6 milliards d'euros en 2017 à 3,4 milliards d'euros. Cette baisse aurait toutefois pu être plus marquée encore sans les mesures proposées dans ce PLFSS. En effet et comme en atteste le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre dernier, à réglementation constante, la prévision du déficit du FSV se serait élevée à - 2,7 milliards d'euros pour l'année 2018.

Cet écart de 700 millions d'euros résulte de la combinaison des articles 7 et 18 de ce projet de loi en recettes et de l'article 28 pour les charges du Fonds.

• L'augmentation de 1,7 point des taux de CSG prévue à l'article 7 affecte directement le produit de la CSG sur les revenus dits « du capital » dont le FSV est le principal affectataire pour la branche vieillesse. Passant de 8,2 % à 9,9 %, ce taux de cotisation permet de faire passer le montant de la recette CSG du FSV de 9,7 milliards d'euros en 2017 à 12 milliards d'euros en 2018, soit un surplus de 2,1 milliards d'euros 71 ( * ) . Toutefois, dans le même temps, l'article 18 (3° du I et 1° du IV) supprime l'affectation au FSV du prélèvement de solidarité sur les revenus du capital , assis sur les revenus de placement et de patrimoine au taux de 2 %. Cette mesure entraîne la baisse des recettes du Fonds pour un montant qui aurait atteint 2,6 milliards d'euros en 2018.

Ce PLFSS conduit donc à une perte nette des recettes du FSV de l'ordre de 500 millions d'euros.

• Au niveau des dépenses, l'article 28 prévoit une revalorisation progressive, sur les trois prochaines années, des allocations constitutives du minimum vieillesse pour porter son plafond de ressources à l'horizon 2020 de 803 euros à 903 euros pour une personne seule et de 1 247 euros à 1 402 euros pour un couple de bénéficiaires ( voir le commentaire de cet article ). L'étude d'impact estime qu'en 2018, cette mesure entraînerait un surcroit de dépenses de 115 millions d'euros. En 2019, le coût supplémentaire de cette mesure s'élèverait à 340 millions d'euros et en 2020 , une fois le dispositif totalement monté en charge, à 525 millions d'euros . Ces montants ne tiennent pas compte des conséquences de l'avancement de la date de revalorisation annuelle du minimum vieillesse du 1 er avril au 1 er janvier, prévu à l'article 29, qui devrait entraîner un surcroit de dépenses à partir de 2019.

Aucune recette supplémentaire n'a été affectée au FSV pour compenser cette hausse du minimum vieillesse qui est donc financée entièrement par une augmentation du déficit du Fonds et donc de la dette qu'il fait porter à l'Acoss.

Comptes prévisionnels du fonds de solidarité vieillesse 2016-2021

FSV : PRESENTATION DES COMPTES PREVISIONNELS 2016 A 2021 PAR SECTION EN M€

SECTION 1 : OPERATIONS DE SOLIDARITE

2016

2017

2018

2019

2020

2021

CHARGES DE SOLIDARITE

17 133

17 353

17 802

18 321

18 568

18 488

Au titre du service national

29

29

30

30

31

31

Au titre du chômage régimes de base

11 318

11 454

11 616

11 817

11 809

11 669

Au titre du chômage régimes complémentaires

353

352

358

376

376

376

Au titre de la maladie

1 669

1 747

1 811

1 853

1 897

1 948

Au titre des stagiaires

231

235

236

241

245

251

Au titre des apprentis

20

94

96

97

98

99

Sous-total Prise en charge de cotisations

13 620

13 911

14 147

14 414

14 456

14 373

Au titre du minimum vieillesse

3 118

3 109

3 249

3 500

3 698

3 688

Majoration pour enfants

0

0

0

0

0

0

Autres charges techniques (frais MV)

42

42

43

44

45

45

Sous-total Prises en charge de prestations de solidarité

3 161

3 151

3 292

3 544

3 743

3 733

ANV, remises/annul/créances sur produits

2

0

0

0

0

0

FAR et dégrèvements

350

290

362

362

369

380

Charges de gestion courante (gestion administrative)

0,7

0,8

1,0

1,0

1,0

1,0

Sous-total charges diverses

352

291

363

363

370

381

PRODUITS AFFECTES SECTION 1

16 468

16 236

16 149

16 632

17 153

17 735

CSG sur revenus du patrimoine et des placements

9 663

9 700

12 014

12 375

12 764

13 197

Prélèvement social s/revenus du capital

4 202

3 983

4 135

4 257

4 389

4 538

Prélèvement solidarité s/revenus du capital

2 509

2 553

0

0

0

0

Annulation de charge sur exercice antérieur

94

0

0

0

0

0

Produits financiers et divers

0,00

0,08

0,08

0,08

0,08

0,08

SOLDE DE LA SECTION 1

-665

-1 177

-1 653

-1 689

-1 415

-752

Déficit cumulé S1 non repris par la CADES

-665

-1 782

-3 436

-5 125

-6 540

-7 292

SECTION 2 (2016) et section distincte MICO

2016

2017

2018

2019

2020

2021

CHARGES AUTRES PRESTATIONS

3 611

2 514

1 737

967

0

0

Majoration pour conjoint à charge

36

0

0

0

0

0

Minimum contributif

3 494

2 514

1 737

967

0

0

Sous-total Prises en charge autres prestations

3 529

2 514

1 737

967

0

0

ANV, remises/annul/créances sur produits

75

0

0

0

0

0

Frais d'assiette et de recouvrement

7

0

0

0

0

0

Dotations aux provisions

0

0

0

0

0

0

Charges de gestion courante (gestion administrative)

0

0,1

0,1

0,0

0,0

0,0

Sous-total charges diverses

82

0

0

0

0

0

PRODUITS AFFECTES SECTION 2

636

6

0

0

0

0

Contrib. s/avantages retraite+préretraite

231

4

0

0

0

0

Redevance fréquences (licence UMTS)

30

0

0

0

0

0

Taxe sur les salaires

338

0

0

0

0

0

Autres (déshér.)

17

1

0

0

0

0

Antériorité des autres recettes hors capital

20

1

0

0

0

0

SOLDE DE LA SECTION DISTINCTE MICO (ex section 2)

-2 976

-2 509

-1 737

-967

0

0

Déficit cumulé S2 non repris par la CADES

-2 976

-5 484

-7 222

-8 189

-8 189

-8 189

SOLDE SECTION 1 + 2

-3 641

-3 626

-3 390

-2 656

-1 415

-752

Déficit cumulé non repris par la CADES

-3 641

-7 267

-10 657

-13 313

-14 728

-15 480

Source : FSV

Votre rapporteur déplore que l'une des principales promesses de campagne du Président de la République, portant sur l'augmentation du pouvoir d'achat des retraités les plus modestes, ne soit purement et simplement pas financée.

Cette situation est d'autant plus dommageable que la décision, prise dans la LFSS pour 2017, de transférer le financement du Mico aux régimes de base devait permettre, à recettes constantes, de rétablir l'équilibre du FSV en 2020. En 2018, ce transfert progressif allège en effet les charges du Fonds de près de 800 millions d'euros, avant une diminution de 1,2 milliard d'euros en 2019 et de 900 millions d'euros en 2020.

Or, comme l'avait montré le rapport de la Mecss du Sénat, l'objet du FSV est bien d'assurer le financement, par des ressources fiscales suffisantes et sous la responsabilité de l'État, des dispositifs de solidarité de la branche vieillesse.

Avec cette série de dispositions, le Gouvernement montre qu'il s'inscrit dans la continuité de son prédécesseur, utilisant le FSV comme agent de trésorerie des régimes de base et non comme un outil de clarification des circuits de financement de la solidarité dans la branche vieillesse.

Ce constat est d'autant plus prégnant que les déficits cumulés du FSV, portés par l'Acoss depuis l'épuisement du plafond de transmission de dette sociale à la Cades en 2016, atteignent des montants colossaux : 11 milliards d'euros fin 2018 et à terme 15,5 milliards d'euros (en 2021) .


* 70 Ces subventions d'équilibre de l'État versées aux régimes spéciaux de retraite sont retracées dans la mission « Régime sociaux et de retraite » des lois de finances, sur laquelle votre commission rend chaque année un avis.

* 71 Le gain de CSG pour l'année 2018 se monte en réalité à 2,3 milliards d'euros en raison du dynamisme de l'assiette constituée par les revenus du capital en 2018.

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