TROISIÈME PARTIE
SECTEUR MÉDICO-SOCIAL
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I. LE FINANCEMENT DU SECTEUR MÉDICO-SOCIAL : UN MODÈLE À REPENSER D'URGENCE
Le financement des dépenses de soins des établissements et services médico-sociaux a deux sources principales. Pour sa très grande majorité, il provient d'une fraction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), dont le montant indicatif fixé par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) est ensuite affiné et déterminé par arrêté ministériel ; la part restante est abondée par des prélèvements spécifiques qui proviennent de :
• la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), dont l'assiette recoupe exactement celle des cotisations patronales d'assurance maladie ;
• la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), prélèvement dû sur tous les avantages de retraite au-delà d'un certain montant ;
• enfin, depuis la LFSS pour 2017, une fraction du prélèvement social opéré sur les produits de placement et sur les revenus du patrimoine.
L'ensemble de ces ressources forme le budget global destiné aux soins dans le secteur médico-social, dont la gestion et la ventilation est confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La majeure partie de ces ressources, composées de l'intégralité de l'Ondam médico-social et d'une partie importante des prélèvements spécifiques, forme l'objectif global de dépenses (OGD), dont le niveau est également fixé par arrêté ministériel. L'OGD est exclusivement dédié au financement des établissements et services médico-sociaux .
Le reliquat du budget de la CNSA est consacré au financement des deux principales allocations compensatoires , l'allocation personnalisée à l'autonomie (Apa) et la prestation de compensation du handicap (PCH), ainsi qu'à diverses actions de soutien et d'investissement du secteur.
A. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS MÉDICO-SOCIAUX : DES PROMESSES, MAIS PEU DE RÉALISATIONS
1. L'Ondam médico-social : la réduction du hiatus entre crédits apparents et crédits réels
a) La progression de l'Ondam médico-social
Le tableau ci-dessous retrace les montants annoncés et constatés de l'Ondam médico-social pour les exercices 2016, 2017 et 2018.
Votre rapporteur aimerait d'emblée souligner, concernant l'estimation des montants constatés pour l'exercice en cours, telle qu'elle figure dans la deuxième partie du PLFSS, qu'il n'est pas donné de chiffre plus précis qu'arrondi à la centaine de millions d'euros. Notre collègue René-Paul Savary avait déjà déploré l'an dernier que les états financiers les plus actualisés de la CNSA soient communiqués à la représentation nationale, via l'annexe 8 du PLFSS, selon un calendrier rendant leur contenu peu exploitable.
Ondam médico-social
(en millions d'euros)
2016 |
2017 (p) |
2018 (p) |
|||||||
PA |
PH |
Total |
PA |
PH |
Total |
PA |
PH |
Total |
|
Montant annoncé
|
8 900 |
9 300 |
18 200 |
9 100 |
11 000 |
20 100 |
9 300 |
11 200 |
20 500 |
Montant arrêté
|
8 866 |
9 317 |
18 183 |
9 050 |
11 020 |
20 070 |
|||
Montant constaté (budget de la CNSA et LFSS pour n+1) |
8 750 |
9 150 |
17 900 |
9 000 |
10 900 |
19 900 |
|||
Écart constaté |
- 116 |
- 167 |
- 283 |
- 50 |
- 120 |
- 200 |
L' augmentation sensible de l'Ondam médico-social intervenue entre 2016 et 2017, doit être grandement relativisée , car elle résulte, pour une large part, de l'intégration en 2017 des établissements et services d'aide par le travail (Esat) dans le périmètre des dépenses d'assurance maladie, leur financement relevant jusqu'alors du budget de l'État (ce qu'on appelle trivialement l'« ondamisation des Esat »). Après neutralisation de cet effet de périmètre chiffré à 1,48 milliard d'euros 21 ( * ) , l'augmentation réelle de l'Ondam médico-social s'élève à 2,9 % pour l'exercice 2017.
Pour 2018, le montant annoncé de l'Ondam médico-social s'élève à 20,5 milliards d'euros 22 ( * ) contre un montant annoncé de 20,1 milliards d'euros dans la LFSS pour 2017, soit une augmentation faciale de près de 2 %. Par rapport au montant constaté pour 2017 (19,9 milliards d'euros), l' évolution est de 3 % .
Il est toutefois probable que les montants constatés pour 2018, à l'image des exercices précédents, seront en retrait par rapport aux montants annoncés au PLFSS. On peut donc estimer qu'en tout état de cause, quel que soit le mode de calcul retenu, l'Ondam médico-social progressera moins vite en 2018 qu'en 2017 .
b) La sous-consommation de l'Ondam médico-social : une pratique qui tend à se réguler
La diminution qui vient d'être évoquée ne doit pas pour autant susciter d'émoi particulier. Elle est au contraire le signe d'un rapprochement bienvenu , entamé cette année, entre les montants annoncés et les montants constatés de l'Ondam médico-social.
En vertu de l'article L. 162-22-2-1 du code de la sécurité sociale, il est prévu, depuis la LFSS pour 2015, qu'une part du montant global de l'Ondam puisse être mise en réserve, de manière à ajuster le montant des dépenses d'assurance maladie en fonction d'impératifs non anticipés. Il s'agit de la pratique des « gels », qui consiste à transférer en cours d'année, à la faveur d'un arrêté ministériel, un certain montant de crédits d'un sous-objectif à un autre au sein de l'Ondam. Depuis 2015, ces transferts de crédits, initialement pensés pour soutenir les dépenses non anticipées des soins de psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation (SSR), ont systématiquement entraîné une « sous-consommation de l'Ondam médico-social ».
Le soutien financier de la CNSA à l'Ondam médical peut également prendre la forme d'un prélèvement sur ses fonds propres. Il s'appuie alors sur une source financière non pérenne (cf. infra ).
La sous-consommation de l'Ondam médico-social, chiffrée en 2015 à environ 200 millions d'euros, a connu une aggravation notable en 2016, où l'écart s'est élevé à 283 millions d'euros. L'exercice 2017 marque le retour à un niveau plus raisonnable : l'écart constaté sera a priori de 200 millions d'euros , dont 110 millions au titre des transferts entre sous-objectifs de l'Ondam 23 ( * ) et, par déduction, 90 millions d'euros au titre des ponctions sur les réserves de la CNSA. On ne peut que déplorer la persistance de ces pratiques, qui visent en fin de compte à priver les établissements et services médico-sociaux d'une partie de leur financement, mais au moins peut-on se réjouir qu'un frein relatif leur ait été apporté.
Votre rapporteur souhaite néanmoins insister sur la nécessité de relativiser les évolutions faciales de l'Ondam médico-social sans cesse affichées dans les dossiers de presse comme autant de preuves du soutien apporté au secteur, du fait de la sous-consommation chronique des crédits.
2. La réalisation de l'OGD en 2017 : une certaine déception
a) L'évolution tendancielle de l'OGD et les mesures nouvelles anticipées pour 2018
L'intégralité des flux financiers issus de l'Ondam médico-social viennent abonder la section I du budget de la CNSA , consacrée au financement des établissements et services médico-sociaux. S'y ajoute une fraction de la CSA et du prélèvement social sur les revenus du capital et du patrimoine , comprise entre 50 % et 54 %, répartie entre la sous-section consacrée aux personnes handicapées pour le quart et la sous-section consacrée aux personnes âgées pour les trois quarts. Cet ensemble forme l'OGD , dont l'évolution est retracée dans le tableau ci-dessous. Les chiffres de l'OGD pour 2018 sont une estimation de votre rapporteur, calculée sous des hypothèses de stabilité de la fraction de CSA et de prélèvement social dirigée vers la section I.
OGD
(en millions d'euros)
L'augmentation de l'OGD en 2017 est inférieure de 240 millions d'euros à celle qu'annonçait le dossier de presse du PLFSS pour 2017 27 ( * ) . De même, alors qu'il mentionnait une « progression, à champ constant, de 3,2 % » des dépenses consacrées aux établissements et services médico-sociaux, cette progression, corrigée de l'intégration des Esat au périmètre de l'OGD, n'est en réalité que de 1,8 % . Ce chiffre relativise donc fortement l'augmentation de 2,9 % de l'Ondam médico-social constatée sur la même période. Une des explications de ce résultat en deçà des estimations réside dans le montant des recettes de CSA en 2017, dont le Gouvernement a dû revoir à la baisse le rendement escompté.
Au vu des chiffres révisés de l'OGD pour 2017, c'est avec une circonspection particulière que votre rapporteur accueille les « 515 millions d'euros supplémentaires » de « mesures nouvelles » annoncées pour 2018. En premier lieu, le chiffre semble avoir été établi sur une estimation non actualisée de l'OGD pour 2017, rendue caduque par l'article 6 du PLFSS pour 2018. En second lieu, le dossier de presse se montre beaucoup moins clair sur la ventilation précise de ces crédits : tout juste y est-on informé de la reconduction en 2018 du fonds d'amorçage de 15 millions d'euros censé prévenir les départs en Belgique.
Parmi les autres mesures nouvelles pour 2018 qui nous sont connues, on trouve 30 millions d'euros au titre du plan pluriannuel de soutien aux établissements pour personnes handicapées annoncé par le Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap de mai 2016 et 100 millions d'euros au titre de l'accompagnement de la réforme tarifaire dans les Ehpad . Restent donc 370 millions d'euros dont le fléchage précis restera inconnu jusqu'à la circulaire budgétaire de 2018.
b) La réalité des « mesures nouvelles » en 2017
L'examen du tableau précédent montre que les 590 millions d'euros de mesures nouvelles annoncées pour 2017 se limitent en fait à environ 350 millions d'euros 28 ( * ) . Le tableau suivant permettra de comparer le bilan des mesures nouvelles ambitionnées par le PLFSS pour 2017 et la réalité de ce qu'elles furent.
(en millions d'euros) |
Mesures nouvelles annoncées pour 2017 |
Mesures nouvelles constatées pour 2017 29 ( * ) |
||
Revalorisation des places et des services existants |
Taux de revalorisation annoncé de 0,92 % |
110 |
Taux de revalorisation effectif de 0,86 % |
160 |
Créations nouvelles
|
Mise en oeuvre
|
185 |
Mise en oeuvre
|
115 30 ( * ) |
Créations de places nouvelles |
85 |
|||
Créations nouvelles
|
Créations de places nouvelles |
209 |
Créations de places nouvelles |
59 |
Fonds Belgique |
15 |
|||
Total |
590 |
350 |
La différence entre les mesures annoncées et les mesures réalisées est manifeste. Outre qu'elles sous-estimaient grandement l'impact financier de la revalorisation des places et services existants, les mesures annoncées en sont restées à l'état de voeu pieux dans le secteur du handicap , où la diminution du rythme des créations de places se montre particulièrement sensible . Dans le secteur des personnes âgées , ces créations furent tout bonnement abandonnées au profit du seul accompagnement financier à la réforme tarifaire, par ailleurs moins soutenu que prévu.
* 21 Rapport de M. René-Paul Savary, Financement de la sécurité sociale pour 2017 , tome 3 - Secteur médico-social, n° 114.
* 22 Article 54 du PLFSS pour 2018.
* 23 Réponse de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) au questionnaire parlementaire.
* 24 D'après les chiffres du rapport de la CNSA d'avril 2017 et de l'annexe 6 du PLFSS pour 2018.
* 25 D'après les chiffres de l'article 6 et de l'annexe 8 du PLFSS pour 2018.
* 26 D'après les chiffres de l'article 54 et de l'annexe 6 du PLFSS pour 2018.
* 27 Le dossier de presse annonçait un OGD pour 2017 de plus de 21,5 milliards d'euros.
* 28 Résultat de la différence entre l'OGD pour 2017 (déduction faite du périmètre des Esat) et l'OGD pour 2016.
* 29 Circulaire n° DGCS/SD5C/DSS/CNSA/2017/150 du 2 mai 2017 relative aux orientations de l'exercice 2017 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.
* 30 15 millions d'euros figurant dans la circulaire budgétaire et 100 millions d'euros annoncés par la direction générale de la cohésion sociale à votre rapporteur.