B. UNE INCERTAINE MAIS NÉCESSAIRE TRAJECTOIRE DE RETOUR À L'ÉQUILIBRE

1. Les objectifs affichés par le Gouvernement : un déficit de l'assurance maladie réduit à 800 millions d'euros dès 2018

Compte tenu des hypothèses de croissance et d'inflation retenues, le Gouvernement anticipe dans la présentation du présent projet de loi de financement une nette amélioration des soldes des régimes de sécurité sociale pour 2018 et les années suivantes.

Le déficit de la branche maladie s'établirait en 2018 à 800 millions d'euros , soit un niveau jamais atteint depuis 1999. La branche serait en excédent à compter de 2019.

Le Haut conseil des finances publiques a jugé le scénario macroéconomique « prudent pour 2017 et raisonnable pour 2018 » , tout en soulignant les « risques significatifs » sur la réalisation des économies prévues dans le champ des administrations publiques et la « nécessité de respecter les objectifs de dépenses, même si les recettes venaient à être meilleures que prévu » 6 ( * ) .

Hypothèses de retour à l'équilibre

(en milliards d'euros)

2015

2016

2017 (p)

2018 (p)

2019 (p)

2020 (p)

2021 (p)

PIB volume

1,1 %

1,2 %

1,7 %

1,7 %

1,7 %

1,7 %

1,7 %

Masse salariale secteur privé

1,7 %

2,4 %

3,3 %

3,1 %

3,2 %

3,6 %

3,8 %

Inflation hors tabac

0,0 %

0,2 %

1,0 %

1,0 %

1,1 %

1,4 %

1,8 %

ONDAM

2,0 %

1,8 %

2,2 %

2,3 %

2,3 %

2,3 %

2,3 %

Branche maladie

Recettes

167,4

194,6

201,9

209,8

215,8

222,9

230,4

Dépenses

173,2

199,4

206,0

210,6

214,8

219,1

223,8

Solde

- 5,8

- 4,8

- 4,1

- 0,8

1,0

3,8

6,6

Régime général consolidé

Recettes

340,3

366,6

377,8

394,3

405,2

417,5

431,6

Dépenses

347,2

370,7

379,4

393,0

401,7

410,9

421,4

Solde

- 6,8

- 4,1

- 1,6

1,2

3,5

6,6

10,3

Source : Annexe 9 du PLFSS

Le déficit prévu en 2018 est à mettre en regard du solde tendanciel de la branche, évalué par la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2017 à - 7,9 milliards d'euros.

L'hypothèse de nette amélioration du solde de l'assurance maladie et de retour à l'équilibre repose toutefois sur de nombreux transferts de recettes au profit de la branche maladie . Elle ne résulte donc pas seulement d'un effort structurel de maîtrise des dépenses de santé.

2. Pour 2018, l'Ondam en progression de 2,3 % s'accompagne d'efforts d'économies conséquents

L' article 54 du projet de loi de financement fixe l'Ondam pour 2018 à 195,2 milliards d'euros, soit un taux de progression de 2,3 % correspondant à 4,4 milliards d'euros de dépenses supplémentaires.

Ce taux d'évolution est le plus élevé depuis 2014, tout en s'inscrivant dans une certaine continuité, notamment au vu du taux réel d'évolution de la dépense d'assurance maladie corrigé des effets de périmètre.

Pour autant, en raison d'une croissance tendancielle des dépenses évaluée à un niveau plus élevé ( + 4,5 % contre + 4,3 % en 2017, + 3,6 % en 2016 et + 3,9 % en 2015), le volume d'économies cible affiché par le Gouvernement est plus important que les années précédentes : il s'établit à près de 4,2 milliards d'euros contre 4,1 milliards en 2017 et 3,4 milliards en 2016.

Lors de son audition par la commission, le directeur général de la Cnam a qualifié cet objectif d' « exigeant mais atteignable » .


• Le tendanciel de dépenses serait notamment porté par la dynamique des soins de ville . Comme le note le comité d'alerte de l'Ondam 7 ( * ) , l'accélération prévisible des dépenses en ville serait de + 5,1 % par rapport à 2017, essentiellement portée par l'impact des conventions récentes avec les professionnels de santé, en particulier la poursuite de l'application de la convention médicale de 2016 ( cf. encadré suivant).

La croissance des dépenses des établissements de santé resterait également forte ( + 4 % ), en raison notamment de la montée en charge de nouvelles classes thérapeutiques innovantes et de la disparition des financements hors Ondam du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, qui va dans le sens d'une meilleure sincérité de l'Ondam.

L'impact des revalorisations conventionnelles

L'impact financier des conventions ou avenants récemment signés avec les représentants des professionnels de santé est évalué à 625 millions d'euros pour 2018 , soit 54 % de plus qu'en 2017.


• L'essentiel de ce coût est porté par la convention médicale de 2016 8 ( * ) , qui revalorise les actes des médecins, en tenant compte de la complexité de certaines prises en charge (visite longue, consultation complexe ou très complexe, etc, en vigueur à compter du 1 er novembre 2017), et renforce les aides en faveur de l'installation et du maintien des médecins dans les zones sous-dotées.

Cette convention a été complétée en 2017 par trois avenants : l'un met en place une nouvelle ROSP pour le médecin traitant de l'enfant de moins de 16 ans, l'autre introduit deux actes de télémédecine concernant les patients résidant en Ehpad, le troisième crée à compter du 30 octobre 2017 un avantage financier complémentaire en cas de maternité.


• D'autres négociations conventionnelles ont abouti en 2017
et auront un impact financier en 2018 :

- un accord conventionnel interprofessionnel relatif aux structures pluri-professionnelles a été signé le 20 avril 2017 par 20 organisations. Il se substitue au règlement arbitral du 23 février 2015 qui avait généralisé le financement par l'assurance maladie des « nouveaux modes de rémunération » expérimentés dès 2008, permettant d'accompagner le travail en équipe, la fonction de coordination ou l'acquisition d'un système d'information partagé. Les aides allouées sont consolidées. Actuellement, le niveau de rémunération des structures éligibles (481 fin août 2017) est en moyenne de près de 41 000 euros par an ;

- un avenant à la convention nationale des orthoptistes libéraux a été conclu le 19 avril 2017. Il valorise l'activité de bilan et de rééducation ainsi que de nouveaux champs d'intervention, notamment en matière de prévention, et prévoit des mesures incitatives pour favoriser l'exercice dans les zones déficitaires et le travail en coopération avec les ophtalmologistes ;

- un avenant a été signé le 23 mai 2017 à l' accord national relatif aux centres de santé du 8 juillet 2015. Il transpose des mesures de la convention médicale de 2016 et de ses avenants : la ROSP médecin traitant rénovée, la ROSP médecin traitant de l'enfant, le forfait patientèle et la majoration pour le suivi des personnes âgées de 80 ans et plus ;

- un avenant à la convention nationale des orthophonistes libéraux a été conclu le 18 juillet 2017, visant à renforcer l'accès aux soins avec de nouveaux contrats incitatifs à l'exercice dans les zones déficitaires, à mettre en place des expérimentations pour favoriser le dépistage en milieu scolaire, à valoriser les actes et à moderniser les conditions d'exercice ;

- un avenant à la convention nationale pharmaceutique a été signé le 20 juillet 2017 9 ( * ) : il poursuit la réforme du mode de rémunération afin de le désensibiliser progressivement des baisses de prix et élargit le périmètre des rémunérations perçues en contrepartie d'engagements individualisés de santé publique. Les assurances maladie obligatoire et complémentaire contribueront à cette réforme à hauteur de 280 millions d'euros sur la période 2018-2020.

Impact financier des conventions ou avenants signés
avec les représentants des professionnels de santé en 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Profession concernée

2017

2018

Médecins

400

460

Orthophonistes

-

16

Orthoptistes

-

6

Structures pluri-professionnelles

-

10

Centres de santé

6

2

Pharmaciens

-

41

TOTAL

406

625

Source : Direction de la sécurité sociale

Par ailleurs, le protocole d'accord 2017-2019 avec les biologistes prévoit une évolution annuelle maximale de 0,25 % des dépenses de biologie.


• Des négociations conventionnelles concernant les infirmiers, les sages-femmes, les masseurs kinésithérapeutes sont enfin en cours .

Pour les chirurgiens-dentistes, des négociations ont repris en septembre 2017, ce qui conduit à suspendre l'application du règlement arbitral, dont l'application est reportée d'une année par l' article 44 du PLFSS. Les revalorisations de tarifs pour les soins dispensés aux bénéficiaires de la CMU-c entrent toutefois en vigueur dès octobre 2017 ; leur impact financier est estimé à 14 millions d'euros en 2017 et 25 millions d'euros en 2018 . Pour mémoire, l'impact du règlement arbitral était évalué à 140 millions d'euros pour 2018, appelé à se poursuivre jusqu'à 2021.


• La ventilation des économies attendues ( cf. détail au commentaire de l'article 54 du projet de loi de financement) n'est pas aisément comparable avec celles du plan d'économies de l'Ondam pour la période 2015-2017, en raison d'un changement de présentation.

En redistribuant les items selon les mêmes titres ceux du plan Ondam 2015-2017, une certaine continuité se dessine en dépit de quelques inflexions.

Mesures d'économie attendues - Plan Ondam 2015-2017 et PLFSS pour 2018

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

Efficacité de la dépense hospitalière

520

690

845

1015

Optimisation des dépenses des établissements

55

65

80

575

Optimisation des achats

350

420

505

Liste en sus

105

205

260

390

Tarification des plasmas thérapeutiques

10

/

/

/

Virage ambulatoire et adéquation de la prise en charge en établissement

370

465

640

450

Développement de la chirurgie ambulatoire

100

160

160

250

Réduction des inadéquations hospitalières

110

145

250

Rééquilibrage de la contribution de l'Ondam à l'OGD

160

160

230

200

Produits de santé et promotion, des génériques

1065

1045

1430

1170

Baisse de prix des médicaments

550

550

500

480

Promotion et développement des génériques

435

395

340

340

Tarifs des dispositifs médicaux

50

70

90

100

Biosimilaires

30

30

30

40

Contribution fonds de financement de l'innovation pharmaceutique

/

/

220

/

Remises

/

/

250

210

Pertinence et bon usage des soins

1230

940

865

985

Maîtrise des volumes et de la structure de prescription des médicaments

400

400

380

320

Lutte contre les iatrogénies médicamenteuses

100

100

/

/

Baisse des tarifs des professionnels libéraux

150

125

165

575

Maîtrise médicalisée hors médicament

375

315

320

Mise en oeuvre des réévaluations de la HAS

130

/

/

/

Lutte contre la fraude

75

/

/

90

Autres mesures

/

270

270

545

TOTAL

3185

3410

4050

4165

Source : Annexes au PLFSS pour 2015, 2016, 2017 et 2018


Les données relatives à l'Ondam et aux mesures d'économies appellent plusieurs remarques relevées de manière récurrente :

- d'abord, l'évaluation du tendanciel de dépenses sur laquelle elles se fondent ne fait pas l'objet d'une analyse véritablement détaillée dans les documents annexés au projet de loi de financement ;

- de même, les mesures d'économies présentées souffrent d'un manque de documentation ex ante et ex post . Il n'est ainsi pas possible d'apprécier la portée des efforts demandés sur chaque poste, au regard des résultats effectivement constatés les années précédentes. La Cour des comptes a ainsi souligné, s'agissant de l'optimisation des achats hospitaliers (dans le cadre du programme Phare), une estimation des économies « dans des conditions méthodologiquement très peu rigoureuses » et une prise en compte « purement artificielle » 10 ( * ) ;

- enfin, des mesures présentées comme des économies n'en sont pas réellement : c'est le cas en 2018 de l'actualisation du forfait journalier hospitalier, du relèvement de la cotisation des organismes complémentaires à la prise en charge du forfait médecin traitant, ou encore, comme les années précédentes, de la contribution de la CNSA, de l'intégration des remises de l'industrie pharmaceutique ou des réformes des cotisations des professionnels de santé ; après déduction des mesures de périmètre, le quantum d'économies à réaliser s'établirait pour 2018 à 3,4 milliards d'euros, contre 3 milliards d'euros en 2017 avec le même périmètre, ce qui reste néanmoins significatif.


* 6 Avis n° HCFP-2017-4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2018, 24 septembre 2017.

* 7 Avis du comité d'alerte n° 2017-3 du 10 octobre 2017.

* 8 Cette convention a été signée par trois des cinq syndicats représentatifs (MG France, Le Bloc et la FMF).

* 9 Cet avenant n° 11 a été signé par l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo), et non par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).

* 10 Les achats hospitaliers, Cour des comptes, Communication à la commission des affaires sociales et à la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l'Assemblée nationale, juin 2017.

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