G. UN EXCÉDENT APPAREMMENT DURABLE
Le bilan des recettes et des dépenses du CAS en 2016 prolonge les effets de l'inversion récente du différentiel de croissance entre les recettes et les dépenses portées par le CAS. Celui-ci a abouti à la constitution d'un excédent à partir de 2013 dont l'ampleur n'a depuis cessé de croître.
Malgré des perspectives plus incertaines à moyen terme, le régime de retraite de la fonction publique d'État ressort en projection de long terme comme sur-financé.
1. Un excédent plus fort que prévu qui contribue à accroître le « fonds de roulement » du compte
Les dynamiques effectives des recettes et des dépenses du compte en 2016 ont conduit à un solde d'exécution supérieur au niveau envisagé par la loi de finances initiale.
L'excédent a atteint 762,5 millions d'euros contre 670 millions en prévision (92,5 millions de plus que prévu).
Ce résultat prolonge la tendance à la constitution d'un solde cumulé de plus en plus fortement positif.
Source : rapport annuel de performances 2016
Depuis 2008, le solde positif cumulé du compte a été quadruplé .
Il atteint 3,2 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2016, soit 5,6 % des dépenses totales de pensions qu'il finance. On rappelle que la prévision pour 2017 s'élève à 5,4 milliards d'euros.
Le solde se dirige vers un point où il représenterait jusqu'à plus d'un mois de dépense de pensions, niveau techniquement excessif par rapport aux normes usuelles, mais qu'il convient d'apprécier en fonction de considérations plus structurelles.
Parmi celles-ci doit d'abord être mentionné le processus de convergence des cotisations salariales de retraite des fonctionnaires avec celles en vigueur dans le régime général qui aboutit à une élévation du taux de contribution des fonctionnaires au financement du régime, même à contribution inchangée des employeurs. Compte tenu de l'objectif de parité des systèmes de prélèvement entre public et privé, la réduction du taux de contribution des employeurs apparaît comme la seule variable d'ajustement mobilisable pour limiter la progression du solde du compte.
Or, deux éléments au moins rendent cette variable peu maniable :
- ses effets sur l'équilibre entre cotisations salariales et contribution des employeurs amplifierait le mouvement déjà en marche vers un rééquilibrage ;
- et, probablement surtout, l'atténuation de la contrainte budgétaire appliquée aux ministères dans la gestion de leurs personnels qu'induirait une baisse de la contribution des employeurs.
2. Un excédent structurel ?
Le régime de retraite de la fonction publique de l'État (civile et militaire), qui représente l'essentiel des engagements du compte d'affectation spéciale, semble doté d'un excès de financement à moyen et, surtout, à long terme.
Ce résultat permet de tempérer l'impression exercée par le niveau élevé des engagements de retraite portés par l'État publiés dans le hors-bilan du compte général de l'État .
a) Des engagements de retraites élevés correspondant à un patrimoine important pour les ménages...
Ces engagements, qui totalisent l'ensemble des prestations que l'État devrait servir aux retraités actuels et, en fonction des droits acquis par eux au moment où ils sont évalués, aux personnes en activité, étaient estimés à 1 535 milliards d'euros à la fin de l'année 2015 .
Cette évaluation a été affinée dans le compte général de l'État pour 2016 avec quatre scénarios correspondant à des taux d'actualisation différenciés dont un nouveau taux d'actualisation négatif correspondant à une situation de taux d'intérêt réel négatif, qui n'a qu'une probabilité très minime d'occurrence.
Évaluation des engagements de pensions de l'État selon différentes hypothèses de taux d'actualisation
Source : compte général de l'État pour 2016
Les différentes évaluations récapitulées ci-dessus correspondent au montant des réserves dont devrait disposer l'État pour financer l'ensemble des prestations de retraite actuellement portées en engagements par l'État, tout au long de la retraite des pensionnés .
Cette estimation est sensible à de nombreux paramètres, la plupart fondés sur des hypothèses , parmi lesquelles l'espérance de vie des titulaires des droits à pension constitués au jour de l'évaluation, qui, sans être arbitraires peuvent être discutées.
On souligne également l'influence du taux d'actualisation sélectionné pour calculer l'indicateur. Plus il est bas, plus le montant des réserves dont doit disposer le débiteur doit être élevé, le rendement du fonds de pension fictif devant répondre des dettes de pensions se trouvant poitivement corrélés avec le taux d'intérêt.
Cette corrélation permet d'illustrer l'incidence des rendements d'actifs sur la valeur des engagements actuels des débiteurs, et, à travers elle, sur les liens entre la valorisation de ces engagements et le taux de croissance anticipé . Plus celui-ci est élevé, plus faible doit être le niveau des actifs en réserve nécessaire pour acquitter les dettes de pension. Avec un taux d'actualisation de 1,5 %, la valeur des actifs permettant de couvrir les engagements de retraite de l'État passe à 1 384 milliards d'euros (contre 1 535 milliards d'euros avec un taux d'actualisation de 0,18 % et 2 139 milliards d'euros avec un taux négatif de 0,49 %). Moyennant quelque simplification, 1 point de rendement supplémentaire allège les contraintes liées aux engagement de pension de l'État d'un niveau compris entre 250 milliards d'euros et 300 milliards d'euros.
Etant observé que l'indicateur des engagements de pension du hors-bilan de l'État permet d'apprécier l'équivalent patrimonial des droits à la retaite des fonctionnaires couverts par le régime, information utile à toute analyse des comportements d'épargne des ménages, on doit en nuancer l'intérêt pour ce qui concerne la soutenabilité du régime.
Celle-ci est nettement mieux appréciable à partir d'un raisonnement sur le besoin de financement du régime de retraite.
b) ...mais une capacité de financement durable du système de pensions de la fonction publique d'État
La projection des besoins de financement du régime résulte également d'un jeu d'hypothèses discutables. Il a d'ailleurs été profondément remanié en cours d'année (voir infra ) si bien que les projections déormais publiées comportent d'assez fortes différences par rapport aux précédentes.
Le compte général de l'État pour 2016 comporte de ce point de vue une projection à long terme 252 ( * ) (horizon 2050) qui extériorise un profil où, après une période de dix années d'excédents continus du compte, une période de déficit, de dix ans à nouveau, ferait place, au-delà, à une nouvelle phase d'excédents.
Financement des retraites du régime des fonctionnaires de l'État et des militaires
Source : compte général de l'État pour 2016
Il est remarquable que le solde cumulé du compte resterait constamment positif jusqu'en 2043 dans un contexte où il varierait, en valeur actualisée, entre 30 milliards d'euros, soit plus de la moitié des charges de pensions, et un retour à l'équilibre à l'échéance 2043.
Ainsi, malgré la résurgence de déficit après 2031, les charges de pensions pourraient être acquittées sans augmentation des prélèvements obligatoires jusqu'en 2043. Ce n'est qu'au-delà que les besoins de financement réguliers accumulés provoqueraient une dégradation très transitoire du solde cumulé.
A plus long terme, le système de pensions de l'État serait plus que financé, du moins si l'on se reporte aux informations publiées dans le compte général de l'État pour 2015 253 ( * ) .
La courbe verte du graphique ci-dessous cumule les barres du graphique colorées en rouge, qui figurent les excédents annuels du régime. A l'horizon de la projection (2111), l'excédent cumulé atteindrait 437 milliards d'euros .
Les résultats de la projection publiée en 2015, qui repose sur la législation en vigueur, montrent qu'en l'état actuel des financements et des projections portant sur les dépenses de pensions civiles et militaires correspondant aux engagements de retraite le régime connaît un excès de financement par rapport à une cible d'équilibre
Besoin de financement actualisé des retraites du régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État
Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015
On doit insister sur les incertitudes que comportent les projections à long terme d'équilibre du régime des pensions civiles et militaires de l'État, le solde projeté étant sensible à des erreurs portant à la fois sur les recettes et les charges projetées. La révision des projections de capacité de financement basée sur une recommandation de l'institut d'évaluation des politiques publiques au terme de laquelle les capacités de financement à horizon 2050 seraient nettement moins élevées que dans les projections usuelles en témoigne.
L'ampleur de la révision appelle une présentation beaucoup plus détaillée que celle publiée dans le compte général de l'État d'autant qu'elle tend à minorer les effets des réformes du système de retraites. Votre rapporteur spécial veillera à ce que lui soit explicité ses fondements.
En toute hypothèse, les perspectives d'équilibre de long terme du compte paraissent compatibles avec le choix entre une réduction des prélèvements obligatoires et une amélioration du niveau des pensions.
Le graphique ci-dessous, extrait des travaux du Conseil d'orientation des retraites, illustre à plus courte échéance (2059) les perspectives de réduction des prélèvements obligatoires (retenues salariales et/ou contribution des employeurs, assimilées à un prélèvement obligatoire) offertes par le surfinancement actuel du régime.
Si l'on peut remarquer certaines différences entre la projection du COR ici relatée et la projection figurant au compte général de l'État pour 2016, qui paraît liée à la substitution du modèle PABLO au modèle ARIANE préalablement employé, le recul envisageable des prélèvements obligatoires affectés au financement des retraites de la fonction publique d'État dans les différents scénarios ressort, dans certaines hypothèses, très significatif.
Scénarios d'évolution du taux de prélèvements obligatoires du régime de retraite de la fonction publique de l'État
(en points de prélèvements sur l'assiette de cotisation)
Source : Conseil d'orientation des retraites, juin 2016
Votre rapporteur spécial s'interroge sur les possibilités existant pour lisser dans le temps d'éventuels ajustements des prélèvements obligatoires d'autant que les générations actuelles semblent être confrontées à la perspective d'une baisse du rendement implicite de leurs contributions au financement du régime, ce qui, à l'évidence, ne satisfait pas au critère d'équité intergénérationnelle .
* 252 Fondée sur un nouveau jeu d'hypothèses.
* 253 Le compte général de l'État pour 2016 ne reprend pas la projection à très long terme (horizon de 100 ans) des besoins de financement actualisés cumulés du compte. Peut-être est-ce dû à un changement de module d'évaluation, le modèle PABLO ayant pris la suite du modèle ARIANE par lequel étaient évalués jusqu'en 2015 les besoins de financement du régime.