D. L'ANALYSE DU CONSEIL D'ÉTAT SUR CETTE CINQUIÈME PROROGATION
Sur le fondement des éléments d'information mis en avant par le Gouvernement, le Conseil d'État estime, au vu de l'intensité de la menace terroriste et du nombre d'attentats commis ou déjoués au cours de l'année 2016 que « la conjonction de la menace terroriste persistante d'intensité élevée » et des « campagnes électorales présidentielle et législatives » caractérise bien « un péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » au sens de l'article 1 er de la loi du 3 avril 1955.
Il considère que le maintien de l'état d'urgence « opère une conciliation qui n'est pas déséquilibrée entre la prévention des atteintes à l'ordre public et le respect des droits et libertés reconnus par la Constitution à tous ceux qui résident sur le territoire de la République et se trouve justifié par les exigences de la situation présente, dans le respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », en particulier au regard de deux garanties spécifiques que sont :
- le nouveau cadre juridique relatif à l'exploitation des données informatiques copiées lors des perquisitions administratives résultant de la loi du 21 juillet 2016 et de la décision précitée n° 2016-600 QPC du Conseil constitutionnel du 2 décembre 2016, ainsi que les dispositions relatives à la durée des assignations à résidence proposées par l'article 2 du projet de loi ;
- et le contrôle approfondi par le juge administratif, qui s'assure que chacune des décisions prises en application de l'état d'urgence, dont l'auteur doit préciser les motifs, est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.
Le Conseil d'État note en particulier que le ressort géographique d'application de l'état d'urgence demeure « proportionné aux circonstances » et que « la durée de la prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017, telle qu'elle est proposée par le Gouvernement, n'apparaît pas inappropriée au regard des motifs la justifiant ». À cet égard, il admet la justification, en raison du contexte institutionnel particulier, de la disposition permettant de déroger à l'application de l'article 4 de la loi du 3 avril 1955 afin d'éviter que l'état d'urgence cesse avec les démissions gouvernementales consécutives aux élections du printemps 2017, « dès lors que les gouvernements nommés à la suite de ces démissions auront la possibilité de mettre fin à l'état d'urgence avant le terme prévu par la loi de prorogation, à tout moment, par décret en conseil des ministres », comme le prévoient désormais systématiquement les textes de prorogation.
Surtout, alors que le texte qui lui était soumis ne contenait pas de disposition de cette nature, le Conseil d'État a estimé nécessaire de fixer dans la loi une limite maximale à la durée ininterrompue de l'assignation à résidence d'une personne, considérant que la succession des prorogations de l'état d'urgence pouvait « conduire à des durées d'assignation à résidence excessives au regard de la liberté d'aller et de venir ». A par conséquent été introduit dans le texte résultant de ses délibérations, à son initiative, un article limitant à douze mois consécutifs la durée maximale d'assignation à résidence, en l'absence d'éléments nouveaux justifiant le maintien de la mesure, une telle disposition ayant ainsi pour effet de mettre un terme, avec l'entrée en vigueur de la présente loi, à la quarantaine d'assignations à résidence dont la durée totale est supérieure à douze mois.
Enfin, comme à l'occasion de ses avis du 2 février, du 28 avril, et du 18 juillet 2016 sur les projets de loi autorisant une deuxième, une troisième et une quatrième fois la prorogation de l'état d'urgence, le Conseil d'État rappelle que « les renouvellements de l'état d'urgence ne sauraient se succéder indéfiniment et que l'état d'urgence doit demeurer temporaire ». Il souligne que « les menaces durables ou permanentes doivent être traitées, dans le cadre de l'État de droit, par les instruments permanents de la lutte contre le terrorisme, tels ceux issus des lois adoptées ces deux dernières années dans ce domaine ainsi que ceux, le cas échéant, du projet de loi sur la sécurité publique qui sera prochainement examiné par le Parlement ».