B. DES TERRITOIRES DE MONTAGNE PRÉSERVÉS MAIS TOUJOURS FRAGILES
Trente ans plus tard, quel bilan peut-on faire de la politique de la montagne ? S'il reste difficile de distinguer la contribution de l'action publique d'autres évolutions spontanées, les territoires de montagne ont plutôt bien résisté à l'épreuve du temps . À quelques exceptions près, la démographie de la montagne ne s'est pas effondrée, son agriculture a été moins affectée que celle des territoires ruraux, et ses paysages et espaces naturels ont été bien préservés. Enfin, certains territoires ont connu un développement économique notable, touristique ou industriel.
Si ce portrait de la montagne témoigne d'un équilibre global, les territoires de montagne restent caractérisés, à l'instar de la ruralité, par une diversité de situation, d'atouts et de difficultés . Le rapport du 27 juillet 2015 distinguait notamment la montagne urbanisée, la moyenne montagne industrielle et agricole, la montagne résidentielle ou touristique et la montagne naturelle et non aménagée.
Malgré cette diversité indéniable, indispensable à prendre en compte, la montagne reste unie par le sentiment d'une identité particulière et d'un avenir commun . Par ailleurs, ces territoires partagent des caractéristiques physiques et météorologiques, et des difficultés intrinsèques comme la faible densité de la population, les difficultés d'accès, et la fragilité des équilibres entre le développement économique et la préservation des espaces naturels.
C. UNE RELANCE INDISPENSABLE DE LA POLITIQUE DE LA MONTAGNE POUR L'AVENIR DE CES TERRITOIRES
Si la loi de 1985 a créé un socle commun et transversal pour la politique de la montagne, plusieurs évolutions intervenues depuis son adoption nécessitent une relance ambitieuse.
Le cadre institutionnel des politiques publiques a connu des changements considérables depuis 1985 . Les étapes successives de la décentralisation ont ainsi renforcé progressivement les compétences et les interventions des collectivités territoriales, en complément de l'État. La dimension européenne des politiques publiques n'a également fait que croître depuis 1985, avec la création de l'Union européenne, et l'intégration toujours plus forte des zones transfrontalières, qui concernent de nombreux territoires de massif. Les impératifs de la maitrise des finances publiques, qui s'imposent à l'ensemble des administrations, sont aussi des paramètres nouveaux à prendre en compte dans la répartition et la mise en oeuvre des financements publics.
Par ailleurs, certains enjeux nouveaux pour l'action publique sont apparus depuis 1985, tandis que d'autres problématiques ont encore gagné en importance.
Si l'environnement était une préoccupation déjà prise en compte par le législateur en 1985, les enjeux se sont multipliés . Le réchauffement climatique, qui s'est significativement accéléré ces dernières années, affecte en premier lieu et de manière très visible la montagne. L'adaptation des activités en montagne au changement climatique, parallèlement aux efforts en matière de réduction des émissions, est indispensable. La protection des paysages et de la biodiversité est par ailleurs une question majeure, avec des équilibres toujours complexes à maintenir avec le développement économique et la vie quotidienne.
Le développement du numérique est un autre facteur peu pris en compte par la loi de 1985, dont l'importance sociale et économique est devenue majeure . Les contraintes physiques engendrées par le relief créent des difficultés techniques et financières particulièrement fortes pour déployer des infrastructures permettant d'apporter des services mobiles et fixes aux habitants des territoires de montagne. Pourtant, plus encore que pour les territoires ruraux, un accès de qualité aux technologies numériques est une opportunité pour désenclaver la montagne, lutter contre l'isolement, et permettre le développement de services innovants et de nouvelles activités.
D'autres préoccupations anciennes sont plus vives aujourd'hui, comme le maintien des services publics . La désertification médicale et la raréfaction des professionnels de santé est un problème critique, dans des territoires exposés par ailleurs à des risques quotidiens pour les habitants, et des besoins sanitaires particuliers en période touristique. Le maintien de services publics administratifs de proximité est également indispensable, compte tenu des distances qui séparent la majorité des zones de montagne des grands centres urbains. Enfin, la réorganisation contrainte de la carte scolaire et des moyens dont disposent les établissements ne doit pas éloigner les écoles des élèves au point de rendre problématiques les trajets au quotidien, en particulier en période hivernale.
Le passage du temps a également affaibli le cadre fixé par la loi montagne. Certains dispositifs spécifiques adoptés en 1985 ont été rattrapés par le droit commun, soit que leur efficacité ait justifié une extension à d'autres types de territoires, soit que les mesures prévues par des lois sectorielles aient dépassé celles initialement novatrices de 1985. D'autres dispositions ont connu une mise en oeuvre limitée, comme le droit à l'expérimentation, les prescriptions de massif ou les ententes de massif. Au total, 37 articles sur les 102 de la loi de 1985 ont été abrogés. Seule la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux (DTR) avait procédé à une révision transversale du texte 2 ( * ) .
Face à cette situation, les élus de la montagne souhaitaient depuis longtemps une révision de la loi montagne de 1985, et plus globalement une relance de la politique de la montagne. La crainte d'une banalisation des territoires de montagne , et d'un oubli des difficultés et contraintes qui demeurent, malgré les progrès techniques, se faisait ainsi de plus en plus vive.
* 2 Comprenant trois chapitres spécifiques à la montagne, la loi DTR a notamment complété les principes de la politique de la montagne, renforcé le rôle des comités de massif, précisé le contenu des schémas, conventions et prescriptions de massif, et simplifié la procédure des UTN.