II. DES CRÉDITS RÉPARTIS ENTRE TROIS PROGRAMMES

Pour le PIA 3, le Gouvernement a fait le choix de regrouper l'ensemble des crédits dans une mission propre, alors qu'auparavant ils faisaient l'objet de programmes nouveaux insérés dans les missions concernées (missions « Recherche et enseignement supérieur », « Écologie, développement et mobilités durables », « Économie »...) 21 ( * ) .

Placé sous l' autorité du Premier ministre , la mission est composée de trois programmes dont le Commissariat général à l'investissement est responsable :

- programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche », avec 2,9 milliards d'euros ;

- programme 422 « Valorisation de la recherche », avec 3 milliards d'euros ;

- programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », avec 4,1 milliards d'euros.

A. LE PROGRAMME 421 « SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT ET DE LA RECHERCHE »

Le programme 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » tend à soutenir l'investissement dans l'enseignement , principalement dans l'enseignement supérieur mais également à l'école, et la recherche.

Les crédits qui leur sont consacrés, à hauteur de 2,9 milliards d'euros , se répartissent en sept actions .

1. 2,9 milliards d'euros répartis en sept actions

Répartition des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

Deux opérateurs seront chargés de la mise en oeuvre de ces actions, à savoir la Caisse des dépôts et consignations (CDC), à hauteur de 900 millions d'euros, et l'Agence nationale de la recherche (ANR), pour 2 milliards d'euros.

Les financements se répartissent en 650 millions d'euros de subventions, 1,85 milliard d'euros de dotations décennales et des prises de participation à hauteur de 400 millions d'euros.

Répartition des crédits du programme par action,
par opérateur et par type de financement

(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

Opérateur

crédits de l'action

dont subventions

dont dotations décennales

dont prises de participation

Action 01 - Nouveaux cursus à l'université

Agence nationale de la recherche

250

250

Action 02 - Programmes prioritaires de recherche

Agence nationale de la recherche

400

50

350

Action 03 - Équipements structurants de recherche

Agence nationale de la recherche

350

200

150

Action 04 - Soutien des grandes universités de recherche

Agence nationale de la recherche

700

700

Action 05 - Constitution d'écoles universitaires de recherche

Agence nationale de la recherche

300

300

Action 06 - Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques

Caisse des dépôts et consignations

400

400

Action 07 - Territoires d'innovation pédagogique

Caisse des dépôts et consignations

500

400

100

Total du programme

2 900

650

1 850

400

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

Sur le fond, les projets couverts par ce programme sont très variés . D'après la présentation du 3 e programme d'investissements d'avenir, élaborée en juin 2016 par le Commissariat général à l'investissement, ce programme vise quatre objectifs :

- développer l' innovation pédagogique (actions 01 et 07) ;

- amplifier les programmes de recherche (actions 02 et 03) ;

- intégrer recherche et enseignement supérieur (actions 04 et 05) ;

- ouvrir de nouveaux modes de gestion aux universités (action 07).

a) Développer l'innovation pédagogique (actions 01 et 07)

L' action 01 « Nouveaux cursus universitaires », vise ainsi à développer l'innovation pédagogique, en vue ensuite, le cas échéant, de généraliser les expérimentations menées.

Ainsi en est-il notamment dans le cadre de la formation initiale de niveau licence , où seraient testées de nouvelles organisations des parcours offerts aux étudiants. Il s'agit ainsi de faire face au nombre croissant d'étudiants inscrits chaque année dans les universités, avec 1,59 million d'étudiants à la rentrée 2015 et une hausse de 2,8 % des effectifs par rapport à 2014, hors doubles inscriptions pour les étudiants en classe préparatoire aux grandes écoles. Surtout, l'objectif est de développer des solutions permettant de réduire le taux d'échec alors que seuls 27,2 % des étudiants parviennent à obtenir leur licence en 3 ans (chiffre 2014, la prévision s'établissant à 27,5 % pour 2016 et 2017).

Elle viserait également à développer les parcours de formation professionnelle (formation continue « tout au long de la vie ») et les modalités de formations innovantes , à l'image des « massive open online courses » (MOOC) dont le déploiement a notamment été permis dans le cadre du PIA 2.

Complétant le plan numérique à l'école, l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » a pour spécificité de cibler l'enseignement scolaire et de s'inscrire dans le prolongement de l'appel à projets e-FRAN (« Espaces de formation, de recherche et d'animation numérique ») prévu dans le cadre du PIA 2 (action « Innovation numérique pour l'excellence éducative »). Il s'agirait ainsi de soutenir des initiatives de terrains, issues généralement du corps enseignant ou d'encadrement des établissements scolaires, en prévoyant de les déployer sur un territoire donné.

Le champ d'intervention pourrait couvrir à la fois « l'orientation, la lutte contre le décrochage scolaire, l'apprentissage des fondamentaux, des langues ou des sciences, l'interdisciplinarité, les relations école-entreprises et formation-emploi, l'organisation innovante dans les territoires ruraux à tous les niveaux du parcours éducatif ».

Le projet annuel de performances précise que l'action pourrait également aider au développement d'applications ludo-éducatives.

b) Amplifier des programmes de recherche (actions 02 et 03)

L'action 02 « Programmes prioritaires de recherche » tend à assurer un soutien financier prolongé aux programmes de recherche ayant un potentiel exceptionnel , dans la ligne des actions des PIA 1 et 2 et des laboratoires d'excellence (Labex), notamment dans les secteurs de la santé, du numérique et du développement durable. Selon le projet annuel de performances, ces programmes seront « définis au niveau interministériel et après concertation avec la communauté scientifique ».

Par l' action 03 « Équipements structurants de recherche », le programme d'investissements d'avenir poursuit son objectif de soutien à l'investissement dans la recherche, par le financement d'équipements indispensables. Le projet annuel de performances cite notamment, à titre d'exemple, le stockage et le traitement des données de masse ou encore l'acquisition d'équipements de pointe et structurants pour mener à bien la recherche dans le domaine de la transition numérique. Il pourrait ainsi s'agir d'un supercalculateur partagé par la communauté scientifique pour diverses applications (simulation numérique, big data ...) ou encore d'un synchrotron pour les laboratoires de chimie et de physique.

Le projet annuel de performances précise également que ces équipements devront répondre à une double condition : servir la recherche publique (et si possible privée) et développer un modèle de gestion novateur, c'est-à-dire permettre leur exploitation commerciale.

c) Intégrer recherche et enseignement supérieur (actions 04 et 05)

L'action 04 « Soutien des grandes universités de recherche » s'inscrit dans le prolongement des Initiatives d'excellence (Idex) et des Initiatives « science-innovation-territoires-économie » (I-site) des PIA 1 et PIA 2. Elle serait ainsi destinée à renforcer l'intégration de ces regroupements par l'émergence d'« universités de recherche » de rang mondial . Selon le projet annuel de performances, « la démarche intégrative doit viser notamment la simplification institutionnelle, et porter sur la gouvernance, la politique de recherche et de formation, les ressources humaines et l'emploi scientifique [...], l'action internationale et l'intensification des relations avec le monde économique . » Il s'agirait ainsi d' encourager l'affirmation des identités collectives , avec des projets tels que le développement de chaires d'attractivité, des bourses de mobilité répondant à une stratégie ciblée, ou encore de partenariats internationaux.

Poursuivant cette même idée d'intégration et d'union des structures, l'action 05 doit permettre la « constitution d'écoles universitaires de recherche ». Selon les informations recueillies auprès du Commissariat général à l'investissement, elle permettrait ainsi de pousser les synergies entre les différentes structures déjà existantes et très largement financées par les précédents PIA, à savoir les Idex, les I-site, les équipements d'excellence (Equipex)... Selon le projet annuel de performances, cette action permettrait d'offrir « à chaque site universitaire la possibilité de renforcer l'impact et l'attractivité internationale de sa recherche dans un domaine scientifique ».

Ces écoles universitaires de recherche, à vocation internationale et créées à l'image des « graduate schools » à l'étranger, rassembleraient ainsi la formation et la recherche dans un même domaine, en regroupant les masters et les doctorats ainsi que des laboratoires de recherche.

Il convient de souligner que ce nouveau label permettrait également de « simplifier le paysage français de l'enseignement supérieur et de la recherche » puisqu'il aurait l'ambition de se substituer à tous ceux qu'il regrouperait.

d) Ouvrir de nouveaux modes de gestion aux universités (actions 06)

L' action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques » est la seule action du programme reposant sur des financements ayant la nature de prises de participation.

Son objectif est de soutenir des expérimentations dans le domaine de la valorisation des actifs des établissements publics de l'enseignement supérieur, afin à la fois de moderniser les campus et de favoriser les échanges avec les entreprises composant le tissu économique.

Selon les exemples présentés par le Commissariat général à l'investissement, l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) pourrait ainsi développer la commercialisation de l'accès à sa soufflerie de Modane, unique au monde, alors qu'actuellement elle est mise à disposition quasi gratuitement aux entreprises qui en ont besoin. Il pourrait en être de même avec les bateaux de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer). La valorisation commerciale pourrait aussi concerner l'organisation de formations. À ce titre, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche compte beaucoup sur le développement de la formation continue pour les universités.

Le PIA 3 ne comprend pas d'action destinée à soutenir des opérations immobilières, comme ce fut le cas dans le cadre du plan Campus et du plateau de Saclay. En revanche, la présente action pourrait permettre aux universités, par ces sociétés, de valoriser leur patrimoine immobilier.

Le PIA investirait ainsi dans ces sociétés universitaires et scientifiques, par des prises de participation, en tant qu'investisseur avisé.

2. Des projets globalement prometteurs mais pour des résultats incertains

Il semble que les actions du présent programme tendent effectivement à soutenir des projets d'investissement qui devraient permettre de favoriser le développement de « l'économie de la connaissance », tant s'agissant de l'enseignement que de la recherche.

En particulier, l'action 01 « Nouveaux cursus universitaires » semble particulièrement utile en ce qu'elle offrirait la possibilité d'expérimenter des formations innovantes au sein des universités, tant au niveau de la formation initiale que continue, surtout si elles sont conçues dans l'optique d'être ensuite généralisées.

Le rapport précité du comité d'examen à mi-parcours des investissements d'avenir, présidé par Philippe Maystadt, avait déjà souligné le fait que ce programme constituait une « méthode originale de modernisation qui, pour autant qu'elle soit pilotée, pourrait donner des résultats dans d'autres domaines (éducation, santé) où la réforme par voie législative ou réglementaire se heurte à de fortes résistances et où la réforme par incitant pourrait faire bouger les lignes . »

La démarche intégrative de l'action 04 « Soutien des grandes universités de recherche » devrait s'inscrire pleinement dans les objectifs et les critères d'évaluation élaborés pour les précédents PIA , notamment pour les Idex et les I-site. Au regard des résultats de l'évaluation réalisée en juin dernier pour les 8 Idex relevant du PIA 1, il apparaît que nombre de ces structures n'ont pas suffisamment progressé sur cette intégration, en particulier en termes de gouvernance. L'exemple le plus frappant reste à l'heure actuelle l'Idex de Paris Saclay dont la période probatoire a été prolongée pour 18 mois avant de décider de sa confirmation et donc de la pérennisation de son financement.

En proposant des expérimentations destinées à la valorisation commerciale des actifs appartenant aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche, l'action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques » semble également particulièrement utile , notamment pour diversifier les ressources propres des universités .

Les actions 02 « Programmes prioritaires de recherche » et 03 « Équipements structurants de recherche » participent, quant à elles, directement au soutien apporté par le PIA à la recherche fondamentale universitaire , depuis le lancement du « Grand emprunt » en 2010. Une attention particulière devra toutefois être apportée à ces financements du PIA qui doivent en principe s'additionner à ceux issus des crédits budgétaires de l'État mais qui parfois s'y substituent , limitant ainsi leurs effets sur la dynamique de la recherche 22 ( * ) .

De même, il conviendra de veiller que, dans le cadre de l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique », le PIA ne serve pas à couvrir démesurément des dépenses qui devraient davantage l'être par des crédits budgétaires , à l'instar de ce qui fut pratiqué dans les précédents PIA, par exemple avec la fourniture d'un équipement numérique mobile à tous les collégiens d'ici 2018. Or, l'acquisition d'équipements individuels et collectifs dans le cadre de cette action a été confirmée à votre rapporteur spécial 23 ( * ) .

En outre, comme Gérard Longuet, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire » l'a déjà souligné dans ses rapports budgétaires, il est permis de s'interroger sur la nécessité de soutenir, une nouvelle fois, le développement du numérique à l'école, les études menées à ce sujet, en particulier par l'OCDE, ne permettant pas d'en déduire un meilleur apprentissage.


* 21 Cf. la seconde partie du présent rapport.

* 22 Cf. le 2 du A du I de la présente partie.

* 23 Cf. le A du II de la seconde partie du présent rapport.

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